4. Retour de bâton

Malgré son état de panique intérieur, Médéric tenta de garder la tête froide tandis qu'il s'inclinait à son tour.

- An paka jwé jé lasa. [Je ne joue pas à ce jeu-là.] Vu tes charges, aucun de mes collègues ne se foulera le petit doigt en ta faveur. Alors, soit tu me donnes ta version de l'altercation et je suis assez convaincu pour t'aider... Soit je te jette dans une cellule et je transfère ton dossier devant le juge tel quel.

Son ton était sans appel et son regard solide. Mais devant ces prunelles revêches, il ne pu résister à l'envie d'asseoir sa position de force.

- Ton choix. Cinq secondes.

Phœnix soupira dédaigneusement en détournant le regard. Sa mâchoire carrée se contracta. Il détestait perdre un bras de fer presque autant que se faire tailler en pièce avec ses propres piques. Ceci dit, son attitude de connard ne le mènerait nulle part ce coup-ci. Il en était conscient.

- Ok, marmonna-t-il avant de se pincer les lèvres.

Médéric esquissa un léger sourire, fier de sa petite victoire.

- Bien. Je t'écoute.

L'idée de coopérer donnait presque de l'urticaire à l'intéressé. Il tendit les poignets et ramena son regard sur Médéric.

- Je vais tout te dire. Mais avant, tu pourrais me mettre un peu à l'aise.

Le gendarme baissa brièvement les yeux vers ses mains, puis les leva à nouveau vers son visage. Son absence d'expression à elle seule indiqua sa réponse.

- S'il te plaît ? insista Phœnix avec un sourire mielleux.

Un tantinet blasé qu'il le prenne pour un con, Médéric fronça des sourcils. De quoi largement étonner Phœnix.

- Eh ben merde, je t'ai connu plus souple en affaires. J'ai dit le mot magique, tu devrais te sentir privilégié. C'est pas un truc qui arrive souvent.

Médéric roula des yeux et finit par accéder à sa requête, non sans un soupir de lassitude. Si Phœnix lui insufflait tout un tas d'émotions, l'irritation et l'agacement prédominaient à cet instant sur le reste. Pourtant, lorsqu'il lui ôta les menottes et que ses doigts frôlent l'épiderme du voyou, il ne pu s'empêcher de repenser à la douceur de son torse poilu... À la chaleur de cette peau caramel sous ses mains curieuses. Sans mentionner ses lèvres pulpeuses si joliment dessinées ! Il aurait tant aimé en découvrir la saveur.

Loin d'être dans le même état, Phœnix se massa les poignets une fois libre.

- Et ma clope ? C'est d'actualité, ou bien...

Retour à la réalité pour Médéric. Excédé, il se leva et feignit être prêt à l'entraver de nouveau pour son insubordination. Phœnix ricana. Il s'étira légèrement afin d'éviter ses mains et ramena ses cheveux lâchés en arrière.

- Ok, ok... Si tu veux tout savoir, je l'ai pas touché, ce petit merdeux.

- Alors il se serait pété la dent tout seul ?

- Comme un grand, ironisa le prévenu.

- Tu vas devoir faire plus d'effort si tu veux que je te crois.

- Sauf que je te dis la vérité.

Il remonta la capuche de son sweat-shirt sur sa tête, glissa ses mains dans les poches et repris à voix basse.

- Voilà l'histoire : Mayotte junior, pourri gâté, réserve une séance privée à domicile. Jusque là, tu me suis ?

Médéric hocha la tête mais fronça des sourcils, un peu contrarié. Il ne savait pas que le Club faisait du ''service à domicile''. Cette prestation, non conforme à la charte de l'établissement, était illégale. Aisé était-il donc de deviner pourquoi Yadiel-Phœnix n'avait pas voulu s'expliquer lors de son interpellation.

