4. Inhalation d'énergie.

– Je veux l'enfermer et lui trancher la gorge, pas discuter avec lui, m'énervai-je.

Arachné me lança un regard furibond.

– Tu ne peux pas, pauvre idiote ! En tant que Zara, il est ton allié. Et il a réclamé un entretient avec toi.

– Je n'en ai rien à foutre de sa demande ! A cause de lui, Maève est morte, je ne vais pas le récompenser !

– Toi non, Zara oui. N'oublie pas que tu es censée garder ton masque intact, s'il lui arrive quoi que ce soit, tu risques de ruiner tous nos efforts et de faire tomber ton masque.

– Occupe-toi de lui, je ne veux pas voir sa vieille tronche de traitre !

– C'est toi qui dois aller lui parler, tu es la reine ! s'énerva Arachné en me tirant violemment les cheveux alors que je tentais de m'extirper hors de cette salle.

Je poussai un cri et me changeai en particules de cendres afin d'éviter qu'elle ne me touche. Mon illusion de la reine Zara vint bien vite me remplacer et parla à ma place.

– Me touche pas le choléra ! Ce poisson a autant d'attrait qu'un tas de fumier, je ne veux pas avoir affaire à lui sauf s'il est question de le tuer.

– Mais qu'elle est têtue cette peste ! ragea Arachné. Je ne te demande pas de devenir amie avec Nérée, juste de lui parler en tant que reine Zara. Elle l'a envoyé parmi les Clandestins pour lui rapporter leurs faits et gestes et les trahir au moment opportun avec comme récompense une place de choix parmi les membres royaux. Tu le reçois pour qu'il demande sa récompense et basta.

– Et je suis censée en faire quoi ? Me le mettre dans ma garde rapprochée ? Le couronner ? Qu'il aille se faire voir !

– Tu en fais ce que tu veux, mais tu remplies ta tâche ! hurla Arachné qui perdait patience.

– J'en fais ce que je veux ? relevai-je.

– Ne le tue pas. Bordel sale peste, tu m'as comprise, joue le rôle de Zara ou diriges-toi vers l'abattoir !

Je grommelai dans mon coin. Non seulement, dans mon imposture, je n'avais plus le loisir de côtoyer ceux qui comptaient pour moi, mais en plus, j'allais devoir me farcir un être qui me répugnait par-dessus tout.

La reine Zara avait promis de récompenser ce traitre pour ses loyaux services, après qu'il nous ait mené vers l'hécatombe, et le voilà qui se ramenait tout guilleret, réclamant un dû qu'il ne méritait même pas. J'avais envie de le calciner vivant. Mais je dus prendre sur moi.

– Reprends contenance et rentre dans la peau de ton personnage parce que je m'apprête à le faire entrer, m'annonça l'arachnide.

J'obtempérai, ayant parfaitement conscience que ma couverture était plus importante que de faire payer cette enflure. Mais je n'avais pas dit mon dernier mot, si je ne pouvais pas me venger violemment de lui, j'allais opter pour une autre approche. Il le paierait d'une manière ou d'une autre.

La reine Zara était assise dans son trône, son aura froide l'enveloppant comme de coutume. Je perçus Nérée entrer dans la pièce. Mon illusion resta de marbre. Il fit une révérence. Ses yeux brillaient d'une ambition qu'il peinait difficilement à camoufler. Il n'affichait aucune trace de remord. La reine de glace fit un bref signe de la main, l'incitant à parler.

– Comme promis, commença-t-il, j'ai surveillé chacun des mouvements de ces traîtres, j'en ai fait un rapport, et je vous ai permis d'emporter une bataille en dévoilant leur position et stratégie d'attaque. Je suis ici pour récupérer la récompense qui m'a été promise.

Je savais désormais que Nérée avait toujours vécu dans la misère, et qu'accéder à un rang de renom était son plus grand rêve. Sortir de l'enfer. Passer de la misère à la richesse. Et je ne comptais pas le laisser faire.

A cause de lui, nous avions été torturés, j'avais perdu mes yeux, des personnes de l'alliance avaient succombés... Maève était morte dans d'atroces souffrances. Jamais je ne pourrais l'oublier.

– Une récompense ? répétai-je d'un ton froid.

– Je devais accéder à un haut rang, c'était le marché, commença à s'inquiéter Nérée.

