35. Cheval de Troie.

Une douleur atroce se répandait dans tout mon crâne alors que les ultrasons continuaient de se déverser. Aucun doute sur l'identité de mon malfaiteur. La reine de glace. Zara. Je pouvais ressentir son aura froide, elle venait me frapper, m'envelopper. Et j'étouffais sous son emprise.

Mon crâne allait exploser, et je ne pouvais désormais plus me concentrer sur autre chose que l'intense douleur se déversant dans mon corps. Je sentis à peine mon corps se soulever et être propulsé à l'autre bout de la pièce avant de sentir l'impact. Les ultrasons disparurent. Une main plaquée sur mon front, je fis de mon mieux pour faire taire les vertiges et la douleur. Je me redressai, mais n'eus pas le temps de fuir hors de l'emprise de la reine qu'elle me saisit par la gorge. Elle me plaqua contre le mur derrière moi. Je ne pouvais plus bouger. Mes pieds cherchaient en vain le sol sous lui, ils ne parvenaient qu'à le toucher de la pointe des orteils.

Je ne pouvais pas me servir de mes pouvoirs. La reine en était immunisée. Pire encore, elle pouvait s'en servir contre moi. Et physiquement, je n'étais pas de taille à l'affronter. Elle était plus forte. Dotée de pouvoirs. Et j'étais vulnérable. Je ne savais même pas comment me défendre. J'étais à sa merci et Zara en avait parfaitement conscience.

J'entendis des bruits de pas. Quelqu'un s'approchait de nous. Je fis aller mes pouvoirs pour visualiser les alentours. Nous étions dans la salle de trône. Une pièce richement décorée, luxueuse. Mais il n'y avait personne dans les lieux, aucun garde, aucun cavalier. Seulement moi, Zara et cette troisième personne. Arachné. Forcément. Il devait s'agir d'elle. Qui d'autre ?

Et mon sort était déjà scellé. J'étais faible. Un chaton face à deux fauves impitoyables. Et la rage et la frustration me scindaient les organes un par un.

Etonnement, Zara finit par me relâcher. Je tombai lourdement contre le carrelage, le souffle court, l'incompréhension défigurant mes traits.

- Serais-je dans un monde parallèle ? réussi-je à articuler, l'affreuse fausse reine vient de me libérer au lieu de me guillotiner. Aurais-tu finalement un cœur ou dois-je encore m'attendre au pire ?

Arachné grinça des dents à ma remarque, se retenant de me faire payer mes éternelles provocations.

- Ne rêve pas trop, répondit froidement la reine, je ne compte pas t'épargner. Il est plus que temps de mettre fin à cette mascarade. Tu es déjà battue, et si tu en doutes encore, c'est que tu es encore moins futée que tu ne le laisses paraître. Tu ne peux rien contre moi. Et te tuer aussi simplement n'aurait pas été une fin appropriée.

Je fronçai les sourcils.

- Qu'est-ce que me raconte ce glaçon ? Parce que tu prévois une fin à ma valeur ? J'ai hâte que tu développes, parce que pour l'instant, j'ai juste l'impression de perdre mon temps. Soit tu me tues tout de suite, soit tu me laisses partir.

Je n'avais plus que mes mots pour riposter. Faire bonne figure était tout ce qui me restait.

Arachné commençait à s'agiter, ayant de plus en plus de mal à se contenir. Me tuer la démangeait. M'entendre parler l'horripilait. Et elle était peut-être une porte de sortie à ce piège mortel. Elle l'avait déjà été autrefois. La provoquer avait déjà joué en ma faveur. Malheureusement, la reine le savait désormais. Sans me quitter des yeux, elle ordonna à son parfait petit soldat de s'éloigner, de garder les entrées. Et l'araignée obéit, tel un robot programmé à exécuter tout ce qu'on lui demandait. Un parfait petit soldat.

La reine des glaces reporta son attention sur moi, le visage impassible, une lueur indéfinissable scintillant au fond de ses prunelles. Elle avait beau être un mur que rien ne pouvait briser, gardant ses émotions cachées au fond d'elle, j'arrivais désormais à imaginer sans mal un cataclysme perpétuel immerger son être. Son calme n'était qu'un paraître.

- Te laisser agoniser sans jamais que tu ne saches l'horreur que tu représentes, ce que toi et les tiens ont causé, n'est pas une fin acceptable. Te laisser partir dans l'insouciance ne me laisserait que des regrets.

