CHAPITRE III - 19 : Figure Fraternelle
Je vais pas mentir, j'ai comaté toute la journée qui a suivi la fête. Et vu que Ife n'est pas venue voir comment j'allais je suppose qu'elle aussi, ce qui a au moins le mérite de me rassurer un peu.
Mais du coup, j'ai l'impression que mon corps entier est en train de hurler à la mort alors que je me balade dans le bâtiment secondaire. Văn Kim m'a déjà assuré s'être occupé de ce qu'il restait à ranger hier vu qu'il était en forme. J'vous jure, les sportifs et leur énergie.
Au moins l'endroit est presque complètement silencieux aujourd'hui, tout le monde végète un peu plus dans leurs chambres ou le salon du bâtiment principal. Ça ne laisse que mes pas qui résonnent dans les couloirs.
Je repense à ce que disait Monokuma hier, sur le fait que ce bâtiment était neuf. Ça se voit, d'une certaine manière, malgré la poussière qui s'accumule par endroit. Un lieu bien trop grand pour seize personnes, alors maintenant que nous ne sommes plus que onze...
Je rentre dans la salle de musique, le piano a de la poussière sur les touches. Je crois que personne n'a osé y toucher depuis la mort de Génésis, voir depuis l'annonce de ce mobile. Je la regardais jouer parfois, des musiques que je connaissais parfois, des OSTs de jeux que j'aime, des solos de grands compositeurs, de l'improvisation...
Entre les ruches de Mélissa et son piano, c'est à croire que seuls les meurtriers auront le droit d'être retenus par les lieux. Fantôme n'avait rien à lui. Le sac de Sam était dans une chambre sans doute verrouillée à jamais. Les affaires d'Isla sont bien loin d'ici.
On a pu entendre leurs voix après la mort mais je ne peux pas m'empêcher de penser que j'aurai aimé quelque chose de tangible, si je devais mourir. Que quelqu'un puisse prendre mon collier et le donner à ceux qui m'attendaient dehors. Est-ce que je devrais faire comme Ife et faire un portrait par Achroma ?
Je secoue la tête, prenant un des innombrables CDs présents dans la pièce et le lance sur le petit lecteur. C'est bizarre, que dans un monde aussi dépendant du numérique l'Observateur ait trouvé autant de CDs et de disques, sans même parler des films. Même ses fiches sont en format physique, pas sur des tablettes comme d'autres l'ont fait avant.
Je retiens un rire en imaginant Monokuma en hipster. Non, ce genre d'apparence ne lui va pas vraiment.
J'écoute la musique en sortant un carnet, juste de quoi marquer des idées de campagnes pour un futur jeu de rôle. J'aimerai bien en refaire un,avec des joueurs différents, un de ces jours. Je ne suis pas sûre de quoi faire exactement pour le moment, mais je cherche. Je lance des idées, des suppositions.
Je remets une mèche de cheveux derrière mon oreille en soufflant quand elle retombe presque immédiatement. J'aimerai bien les couper bientôt, les pointes sont abîmées et la couleur est bien partie. Le violet me manque, et le blanc qui était dessous tache un peu avec mon style, mais je pourrai toujours demander de l'aide à Eleanor ou Achroma un de ces jours.
J'entends quelqu'un toquer à la porte et Ismaïl rentre avec un petit sourire, l'air plus léger que les derniers jours, même pendant la fête. Ses cheveux longs, ça lui va bien, d'ailleurs, maintenant qu'il n'a plus sa petite queue de cheval.
« Hey, je dérange pas ?
– Pas du tout. » je lui souris un peu et lui fais un peu de place sur le canapé sur lequel je me suis assise. « Tu as besoin de quelque chose ?
– Non, non, j'ai juste entendu de la musique et je suis venu écouter un peu. Qu'est ce que tu faisais ?
– Je lance des idées en vrac pour un jeu de rôle. Rien de bien poussé pour l'instant, mais j'ai quelques idées alors je note et j'extrapole, rien de bien fou.
