8. De complice à adversaire.

Quatre cadavres étaient étendus sur le sol, leur sang tâchant le carrelage gris. Deux avaient la nuque brisée, les deux autres, c'est la colonne vertébrale qui avait pris cher. J'échangeai un regard avec Arachné.

– Il faudra que l'on nettoie tout ça, déclara-t-elle.

Les évènements commençaient à nous échapper.

– Il faudra que l'on déguise leur mort, ajoutai-je.

Quatre cavaliers. On avait tué quatre cavaliers. Arachné promit de se charger des détails de leur disparition. Je savais que je pouvais lui faire confiance là-dessus.

Depuis l'intrusion de Martial, suivis de la découverte de Titus, tout s'était enchaîné bien trop rapidement. Les deux Obscuras étaient encore inconscients. Par mesure de sécurité, Arachné leur avait mis un réducteur avant de les ligoter au pied du lit. Nous n'avions pas eu le temps de prendre une décision à leur sujet que des bruits avaient résonné dans les couloirs. On y avait trouvé Rose, se battant contre quatre cavaliers. Forcément, Martial n'était pas venu seul. La Gaïa l'avait accompagné. Arachné s'était chargée de mettre les cavaliers hors d'état de nuire d'un coup de lévitation qui leur fut fatal. Rose fut donc la troisième personne à découvrir mon double jeu. Et j'appris en retour comment ils étaient parvenus à entrer dans le château.

Rose avait un pouvoir étonnant, c'était l'une des Gaïa les plus puissantes du royaume, elle métrisait l'élément terre comme personne. Grâce à ses dons hors du commun, ils avaient eu un avantage de choix pour pénétrer dans le palais. Leur route avait croisé celle de Mahina, l'Animalis du serpent, l'amie de Marin, qui était la définition même d'électron libre. Trouvant amusant le chaos que leur intrusion pouvait engendrer, elle les avait aidés à rejoindre mes appartements privés, après que Chany, qui comme promis, aidait les rebelles depuis qu'elle savait que Kalidas en faisait partie, avait affirmé que c'était le meilleur moment pour s'introduire dans ma chambre. Elle savait que j'étais en réunion avec les Darknils, m'ayant elle-même conduit dans les lieux.

Martial avait eu recours à un plan risqué ; verser du poison dans les boissons de la reine. Mais au vu de l'invulnérabilité de cette dernière, c'était la solution de désespoir. Cependant, la véritable reine Zara utilisait des goûteurs avant d'avaler le moindre met. Je devais suivre le même traitement, mais agacée de devoir toujours faire appel à quelqu'un avant de porter un aliment à ma bouche, je m'en dispensais lorsque je me trouvais dans mes appartements privés. Et encore une fois, Arachné avait eu raison ; ma négligence allait finir par me couter chère. Elle n'avait pas hésité à sauter sur l'occasion pour me faire passer un savon.

Nous avions désormais trois Obscuras inconscients au pied de mon lit, quatre cadavres sur les bras et mon identité secrète mise à mal. Je félicitai mentalement Super Man, lui au moins, arrivait à mieux camoufler son identité que moi. Et pourtant, il lui suffisait simplement d'enfiler une paire de lunettes. Ah ! Quel veinard !

Arachné me rejoignit dans mes appartements privés alors que j'étais assise sur mon lit, à observer les trois intrus, ligotés comme des saucisses.

– Je me suis chargée de faire disparaître les corps, m'informa-t-elle en entrant, maintenant il faut se décider sur ce que l'on veut faire d'eux.

– Tu tiens toujours à les tuer maintenant que ton frère est impliqué ? relevai-je.

Arachné fit une moue contrariée.

– Non.

– C'est bien ce que je me disais.

– Qu'est-ce qu'on fait ? grinça-t-elle avec mauvaise humeur.

– On peut les enfermer avec les autres rebelles, dans les cachots privés. De toute façon, je ne vois pas d'autre alternative.