Et je pus percevoir, pour la première fois, l'éclat animé dans ses yeux qui retranscrit tout ce qu'elle cachait. De la haine. De la haine brute. Mes provocations moururent dans ma gorge avant que mes mots ne puissent se déverser. Il y avait quelque chose de profond dans ce regard normalement drapé de glace, quelque chose de vif, d'intense. Une haine dévastatrice. Il y avait quelque chose de personnel dans son animosité envers moi qui venait de me couper l'herbe sous le pied. Et si la reine laissait ce sentiment s'exprimer enfin, c'est parce qu'elle était sûre qu'après, elle aurait ma peau. C'était son moment. Son triomphe. Sa petite victoire personnelle.

- Tu es un être ignoble, reprit-elle, pour ta race, pour ce que tu es, mais également pour ce que tes parents ont fait ! Tu es le fruit du démon.

Mon cœur fit un looping douloureux dans ma cage thoracique. Je serrai les poings, n'appréciant pas le ton qu'elle employait pour parler de ceux qui comptaient tant pour moi.

- Mes parents étaient des personnes justes, bonnes, et s'ils devaient s'apparenter à un démon, je n'ose imaginer ce que vous êtes, vous.

Des ultrasons éclatèrent dans mon crâne pour me faire taire. Je serrai les dents, encaissant le coup, la rage gonflant mon être. J'étais impuissante, mais révoltée.

- Tes parents avaient le monstre dans leur sang, ils étaient un virus, une immondicité. Tu n'es qu'une pauvre cruche qui ne connait rien du passé ! Tu as vécu sur Terre, dans la parfaite ignorance, et tu prétends savoir mieux que moi qui étaient tes parents exactement ?

Un rire aigre s'échappa de sa bouche. J'avais les lèvres collées l'une contre l'autre, incapable de répliquer. Je commençais à avoir peur de ce qu'elle voulait me dire. Et les insultes fusaient dans mon esprit. Si seulement je pouvais lui trancher la gorge. Mettre fin à cette situation.

- Tu ne sais même pas d'où vient réellement ta race, fit remarquer Zara, tu ne connais pas les gènes infectes qui coulent dans tes veines. Et il est temps de réparer ces erreurs. Alors laisse moi tout t'expliquer, laisse-moi te raconter la vérité à ton sujet.

Il était évident que si Zara tenait tant à me raconter ce qu'elle savait, c'est parce qu'il n'y avait rien qui m'enchanterait. Elle ne faisait pas cela pour moi, bien au contraire. Je me forçai à rester imperturbable, du moins en apparence. Mais mon être tremblait de l'intérieur.

- Tu es un Phénix, descendante par race de la grande Astéria, commença-t-elle doucement. Tu as le pouvoir des cendres, aussi incontrôlable qu'imprévisible, mais pas seulement. Tel un Phénix, tu possèdes l'immortalité, mais pour y accéder, il y a forcément un prix à payer.

Un éclat malfaisant brilla dans ses prunelles dorées.

- Astéria ne venait initialement pas de notre monde, elle est née des débris d'une météorite. Elle était des nôtres, comme d'ailleurs, une hybride en quelque sorte. Elle nous ressemblait tout en étant totalement différente et possédait un pouvoir sans égal. Elle a ramené avec elle une race inédite et en a créé d'autres à sa venue. Les Phénix, tout comme les Sang Royaux, les Ashglows et les Obscuriums n'existaient pas avant sa venue.

Zara prit une pause. Elle me jaugea avant de poursuivre ;

- Mais comme je te l'ai dit, Astéria n'est pas née comme tout le monde. Elle est née des débris d'une météorite, à l'image d'un Phénix qui nait de ses cendres. Et en quelque sorte, cette particularité s'est transmise à sa descendance raciale. Les races chez les Obscuras se transmettent à quarante pourcents par génétique et à soixante pourcents par pur hasard, ce qui offre une diversité parmi la population et fait qu'une race ne peut s'éteindre définitivement. Les Phénix, tout comme les Ashglows, sont différents. La génétique et le hasard ne jouent aucun rôle dans la venue de la race.

Je fronçai les sourcils, attendant qu'elle poursuive. Mais comme désireuse de faire durer le suspense, Zara s'était tue.

- Alors comment la race apparaît ? m'impatientai-je avec agacement.