- Avant même que je décide si oui, ou non, je bouge mon cul de ma piaule, on se met d'accord sur les conditions et le tarif. Mais quand j'arrive chez lui, le petit connard veut jouer au plus malin. Il réclame d'abord son ''service'' avant de me filer mon blé... Sauf que ça marche pas comme ça. Je savais qu'il voudrait pas me payer ensuite, alors j'ai annulé notre accord. Mais je me déplace pas gratuitement non plus... Il a menacé d'appeler les flics si je ne partais pas de chez lui. Je lui ai effectivement dit que je lui péterais les dents s'il ne me donnait pas ce qu'il me devait et, ouais, j'ai sorti la tête des mauvais jours. Cette lavette a carrément flippé. Il s'est mis à courir et s'est vautré dans les escaliers de sa villa hors de prix. Comme quoi, le karma est bien une salope. Mais une salope plutôt marrante.

Médéric se pinça l'arête du nez avant de se frotter les yeux. Cette histoire lui flanquait un début de migraine.

- Donc... Je résume. Tu es blanc comme neige et Marc Mayotte se sert du système pour se venger. C'est juste ta version, ou c'est la vérité ?

- Mec, vas chier ! Je t'ai dit exactement ce qui s'est passé. Mais entre le fils à maman et la raclure des bas quartiers, on sait tous les deux qui tes petits copains ont vite fait de blâmer.

Phœnix se désintéressa de lui. Il s'enfonça dans son siège et baragouina en espagnol. Médéric poussa un nouveau soupir.

- Montre-moi tes mains, paumes et dos.

L'autre homme obtempéra, sans grande conviction. Jusqu'à ce jour, ses dents du bonheur ne lui avaient guère portées chance. L'issue d'une telle situation était rarement favorable pour les marginaux comme lui.

Ses mains calleuses paraissent usées par les travaux manuels, elles ne présentaient pourtant aucunes des traces habituelles résultant de violents coups portés à autrui. Médéric souhaitait vraiment y croire, mais Yadiel-Phœnix n'avait pas le profil d'une personne honnête. Et même si sa version des faits jetait à l'eau la moitié des accusations contre lui, les charges de rébellion subsistaient.

- Pourquoi as-tu résisté à ton arrestation ?

L'écho d'un rire inopiné s'éleva dans la pièce, puis vint la réponse.

- Certaines menottes sont plus excitantes que d'autres. Demande-toi plutôt dans quelles conditions je ne résisterai pas.

Nouvelle œillade explicite. Si les autres bleus s'étaient avérés aussi agréables à regarder que celui-ci, Yadiel se serait frotté à eux avec plus d'enthousiasme.

- Ah oui ? Eh bien permets-moi de te faire remarquer que cette affaire se réglerait plus facilement si je ne devais pas plaider la cause d'un type qui a agressé mes collègues.

Exacerbé, Médéric se leva, bras croisés et visage fermé. Yadiel trouvait que ses joues toutes lisses et son uniforme répugnant enlevaient ce petit quelque chose à son charme brut. Pourtant, cet air d'être maître de la situation titillait beaucoup plus son intérêt que l'attitude de puceau. N'osant aucun commentaire connoté, il se contenta d'un ricanement et d'une réponse flegmatique.

- Ça va, je leur ai juste donné un peu de fil à retordre. Personne n'a été frappé, pas même moi et j'en suis d'ailleurs le premier surpris. On dirait bien que vos briefings internes sur la mauvaise pub des brutalités policières portent leurs fruits.

- N'abuse pas de ma patience...

- D'accord, ricana encore l'agitateur. Tu peux me sortir de cette mouise, ou pas ?

Médéric soupira.

- Tu devras attendre la fin de ta garde à vue. Pour le reste, je vais voir ce que je peux faire. Je ne promets rien... Quelqu'un te ramènera un truc à grignoter. En attendant qu'on te relâche, ne fais pas de vagues. OK ?

- OK, Monsieur le gendarme.

Le regard ancré à celui de Médéric, il conserva un sourire malicieux au coin des lèvres. Ledit gendarme prétendit difficilement ne pas être affecté par cette attitude aguicheuse. Il récupéra ensuite les dossiers posés sur la table, avant de quitter la pièce sans plus qu'un dernier regard.

Yadiel s'esclaffa à nouveau, enchanté par la coïncidence fortuite ayant posé l'Officier Sexy sur son chemin. Poussant sur ses jambes, il croisa les mains derrière sa tête et se balança sur sa chaise en admirant ce fessier bien moulé disparaître derrière la porte.

Tout ce qu'il lui restait à faire, c'était d'attendre que le beau black fasse son travail.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top