– Le marché avait pour but d'exterminer tous ces rebelles, mais à ce que je sache, ils ne sont pas tous morts. Je ne vois pas pourquoi je devrais te récompenser pour un travail qui n'est même pas terminé.

Nérée ouvrit la bouche dans un son muet. Son visage s'était décoloré.

– Je devais vous donner leur position, leurs nombres et le moyen de tous les capturer, c'est ce que j'ai fait. Leur évasion ne relève pas de mon fait. J'ai rempli ma part.

– Mais le résultat n'y est pas, tranchai-je, puis sincèrement, tu penses sérieusement que je compte donner un poste de choix à un être qui n'a pas hésité une seconde à trahir les siens pour ses propres intérêts ? Tu n'as pas hésité une seconde avant de planter un couteau dans le dos de tes alliés, dont certains t'étant proches depuis de nombreuses années. Si tu as été capable d'un tel prodige, je ne peux me fier à ta fidélité. Tu n'es pas quelqu'un de fiable et je ne prendrai pas le risque de te donner une place parmi les nôtres pour que tu retournes ta veste lorsque tu pourras en tirer avantage.

Nérée, désarçonné, commençait à s'agiter. Visiblement, il ne l'avait pas vu venir.

Il ouvrit la bouche pour protester, mais je le coupai d'un simple geste de la main.

– Les choses sont dites et il n'y rien à ajouter, l'arrêtai-je. Tu as fait ce que tout citoyen est censé faire pour son royaume ; aider à arrêter des traîtres qui mettent à mal notre monarchie. Je n'ai pas à récompenser un acte qui va de soi. Et je n'ai aucune confiance en ta loyauté, alors je ne veux de toi ni dans ma garde, ni dans mon palais. Tu peux disposer.

Nérée était pâle. Le monde venait de s'ouvrir sous ses pieds pour l'engloutir. Et j'en ressentais une intense satisfaction.

Je fis raccompagner Nérée qui fut jeté du palais comme un malpropre.

Lorsqu'on fut de nouveau seules toutes les deux, Arachné éclata de rire.

– Bien joué, s'amusa-t-elle, voir sa tête se décomposer au fil de l'entretient était un spectacle des plus exquis.

– J'aurais voulu lui faire payer davantage, mais rien que cette petite victoire me fait un bien fou.

– Je suis sûre qu'on trouvera le moyen de te venger, me confia mon alliée, une escarmouche, c'est fréquent, et s'il est dans les parages, compte sur moi pour en profiter et l'embrocher avec l'une de mes pattes. Je ne l'ai jamais aimé ce miséreux sans charisme.

– C'est qu'un lâche, grommelai-je, un hypocrite.

Les mots emplis de venin qu'il avait lâché à l'encontre de Martial caressa mon esprit et l'envie de l'étrangler revint me hanter. J'avais moi aussi déjà été odieuse avec mon entourage, mais jamais je n'avais réellement pensé les mots acides que j'avais balancé à mes proches, et jamais je ne leur aurais fait du mal. Être mauvaise avait eu pour but de les éloigner de moi, du danger. Lui, c'était tout l'inverse.

– Comment t'as pu supporter tous ces êtres insupportables aussi longtemps, s'extasia Arachné, moi parmi ces fuyards de rebelles, il y a bien longtemps que je les aurais embrochés. Ils sont indigestes.

Je soufflai.

– Va pas croire que je les appréciais tous.

Arachné s'installa par terre, les jambes croisées, les coudes sur les genoux, subitement intéressée par d'éventuels potins.

– Vas-y, dit moi tout !

Je retins un rire moqueur, mais me prêtai au jeu.

– Orso.

– Lui ! s'écria Arachné, mais c'est le pire ! Il se croit supérieur au monde entier ! Et sa façon de prendre les autres de haut ! Puis c'est le fils de la reine Zara, elle en a toujours eu après lui et j'étais d'accord avec el...

Arachné suspendit sa phrase, une grimace déformant ses traits.

– Beurk, je me refuse d'admettre avoir eu des opinions communes avec cette reine débile ! Elle te détestait alors j'ai fait de toi mon alliée, mais... ne me demande pas d'aimer Orso par pur contradiction envers cette bécasse, c'est au-dessus de mes forces.

Je ricanai.

– En soit, si Zara était ta mère par adoption, Orso était donc ton frère, l'embêtai-je, il fait partie de ta famille.

