9. Windstas.
Nous étions encerclés par des myriades de cavaliers armés jusqu'aux dents. Nous n'eûmes même pas le temps de nous ressaisir qu'ils attaquèrent.
Les prendre par surprise avait été un échec. Ils connaissaient nos plans, savaient qu'on viendrait. Les enfants aux yeux dorés étaient l'appât. On nous avait dénoncé.
J'esquivai une flèche volant en ma direction avant de m'élancer vers mon agresseur, la colère grondant dans mon estomac. Je ne voulais pas perdre. Pas maintenant. Plus jamais. Ils avaient l'avantage, mais je saurais renverser la balance. Je serrai les poings, contrôlant ma colère, sentant l'énergie des cendres pulser dans mes veines. J'avais la rage de vaincre et une détermination qui ne faisait que croître dans mes entrailles. Me remémorant les paroles de Ronan, je m'appuyai sur cette détermination pour saisir les cendres avant qu'elles ne deviennent incontrôlables. Je voulais les maîtriser. Je manquais encore cruellement d'entraînement, je le ressentais. Les cendres jaillirent hors de moi par eux-mêmes et frappèrent mon agresseur avec force, l'envoyant voler à travers la pièce, dévorant la chair de son torse dans une extase incomparable. Je serrai les poings, luttant pour garder ma lucidité, tandis que mes cendres ravageuses cherchaient à combler ses caprices en dévorant la chair qu'elles prenaient pour du bétail énergétique.
Les cendres avaient faim, elles voulaient s'alimenter, et ma rage ne faisait qu'accroître leur appétit. Avec pétulance, je rameutai mes cendres auprès de moi, limitant au mieux les dégâts. Je ne les contrôlais peut-être pas encore, mais je ne perdais plus ma lucidité à leur maîtrise et je pouvais un tant soit peu les contenir.
Les rebelles s'étaient tous regroupés au centre de la vaste salle, acculés par les cavaliers qui ne cessaient de surgir en surnombre. Nous ne pouvions même pas fuir. Se battre ou périr.
Nous avions beau être en mauvaise posture, aucun n'abandonnait la partie. Chacun continuait de combattre avec ardeur, à coup de lames, de flèches, de crocs ou de pouvoirs. Ronan électrocutait tous les cavaliers à sa portée. Sanjana, dupliquée en trois exemplaires, usait de ses capacités de Guerrière pour battre ses adversaires tout en lisant dans leurs pensées pour devancer les coups. Circé se battait avec une maîtrise remarquable tout en mettant à terre les cavaliers en surnombre en leur injectant un poison provisoire dans leurs veines. Kalidas combattait de son côté, invisible, prenant ses ennemis par surprise, les vainquant sans qu'ils ne virent rien venir. Tenshi, Rox et Kairos étaient auprès des Lycanthropes changés en loups et combattaient à l'épée contre une armée toujours plus nombreuse. Hell avalait ses adversaires dans ses mystérieux trous noirs, mais le nombre d'adversaire ne cessant de se multiplier, il finit par opter pour une autre tactique plus radicale. Hell se changea en Faucheuse, ce qui fit trembler plus d'un de ses opposants. Malheureusement, il n'était pas le seul Faucheur des lieux, deux cavaliers se changèrent à leur tour et un combat de Faucheurs débuta. Un combat dont la seule finalité serait la mort.
Les deux Faucheurs prirent Hell d'assaut dans le but de couper sa ligne de vie de leur faux. Hell parvint à les esquiver, mais en infériorité numérique, il peinait à riposter, mettant toute son énergie à éviter les coups qui pourraient lui être fatal.
Je m'élançai vers eux, me changeant en torrent de cendres, voulant réparer cette inégalité de nombre. Dans une vague de cendres, je m'abattis sur l'un des Faucheurs, faisant attention à ce qu'il n'use pas de sa faux, et déversai toutes les cendres que je contenais sur lui. Je fus surprise de constater qu'un Faucheur était beaucoup plus coriace face à mes cendres que les autres Obscuras. Il me fallut lutter contre sa faux, tentant de voler en ma direction, tout en concentrant toutes mes cendres en sa direction pour qu'il commence à s'essouffler dans des gémissements douloureux. Mes cendres crépitèrent contre sa peau, continuant de la brûler d'un feu incandescent. Le Faucheur finit par tomber, genoux à terre, dans un râle de douleur et se mit à agoniser avant de s'éteindre complétement.