- La maladie.

- La maladie ?

- Les Obscuriums.

Chaque parcelle de mon corps se figea.

- Je te l'ai dit, reprit-elle, le Phénix renait de ses cendres. Pour devenir un Phénix, il faut mourir. Enfin, en quelque sorte.

- Je ne comprends pas.

La reine maquilla un sourire moqueur.

- Astéria est apparue à la mort de l'astre qui s'est écrasé. Avec elle, le pouvoir de l'immortalité. Ce pouvoir que tu possèdes également. Il ne consiste pas seulement à devenir éternel, mais à le transmettre à autrui. Mais pour transformer quelqu'un en être immortel, il faut lui faire vivre un semblant de mort. L'état d'Obscurium. La race d'Obscurium n'est qu'une transition vers la race des Ashglows et l'immortalité. Du temps d'Astéria, l'état d'Obscurium ne venait pas toucher la population au hasard, Astéria sélectionnait la population et transformait les élus en état cadavérique avant de leur redonner leur état d'origine. Ils devenaient ainsi immortels. Des Ashglows.

Zara plissa les yeux, toujours cet air mauvais accroché au visage.

- Comme tu le vois, pour être immortel, il est nécessaire de devenir une bactérie répugnante. De sentir le vide, la mort et l'agonie pour renaître pour l'éternité. Mais à la mort de la Déesse, cette dernière a décidé de maudire la race des Obscuriums. Elle avait été tuée et refusait qu'après elle, l'immortalité se transmette trop facilement. L'état d'Obscurium est devenu une maladie, touchant au hasard la population, et la transformant sans possibilité de retour. Sans Astéria pour transformer les Obscuriums, les victimes étaient désormais destinées à rester dans cet état pour le reste de leur vie. Mais s'est alors produit un événement imprévu. Astéria avait jusqu'ici était la seule Phénix foulant nos terres, mais sa race ne s'était pas perdue. Sa race répugnante naissait du chaos.

La reine abordait désormais une mine écœurée.

- Si tu trouves que la condition pour devenir un Ashglow est infecte, celle pour devenir un Phénix est à vomir. Car les Phénix naissent des Obscuriums. Ces êtres rebutants ne peuvent communiquer qu'entre eux, par le toucher, et créent des liens les uns avec les autres. Des affinités. Et ces êtres fétides se reproduisent entre eux. Et lorsque des Obscuriums se reproduisent ensemble, cela donne obligatoirement un Phénix, né de l'union de deux êtres agonisants.

J'eus subitement la nausée. Cette foutue reine voulait réellement me faire croire que j'étais née de deux Obscuriums en état larvaire ? Que mes parents s'étaient rencontrés et étaient tombés amoureux l'un de l'autre dans cet état inhumain ? Mais pourtant, toutes les pièces du puzzle s'imbriquaient. « ...ne peuvent communiquer qu'entre eux, par le toucher... » Cela expliquait pourquoi j'avais été en mesure d'entrer en communion avec Cassius alors qu'il était encore Obscurium, parce que j'avais ce gène en moi. Et cela expliquait aussi pourquoi Alisa, après que je l'ai transformé, avait senti une différence en présence des Obscuriums. Alisa. Une Ashglow... Si Alisa était une Ashglow, je n'y étais pas pour rien.

Les explications tenaient, tout prenait sens, et je commençais à avoir mal à la tête. La reine n'attendit pas que je me remette de mes émotions pour poursuivre.

- Si les Obscuriums classiques ne peuvent redevenir Obscuras par eux-mêmes, les Obscuriums-Phénix le peuvent eux. Ils n'y arrivent pas tous, mais il n'est pas rare qu'un Obscurium reprenne forme d'Obscuras et aborde des yeux stellaires. Descendants de la race d'Astéria, les Phénix possèdent eux aussi la faculté de rendre d'autres personnes immortelles. Et c'est par eux que les Ashglow continuent de paraître dans notre monde.

- Le Soldarum, balbutiai-je, les Obscuriums... vous les gardez tous regroupés au même endroit pour mettre la main sur ceux se transformant d'eux-mêmes ! Et c'est pour ça que vous utilisez les Obscuriums comme cobayes, parce qu'ils détiennent le secret de l'immortalité mais sont trop vulnérables pour se défendre !

Mon cerveau se mit à carburer à toute allure. Tout prenait sens. Et je ne savais pas comment assimiler ce flux d'informations. Zara acquiesça, validant mes propos.