– Tu oublies un détail, ma peste. Titus ne peut pas disparaître de la circulation, il fait partie des membres les plus influents du château. Sa disparition ne passerait pas inaperçue.

– Il faudra trouver une excuse plausible, rétorquai-je, on n'a pas vraiment le choix.

Arachné poussa un profond soupir.

– Très bien, emmenons-les dans les cachots, histoire de compléter notre collection d'otage. On avisera la suite plus tard.

Arachné mis un sac sur la tête de nos trois prisonniers, tous déjà muni d'un réducteur, et me lança un regard.

– Utilise tes illusions pour que l'on passe inaperçu le temps d'arriver aux cachots privés, je me charge de les faire léviter.

J'acquiesçai et on passa à l'action. J'usai de mes illusions pour dissimuler les otages, mais heureusement, on ne croisa personne. Pour éviter les risques, j'avais réactivé mon illusion de la reine Zara. Voletant sous forme cendrée, je sentis nos prisonniers commencer à remuer.

– Ils se réveillent, informa la reine Zara.

– Ce n'est pas un problème, nous sommes arrivés, répondit Arachné.

J'étendis mes pouvoirs pour analyser les lieux. Nous avions franchi une lourde porte regorgeant de serrures et de cadenas qu'Arachné avait déverrouillé sans aucun problème. On avança dans les couloirs et je sentis une énergie familière titiller mes cendres. L'énergie vitale des captifs. Ronan, Adam, Kairos, Cassius et Tenshi. Ils étaient toujours enfermés, là où on les avait laissés. C'était la première fois que je me rendais en ces lieux. La première fois que je me retrouvais en leur compagnie. Et j'aurais voulu faire demi-tour.

Les prisonniers remuèrent de plus en plus. Arachné les fit chuter contre le sol avant de les relever de force et de les faire avancer devant elle. Veillant grâce à ses pouvoirs de lévitation, à ce qu'ils ne puissent pas être libres de tous leurs mouvements, immobilisant leurs bras. Toujours un sac sur la tête, les trois prisonniers, encore trop sonnés parce qui leur arrivait, avançaient maladroitement.

On déboucha dans les cachots. Derrière de solides barreaux, je pus distinguer mes anciens alliés. Lorsqu'ils nous virent arriver, ils se redressèrent. Ils devaient être surpris de voir la reine ici. Et probablement inquiets pour leur sort. Arachné fit s'arrêter les captifs et leur enleva les sacs de la tête sous le regard ébahis des autres prisonniers.

Encore sonné, nos trois otages regardèrent autour d'eux, stupéfaits. Ils n'étaient pas les seuls. Les prisonniers, déjà surpris de nous voir venir, semblait ne pas comprendre ce que Titus faisait ici tel un bagnard. Martial, après avoir regardé ses compagnons comme face à des fantômes se tourna vers l'illusion de la reine Zara. Il s'élança vers mon illusion, probablement prêt à protester, mais Arachné le propulsa contre les grilles avant qu'il n'ait pu tenter quoique ce soit. Bien que je n'approuvais pas que mon alliée fasse preuve de violence envers lui, je ne protestai pas.

– Arachné ! s'écria son frère. C'est quoi ce bordel ?

Il ne pouvait détacher son regard de Tenshi.

– Je croyais que vous les aviez exécutés !

– Ferme-la ! s'énerva-t-elle. Je ne suis pas d'humeur à discuter.

– Pas d'humeur ? Tu plaisantes ou quoi ? Tu crois que je vais me laisser enfermer comme un tolard par ma propre sœur !

– Tu ne veux pas être enfermé ? Tu n'avais qu'à pas mettre ton nez dans mes affaires !

Titus eut l'air indigné.

– Tu...

Il ne put finir sa phrase que sa sœur le renversa au sol pour le faire taire. Tenshi se précipita vers les barreaux de sa cellule, visiblement inquiet pour l'Animalis.