J'en eus le souffle coupé. Habituellement, tuer sous mes pouvoirs de cendres me revigorait, mais cette fois-ci, je me sentais fatiguée. J'entendis l'autre Faucheur s'étrangler de rage. Je fis volteface en sa direction et le vis foncer vers moi, prêt à couper ma ligne de vie. Hell fut plus rapide que lui et fit aller sa faux en sa direction, le coupant dans son élan. Le deuxième Faucheur s'écroula inerte contre le sol.
Hell me fit un signe de tête, reconnaissant d'avoir volé à son secours, avant de repartir dans la bataille. Le combat faisait rage. Nous avions beau nous donner corps et âmes pour triompher, les cavaliers étaient trop nombreux, trop bien organisés, ils avaient volé notre stratégie et on ne faisait que s'essouffler à riposter alors que l'issue semblait toute tracée.
Une nouvelle ruée de cavaliers déboula dans les lieux, les triplés d'araignées à leur tête. J'en serrai les poings de mécontentement. Lorsque ces trois-là étaient dans les parages, je n'en présageais rien de bon.
Dans une synchronisation parfaite, les triplés sautèrent du perchoir où ils se trouvaient et firent signe aux nouveaux arrivants de s'élancer dans la mêlée. Titus affichait un visage imperturbable, Arachné avait un sourire rieur qui se dessinait sur ses lèvres tandis que Grim abordait un regard mauvais, voir malsain. Des trois, c'était ce dernier qui me mettait le plus mal à l'aise. Il dégageait quelque chose de mauvais, de répugnant, de violent et sanglant. Comme si son nom était le synonyme de la sauvagerie.
Les triplés profitèrent du chaos pour se faufiler vers les enfants aux yeux dorés, enchaînés à des piquets de métal se situant sous une énorme roue de bronze, ressemblant aux roues des moulins à eau, à la différence que celle-ci avait des pales tranchantes qui semblaient être capables de broyer tous les matériaux possibles et inimaginables.
Comprenant qu'ils ne manigançaient rien de bon, je me mis à les suivre sous forme de particules de cendres, slalomant entre les Obscuras se battant avec hargne. Ahurie, je vis les triplés détacher les enfants de Sangs Royaux avant de les fourrer de force dans un énorme filet. Les enfants étaient bâillonnés et ne pouvaient même pas hurler correctement, leur voix se faisant étouffer par l'énorme bout de tissu enfoncé dans leur gorge.
Je n'étais pas la seule à m'être méfiée d'eux, Tenshi et Rox arrivèrent à leur tour. Tenshi se jeta vers Grim qui propulsait violemment une petite dans l'énorme filet. Il voulut bousculer l'araignée pour le faire lâcher prise, et ainsi, libérer la petite, mais Grim le vit venir et d'un simple mouvement de main, il envoya le prophète voler dans les airs en direction de blocs de roc. Mon cœur loupa un battement quand je le vis prêt à s'écraser contre les blocs, la tête la première, prêt à se briser la nuque. Mais à ma plus grande surprise, il fut figé dans l'air à quelques centimètres des rocs avant de tomber doucement contre elles. Sa chute avait été amortie. Je vis le regard de Titus dévier en direction de Tenshi, la main crispée, avant de reporter son attention sur son frère et les enfants de Sangs Royaux.
Rox s'était avancée plus prudemment des triplés et les prit par surprise, renversant Grim contre le sol. Elle n'eut pas le temps de libérer les captifs, Grim, aussi rapide que l'éclair, se redressa et la saisit par la gorge, faisant aller ses pattes dans l'air, cherchant dans quelle partie du corps il comptait lui enfoncer ses affreuses pattes d'arachnide.
Mon sang ne fit qu'un tour. La rage pulsa dans mon organisme. Je me jetai vers cette immonde créature dans un tourbillon de cendres. Surpris, il en lâcha la rouquine avant de crier de douleur. Mes cendres brûlèrent sa chair avec une joie qui me fit frétiller. Il avait voulu s'en prendre à Rox, j'allais le lui faire regretter. Mais malheureusement, Arachné vola au secours de son frère. A l'aide de son pouvoir de télékinésie, elle m'éjecta dans les airs, le regard incendié. La violence du coup me fit reprendre forme d'Obscuras. L'Animalis de l'araignée me fit violemment heurter le mur constitué de roches avant de me laisser tomber contre le sol. J'étouffai un râle de douleur. Bien sûr, pour moi, personne n'était venue amortir ma chute.
