• CHAPITRE QUATORZE •
Ces six derniers jours ont été pour le moins épuisants. Entre les appels manqués, la réservation d'une salle qui normalement demande des mois de délai, les ordres donnés à tout va pour que tout soit parfait, je ne me suis pas posée une seule seconde. Le défilé est censé avoir lieu dans quelques heures et je suis encore coincée au bureau, à devoir ranger une montagne de paperasse en tout genre.
- Tu comptes te présenter dans cette tenue ?, prononce Sam d'un air dédaigneux sans même prendre la peine de décrocher les yeux de son téléphone.
- Et tu comptes me laisser l'espace de trente secondes ?, répliqué-je, piquée au vif.
Il range alors l'objet de tous ses secrets dans la poche de son pantalon de costume tout en levant la tête vers moi, un rictus en coin. Le vert émeraude de ses vêtements paraîtrait ridicule sur n'importe qui mais sur lui, cela ne fait qu'accentuer la couleur de ses yeux. Je me surprends à le détailler plus de temps qu'il n'en faudrait. À croire que tout lui tombe sous la main au moindre semblant de sourire.
- Oh, commence-t-il moqueur. Mademoiselle Jones se rebelle, voyez-vous cela.
Il s'approche de moi tout en ôtant sa veste qu'il pose soigneusement sur le revers de la chaise de mon bureau. Après avoir retroussé les manches de sa chemise blanche, il balaye délicatement les quelques mèches de cheveux collées à mon visage. Je dois avouer ne pas avoir fait d'efforts rocambolesques sur ma coiffure mais de là à prendre l'initiative de me recoiffer...
- Tu n'aimes décidément pas les douches, conclut-il tout en me faisant signe de sortir d'ici. Tu en as assez fait, je vais me charger du reste.
N'ayant pas la force de me battre une énième fois quant à sa façon d'être, je décide simplement de quitter la pièce.
- Une dernière chose Chloé
- Oui ?
- Je te remercie. Tu as fait du bon travail.
Je lui souris poliment avant de quitter le bâtiment. Malgré le fait qu'il m'est difficile de l'admettre, il n'a peut-être pas un si mauvais fond que je le pensais. La rancoeur que je pouvais avoir à son égard vis-à-vis de notre périple à Los Angeles ne m'a pas encore complètement quitté mais je dois bien avouer qu'il sait reconnaître mon engagement. Et cela ne peut qu'être gratifiant. Je me suis toujours donnée à cent pour-cent dans ce que j'entreprends. Personne n'a jamais réellement souligné ce trait, à l'exception peut-être d'Alda et Harvey. Je ne m'en plains pas, j'irais même jusqu'à dire que cela m'importe peu. Cependant, dans ce cas précis, cela compte davantage pour moi que je poursuis un rêve qu'il m'est impossible de ne pas réaliser. Alors je continue de m'y accrocher afin d'honorer la mémoire de ma mère. Je lui dois bien cela, après tout.
En arrivant à l'appartement, je perçois ma meilleure amie affalée dans le canapé, une couverture couvrant la moitié de son visage. Elle a prévenu Harley qu'elle resterait quelques temps ici, le temps de réfléchir. Leur relation semble engagée sur une pente glissante et j'avoue ne pas avoir vraiment eu la tête à jouer les thérapeutes ces derniers temps. Mais pour lui changer les idées, je lui ai réservé une place en coulisse avec moi. Je crains de ne pas facilement parvenir à la faire bouger d'un millimètre ; elle fait partie des meubles depuis une semaine. Entre les paquets de gâteaux en tout genre et les comédies romantiques qu'elle enchaîne à longueur de journée, j'ai l'impression de ne plus la reconnaître.
- Arrête de me regarder avec cet air de chien battu, grogne-t-elle avant de farouchement se retourner.
Trop c'est trop ! Je ne peux pas la laisser dans cet état pitoyable. Elle n'est plus la Alda que je connais et il est hors de question que je la laisse sombrer pour si peu.
Ja m'approche alors d'elle d'un pas déterminé avant de farouchement retirer la couverture recouvrant l'entièreté de son corps affaibli.
- Debout, hurlé-je avant de la tirer vers moi de toutes mes forces. Maintenant tu te prépares, on sort ce soir.
Elle peine à ouvrir un œil, aveuglée par les rayons du soleil transperçant la fenêtre. Je jurerais l'avoir vu m'adresser un rapide doigt d'honneur avant que ses deux pieds n'atteignent le parquet. Non mais je rêve, c'est l'hôpital qui semble se moquer de la charité là. Je lui tourne toutefois rapidement les talons, déterminée à me lancer dans une course effrénée à la recherche de la beauté. Ou d'une longue douche, comme mon patron prend un malin plaisir à me le rappeler sans cesse depuis ce fameux soir. Et il ne risque pas d'être déçu... J'ai eu tort de baisser les bras tout à l'heure.
- Je vais te montrer de quoi je suis capable. On va jouer un peu Sam Miller, murmuré-je tout en claquant frénétiquement la porte de la salle de bain.
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