Arachné poussa un cri étranglé.

– Mais t'es complétement folle sale peste ! Je n'ai que deux frères, lui, ce n'est qu'un... un...

– Un ?

– Tu n'aurais pas un nouveau nom de maladie Terrienne à ajouter à mon vocabulaire ?

– Euh... marmonnai-je, en me triturant le cerveau. La rubéole ?

– Voilà ! Lui, ce n'est qu'une stupide rubéole !

Je me mis à rire.

– La rubéole reste ton frère par adoption.

– Mais elle va la fermer la peste.

– Pourquoi tu le détestes ? si on oublie le fait que Zara le détestait et que tu ne pouvais te défaire de son opinion...

– Je peux me défaire de son opinion ! Ne me prend pas pour son pantin, tu ne serais plus en vie si c'était le cas.

Je restai dubitative, mais n'insistai pas.

– Tu n'as pas répondu à ma question.

Arachné fit une grimace, semblant réfléchir.

– Il est embêtant, il ne nous aime pas non plus, il n'avait même pas à venir au monde, il est autoritaire, il pense tout savoir mieux que tout le monde et patati et patata, à ton tour.

– Il m'a pris en grappe dès mon arrivée dans ce royaume et je n'ai jamais pu me faire à son caractère. C'est un nounours grognon par excellence.

Arachné éclata d'un rire moqueur.

– Un nounours ! Mais qu'elle idée ! Je le vois mieux en carpette.

– Un vieux paillasson utile pour décrotter les chaussures !

– Mais quelle excellente idée !

Cette perspective fit apparaître un sourire diabolique sur le visage d'Arachné, j'en vins à me demander s'il elle ne prenait pas cette conversation trop au sérieux. L'Animalis finit par chasser ce sourire pour prendre une attitude penaude.

– Ma seule satisfaction dans son existence était de le voir souffrir entre les mains de Zara, avoua-t-elle. Il était traité comme un moins que rien alors que pour la première fois de nos existences, moi et mes frères avions la meilleure des places possibles.

Arachné haussa les épaules.

– Bon, cessons de parler d'un cadavre et de sa carpette, je vais finir par avoir une humeur de chaussette.

– Dit moi Choléra, Orso était au courant de l'existence des Dédales ?

Arachné tiqua face au surnom dont je l'avais affutée mais pour une fois, ne cria pas. Elle se contenta de secouer la tête.

– Non, seuls les Darknils, moi, mes frères et les victimes des Dédales ont connaissance des lieux.

– Les victimes des Dédales ? répétai-je.

Arachné croisa les bras, contrariée.

– Je vois ce que tu veux faire, sale peste, tu grattes encore des informations sur les Dédales, mais la réponse reste la même qu'à chaque fois. Tu ne peux pas t'y rendre.

– Ok, je ne peux pas m'y rendre, mais tu peux m'informer de tout ce que tu sais à ce sujet ! m'entêtai-je. Je dois savoir contre quoi je vais devoir me battre.

Elle se mit à rire.

– Tu ne peux pas te battre contre cette chose, juste prendre tes jambes à ton cou. Ou mourir aussi.

– Les victimes des Dédales ? repris-je, ignorant sa remarque.

– Oui, ses victimes. Forcément qu'ils sont au courant, vu qu'ils ont assisté à cette horreur. Mais bon, en tant que cadavres, ils ne risquent plus de piper mot.

– Au lieu de tourner autour du pot, explique-moi de quoi il s'agit exactement !

Arachné soupira, grinça des dents, hésita.

– D'un Obscuras.

– Un Obscuras ?

– Avec un pouvoir individuel tellement puissant que les Darknils ont décidé de le mettre à profit. Il subit des expériences sur lui depuis tout petit. Il n'a plus rien d'humain, si ce n'est que l'apparence. Et encore...

– C'est lui que tu qualifies de monstre et de danger mortel ? m'étonnai-je.

Ses prunelles s'enflammèrent.

– Ne le sous-estime pas ! s'agaça-t-elle. Minos est l'arme la plus mortelle de ce royaume, il ne ferait de toi qu'une bouchée.

– Minos ? Le prénom de cette terreur, c'est Minos ? rigolai-je.

Arachné fit claquer ses dents d'agacement.