Arachné ne prêta pas plus attention à moi, focalisant son regard en direction de Rox qui tentait toujours de les empêcher d'emporter les enfants. Je me redressai lentement, serrant les dents sous la douleur. J'allais ressortir d'ici avec des bleus, je n'avais pas de doutes là-dessus. Regardant autour de moi, je constatai que personne ne faisait plus attention à moi. Arachné se battait contre Rox. Titus et Grim s'occupaient de Tenshi. Pris dans les événements, trop occupés à combattre, je pus me remettre de ma chute sans subir de nouvelles attaques.
Les Sangs Royaux étaient toujours pris au piège dans les filets. Rox combattait vaillamment Arachné et semblait plutôt bien s'en sortir. Tenshi, lui, peinait face à deux adversaires. Titus et Grim lui faisaient face et semblaient prendre un malin plaisir à jouer avec lui. Grim avait brandi sa main et malmenait le prophète, le faisant voler contre le mur, le laissant tomber au sol, jouant avec lui comme on joue avec une proie. Titus se contentait de contempler la scène, un sourcil haussé, alors que son frère ricanait. Grim propulsa Tenshi au sol, le Prophète voulut se relever, mais Grim l'aplatit un peu plus par terre avant de le propulser aux pieds de Titus.
- Tu te charges de cette vermine ? Je veux entendre les os de sa nuque craquer.
Son frère lui lança un regard indéchiffrable.
- C'est ton délire de tuer tes adversaires de façon grotesque, si tu veux craquer ses os, charges-en-toi toi-même.
Grim haussa les épaules.
- Ok, concéda-t-il.
L'araignée releva Tenshi en l'agrippant par les cheveux. Il le tira violemment en empoignant sa longue tresse noire avant de le faire léviter dans les airs et de l'envoyer s'écraser contre les rocs. Tenshi étouffa un bruit de douleur. Grim s'avança vers lui et l'empoigna par la gorge, le contemplant d'un regard mauvais.
- Et si je te brisais les os du coude ? proposa-t-il. Après, peut-être que je pourrais faire craquer tes rotules avant de te laisser ramper sur le sol tel un vers.
Titus, qui jusqu'ici avait gardé un visage imperturbable, trahit une grimace qu'il effaça aussitôt. La situation ne semblait pas lui plaire, mais il parvenait à le cacher de façon remarquable.
Grim resserra un peu plus sa prise autour de la gorge du Prophète, se délectant de la mauvaise posture de son captif. Il saisit violemment le bras de Tenshi, le tordant avec force.
- Si je continue, tes os se briseront, lui murmura-t-il avec délice, j'ai hâte d'entendre le bruit qu'ils vont faire.
Tenshi avait écarquillé les yeux de terreur.
Avant que Grim ne puisse mettre son plan à exécution, Titus l'attrapa par le col et le tira en arrière, lui faisant lâcher prise. Grim s'étrangla de surprise.
- Mais qu'est-ce que tu fais ? s'injuria-t-il.
- Tu as assez joué pour aujourd'hui, je te rappelle qu'on a une mission à accomplir, le sermonna Titus.
Grim prit une mine contrariée.
- Notre mission consiste aussi à éliminer ces vermines, je te rappelle, cingla-t-il en se rapprochant de Tenshi qui reprenait difficilement son souffle.
Il s'apprêta à lui donner un violent coup de pied en plein visage, mais je me ruai en sa direction, ignorant mon corps douloureux depuis ma chute. Dans une voile de cendres, je lui tombai dessus, l'éjectant contre le sol. Titus m'envoya heurter le mur, m'éloignant de son frère à qui je voulais faire la peau.
Je serrai les dents, la colère ameutant mes cendres dans les lieux. Titus attrapa son frère par le bras alors que ce dernier voulait se jeter en ma direction, une lueur assassine brillant dans ses prunelles.
- Va t'occuper des Sangs Royaux, je me charge d'eux, lui lança-t-il d'un ton ferme.
Grim poussa un grognement de contrariété mais obéis sans riposter. Titus dressa sa main face à lui et nous éleva dans les airs. Ses yeux s'attardèrent sur Tenshi durant quelques secondes, puis il détourna le regard et d'un geste vif de la main, il nous catapulta à l'autre bout de la pièce.
La chute ne fut pas rude. Etonnement, Titus ne l'avait pas rendu mortelle. Je m'écroulai contre le sol dans un grincement. Au moment où j'allais me relever, Tenshi atterrit à son tour, s'écrasant sur moi. Je m'étalai contre le sol de tout mon long en poussant un cri de surprise.
- Bouge ton cul, m'étranglai-je, j'aimerais me relever.
- Pardon, s'excusa Tenshi.