- Malheureusement, il arrive que certains nous échappent. Mais jusqu'ici, nos plans marchaient à ravir, jusqu'à ce que tes foutus parents fassent tout voler en éclat. Alors qu'ils étaient dans le Soldarum, sous cet état affreux, ta chère mère, après ta naissance, a trouvé le moyen de prendre sa forme d'Obscuras. C'est arrivé en pleine nuit, si bien que sa transformation est passée inaperçue. Au lieu de partir, de chercher à faire sa vie dans ce royaume, elle a préféré mettre son nez dans nos affaires pour découvrir tous nos plans. Quand elle a su ce que l'on cherchait et ce que l'on faisait aux siens, elle s'est dépêchée de vous transformer, toi, ton père, ton frère et ce Kairos. Et votre charmant petit groupe a tenté de fuir.

Zara fronça le nez, me regardant comme si j'étais l'être le plus abjecte qu'elle ait vu de son existence.

- Ta mère ne connaissait peut-être personne de notre monde, étant née Obscurium, mais ton père et Kairos avaient été Obscuras autrefois. Ils sont partis à la recherche de leurs proches pour quémander de l'aide. Bien heureusement pour nous, on avait eu la présence d'esprit de les éliminer. Car tes proches avaient mine de rien un bon entourage, qui ne les ont pas laissés tomber après leur transformation. Malheureusement pour eux, leur fidélité leur a été fatale. Ils trainaient de trop prêt de nos affaires. A défaut de ne pouvoir trouver d'appui, Aicard a dû se tourner vers d'autres personnes dont il n'était pas particulièrement proche. Le hasard a voulu qu'il se tourne vers moi et Samaël.

- Tu connaissais mon père avant sa transformation en Obscurium ? m'étonnai-je.

- J'étais sa voisine d'en face, nous n'avions aucun rapport l'un envers l'autre, mais nous vivions dans un petit village et tout le monde se connaissait. J'avais été le seul visage familier qu'il avait pu croiser. Lui et ta mère, Sandra, m'ont suppliée de les aider. J'ai alors vu une opportunité d'accéder aux rangs de Samaël et de m'élever dans cette société alors que je me trouvais tout en bas de l'échelle. Je connaissais Samaël, je connaissais ses machinations, mais je n'avais pas réussi à susciter son intérêt pour être inclus dans ses projets. J'ai promis à tes parents de les aider en leur donnant un lieu de rendez-vous pour leur fournir de quoi quitter le royaume, assurant avoir les moyens de leur trouver ce dont ils avaient besoin.

Un éclair de colère fendit les prunelles de Zara.

- Mais Sandra n'a pu s'empêcher de ramener son petit grain de sel ! Elle ne connaissait personne hormis sont petits entourages qu'elle s'était construite dans son état larvaire, et ne faisait donc confiance qu'à peu de monde. Elle a insisté auprès d'Aicard pour assurer leurs arrières. Ton père était un Rôdeur, un sale fouineur, elle l'a envoyé dérober les objets royaux, connaissant nos plans d'interférer dans les affaires royales. Et de son côté, elle a libéré une petite troupe d'Obscurium de leur emprise larvaire. Nous avions des objets dérobés, des immortels en fuite, et alors que je les avais vendus à Samaël, à cause de ta satané mère, il m'a soupçonné de trahison et m'a reprochée d'être responsable de ce retournement de situation. J'ai peiné à me racheter, pour prouver ma valeur. Mais tes parents ont réussi leur coup, ils allaient pouvoir fuir et on ne pouvait pas se permettre de les tuer sans avoir retrouvé les objets dérobés. Samaël a su habilement gagner leur confiance, se faisant passer pour un rescapé des méfaits des Darknils, il les a aidés à s'évader et s'est introduit dans votre troupe tel un Cheval de Troie.

Mon cœur tambourinait dans ma poitrine. Je ne savais pas comment réagir, ni démêler le méli-mélo de sentiments qui se nouait en moi. Je me sentais vide et pleine à craquer. Et j'avais envie de lui faire payer ses actes, sa trahison, de lui défigurer le visage pour apaiser mon mal-être.