– C'est déjà plus que ce dont je suis capable en écriture. » il rigole un peu et je lui permets de lire un peu mes notes. « C'était ma hantise à Hope's Peak, les cours de lettres.
– Tu y es depuis longtemps ?
– Je suis arrivé il y a quatre ans. Je te laisse imaginer ma surprise quand je suis passé de l'atelier de ma famille à cette école gigantesque. » il rigole et je ne peux qu'acquiescer, même moi j'avais été surprise à l'époque, et c'était avant de reconnecter avec une amie d'internet par hasard. « J'ai eu du mal à m'y habituer.
– Tu m'étonnes, moi aussi ça m'avait fait bizarre.
– Tu es arrivée quand ?
– En deux-mille dix-huit, un an avant toi donc. J'étais encore au lycée, à l'époque, et je passe à un truc qui a des gens qui ont parfois dix ans de plus que moi dans l'école... C'était une expérience. » il hoche la tête en souriant un peu.
« Au moins on a pu trouver des gens avec qui échanger, là-bas. J'étais dans les plus vieux de ma promo avec Ife, alors on était un peu les « guides » des plus petits.
– Vous étiez déjà amis avec Ife ?
– Eh, je suis pas sûr qu'on puisse appeler ça une amitié, honnêtement. On se disait bonjour dans les couloirs, on se reconnaissait, mais de là à appeler ça des amis... » il hausse les épaules comme si ne rien n'était. « Mes amis c'étaient surtout les plus jeunes du coup, pas les plus vieux.
– Ça fait sens... » maintenant que j'y pense c'est assez drôle comment une bonne partie de mon cercle social à Hope's Peak étaient des gens comme Achroma, de la promotion de deux-mille dix-sept. La plupart des gens se connaissent de leur promo, mais je me suis pas trop mêlée à la mienne. Mais est-ce qu'on peut m'en vouloir d'être intimidée à l'idée de dire bonjour à Madame Kasjadottir, même si iel est dans votre classe ? « Tu as des gens en particulier dont tu étais proches ?
– Et bien... Je ne sais pas si tu connais l'ultime speedrunner ? » je secoue la tête et il rigole un peu. « Je suis pas surpris, je devais souvent le sortir de sa chambre par la force. C'est un bon gars, vraiment, juste un peu agaçant par moments. Il a des opinions bien tranchées, pour un gamin de juste dix-sept ans à l'époque.
– Tu dis ça comme si tu étais un vieillard.
– Arrête je sens déjà mes vieux os craquer. » il rigole et je le rejoins facilement dans son éclat de rire. « A chaque fois qu'on me dit ça j'ai l'impression de prendre deux ans.
– C'est ta faute, c'est toi qui dis ça quand tu es pas si vieux à côté de moi. On dirait un pépé.
– Émile dit pareil, décidément... J'y peux rien si ça fait rire ma sœur.
– Oh ? Tu as une sœur ? » il hoche la tête, un sourire encore plus grand aux lèvres.
« Ouais. Elle a six ans, du coup ça la fait rire quand nos parents et moi on exagère des choses idiotes comme ça. Quand je rentrais à la maison pour les vacances elle adorait me sauter dans les bras.
– Huh, je comprends pourquoi tu traînes autant avec Émile du coup.
– Tu es mal placée pour me dire ça, il t'adore aussi. » il rigole encore et je secoue un peu la tête, un sourire aux lèvres.
J'entends que le CD a fini de tourner, et je me lève pour le changer alors que Ismaïl reste sur le canapé, fredonnant sur le nouvel air qui se lance. Je retourne m'asseoir, et sans trop y penser je reprends ma prise de note, le laissant lire par dessus mon épaule. Je ne savais pas qu'il parlait français, ou peut-être qu'il fait juste semblant pour ne pas me mettre mal à l'aise.
Quoi qu'il en soit, c'est Ife qui vient nous chercher pour manger, bien après.
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