En se redressant, le Prophète me fouetta accidentellement le visage à l'aide de sa longue tresse de jais. Agacée, je le poussai brutalement. Tenshi se vautra contre le sol tandis que je me redressai, époussetant mon pantalon.
- Mais... protesta le Prophète en se relevant une nouvelle fois.
Je lui lançai un regard agacé avant de chercher les triplés du regard. S'ils croyaient qu'il suffisait de me catapulter à l'autre bout des lieux pour me mettre hors d'état de nuire, ils se fourraient le doigt dans l'œil. Tenshi semblait lui aussi vouloir en découdre, il analysait les lieux du regard. La bataille faisait toujours rage, et n'était décidément pas en notre faveur, mais les rebelles tenaient toujours, tant bien que mal. Par-delà le combat, je vis les silhouettes des arachnides se dessiner. Ils étaient une nouvelle fois occupés d'emporter les Sang Royaux. Où était Rox ? A trois contre une, elle n'avait probablement pas su les éloigner. Je me hâtai de les rejoindre, utilisant mon pouvoir d'illusion pour me dissimuler sur le champ de bataille afin de ne rencontrer aucun adversaire. Tenshi me suivit.
Revenant à l'endroit où les triplés emportaient les enfants aux yeux dorés, je vis Rox acculée contre le mur, entre les mains d'Arachné, tandis que les deux autres Animalis scellaient le filet. Sans perdre de temps, je me jetai sur l'araignée qui retenait Rox pour la faire lâcher prise. Tenshi s'occupa de ses deux frères, tentant de sauver les enfants.
Arachné tituba sous l'attaque. Elle voulut m'envoyer une de ses gigantesques pattes noires dans le ventre, mais je parvins à l'éviter de justesse. Il fallait que je la mette hors d'état de nuire. Je n'eus pas le temps d'user de mes jets de cendres qu'elle me fit percuter le mur. Rox voulut accourir à mon secours, mais d'un simple geste de tête, elle l'envoya à son tour voler contre les parois de la salle. L'araignée s'avança vers moi et me tordit les mains dans le dos, me regardant avec rage. La mâchoire contractée, je lui rendis son regard, laissant un sourire se dessiner sur mes lèvres.
- Et si tu t'installais gentiment contre le mur et tu te mettais à sucer ton pouce sans venir nous interrompre de nouveau ? lui demandai-je d'une voix mielleuse. Je serais vraiment ravie de ne plus t'avoir dans mes pattes.
Je sentis sa conscience fondre et se perdre dans mon regard. Privée de son libre arbitre, Arachné me lâcha et s'assit contre le mur avant d'enfouir son pouce dans sa bouche, le regard perdu dans les vapes. Je retins un rire moqueur. Rox serra les lèvres pour cacher son amusement.
On ne perdit pas plus de temps avant de porter secours à Tenshi qui tentait de faire face aux deux araignées. La situation commençait à me taper sur le système. Les cavaliers étaient toujours aussi nombreux. Notre troupe ne faisait que résister péniblement et je voyais bien qu'elle était au bout de ses ressources. Cette mission était un échec. On n'arrivait à rien. Pas même à sauver ne serait-ce qu'un Sang Royal. Je voulais écarter les ennemis loin du filet et de Tenshi, mais dans ma colère, les cendres jaillirent en abondance sans même que je le veuille. Une vague de cendres s'écrasa sur Titus.
Titus se prit les cendres en plein dans les jambes. Il s'écroula alors que les cendres lui dévoraient la chair, je sentais son énergie me galvaniser, tambourinant dans mes tympans. Dans un cri de rage, Grim me sauta dessus. Sous la surprise, mes cendres s'estompèrent. J'évitai une patte qui manqua se loger dans mon crâne et fit aller le reste de mes cendres sur Grim. Il se les prit dans le ventre, le faisant valser au sol. Mais l'attaque n'était pas assez puissante pour le mettre hors d'état de nuire.
Grim était désormais le seul des triplés en état de combattre. Sa sœur se trouvait toujours assise contre le mur, tétant son pouce tel un enfant, et son frère avait les jambes trop endommagées pour tenir debout.
Ronan et un exemplaire de Sanjana débarquèrent à leur tour au secours des enfants aux yeux dorés. Grim était désormais en infériorité numérique. Laissant Rox, Sanjana et Ronan s'occuper de son cas, je m'approchai du filet, essayant de l'ouvrir pour libérer les Sang Royaux. En vain. Une fois fermée, il semblait impossible de l'ouvrir. Les liens étaient solides. Frustrée, j'empoignai les liens et me concentrai pour faire jaillir les cendres afin qu'elles rongent la corde. Etrangement, mon pouvoir n'eut aucun effet. Je ne pus retenir un cri de rage.
