• CHAPITRE SIX •
Le Ritz-Carlton de Los Angeles est l'un des plus beaux hôtels dans lesquels j'ai eu la chance de séjourner. Ma famille et moi voyagions beaucoup avant le décès de ma mère. Je ne me souviens pas de tous les moindres détails mais Los Angeles était l'une de nos destinations favorites. Mon père a même acheté une résidence secondaire là-bas. J'ai toujours gardé la clef de cette maison sur mon trousseau, bien que je n'y sois pas retournée depuis des années.
Ma chambre, elle, a une vue imprenable sur la ville. De grands murs blancs l'entourent et deux miroirs se font face de chaque côté de la fenêtre. Ce sentiment de sérénité m'apaise instantanément. Je remarque alors un paquet posé sur le lit portant l'intitulé Maison Jones tandis qu'un petit carton jonche le dessus de la boîte.
« Rendez-vous à vingt heures à l'entrée.
- S »
À l'intérieur de celle-ci se trouve une élégante robe en soie blanche issue de la dernière collection. Je n'ose imaginer le prix de cette dernière et préfère profiter de l'avantage que m'offre parfois d'être celle que je suis. Je jette un rapide coup d'œil à l'horloge et comprends qu'il ne me reste qu'une dizaine de minutes pour me préparer.
Mes cheveux bruns sont en batailles et ma peau ruisselle sous l'effet de l'humidité étouffante que j'ai eu plaisir de retrouver dès mon arrivée. Je les attache donc en une rapide queue de cheval tout en leur donnant un léger volume et opte pour un rouge à lèvre rouge assez intense. J'arrange mon mascara en moins de temps qu'il n'en faudrait et enfile mes escarpins noirs. Je me surprends à surveiller que tout soit en place et cela m'étonne moi-même. J'ai certes toujours fait attention à mon apparence mais de là à essayer de me rendre plus que présentable pour un simple dîner d'affaire...
En arrivant sur le lieu de rendez-vous, je constate que Sam ne s'est pas changé. Je le détaille de la tête aux pieds et celui-ci ne manque pas de me le faire remarquer :
- Un problème ?
Je hoche la tête de droite à gauche tout en me pinçant nerveusement les lèvres. Je ne peux cependant pas me retenir. Les mots deviennent parfois plus fort que moi. J'assure pourtant y mettre tout la volonté du monde ! Mais rien n'y fait, je ne peux m'en empêcher.
- Oh non. Je me demandais simplement pourquoi je devais me préparer si...
- Si quoi ?, m'interrompt-il en souriant.
Ses dents sont si blanches que je me demande comment peut-on être aussi peu, physiquement, impacté par la vie. Bon, si j'y mettais du mien je trouverais probablement quelques défauts par ci par là...
- Personne ne vous a demandé de vous préparer, termine-t-il comme pour m'achever sur le ring.
Le boss, un. La stagiaire, zéro. J'entendrais presque la petite clochette sonner la fin du combat.
En arrivant au restaurant, un homme élégamment vêtu nous accompagne jusqu'à une table jonchée d'un chandelier en argent. Je m'empêche de négligemment me moquer avant de me retrouver totalement au sol et cette fois-ci, sans aucun issue possible.
- Si je vous ai convié ce soir, c'est avant tout pour vous parler de votre rôle au sein de la Maison, commence-t-il tout en joignant ses mains, les coudes posés sur la table.
Je le regarde attentivement, penchant la tête sur le côté comme si un point d'interrogation avait fait son nid au sommet de mon crâne. Je me pose peut-être trop de questions mais un telle situation ne serait probablement pas arrivée à une stagiaire autre que moi. Je le laisse néanmoins poursuivre avant de commettre le moindre dégât.
- Tout le monde sait qui vous êtes, Chloé... Mais essayez de ne pas voir trop grand pour commencer, d'accord ?
Son ton est à la fois acerbe et insolent. J'ai la nette impression de me faire remonter les bretelles comme l'on disputerait une petite fille qui s'est servie dans le placard à bonbons. Je sens l'agacement engourdir mes membres jusqu'à me crisper. Mes poings agrippent le dessous de la chaise mais mon sourire reste impassible. Je dois attendre la fin de son discours avant de tirer des plans sur la comète.
- Matt m'a parlé de votre projet et vous devez savoir que vous n'avez pas vraiment votre mot à dire étant donné l'actuel poste, si je puis dire, que vous occupez. Le fait que vous soyez une Jones ne fait pas de vous le centre de l'univers. Et encore moins la patronne.
Alors là c'est trop. Dans quelle mesure mon nouveau collègue s'est-il permis d'apporter son grain de sel à quelque chose d'aussi personnel et qui ne le regarde en rien ! Je ne peux pas rester sans rien faire même si j'ai le sentiment d'être, en ce moment précis, un poisson hors de l'eau.
- J'ignore ce qu'il a pu vous dire et surtout pourquoi vous vous permettez d'évoquer mon statut familiale mais mon nom n'a rien à faire là-dedans ! Je pense que j'en sais plus que vous sur le comment de gérer une entreprise. J'ai grandi là-dedans que ce soit bien claire, et le fait que je sois stagiaire ici ne veut en aucun cas signifier que je suis une petite arriviste de première qui va nécessairement hériter de ce qu'on lui donnera, prononcé-je à bout de souffle.
Mon visage s'était enflammé au fur et à mesure que les mots sortaient de ma bouche. Je me suis montrée trop spontanée mais si c'est la seule manière de leur faire comprendre que je travaille plus que quiconque pour obtenir ce que certains pourraient avoir de droit, alors je continuerai jusqu'à ce que ces paroles soient ancrées dans les esprits.
Il me fixe à présent intensément. Ses yeux se sont noircis et ses traits se figent de plus en plus au fur et à mesure que les secondes passent. Bien, j'ai enfin toute son attention.
- Et non, je ne m'excuserai pas d'être celle que je suis, que cela vous plaise ou non. Le jour où vous me considérerez comme une personne à part entière, déterminée et ambitieuse, je pourrai vous considérer en retour comme le patron que vous êtes. Tout le monde n'est pas là uniquement pour déblatérer sur la vie privée des voisins de bureau, terminé-je courageusement bien que mes jambes se mettent à trembler.
Un franc sourire apparaît soudainement sur son visage tandis que son regard se baisse sur son assiette vide. Il garde le silence l'espace de quelques instants avant de briser la glace :
- Matt n'a jamais pu s'empêcher de « déblatérer », comme vous dites, lorsqu'il s'agit de bonnes idées. Il le faisait déjà tout petit.
Je marque un temps d'arrêt afin d'assimiler ses paroles, jusqu'à ce que je comprenne réellement ce que cela signifiait.
- Matt est mon petit frère, oui, prononce-t-il comme pour couper court au suspense.
Les éléments commencent alors à se clarifier dans mon esprit. Le sourire familier, la réunion improvisée et surtout le ton avec lequel Sam lui a répondu avant de me dire, ou plutôt de m'ordonner, de faire ma valise. Je commence même à distinguer une ressemblance entre les deux garçons.
- Vous êtes donc mal placé pour me traiter d'arriviste...
Il redresse son visage vers moi et répond :
- Nous ne sommes plus au collège Mademoiselle Jones, je ne traite personne de quoi que ce soit.
Le serveur nous ayant accueilli arrive enfin pour prendre notre commande. Avec toute cette histoire, je demanderais bien un autre patron mais je ne pense pas que cela soit au menu. Je me contenterai donc d'une salade. Tout cette discussion m'a réellement coupé l'appétit.
- En tout cas, vous êtes très belle ce soir.
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