– Oui, Minos, comme dans le mythe du minotaure ! C'est Samaël et son sens de l'humour grotesque ; Minos, Dédale... référence mythologique. Bon, maintenant, si tu pouvais cesser de prendre tout ce que je dis à la légère et arrêter de sous-estimer l'adversaire, tu m'éviteras de te foutre plusieurs paires de claques.

– Et qu'est-ce qu'il fait de mortel, Minos ?

– Il détecte l'essence de tout ce qui l'entoure, pire il l'inhale, il l'aspire et se la procure.

– Je ne suis pas sûre de comprendre, avouai-je.

– Il inhale l'énergie, et s'il se l'accapare, à ton avis, que devient la personne qui en est vidée ? Elle meurt.

– C'est tout ?

– Parce que ce n'est pas suffisant ? hurla Arachné.

– Vu le tableau que tu en dépeins, je m'attendais à quelque chose de gore, d'atroce, pire que l'apocalypse !

Arachné s'agrippa les cheveux dans un cri de rage avant de m'affubler de toutes les insultes qui lui venaient à l'esprit.

– Il détecte l'énergie et se l'accapare, c'est déjà atroce et digne de l'apocalypse ! Ta petite caboche vide n'a pas l'air de comprendre ce que cela engendre réellement !

– Minos aspire l'essence de vie et s'en nourrit, laissant l'autre dépérir ?

– Idiote !

– T'as qu'à mieux expliquer les choses aussi, au lieu d'y aller au compte-goutte !

– Peste ! T'as qu'à être plus vive d'esprit !

– Choléra ! T'as qu'à faire ton rôle d'informatrice correctement !

– Bon, vu que j'ai affaire à un cerveau lent comme une limace, je vais être plus claire ; s'il se nourrit de l'essence autour de lui, il se nourrit et s'accapare de toute sorte d'essence, du vivant comme du non vivant.

Arachné prit une pause, veillant à ce que je suivais toujours ce qu'elle disait.

– Minos commence par s'accaparer l'essence même de ce qui constitue un Obscuras, avant de s'accaparer et de lui ôter son énergie vitale. Traduction pour les esprits cagnards ; il dérobe les pouvoirs individuels des Obscuras, puis après les avoir affaiblies, il avale leur essence de vie.

Cette information me fut l'effet d'une lame de glace venant me trancher en deux.

– Il vole les pouvoirs des autres ?

– Seulement les individuels, les Darknils travaillent sur lui pour voir s'il ne pourrait pas avaler les pouvoirs de races, afin de trouver un moyen de se saisir de la race des Phénix.

– Mais c'est horrible ! Ils comptent faire quoi au juste ? Vider le royaume des dons individuels pour les garder à leur profit ?

– Enfin tu cesses de minimiser la situation ! Oui, c'est clairement la merde sale peste ! Non seulement il dérobe les pouvoirs d'autrui, mais grâce aux Inceptions parmi les Darknils ; Harmonia et Aurèle, il peut le faire à distance.

L'effrois m'envahit.

– A distance ? m'effrayai-je. Et ce Minos tue impunément ?

– Non, pas toujours. Généralement, pour l'instant, il n'avale que les pouvoirs. Les victimes de Minos sont ceux étant entrés dans les Dédales. Ils n'en sont jamais ressortis.

– Donc t'es en train de me dire qu'en ce moment, dans le royaume, divers Obscuras perdent leurs pouvoirs individuels sans même comprendre ce qu'il se passe ?

– Non, c'est bien pire.

– Arrête de faire des mystères et dit moi tout ! m'agaçai-je.

– J'ai dit qu'il volait les pouvoirs individuels et s'en accaparait, mais qu'il ne pouvait pas faire de même pour les pouvoirs de races. Je n'ai pas dit qu'il ne pouvait pas les retirer de leur hotte.

– Les Obscuras sont en train de perdre tous leurs pouvoirs, les uns après les autres...

– La panique commence à éclater un peu partout, mais pour l'instant, c'est la disparition des pouvoirs individuels qui effraie. La disparition des pouvoirs de races est passée inaperçu.

– Comment c'est possible ?

– Les Darknils se sont d'abord attaqués aux Trivials, aux Sangs Royaux, aux Banshees, aux Centaures, aux Inventeurs, aux Rôdeurs et aux Dompteurs. Seulement des races dont le pouvoir se manifeste soit indépendamment de leur volonté, soit dans leur capacité physique. Lorsqu'ils s'attaqueront aux Animalis, les empêchant de se transformer, ou aux Sirènes, les empêchant de vivre dans la mer, ou encore aux Gaïas, les empêchant de maîtriser la terre, la panique va s'accentuer et faire des dégâts.