Grim, face contre terre, Ronan le maintenant contre le sol dans des jets d'électricité, m'envoya un regard moqueur.
- Tu ne peux pas les libérer, articula-t-il difficilement sous les coups électriques. Les cordages sont résistants aux épées et insensibles à tous les pouvoirs.
Je me figeai. Ma frustration s'amplifia agrémentée par de la colère. Comment allait-on pouvoir sauver ces gosses si on ne pouvait même pas les libérer d'un filet ? Je n'eus pas le temps de me pencher sur le sujet. Grim, malgré les jets électriques, parvint à utiliser son pouvoir et envoya valser ses opposants. L'araignée se redressa vivement et se rua vers le mur alors que Ronan se redressait à son tour, prêt à le frapper d'un nouveau jet électrique. Grim s'empara d'une corde et tira violemment dessus.
Interloquée, je vis le filet se soulever dans les airs.
- Qu'est-ce que tu as fait ? s'étrangla Ronan, ne comprenant pas la manœuvre de son adversaire.
Un sourire malveillant se dessina sur le visage de Grim.
- Je les ai envoyés vers la roue, répondit-t-il.
Je fronçai les sourcils, cherchant un sens à ce qu'il se passait. Grim profita de la confusion pour s'élancer vers un levier. Ronan tenta de l'en empêcher à l'aide de son pouvoir, mais habillement, Grim l'esquiva et se jeta sur le levier de toutes ses forces. Sous le coup brutal, le levier se baissa et céda sous le poids de l'Animalis. La gigantesque roue de bronze se mit en marche, envoyant ses pâles tranchantes claquer dans l'air, prêtes à broyer tout ce qui venait à sa portée.
- D'ici dix minutes, vos chers Sangs Royaux ne seront plus que morceaux de chairs et de tripes, s'amusa Grim dans un sourire macabre.
- Quoi ? s'étrangla Sanjana. Mais imbécile, vous n'allez pas me dire que vous avez kidnappé ces gosses par simple plaisir ! Vous avez besoin d'eux, vous ne pouvez pas les tuer ! s'écria-t-elle.
- Nous avons simplement besoin de leurs yeux, ricana Grim, et grâce à un sortilège de Sorcière, ils seront intacts quoi qu'il puisse arriver.
Sanjana jura de rage et s'élança vers l'araignée, lui foutant violemment son pied dans le nez sans même qu'il n'eut le temps de l'esquiver. Elle le roua de coups. Ronan en profita pour se ruer vers le levier, mais il était désormais cassé. Il était impossible d'arrêter la roue.
Tous les rebelles avaient constaté la mort imminente qui planait sur les enfants, sans qu'aucun ne puisse y faire quoi que ce soit. Grim éclata de rire à ce constata, ce qui ne fit qu'augmenter la rage de Sanjana, continuant de le ruer de coups, si bien que Grim ne parvenait même pas à se défendre.
- J'ai un plan, me souffla Rox en me tirant subitement à sa suite.
Je l'interrogeai du regard. La rouquine me mena vers un coin isolé et me désigna des planches qui longeaient le mur menant tout en haut de la roue. Sur ces planches se trouvaient une dizaine de cavaliers armés d'arc qui tiraient dans la foule, visant les rebelles.
- Qu'est-ce que tu comptes faire ? la questionnai-je, cherchant à comprendre ce qu'elle avait derrière la tête.
- On ne peut rompre le filet ni par l'épée, ni en utilisant nos pouvoirs, expliqua la rouquine, mais les pales de cette roue peuvent briser n'importe quoi. La corde maîtresse du filet pend non loin de la roue. Si je prends de l'élan sur les planches, je peux l'attraper en sautant et la jeter dans les pâles. Si cette corde cède, le filet se fragilisera et libérera les enfants. Mais j'ai besoin de toi pour enlever les cavaliers de ma route.
Je contemplai la renarde, interdite.
- Tu es en train de réquisitionner mon aide pour un plan suicide ? raillai-je. Pour que la corde aille dans les pales de la roue, tu vas devoir te jeter avec. Je préfère la mort de ces gamins à la tienne, alors hors de question de participer à ça.
- Eudora ! s'outra Rox. Je suis un Kitsune, j'ai plusieurs vies ! Je reviendrai. Eux, n'en ont qu'une. Il faut agir avant qu'il ne soit trop tard et le temps nous est compté, je n'ai pas de temps à perdre, alors s'il-te-plait ne commence pas à protester. J'ai besoin de toi.
