CHAPITRE III - 18 : Une bonne chose de faite
Au final, j'ai fini par me mouiller les pieds aussi.
C'est Achroma qui m'a convaincue de quitter un peu le côté boisson, après que Ismaïl se soit proposé pour me remplacer. Finalement, j'ai juste remonté un peu mes leggings pour tremper mes pieds et chevilles en évitant le plus possible les remous provoqués par ceux encore dans la piscine.
Bon, je sais que mes cheveux sont relativement épargnés mais je ne peux pas en dire autant de mon t-shirt. Le blanc est taché par quelques gouttes d'eau, heureusement pour moi que j'ai mis un débardeur en dessous.
Achroma a fini par se jeter à l'eau aussi, d'ailleurs. Elle s'est rattachée les cheveux, les ayant détachés un peu avant la partie de balle au prisonnier, un élastique prêté par Eleanor pour éviter de les mouiller. Elle m'avait confié qu'elle détestait déjà suffisamment devoir les laver sans en plus rajouter du chlore là dedans.
Je ne peux que la croire, honnêtement, je n'ai jamais trop eu ce problème avec mes cheveux bien raides. Elle discute avec Eleanor, actuellement, cette dernière tenant à peine dans la partie peu profonde de la piscine. Je suis presque sûre qu'elle doit être sur la pointe des pieds, actuellement...
Je sens mes joues chauffer de nouveau en repensant au baiser qu'on a échangé. Tout est arrivé si vite, je n'ai pas eu le temps d'y penser avant à vrai dire. Je n'arrive pas à savoir si c'était une bonne chose, de l'avoir embrassée, ou si je vais amèrement le regretter.
Une petite voix à l'arrière de ma tête me répète ce qui est déjà arrivé tant de fois dans le passé, avec les romances dans des Tueries. Ça ne finit jamais bien. Quelqu'un finit toujours par mourir ou se révéler l'Organisateur. Plus d'une fois même, pour le second cas.
Je n'ai pas envie d'imaginer Eleanor à l'origine de cette situation. Je ne veux pas imaginer la douleur que ça entraînerait.
L'eau fait des remous autour de deux jambes alors que Ringo s'installe à côté de moi, une distance raisonnable entre nous. Même assis il est plus grand que moi, ce qui est exceptionnel. J'ai l'habitude d'être entourée de mes amis plus petits, pas de personnes comme Ringo ou Morgan, voire même Kozma.
« Tu as l'air pensive, et pas dans le bon sens. » Il regarde l'eau bouger contre ses jambes, ses cheveux un peu plus secs maintenant. « Il y a un souci ?
– Je... » je soupire. Il s'est confié à moi il y a juste quelques jours, je peux lui rendre la même, non ? « J'ai peur d'avoir fait une connerie. Et de ne pas le regretter.
– Tu parles de ton baiser avec Eleanor ? » il rigole un peu quand je tourne la tête vers lui, mes joues prenant bien trois teintes de rouge. « J'étais juste à côté, c'est tout. Je ne pense pas que tu ais fais une bêtise, si tu veux mon avis. Je.... Je comprends ta peur, d'une manière. Après tout, c'est déjà arrivé. Je m'inquiète aussi de voir que je me rapproche de certains ici, même si ce n'est pas romantique dans mon cas. N'importe qui pourrait être derrière tout ça. Mais est-ce que l'on doit cesser d'être et d'aimer pour autant ?
– Tu penses que j'ai bien fait ?
– Je n'en pense rien en particulier. Mais tu l'as dis toi-même, tu ne le regrettes pas, et de toute évidence Eleanor non plus. Est-ce que tu ne regretteras pas plus de ne rien tenter ?
– Mais si c'est elle...
– Comme on dit « avec des si on met Paris en bouteille ». Si c'est elle, alors tant pis, sinon tant mieux. Enfin, je dis ça, mais je ne suis pas à ta place.
– ... Si ton copain était derrière une Tuerie, tu l'aimerais quand même ?