- Au final, tes parents ont reçu la sentence que l'on offre à ceux de son espèce, poursuivit Zara, les parasites se doivent de mourir comme un parasite. Tes proches, les autres immortels, tous ont fini tués ou ont servi de cobayes pour nos expériences. Puis, tu es arrivée, et telle la digne fille de sa mère, tu as foutu le bordel. Ta version initiale s'est amusée à faire exploser notre repaire et y faire évader une de ses comparses parasites avec elle. Ensemble, elles ont décidé de nous mettre des bâtons dans les roues et ce, depuis des années. Et puis, tu es arrivée à ton tour. Les bactéries dans votre genre ne font que se multiplier, nous ne sommes jamais débarrassés de vous !

- Puisque le but est d'atteindre l'immortalité, tu devrais plutôt en être satisfaite, la provoquai-je, plus on est nombreux et plus toi et les tiens avez des cobayes.

Zara laissa échapper un rire grinçant.

- Les Obscuriums suffisent, nous n'avons pas besoin qu'ils sortent de leur état. Vous êtes juste une abjection qui rappelle l'injustice qu'a commis Astéria en sélectionnant la population. Vous êtes des larves visqueuses que le monde ne parvint pas à éradiquer.

- Si votre but ultime est d'accéder à l'immortalité, pourquoi ne pas le demander à un Phénix au lieu de semer le chaos ? finis-je par lâcher.

Zara me contempla comme si j'étais un être dépourvu de la moindre once d'intelligence.

- Parce que tu crois que c'est aussi simple ? s'énerva-t-elle. Samaël a tenté de la demander à tes parents alors qu'il avait leur parfaite confiance, mais ces derniers ont refusé. Ils ne voulaient pas jouer avec ce pouvoir. Pourtant, cela ne les a pas empêchés de transformer Sanjana, avec comme justification, que ce n'était qu'un bébé. Les Phénix vous êtes tous les mêmes, à vouloir sélectionner qui doit vivre et qui doit mourir, a utilisé vos dons que pour vos petits intérêts et à justifier vos actes pas le contre-coup de vos pouvoirs...

- Le contre-coup ? répétai-je.

- Hormis Astéria, qui elle était simplement épuisée, lorsqu'un Phénix transforme un Obscuras en être immortel, il fragilise son esprit. Plus il change de personnes et plus son esprit se fragilise jusqu'à avoir des pertes de mémoires et des moments d'étourdissements, jusqu'à enfin, perdre complétement l'esprit et ne plus pouvoir emmagasiner quoique ce soit. L'esprit se vide, et n'est plus apte à mémoriser ou se souvenir de la moindre chose.

Zara émit un râle d'agacement.

- Les Phénix aiment bien se cacher derrière cette excuse pour sélectionner leur petit comité. Mais de toute façon notre but n'est pas basé que sur l'immoralité, mais sur un monde régit par nos propres règles. Un monde où les races inférieures prendraient le dessus sur les races dites supérieures. Un monde où l'on pourra faire payer à chacun le prix de leur supériorité démesurée. Un monde de pouvoir pour ceux qui, normalement, n'avaient pas le droit d'y avoir accès.

- Un monde où tu pourras régner en toute impunité, tu veux dire, raillai-je. Tu n'en as rien à faire des races dites inférieures tant que toi, tu parvins à accéder au pouvoir et à en accumuler le plus possible.

- C'est vrai, admit-elle, mon but personnel est bien là. Je n'aspire qu'à monter en grade, à faire payer ceux qui m'ont attribué d'office une place de misère, je veux ce qu'on ne m'a jamais autorisé à prendre. Je veux le pouvoir d'écraser les autres, de prouver ce que je vaux vraiment. Car la vraie puissance ne réside pas dans la couleur de nos yeux mais dans notre pouvoir et malgré mes gènes dites pauvres, j'ai bien plus de pouvoir que la grande majorité de ceux résidants sur ce royaume.

Je retins des propos acides. Je ne pouvais blâmer la course au pouvoir ; j'aimais me sentir supérieure à autrui, avoir le parfait contrôle de la situation, et c'était me mentir à moi-même que d'affirmer le contraire. Mais n'aspirer qu'à cette chose, vivre et magouiller pour ce genre de but, je ne pouvais y adhérer. Et peut-être que je n'étais pas objective, étant directement impliquée par les conséquences de ses actions, mais son but était pauvre et creux. Cette fausse reine me répugnait.