Je serrai les poings, la gorge nouée. Mais Rox avait raison, nous n'avions pas de temps à perdre, si on voulait sauver ces gamins, nous devions agir tout de suite. Et il était hors de question que l'ennemi triomphe. Mais l'idée que la rouquine se sacrifie pour que l'on arrive à nos fins me mettait les nerfs à vif. Malgré tout, je finis par acquiescer. Le temps jouait contre nous, nous ne pouvions pas prendre le loisir de chercher une autre solution.
On s'élança vers les planches longeant le mur et menant vers la roue. Cette fois-ci, je n'eus aucun mal à appeler mes cendres en surnombre. J'étais à vif, mon cœur tambourinait follement dans ma poitrine à l'idée de voir Rox finir sous la roue. J'avais peur. Ce méli-mélo de sentiment ne faisait qu'accroître mon pouvoir. On courut sur les planches, s'élançant à toute vitesse. Je fis aller mes cendres en direction des archers, les propulsant hors de leur plateforme, laissant le champ libre à la rouquine. Je devais assurer ses arrières et je comptais bien assumer mon rôle avec brio. Des flèches volèrent en notre direction mais je les réduisis en cendres.
Des regards s'élevèrent vers nous, tous comprenant peu à peu ce qu'on était en train de faire. Lorsque Ronan comprit notre manège, il se mit à crier le nom de Rox. Sa voix était affolée.
Mon cœur se serra un peu plus. J'étais la seule à connaître le secret de la rouquine. J'étais la seule à savoir qu'elle était un Kitsune, qu'elle ne mourrait pas définitivement, qu'elle possédait plusieurs vies. Pour les autres, Rox courrait vers une mort certaine et définitive, et j'en étais la complice. Cette idée me rendait malade.
- Rox, ne fait pas ça ! s'égosilla Ronan. Je t'en prie !
Nous n'avions même pas le temps de nous expliquer. Il fallait agir. Et nous n'avions que quelques minutes. Je voyais déjà le filet se rapprocher de la roue, les enfants terrifiés, contenus à l'intérieur.
- Eudora, empêche-la ! Qu'est-ce que tu fous ! C'est complétement suicidaire ! continuait Ronan.
Sa voix n'était que mélange de colère et de terreur.
Malgré ses cris, malgré les flèches que je ne cessais de réduire en cendres, Rox ne faiblit par l'allure. Arrivée au bout des planches, la renarde s'élança dans le vide et attrapa la corde maîtresse. Elle l'agrippa fermement tout en tombant dans les pales de la roue.
Je me laissai tomber à genoux, fermant les yeux avec force, refusant d'en voir davantage alors que les pâles déchiquetaient la rouquine, l'éventrant, lui offrant une fin des plus atroces. Rox allait peut-être y survivre, mais la douleur, elle la ressentait bel et bien et cette mort, elle s'en souviendrait toute sa vie. Cette pensée était insupportable.
Les jambes tremblantes, je me forçai à me redresser et à rebrousser chemin, courant dans le sens inverse afin de rejoindre les Sangs Royaux et de les tirer définitivement hors de ce guêpier. Je me heurtai aux regard emplis d'incompréhension des rebelles. J'avais laissé Rox mourir sous la roue, je l'avais même aidé. Ils en étaient visiblement tous choqués. Choqués par une telle décision. Et j'aurais voulu arracher leur millier de paire de yeux et les piétiner pour ne plus jamais m'y confronter. Je savais que la renarde n'était pas morte, qu'elle allait revenir, mais la culpabilité me cisaillait le corps sans que je ne puisse la déloger de mes entrailles.
J'avais mené Rox droit vers la mort. Mon esprit me répétait cette phrase en boucle, mes nerfs allaient lâcher.
Je m'élançai vers le filet qui était bel et bien tombé, libérant des enfants transits de peur. Non loin, je vis Ronan, genoux à terre, le regard perdu dans le vide, les traits déformés par le choc. Je n'avais pas le temps de m'attarder sur les états d'âme de ceux qui m'entouraient, il fallait qu'on se tire d'ici. Mais les cavaliers étaient toujours présents, en surnombre, et profitaient désormais de la confusion générale pour prendre le dessus.
Des cavaliers déboulèrent en ma direction, voulant récupérer les Sang Royaux à mes côtés. Je me mis entre eux et l'ennemi, le regard provocateur. Il était hors de question que ces énergumènes emportent une nouvelle fois ces enfants. Pas alors que Rox venait de sacrifier l'une de ses vies pour les sauver.