– La population sera affaiblie, apeurée et vulnérable face aux Darknils qui pourront en faire ce qu'ils veulent, réalisai-je.

– Pire encore ! Je te rappelle que Minos vole les pouvoirs individuels. Plus la population s'affaiblie, plus il devient puissant. Il est en train d'emmagasiner à lui seul les pouvoirs d'un royaume entier.

Un nœud se forma dans mon estomac.

– Mais comment on peut arrêter un monstre pareil ?

– On ne peut pas.

– Choléra, tu ne m'aides pas là.

– Mais c'est la stricte vérité, s'énerva-t-elle. Minos a été conditionné par les Darknils à cette vie depuis la naissance, il est fait pour tous nous détruire. Il a le pouvoir de nous rendre vulnérables, de nous tuer sans bouger le doigt et possède une puissance jamais égalée. L'affronter, c'est perdre la vie, il l'inhalera en une minute. Et impossible de le prendre par surprise, il sent l'énergie palpiter autour de lui. Même invisible, on se ferait repérer.

– Je veux le voir de mes propres yeux !

– Idiote ! s'écria Arachné. Tu ne m'as donc pas écoutée ? Tu vas mourir !

– Il doit bien avoir un moyen de le voir sans se faire repérer ! Avec mes cendres, je peux voir à distance, il suffit que je les fasse entrer dans les Dédales.

– Les cendres sont de l'énergie, il s'en rendra compte, tête de phoque !

– Il y a bien un moment où il est un peu plus vulnérable et baisse sa garde !

– Lorsqu'il dort, pour s'introduire dans les rêves d'autrui et leur dérober leurs dons. Mais cela n'arrive que trois heures par jour.

– Il ne me sentira pas si j'y vais à ce moment-là.

– Pourquoi tiens-tu tant à le voir ? s'agaça Arachné.

– Je veux savoir ce que referme les Dédales, prendre connaissance par moi-même des dangers pour mieux les affronter.

– Ok, mais tu ne devras rester que quelques minutes, cinq maximums, et partir aussi vite que possible. Et surtout ne pas focaliser ton attention sur lui. Cela pourrait le réveiller.

– Super ! Quand est-ce qu'on y va ?

– Sa sieste commence dans sept heures, on a du temps à tuer.

*

Le temps était long quand on n'avait rien d'autre à faire que d'attendre. Nous étions dans la chambre privée de Zara, à deux, assise sur le tapis, au pied du lit. Nous jouions aux cartes pour passer le temps avant l'heure fatidique. Arachné avait une horloge installée à côté d'elle afin de ne pas rater l'heure. Le front plissé par la concentration, elle jaugeait les cartes qu'elle avait entre les mains. C'était à son tour de jouer. Et je ne comprenais rien à ce jeu typiquement d'Obscuratium.

Brusquement Arachné posa trois cartes sur le tapis en glapissant de joie.

– J'ai encore gagné ! Pour la huitième fois consécutive !

Je serrai les poings de colère.

– Ce jeu est nul.

– T'es juste lamentable, ne t'en prend pas au jeu.

– Comment t'as pu te retrouver trois fois de suite avec la carte du Centaure ! m'agaçai-je. A croire que tu tries le paquet avant de distribuer.

– T'es qu'une mauvaise perdante ! lâcha Arachné dans un sourire bien trop suspicieux.

– Tu triches depuis le début ! réalisai-je.

– N'importe quoi ! T'es juste nulle !

– T'es qu'une tricheuse !

– T'es qu'une mauvaise perdante !

– T'as trié le paquet de carte avant de distribuer !

– Quelle casse-pied !

– Ok, tu n'as pas triché, refaisons une partie, mais cette fois, c'est moi qui distribue !

– T'es folle ! Tu n'as pas assez de délicatesse pour manier mon jeu de carte !

– Ton excuse est complétement bidon !

– De toute façon il est l'heure d'aller dans les Dédales, on n'a plus le temps de refaire une partie.

– Comme c'est arrangeant, maugréai-je.

– T'es qu'une peste.

– Dit le choléra.

