CHAPITRE III - 10 : Elle dit, il dit...
Văn Kim s'est occupé de prévenir tout le monde, aujourd'hui, juste une journée après en avoir parlé tous les deux.
Les réactions ont été variées. De la joie, une hésitation, de l'inquiétude même, mais au final, tout le monde a accepté d'aider à la tâche.
Comprenez donc ma peur quand, alors qu'on allait dans la piscine pour commencer à déplacer des tables et des chaises, nous y trouvons Monokuma, en train de lire quelque chose, assis sur les gradins sur les côtés de la piscine. Un simple spectateur attentif, qui pourtant coupe court à toute conversation.
Il nous a sans doute entendu entrer, étant donné qu'il s'est relevé et son œil unique se pose droit sur nous. Il connaît son pouvoir ici. Il sait que sa seule présence suffit pour nous rendre muets.
Personne n'ose bouger le premier, personne n'ose risquer de briser le bonheur fragile des deux dernières semaines. Car s'il est là, il doit bien y avoir une raison très claire.
Il n'attendra plus qu'un meurtre sans mobile se produise.
C'est Kozma qui finit par s'avancer, un grand sourire aux lèvres. Comme souvent, il n'a que faire de ce que le reste de notre groupe peut craindre. Il est celui qui s'enferme dans un lieu sans raison particulière, celui qui sait très bien ce qui a tué quelqu'un mais accuse une personne qu'il sait innocente quand même. Il est celui qui essaie de rire de tout et de rien, surtout des tragédies.
« Ah, enfin ! Alors, Observateur, qu'est ce que tu nous réserve ce Chapitre ?
– Je vous laisserai le constater vous même une fois que vous serez de retour dans vos chambres. Les mobiles s'y trouvent tous, et je vous invite à les écouter seuls. » Les écouter ? Le sentiment de malaise dans mon ventre ne fait que grandir, qu'est ce qu'il peut bien prévoir... ? « Je suis ici pour une autre raison.
– C'est par rapport à la fête qu'on veut organiser ?
– Exactement monsieur Phan. » Monokuma nous fait signe de nous avancer, et c'est avec une hésitation mal dissimulée que nous obéissons. « Je souhaite vous informer que je vous fournirai des tenues pour cet événement, basé sur vos goûts et appréciations.
– Vraiment ? Que ça ?
– Non. » il remonte ses lunettes sur son nez, obscurcissant ses yeux de nouveau. « Je mets à votre disposition tout ce dont vous avez besoin pour cette fête. Demandez-moi simplement et je vous le donnerai dans la quantité que vous souhaitez. »
Nous hochons tous la tête. J'imagine qu'au moins je n'aurai pas à m'inquiéter de devoir me limiter sur les jus de fruits et autres sodas... Sans un mot de plus, l'Observateur nous quitte, ses chaussures en main.
Tout le monde reste silencieux un peu plus longtemps, comme si briser ce dernier signifiait la fin de quelque chose. Nous avons tous envie de voir quel est le mobile, mais personne n'ose y aller, personne n'ose être le premier, celui qui fait tomber la boule de neige sur la pente.
J'avale douloureusement ma salive avant de marcher vers les tables repliées dans un coin de la salle, essayant d'apparaître au moins un peu confiante. Je déplie la première, sentant la dizaine d'yeux brûler mon dos à travers mon sweatshirt, mais je continue. Tant pis si mes mains tremblent comme des folles.
D'autres pas résonnent, et Văn Kim m'aide à ouvrir correctement une seconde table capricieuse, me souriant d'une manière que j'ai du mal à décrire. Un sourire qui ne va pas jusqu'à ses yeux bleus, qui étire d'une manière presque enfantine ses tâches de rousseurs.
Nous posons la table à côté de la première, et au fur et à mesure, les autres arrivent aussi, mettant en forme de U les autres tables. Des chaises sont également dépliées, lentement.
« Quelqu'un a du papier ? » Je regarde mes poches pour un stylo en demandant. « J'aimerai qu'on pose un petit peu qui organise quoi pour quand, que Văn Kim et moi on ne se retrouve pas sans la moindre aide.
– J'en ai là Hélo, tient. » Je remercie Eleanor et déplie le papier rempli de quelques dessins de maquillage qu'elle n'a pas encore eu l'occasion de tester.
« Merci. Pour commencer, Văn Kim, ça te va si on alterne tous les deux qui s'occupe de la cuisine et prépare les décos et qui s'occupe de poser tout ça?
– Ça me semble bien ouais. » Il s'approche de moi, se posant à ma droite. « On est le premier Juin, je propose qu'on fasse ça dans cinq jours, le six ? Comme ça, pas besoin de se stresser pour rien.
– Je peux faire une proposition ?
– Bien sûr Ringo, dis nous ?