– Vous allez sérieusement nous enfermer ? s'étonna Martial. Ce n'est pas sérieux !

Il se tourna vers mon illusion.

– Tu ne vas pas nous laisser croupir ici !

Sa familiarité avec ce qui était censé être la reine n'échappa à personne.

– T'as tenté de me tuer, lui rappelai-je.

– C'était un quiproquo ! Promis je ne recommencerai plus ! Mais me laisse pas ici, je déteste me retrouver en prison.

Arachné roula des yeux et le fit rejoindre le sol pour le faire taire.

– Arrête ça ! m'agaçai-je.

– Qu'il se taise alors !

Titus profita de notre inattention pour se redresser et se rapprocher de sa sœur. Grâce à mes pouvoirs, il ne put tromper ma vigilance. Je sentis son énergie se déplacer. Je fis signe à Arachné de se retourner.

– Tu ne m'enfermeras pas, lança Titus lorsque sa sœur se retourna.

– C'est là que tu te trompes, je n'hésiterai même pas.

Titus lui saisit les bras.

– Arachné ! Qu'est-ce que tu fous ! Explique-moi ! On a toujours été complice et non adversaire.

Arachné tressaillit. J'eus subitement peur de la voir flancher face à son frère.

– Faut bien un début à tout, articula-t-elle avant de le repousser loin d'elle.

La tête de Titus se décomposa.

– Quoi ?

Je savais qu'il était pénible pour Arachné de repousser son frère, tout comme il m'était pénible d'enfermer mes anciens alliés.

– Aujourd'hui, s'il le faut, on sera adversaire, lui répondit Arachné. Les temps ont changé.

Titus parut dépassé par la situation.

– Je ne peux pas te croire, tu ne nous tournerais pas le dos, à moi et à Grim.

Arachné ne lui répondit pas et ouvrit trois cellules. Titus haussa un sourcil en la voyant faire.

– Et je peux savoir pourquoi ? demanda-t-il. Où est la véritable Z...

Arachné se retourna vivement vers lui et le fit violemment léviter dans les airs avant de l'éjecter dans une cellule vide. Surpris, son frère ne put finir sa phrase. Il tomba lourdement contre le sol sous la surprise de tous. Tenshi en avait lâché un petit cri. Seule Rose demeurait calme et silencieuse. Elle contemplait ce qui se passait avec attention, comme fascinée.

Arachné referma violemment la cellule et la verrouilla. Son regard se porta sur Martial. Ce dernier recula précipitamment et s'accrocha aux barreaux de la cellule de Ronan alors qu'Arachné voulut le faire léviter de la même manière que Titus. Martial tint bon face à la force de lévitation d'Arachné qui se mit à crier de rage en se dirigeant vivement vers lui. Apeuré, Martial lança un regard écarquillé à mon illusion.

– Tu vas la laisser me faire du mal ? s'étrangla-t-il.

– Elle a enfermé Titus alors que cela ne l'enchantait pas, elle t'enfermera, même si ça ne m'enchante pas.

Ces propos sortant de la bouche de Zara firent réagir les autres captifs qui ne semblaient vraiment rien comprendre à la situation.

– Eudo ! protesta Martial. Je ne comprends rien à ce que tu fabriques. T'as pas besoin de nous enfermer, on ne te fera aucun tort.

– Eudora ? s'étonna Ronan.

– Il ne peut pas tenir sa langue ! s'agaça Arachné en frappant le Guerrier de ses pattes pour lui faire lâcher les barreaux.

Martial trébucha et lâcha sa prise. L'Animalis en profita pour le projeter dans sa cellule.

– Eudora ? répéta Ronan.

Kairos contempla mon illusion, les yeux plissés. Arachné voulut propulser Rose dans sa cellule, mais cette dernière leva les mains en l'air en signe d'apaisement et entra d'elle-même dans sa prison. A ne pas pouvoir échapper au courroux d'Arachné, autant se laisser docilement faire.

