CHAPITRE II - 15 : Not in this life

On va pas se mentir, passer dix jours sans faire ce qu'on aime faire et devoir regarder les autres le faire, ça allait jamais être facile peu importe la situation. Mais alors quand on a dans notre groupe des gens comme Kozma qui s'amusent à nous faire encore plus souffrir... On craque plus vite.

Je l'ai déjà vu lancer des piques à tout le monde. Demander à Héloïse s'il peut emprunter ses dés, rendre son maquillage plus compliqué pour ressembler à celui d'Eleanor, Génésis a même avoué le soupçonner d'avoir crocheté la porte de la salle de musique et jouer du piano quand elle passe pas loin. On dirait que cette situation l'amuse...

On fait de notre mieux pour l'ignorer et faire avec. J'ai vu des gens essayer de faire les Talents des autres. Ismaïl essayant d'apprendre à imiter les gens avec Émile malgré sa fatigue plus qu'évidente. Isla essaie de lire sur l'archéologie et pose des questions à Ife.

On a même eu une transgression des règles.

Le mobile a forcé Abel a ne manger qu'une seule et unique chose: des lentilles. Ce qui en soit n'est pas mauvais, mais ça dégoûte très vite de ne manger que ça pendant dix jours d'affilée, deux fois par jour. Alors, un jour, Héloïse lui a offert son assiette.

Résultat ? Elle n'a plus le droit à son jour d'appel non plus jusqu'à nouvel ordre. Et même si elle n'a pas l'air de regretter d'avoir offert à Abel quelque chose, elle reste visiblement plus sombre que d'ordinaire.

Moi ? J'essaie de me distraire comme je peux. J'écris un peu, surtout sur les autres. Des théories, des observations, ce n'est pas simple parfois, mais ça peut être intéressant. J'essaie de ne pas aller trop loin, je note surtout des anecdotes que je vois, ou mes suspicions suite aux fiches que j'ai pu lire. J'ai essayé d'en trouver d'autres, mais rien pour le moment.

Quand je n'écris pas, je passe du temps avec les gens. Rester tout le temps seule et isolée ne m'apportera rien de bon, si ce n'est un sentiment de désespoir et de tristesse. J'en sais quelque chose, ça m'arrivait quand je faisais des expéditions, avant.

Fort heureusement, on dirait qu'Observateur ne considère pas parler de son Ultime comme le pratiquer. J'en ai plus appris sur l'histoire du cinéma d'horreur ces dix derniers jours que les dix-neuf années les précédant. Quand Eléanor est lancée sur un sujet, c'est dur de la faire taire, mais je suppose que je ne suis pas si différente là dessus.

Et puis, c'est toujours agréable d'entendre son propre travail être mentionné comme inspiration par quelqu'un comme elle. Elle parle surtout de mon travail sur des créatures mythologiques où j'ai collaboré avec des experts à ce sujet, ou même en m'inspirant des travaux de l'Ultime Mythologue. C'est fou, comment un métier peut en aider cent autres.

En plus d'Eleanor, j'essaie de passer du temps avec les gens que je fréquente peu. Ringo m'a appris quelques petits trucs en coutures, Abel m'a aidée avec un des plats que je préparais, Achroma m'a parlé de technique de peinture...

Et maintenant, dix jours plus tard, je me suis décidée à changer de cheveux une nouvelle fois. Je n'ai pas de quoi les colorer mais vu le temps que ça me prend je n'aurais pas le temps de finir avant la coupure d'eau du soir. Alors à la place, je fais des tresses, ce qui me prendra tout autant de temps seule, mais au moins je n'ai pas besoin d'eau.

Ça fait bien deux heures que j'y suis quand on toque à ma porte, qui s'ouvre sur Morgan quand j'autorise à rentrer. Iel s'installe à côté de moi sur le lit, et nous parlons de tout et de rien. C'est devenu de plus en plus comment, pour nous deux, de juste aller dans la chambre de l'autre et discuter sans but réel.