– Je propose que les trois premiers jours, la majorité des personnes se concentrent sur préparer les décorations et le repas. De plus, Monokuma a bien dit que nous pouvions tout lui demander, peut-être est-ce judicieux de demander de quoi stocker quelque chose comme les boissons au frais directement ici, plutôt que dans la cuisine et de devoir envoyer quelqu'un quand nous avons fini ce qui sera ici.
– Oooh, bonne idée ouais ! Héloïse, marque ! » Je roule un peu des yeux, déjà fait Văn Kim ! « Ensuite hmmm... Dis, Eleanor ?
– Je sais ce que tu vas me demander. Si vous voulez tester des maquillages, venez vers moi, c'est mon truc ça ! C'est une fête ou bien ?
– Je peux me concentrer sur la nourriture, si vous le souhaitez. Si Eleanor peut se servir de son Ultime ainsi, autant que je fasse de même, n'est-ce pas ?
– De même, je suis certes spécialisée en portraits mais je me débrouille dans plus de domaines artistiques que cela, je serai plus utile aux décorations. Que se soit les créer ou les installer. »
Je note le mieux possible les informations que me donnent Eleanor, Abel et Achroma, mon poignet évitant soigneusement les petits dessins. Petit à petit, tout le monde donne ses préférences ou leur absence de, et je me retrouve avec une belle petite liste de choses à faire, à installer, à prévoir.
Văn Kim m'aide à trouver un rôle pour ceux qui restent après ça, nous séparant en petits groupes qui devraient être un minimum efficaces. Trois groupes de trois, un groupe de deux, chaque jour, les membres de tous les groupes alternant.
Maintenant que l'organisation est effectuée, l'angoisse des mots de l'Ultime Observateur reviennent.
Les mobiles.
Personne ne veut être celui qui en parlera le premier, celui qui se peindra une cible dans le dos. Enfin, j'imagine que « personne » n'inclut pas Kozma qui tourne les talons en sifflotant un air trop léger pour ce qu'il va chercher.
Il disparaît dans le vestiaire destiné aux personnes non-binaires avant que d'autres ne le suivent, moi comprise. La marche retour est bien plus stressante que l'aller joyeux et léger.
Nous remontons du couloir entre les bâtiments toujours sans un mot et tout le monde part s'isoler.
Sur mon bureau je vois deux choses.
Un magnétophone et une fiche retournée, des mots écrits à son dos.
« Pour vous féliciter de votre initiative. Considérez ces informations comme absolument factuelles et sans modifications. Cette fiche a été choisie au hasard par mes soins.
Monokuma. »
Je retourne la fiche avec inquiétude, et c'est un visage familier qui m'y fait face. Les mêmes yeux doux, la même coupe de cheveux que quand je l'ai rencontrée il y a deux mois de cela. L'uniforme de Hope's Peak sur ses épaules, dans la photo. Son nom correspond.
« La fiche médicale des participants ». L'écriture est la même que celle de la note, est-ce les fameuses notes que l'Ultime Observateur a fait sur tous les Ultimes entrant à Hope's Peak ? Celles qui avaient été mentionnées par Thibault Laangbröek lors du procès final, en deux-mille dix-neuf ?
Mais alors pourquoi me donner la fiche d'une morte ? Pourquoi me donner le visage de Mélissa, souriant d'un air léger, loin de se douter de ce qui lui arrivera dans quelques semaines à peine.
Est-ce que Văn Kim aussi, en a reçu une ? Je pourrai lui demander, mais si ce n'est pas le cas, qu'est ce que ça veut dire ?
Je lis les lignes, sautant les traces noires censurant les choses que Monokuma ne semble pas me dire. Je lis les lettres rouges sur le cadre de la fiche. « Variante, à surveiller ».
Je repose la fiche sur la table, avant de la cacher dans un tiroir de mon bureau. Je me vois mal expliquer ça à quelqu'un sans paraître affreusement suspecte.
Je prends le magnétophone et l'active. La voix d'Eleanor résonne dans ma chambre, un ton de voix gêné venant du petit appareil.
« J'aimerai bien qu'elle me laisse un peu de côté parfois. » Mes mains se gèlent sur place. De qui parle-t-elle... ? « Elle est sympa et tout ça, bien sûr, mais... Je sais pas. J'ai peur je suppose. »
La voix se tait avec un petit « clic » de la machine.
C'est ça, le mobile ? La peur intime de savoir de qui parle la personne dans son extrait ?
Ou bien la peur que l'on parle de nous comme ça ?
Je repose le magnétophone sur le bureau.
Mes mains tremblent.
J'inspire profondément.
Un dé roule.
Neuf.
J'expire.
Je n'ai pas le temps pour m'inquiéter de ça maintenant. Je... Je lui en parlerai après la fête.
Six jours.
C'est assez pour me convaincre que tout va bien, pas vrai ?
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