Les cavaliers se ruèrent en ma direction, je fis aller mes cendres sur le premier, le stoppant dans sa lancée, le faisant se tordre de douleur. Rythmées par mes humeurs dévastatrices, mes cendres fouettèrent les autres cavaliers et inondèrent tout sur leur passage, brûlant mes adversaires jusqu'à l'os. J'avais un trou dans l'estomac, un vide grandissant dans le corps et une culpabilité qui m'enserrait. Ces humeurs avaient rendu mes cendres incontrôlables et je ne faisais rien pour les arrêter. Sentir l'énergie revigorante me parcourir les veines me faisait du bien, m'apaisait. Les cavaliers continuaient d'affluer. Je me pris un pouvoir en pleine face, sans le voir venir. Mes bras se paralysèrent et mes cendres disparurent. Je glissai contre le sol, désormais incapable de tenir debout.
Qu'est-ce que c'était encore que cette histoire ?
L'ennemi profita de mon immobilité pour surgir. Ils allaient me faire la peau. Ils allaient emporter les enfants de Sangs Royaux. Nous aurions fait tout cela pour rien.
Un cavalier se dressa devant moi, une épée miroitante entre les mains. Il la brandit au-dessus de ma tête, prêt à me l'enfoncer dans le corps. J'étais incapable de me défendre.
Au même moment, un éclair doré fendit l'air et un renard immatériel sauta sur le torse mon adversaire, le renversant contre le sol. Le renard doré se dressa entre moi et mes adversaires, agitant vivement ses trois queues dans l'air, le regard farouche. Les cavaliers eurent un mouvement de recul.
- Que... qu'est-ce que... balbutia Ronan, non loin de là.
Il avait les yeux écarquillés, comme s'il faisait face à une hallucination.
Après un temps d'hébétement, les cavaliers se jetèrent de nouveau en notre direction. Rox, sous sa forme immatérielle, était intouchable. Avec agilité, elle esquivait l'ennemi avant de leur faire perdre l'équilibre. Elle se déplaçait avec une telle vitesse qu'il était difficile de la suivre du regard. Sa distraction eut pour effet de me laisser le temps de retrouver possession de mes membres. Cette étrange paralysie qui avait rendu mes muscles mous comme du coton s'estompa et je pus me relever sans peine.
Mais les cavaliers avaient pris majoritairement le dessus. La plupart des rebelles se trouvaient désormais en mauvaise posture et je ne voyais pas comment on allait pouvoir se tirer d'une telle situation. Vu comment les choses se présentaient, beaucoup d'entre nous n'allaient pas parvenir à sortir de ces lieux indemnes, voir à sortir tout court.
Des cavaliers vinrent m'encercler, me rajoutant une nouvelle pile d'adversaire à affronter. Mon regard dévia vers la seule issue hors de ces lieux. L'issue était soigneusement gardée par une troupe de cavaliers, à l'opposé de là où je me trouvais. Je serrai les poings de frustration, cherchant une idée pour me sortir de ce guêpier. Aucune solution me vint à l'esprit. Il n'y en avait tout simplement pas.
Ils étaient trop nombreux.
Ils étaient partout.
Dans tous les recoins.
Quatre cavaliers face à moi chargèrent, armes en main. Le regard farouche, je me tenais prête à les accueillir. S'ils devaient l'emporter, c'est parce que je me serais battue jusqu'au bout, jusqu'à en tomber de fatigue. Car il était hors de question que je leur simplifie la tâche.
Subitement, d'énormes roches à l'aspect d'éponges tombèrent ci et là dans la salle. Quelqu'un lançait aléatoirement des cailloux dans la pièce ? Je fronçai les sourcils, confuse. Qu'est-ce que c'était que ce nouveau bordel ?
Ce ne semblait pas être de simples cailloux, car les cavaliers se figèrent, le regard arrondit par l'étonnement et l'affolement. Les cavaliers commencèrent à s'agiter, cherchant d'où venait le lanceur. Un gaz verdâtre s'échappa des roches et envahit les lieux. Une brume verte inonda l'endroit, s'arrêtant au niveau de mes genoux, me léchant les rotules tel le remue des vagues. Une odeur pestilentielle avait envahi la pièce. Comme un seul homme, les cavaliers tournèrent de l'œil et s'évanouirent, tombant raide contre le sol.
J'en ouvrit grand la bouche d'étonnement.
Rox, qui avait repris sa forme d'Obscuras, étudiait les lieux d'un air interdit.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? lui demandai-je.
