9. Décision
Reprenant son souffle, Médéric tenta de nettoyer son haut. Sans succès. Il se résigna alors à simplement fermer sa veste après avoir ajusté ses vêtements. Lorsqu'il se leva enfin Yadiel le fixait, appuyé contre un mur. Son visage et sa posture fermés n'annonçaient rien qui vaille. Médéric vacilla alors sur ses jambes. Il aurait voulu exprimer ce qu'il ressentait afin d'éviter un nouveau quiproquo. Le gros problème, c'était qu'il ne savait pas trop comment définir ses sentiments envers cet homme.
De l'affection ? Du simple désir ? Une obsession ?
Ce silence devenait aussi pesant que le regard qui l'écrasait. Ne sachant plus où se mettre, Médéric balbutia :
— Yadiel, écoute, je...
Il sursauta aux deux coups frappés sur la porte close.
— Phœnix ! Tu débordes, hurla la personne debout derrière. Tout va bien ?
— Ouais. C'est terminé, l'informa le danseur.
La porte s'ouvrit alors, laissant apparaître un des vigiles. Il lança un regard protecteur vers l'employé afin de s'assurer qu'il n'avait subit aucun abus et tourna ensuite la tête vers Médéric. Ce dernier se mordit la lèvre face aux yeux le sommant de quitter la pièce. Il souhaitait vraiment parler à Yadiel, mais ne voulait pas de grabuge. Peut-être valait-il mieux qu'il réfléchisse à ce dialogue à tête reposée. Après tout, même s'ils ne se tombaient pas dessus au cours des prochaines semaines, Médéric savait où le trouver. Il s'exécuta donc docilement.
— Eh...
Contre toute attente, Yadiel interpella les deux hommes peu après qu'ils aient franchis la porte. Ce fut sur Médéric que se posa son regard grave.
— Remets plus jamais les pieds ici.
Son ton était sans appel. Le soupçon d'espoir animant Médéric se noya au fond de son cœur. Il fronça les sourcils et s'apprêtait à se défendre quand Yadiel adressa un mouvement de tête à l'agent de sécurité.
— Allez, dehors, conclu ce dernier.
— Mais, non ! Attendez. Je n'ai pas...
— Je veux pas le savoir. Barre-toi, avant que je m'énerve.
Médéric se fit empoigner sans ménagement puis escorter vers la sortie. Le gorille qui le traînait le poussa à l'extérieur et croisa les bras contre son torse imposant. Un simple geste de la tête indiqua qu'il n'était plus le bienvenu. Et pour cause, le dénommé Phœnix n'était pas réputé pour crier au loup. Le vigile estimait donc qu'il dégageait celui-là pour une bonne raison.
De son côté, Yadiel quitta l'espace privé en trombe. Engouffré dans les couloirs, il bouscula tous ceux ayant le malheur de se trouver sur son chemin jusqu'à l'issue de secours. Sa hargne explosa lorsqu'il ouvrit violemment la porte. Son cri de frustration mourut dans le calme de la nuit, mais son agitation persista. Le vent frais frappant son buste dénudé ne l'aidera nullement à se calmer. Ses émotions le tiraillaient.
Colère... Amertume... Excitation... Laquelle se débattrait le plus fort ?
La main qui se glissa dans son jean déboutonné tenait la réponse. L'esprit accablé, Yadiel purgea machinalement l'érection comprimée par son string en latex. Il pensait à s'en occuper là, au milieu de l'arrière-cour et en dépit de tout bon sens, lorsque son boss débarqua à sa suite.
— Bordel ! Mais qu'est-ce qui s'est passé avec ce connard ?
Fulminant intérieurement, Yadiel déplaça sa main contre son crâne en ébullition. Quelques paillettes retombèrent sur son visage. Il lâcha un juron et prit une grande inspiration avant d'enfin daigner se retourner vers André.
Bras croisés sur son torse nu scintillant, le gérant le toisait dans l'attente d'une réponse. Quelques unes de ses dreadlocks, savamment coiffées pour l'occasion, se balançaient sur ses épaulettes plumées au gré des claquements de son talon sur le sol cimenté.
— Je crois que c'était un flic, déclara alors Yadiel. Et je crois aussi que t'as pas envie qu'il continue à fourrer son nez dans tes petites affaires.
Le faciès sévère d'André se détendit.
— Merde... J'ai cru que c'était un de nos habitués. J'espère que t'as rien fait ou dit de compromettant. Hein ?
Yadiel le toisa à son tour.
— OK. Je sais bien que c'est pas ton genre, mais je devais quand même demander.
— Y'a pas de malaise.
— Mh, tu peux être sûr qu'il remettra plus les pieds ici. Heureusement qu'il t'a choisi toi et pas un des nouveaux... Au fait, je suis soulagé que t'aies joué le jeu de la mi-carême sans trop me faire chier. Je t'ai dit que je te trouvais super chou avec tes jolies tresses pailletées ?
— Non et je suppose que c'est parce que tu tiens à ta mâchoire.
La boutade tira un rire excentrique à l'intéressé, qui plongea ses mains dans les poches de son pantalon en tissu madras. Ses yeux bruns reflétèrent soudain un éclat de regret.
— Tu vas quand même me manquer, dommage que tu tiennes vraiment à changer de vie. J'aurais aimé que la relève soit aussi explosive que toi.
— Quoi, tu veux monter un show de marginaux ? railla Yadiel.
— Qui sait. Ça cartonnerait peut-être ! Non, sérieusement... Malgré ton arrogance, tu m'as jamais vraiment causé de problèmes. T'as plutôt été mon radar à emmerdes, en fait. T'es sûr de vouloir démissionner ?
Le danseur gratta distraitement sa nuque sous le regard racoleur de son employeur.
— Ouais... J'ai bien avancé dans les objectifs que je me suis fixé. Et puis, je suis trop vieux pour rivaliser avec les petits dévergondés comme Jussy.
— Oh, arrête, tu veux ! ricana André. Je suis quasiment sûr que personne ne rivalisera jamais avec Phœnix l'anarchiste. T'as ça en toi, c'est inné. La plupart de ces gamins ont eu la vie facile. Ils pensent que les réseaux sociaux reflètent la vraie vie et ne pourraient même pas citer le nom d'une seule bonne vieille chanson mélancolique. Alors faire du rock ou du métal leur spécialité... D'ailleurs, quand t'as débarqué l'an dernier, j'aurais jamais cru que ce style marcherait aussi bien ici.
— Ah, mais c'est parce que je suis une bête de scène. J'ai ça en moi, c'est inné.
Assez détendu pour être à nouveau taquin, Yadiel adressa un clin d'œil moqueur à son vis-à-vis.
— Ferme ta grande gueule ! s'offusqua faussement celui-ci. Retourne bosser, au lieu de te payer ma tête. J'ai peut-être eu un moment de nostalgie anticipée, mais je ne te paie pas pour te branler.
— Pas faute d'avoir essayé...
Sourire en coin aux lèvres, Phœnix reprit le contrôle. Il referma nonchalamment son jean et retourna à l'intérieur, laissant pour l'instant les sentiments confus de Yadiel recroquevillés dans un coin froid et sombre.
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