– Je pense que je ne pourrais jamais arrêter de l'aimer, Héloïse. » il soupire et serre ses mains. « J'aurai été prêt à tout pour le retrouver. S'il est un Organisateur dans le futur, j'aurai mal, je me sentirai sans doute isolé. Mais je ne pourrais pas m'empêcher de l'aimer. » il remonte ses yeux vers moi, et je suis bloquée un instant dans ses reflets de jaune et de bleu. « Mais au final, ce que j'ai vécu avec lui, la joie qu'il m'apporte, ça vaudra toujours plus que la douleur qui partira avec les années. »
Je ne réponds pas, hochant simplement la tête. Il me sourit, un sourire ni triste si heureux, et je lui rends. Il me tend sa main et je la serre, un accord implicite de ne pas parler à quelqu'un d'autre de cette discussion de ces « et si » que l'on a considéré.
Morgan appelle son nom, et il part remplacer l'autre géante au stand de boissons alors que Émile prend la place à côté de moi en baillant, une serviette autour de ses épaules tremblantes. Il fait vraiment son age, comme ça, juste un gamin de seize ans qui a pu courir et s'amuser comme n'importe quel gamin de son âge.
La serviette est sans doute celle d'Ismaïl vu les couleurs dessus, et ses cheveux roux se perdent presque dedans comme ça. Il éternue un coup avant de la serrer plus fort autour de lui, et je finis par lui frotter un peu le dos.
« Tout va bien ?
– Fatigué. » il baille de nouveau avant d'essuyer ses yeux, parlant en français. « J'ai envie de rentrer et dormir, mais tout le monde est encore là...
– La fête ne devrait pas tarder à s'arrêter, l'horaire de nuit existe toujours après tout.
– Tu connais l'heure ? » je secoue la tête et il soupire avant de se mettre encore plus en boule. « J'ai pas envie d'embêter Ismaïl pour rentrer, il s'amuse encore bien.
– C'est vrai que tu le lâches rarement, même quand on s'est réveillés...
– Boui, je l'aime bien. » il me sourit, et son appareil renvoie un peu la lumière artificielle au-dessus de nous. « Il me fait penser à un frère, je crois. Fin, je pense que c'est ça qu'on ressent pour un frangin.
– Tu es fils unique ? » il hoche la tête et pose la serviette sur ses cheveux.
« J'avais une demi-sœur, avant. Maman m'a dit qu'elle est morte dans son sommeil quand j'avais onze ans. J'ai jamais trop su ce qu'il s'est passé.
– Oh, je... Je suis désolée Émile... » Il hausse les épaules, comme si ce n'était rien.
« Je suis un psy depuis en fait. Mon beau-père avait peur que sa mort me perturbe trop, et maintenant c'est juste rassurant d'avoir quelqu'un qui ne soit pas mes parents ou beau-papa à qui parler.
– C'est lui qui t'as dit de faire plus de jeux d'enfant ?
– Yep ! » il hoche la tête en me souriant. « Il est vraiment gentil, tu sais ? Il m'a montré plein de trucs aussi, comme- »
Notre discussion est coupée par un claquement de mains qui fait taire tout bruit dans la piscine alors que Monokuma annonce qu'il est temps de commencer à ranger. Si Émile camoufle tant bien que mal son soulagement, j'en vois d'autres ne même pas essayer de cacher la déception qui les prend.
Mais avec le rappel du temps limité pour les douches, tout le monde commence à s'activer. Personne n'aime dormir avec du chlore dans les cheveux, hein ?
Au final, en seulement dix minutes nous sommes prêts à partir, et tout le monde se dirige vers les vestiaires en groupes. Je peux voir Émile déjà à moitié endormi dans les bras d'Ismaïl, Văn Kim et Ife sont collés l'un à l'autre, Kozma mène avec des grands pas.
Tout le monde semble avoir passé un bon moment au final, et je vois Văn Kim me faire un grand sourire, comme s'il faisait le même constat que moi. Je lui sourit aussi, un sourire sans doute bien plus fatigué, mais tout aussi large.
Tout le monde arrive peu à peu dans les chambres, allant de son côté ou non. Je me sens hésiter une seconde en regardant Eleanor qui s'apprête à partir dans sa propre chambre.
Puis je l'appelle.
Et je l'embrasse, juste une presse de lèvres.
Je lui dis bonne nuit. Elle me sourit, ses joues au moins aussi rouges que les miennes, me dit bonne nuit aussi.
Et je pars dans ma chambre.
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