- Ces trucs, ce sont des coquillages appelés windstas, ils sont super rares, m'apprit la rouquine.
- Encore un truc étrange provenant de votre monde, constatai-je.
- Justement, les windstas ne viennent pas de notre monde, me contredit la renarde tout en contemplant le gaz qui se propageait.
Je me figeai, ne comprenant pas.
- Mais d'où vient ce truc alors ?
- Les windstas viennent d'une planète gazeuse, seuls les Voyageurs y ont accès et peuvent les utiliser.
- Je ne comprends rien à ce qui se passe, m'agaçai-je.
- Les Voyageurs ont la capacité de voyager dans l'univers et d'en explorer toutes ses planètes, ils peuvent s'acclimater à n'importe quel environnement. Seul un Voyageur a pu se rendre sur Gastaria et y récupérer des windstas pour s'en servir ici, car seul un Voyageur peut s'acclimater à cet objet et le faire fonctionner.
- Tu veux dire qu'un voyageur vient de débouler dans les lieux et de nous envoyer ce gaz dégueulasse ? Mais pourquoi seuls les cavaliers sont réceptifs au gaz ?
- Pour se servir d'un windstas, il faut souffler dedans en pensant à l'ennemi à asphyxier avant de le jeter. Seuls ceux mentionnés dans les pensées du lanceur subissent le gaz. Ce qui veut dire qu'un Voyageur est venu à notre secours, conclut Rox.
Etonnée, je cherchai du regard le lanceur qui venait de nous tirer d'affaire. Rien. La brume m'empêchait de voir l'autre bout de la pièce. Hébétés, les rebelles finirent par se remettre d'aplomb et s'assemblèrent près des enfants royaux. Il fallait profiter de la situation pour quitter les lieux.
Une silhouette se dessina dans la brume verdâtre. Je me figeai. Sanjana, sourcils froncés, s'avança de quelques pas pour mieux distinguer le nouvel arrivant. La silhouette finit par entrer dans notre champ de vision. J'écarquillai les yeux de surprise.
- Orso ? s'étonna Sanjana.
Contrarié, Orso contempla les lieux avec mauvaise humeur.
- Qu'est-ce que vous attendez ? Tirons-nous d'ici, s'agaça-t-il.
- Tu es finalement venu ! s'enthousiasma Sanjana, les yeux pétillants.
Orso poussa un grognement irrité.
- Je te l'avais dit que cette mission allait mal tourner, grinça-t-il en désignant les cavaliers inconscients. C'est la dernière fois que j'interviens dans vos conneries, j'espère que vous en avez bien profité.
Sanjana trépigna d'enthousiasme.
- Tu t'es enfin décidé à bouger ton cul, se réjouit-elle, et en plus, quelle entrée spectaculaire ! Je suis bluffée.
Orso se détourna, prêt à partir, se contentant de pousser un grognement d'agacement.
- Oh, cesse de râler le grincheux, ricana Sanjana, sourire ne va pas te rendre malade, mais pourrait bien te dérider un peu alors tu ferais mieux d'essayer.
Voyant qu'Orso ne réagissait pas, Sanjana lui poussa gentiment le bras, un sourire provocateur affiché au visage.
- Ne commence pas déjà à te renfermer sur toi-même car je t'assure que je te forcerai à te bouger à nouveau le cul ! s'écria-t-elle.
Orso la repoussa avec agacement.
- Au fait, tu ne m'avais pas dit que tu avais pour sous-race celle des Voyageurs ! s'exclama Sanjana en revenant à la charge. Pourquoi est-ce que tu ne l'as dit à personne ?
Excédé, Orso quitta les lieux, décidant de ne pas nous attendre pour rentrer. Sanjana le suivit, refusant de le laisser filer aussi facilement.
***
NDA : Hey, je suis de retour avec le chapitre du weekend ! Il y a eu pas mal d'action, j'espère que ça vous a plus.
J'ai du retard dans les réponses aux commentaires des chapitres, mais je compte bien me rattraper ! J'ai juste pas encore trouvé le temps xD
Sinon pour les questions du chapitre ;
- Le plan/sacrifice de Rox pour sauver les enfants,vous l'avez trouvé comment ?
- Le windstas qui évanouie tous les cavaliers, stylé ? X)
- On en parle d'Orso qui vient de sauver tout le monde ? Surpris.e ?
Je vais m'arrêter là avec les questions x) n'hésitez pas à commenter, ça fait toujours plaisir !!
Kissy kissy 💙 et à la semaine prochaine !
#Nakijo.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top