Arachné se tourna vers Zara.

– C'est fait ! On se casse !

– Attends ! me héla Kairos. Eudora ? Qu'est-ce que cela veut dire ?

– T'es pas morte ? se surpris Cassius, qui paraissait infiniment soulagé.

Arachné poussa un cri d'agacement et fit volteface.

– Tu te grouilles sale peste ? Ces pleurnichards commencent à me pomper l'air.

– Tu vas revenir nous libérer dans quelques jours ? tenta Martial.

Je soupirai et chassai mon illusion avant de me matérialiser sous ma véritable forme. Maintenant que mon identité avait volé en éclat, je n'avais plus besoin de me cacher auprès d'eux.

– Non, si tu voulais rester libre, il fallait éviter de tenter de m'empoisonner.

– Mais c'est Zara que je voulais empoisonner, pas toi !

– T'as voulu l'empoisonner ? s'étonna Cassius.

– Zara. J'ai voulu empoisonner Zara. Z-A-R-A.

– Mais Zara a des goûteurs, fit remarquer Tenshi.

– On n'est jamais à l'abri d'un oubli, se justifia le Guerrier.

Voyant que j'allais partir, Martial se mit à crier mon nom. Je m'arrêtai, excédée.

– Tu ne vas pas partir sans nous expliquer les détails de ce bordel ! se plaignit-il.

– Pourquoi je t'expliquerais quoique ce soit ?

– Pourquoi tu t'es alliée avec la lèche botte de Zara ?

Arachné grinça des dents.

– Je ne suis pas sa lèche botte.

– Tu l'étais.

– Si tu la fermes pas je te fracasse le crâne.

– Tu ne le touches pas ! protestai-je.

– Alors qu'il arrête de me parler de Zara !

– Et moi, si je te parle de notre mère, tu comptes me fracasser le crâne ? fit remarquer Titus, visiblement en colère.

Arachné se tourna vers lui.

– Non, je m'en irai en t'abandonnant ici.

– C'est ce que tu comptes faire de toute manière. Où est notre mère ?

Arachné le toisa d'un regard ardent.

– Elle est morte.

– Quoi ? s'étrangla son frère.

Les autres prisonniers en eurent le souffle coupé.

– Tu t'es alliée à celle qui a tué notre mère ! s'écria Titus.

– Eudora n'a rien fait ! s'emporta Arachné. C'est moi qui l'ai tuée !

Un silence de stupéfaction. On nous regarda tour à tour. Titus était sous le choc.

– P... pourquoi ? balbutia-t-il.

Arachné éclata de rire, mais je la connaissais désormais, je savais que son rire était synonyme de larmes.

– Tu n'as pas besoin de le savoir. Reste-ici, je gère le reste.

– Tu gères ? Mais tu ne gères rien du tout ! C'est quoi cette histoire ! Arachné, tu te rends compte de ce que tu as fait ! Les Darknils vont te tuer lorsqu'ils s'en rendront compte, et crois-moi, ils finiront par tout découvrir.

– Je m'en fiche, ricana-t-elle. De toute manière, je compte les tuer avant. Avec Eudora, on va tous les buter et après, peut-être que l'on vous libérera !

Arachné me fit signe de la suivre. La cacophonie éclata. Je m'évaporai en voiles de cendres et on quitta les lieux sans fournir davantage d'explications.

*

NDA ; Hey ! Oups j'ai une semaine de retard. J'étais trop occupée, j'ai laissé l'écriture un peu de côté.

J'espère que ce chapitre vous aura plu !

- Arachné qui enferme son frère, votre avis ?

- Certaines personnes sont désormais au courant pour Eudora, votre ressenti ?

J'espère vous dire à la semaine prochaine, je suis pas sûre d'être dans les temps 🤣

Kissy kissy 💙

#Nakijo.

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