Elle ne pouvait déjà pas jouer au hockey, alors ce mobile ne l'a pas réellement touchée, mais même elle commence à s'ennuyer. Rien ne se passe, et l'attente ne fait que monter. Tout le monde sait que quelqu'un va craquer.

Au final, elle et moi on passe même plus de temps en silence qu'à discuter. Génésis est avec nous aussi, parfois, évidemment, mais elle préfère rester de son côté, d'après ses propres mots.

Pendant que je tresse mes cheveux, on parle de nos familles. Iel me parle de son équipe de hockey, de comment elle est venue à en jouer de ce sport en particulier. Je lui parle de quelques-unes de mes recherches, de mes amis d'avant et à Hope's Peak.

« Tu as besoin d'aide ? Ça doit bien faire trois heures que t'es dessus.

– Huh ? Oh, mes cheveux ? Ça dépend, tu sais faire des tresses comme les miennes ?

– ...

– Tu veux que je t'apprennes ? » je souris un peu, et un rire m'échappe quand iel hoche rapidement la tête. « Alors attends. »

Je m'assois sur le sol, face à Morgan qui est toujours sur le lit. Je fais une tresse sous ses yeux, lentement afin de lui montrer comment je me débrouille. Puis, doucement, je prends ses mains et l'invite à faire une première tresse.

« Pourquoi tu as décidé de faire ça, au fait ?

– J'avais envie. Je m'ennuyais, et ça fait quelques jours que j'en avais marre de mon afro, alors autant en profiter, pas vrai ?

– Ça fait sens, je suppose, ouais. Comment tu as appris à le faire seule, ça a pas l'air simple, pourtant.

– Ma mère. Elle tirait trop fort mes cheveux, alors je lui avais demandé de m'apprendre comment faire. C'est tout bête, pas vrai ? Et après ça, j'ai regardé des coupes différentes sur internet. Mais bon, ici y a pas vraiment de quoi faire des trucs hyper compliqués alors je préfère des trucs plus simples comme ça.

– Je vois, je vois. Tu parles toujours de ta famille avec beaucoup d'admiration. Elles te manquent ?

– Énormément. J'ai eu ma sœur au téléphone, tu sais, et... Je crois que j'ai pleuré une bonne heure après ça.

– Je vois oui... Je suis sûr que tu la retrouveras très vite, ne t'en fais pas. Et vous pourrez passer tout le temps que vous voulez.

– Merci Morgan. »

C'est bête, je me sens comme une collégienne, avec luel. Mes joues chauffent à la moindre occasion, et j'ai l'impression que ça rend ce moment plus intime qu'il ne devrait être.

Je sens les mains de Morgan prendre une autre mèche de cheveux pour faire une nouvelle tresse. Iel fait attention, presque comme si iel était inquiet.e de me faire mal. C'est mignon, mais du coup ça prend un peu de temps. Je fais une autre mèche en même temps.

Le temps passe, et je sens mon dos se poser de plus en plus contre les jambes de Morgan. Mes yeux finissent par se fermer, et je laisse Morgan faire. Le silence est rassurant.

Je sens ses mains se poser sur mes joues et relever mon visage. Mes yeux s'ouvrent, et mes joues se remettent à chauffer. Les siennes sont rouges. Iel me demande si iel peut faire quelque chose. Je hoche la tête. Sa tête se penche vers la mienne, et je retiens mon souffle.

Le son de quelqu'un qui toque à ma porte lae fait se redresser rapidement. Mon cœur va à mille à l'heure, et j'essaie de ne pas m'énerver contre Génésis, qui de toute évidence à compris ce qu'il se passait avant de rentrer.

Elle quitte la pièce après nous avoir expliqué qu'on allait manger, mais Morgan et moi savons tout.e.s les deux que le moment est passé. Iel me sourit, ses joues toujours aussi rouges.

« Une autre fois ?

– Ouais. » sa voix comme la mienne sonnent comme si nous étions à bout de souffle. « Ouais, une autre fois. Avec plaisir. »

Je rigole un peu, et iel m'aide à me relever. Iel ne lâche pas ma main, cependant.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top