Arachné se releva avec agacement, jouant les guides et me faisant signe de la suivre. Je me changeai en voile de cendres, agacée par son comportement puéril, et la suivis de manière imperceptible. L'Animalis me conduisit jusqu'à l'entrée des Dédales où je repris mon apparence normale. Les lieux étaient tels que la dernière fois que je m'y étais rendue. Sombres, glaçants, effrayants. Des corps en décompositions étaient toujours accrochés au mur et l'odeur me prenait à la gorge.

– Si tu veux voir Minos, tes cendres n'ont qu'à suivre les couloirs, dit moi ce que tu vois pour que je puisse te mener jusqu'à lui sans que tu te perdes en chemin. Mais n'oublie pas, une fois qu'un morceau d'énergie pénètre la porte, nous ne disposerons que de cinq minutes au risque qu'il nous repère.

J'acquiesçai avant d'obtempérer. Mes cendres, qui étaient mes yeux, volèrent dans l'entrée des Dédales, aussitôt je décrivis les couloirs pour qu'Arachné puisse me guider. Les couloirs étaient noirs, rugueux, sombres et humides et se découpaient en plusieurs ouvertures. La trajectoire était un vrai casse-tête, un grand labyrinthe conçu pour s'y perdre. Sans Arachné pour me guider, il était évident que je n'aurais jamais pu retrouver mon chemin.

Je finis enfin par arriver dans la salle où reposait Minos. Mon sang se glaça instantanément alors que mes cendres analysaient les environs et que mes illusions reproduisaient le paysage dans ma tête d'aveugle.

Au centre de la pièce, un Obscuras reposait sur une chaise de cuivre. Il avait le crâne enserré par un casque de métal, des tubes enfoncés un peu partout dans sa peau. Ces tubes étaient reliés à des fils reliés à des cuves. Dans ces grandes cuves, placées un peu partout dans la pièce, il y avait des corps. Des Obscuras. Ils étaient enfermés dans cette prison de verre, flottant dans un liquide que je ne pouvais identifier. La plupart des Obscruas étaient morts. L'endroit était envahi de cadavres. Mais dans d'autres cuves, je pus voir le sujet remuer, se débattre dans un espoir vain de survie.

Je croisai des yeux dorés dans une cuve, puis des yeux rouges dans une autre, un Obscurium dans une troisième et dans une quatrième, des yeux emplis de constellations. Un Phénix.

L'horreur m'agrippa les tripes.

Il y avait de tout dans ces cuves. Des Obscuras de toutes les races.

– Eudora, il faut que tu reviennes maintenant. Tout de suite ! m'avertit Arachné alors que je dépassais mon temps de visite.

Mais l'épouvante me laissait inactive. Minos se mit à remuer et l'urgence vint me frapper. Il fallait que je quitte les lieux.

– Eudora ! s'écria Arachné.

Je m'attelai à m'activer quand les yeux de Minos s'ouvrir en grand. J'eus tout juste le temps d'effacer mes cendres avant qu'il ne me repère.

J'inspirai avec difficulté alors que je revenais mentalement à l'entrée des Dédales. Les lieux se dessinèrent dans mon esprit. Mais alors que j'étais de nouveau dans cette pièce, qui désormais ne m'horrifiait plus comme avant, une seule image continuait de hanter mon esprit.

Des yeux.

Ses yeux.

Lorsqu'il avait ouvert ses yeux, j'avais eu le temps de les voir. J'avais eu le temps de voir ses yeux blanc, grand, exorbités, où, à l'intérieur, dansaient des milliers d'iris de toutes les couleurs.

*

NDA : Hey ! Me voilà avec le chapitre de la semaine ! Ce que j'ai préféré dans ce chapitre, c'est que lorsque je l'avais presque fini, j'ai appuyé sur le mauvais bouton et j'ai tout effacé... Ahaha... C'était génial 🥰...
Bon heureusement, j'ai pu annuler la manœuvre !

- Vous êtes content.e.s d'avoir revu Nérée ? 😇

- Cette menace qui aspire l'énergie, vous en pensez quoi ?

- L'intérieur des Dédales, la déco, vous aimez ? Vous voulez la même dans votre chambre ?

Bon j'arrête là 😂 on se dit à la semaine prochaine pour la suite ! Je tâcherai de ne pas supprimer mon chapitre par inadvertance cette fois-ci !

Kissy kissy 💙

#Nakijo.

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