- J'imagine facilement toutes les infamies commises pour en arriver là, grinçai-je, choisir ce qui est le plus répugnant entre toi et les Obscuriums n'est en fin de compte qu'une question de point de vue.

Zara ignora ma remarque. Elle continua de venter ses méfaits, comme si m'horrifier de ses actes lui procurait du bienfait.

- Ta mort me fera qu'accéder un peu plus au sommet du trône, m'intima-t-elle.

- Un trône qui ne te revient même pas, fis-je remarquer, et un jour, la population s'en rendra compte. Un jour, ils élieront le digne successeur et tu tomberas dans l'oubli, comme si tu n'avais jamais existé.

Zara haussa un sourcil, les traits moqueurs.

- Ils éliront un digne successeurs ? Mais le successeur légitime de Junon a déjà été élu, s'amusa-t-elle, les astres l'ont couronné, j'ai juste dévié la révélation et me suis octroyée le trône. Et cette population imbécile n'y a vu que du feu, sans jamais se rendre compte que leur véritable souverain était sous leur nez. Alors crois-moi, des abrutis pareils ne sauront m'éjecter hors du trône. J'y ai veillé, et j'y veillerai.

Le véritable héritier de Junon avait déjà été proclamé dans l'ignorance de tous ? Zara paraissait ravie de cette information. Elle et les Darknils s'étaient bien foutus de la gueule du royaume. L'impuissance continua d'affluer. J'étais là, à cueillir toutes sortes d'informations, sans pouvoir rien en faire. Coincée dans une situation où l'issue me serait défavorable.

- Un jour, à force de vouloir courir après le pouvoir, tu te casseras la gueule, ne pus-je m'empêcher d'assurer, n'ayant que mes mots avec moi. Un jour, tu tomberas, tu t'écraseras, tu te fracasseras, et tout ce que tu auras fait n'aura servi à rien.

- Tes mots me sont indolores, répliqua la reine. J'ai tout calculé, chaque action menée durant ma vie m'ont menée là où j'en suis aujourd'hui, chaque acte était programmé pour jouer en ma faveur. Rien ne pourra me faire tomber.

- Ton égo surdimensionné le pourrait.

J'eus le droit à un regard agacé.

- Tu fais la fière alors que tu es au pied du mur, cingla-t-elle, mais regarde-toi, elle est là la différence entre nous. Tu as des pouvoirs puissants, mais tu t'éparpilles et t'égares au milieu de tes sentiments, de tes tourments et de ton vécu au lieu d'exploiter ta puissance. Tu gâches ton potentiel à suivre tes émotions.

- Parce que tu vas me faire croire que le glaçon que tu es ne ressens rien ? N'a d'attache pour personne ? raillai-je.

- Les sentiments sont surfaits, riposta Zara, ils n'apportent rien que des contre-temps. Les gens sont des pions, les émotions des illusions. Alors oui, je n'ai pas d'attaches, pas d'émoi, seulement un but à atteindre et c'est pour cela qu'aujourd'hui, tu mourras pendant que j'étendrai un peu plus ma domination.

Je serrai les poings, refusant de ne trouver aucune faille dans cette carapace impénétrable.

- Tu as des enfants non ? C'est qu'au fond, même un glaçon peut avoir la fibre maternelle.

Je n'étais pas sûre de ce que j'avançais, mais je n'avais plus que des cartes aléatoires à jouer. Gagner du temps. Pour quoi faire ? Aucune idée. Retarder le moment où elle se lasserait de parler et en finirait une bonne fois pour toute. Peut-être.

La reine haussa un sourcil, retenant un ricanement.

- Une fibre maternelle ? répéta-t-elle, tu crois sérieusement que j'ai du temps à perdre à jouer les mamans poules ? Mon fils était une erreur que j'ai fini par jeter dans la fausse au lion. Mais il a dû hériter de ma robustesse, car il continue de fouler mes terres. Quant à ces trois adoptions, tu crois sérieusement que je me suis encombrée de trois gamins geignards par bonté d'âme ? Ils faisaient partis d'une grande malédiction lancée par Astéria. C'est une richesse de puissance. Les mettre sous ma coupe pour me servir d'eux à bon plaisir n'était qu'un jeu d'enfant. Ces ignobles parasites sont tellement déchirés par leur passé qu'ils sont les pantins parfaits pour accomplir ma sale besogne avant de servir de cobaye pour dénicher en eux les restes de la puissance d'Astéria coulant encore dans leurs veines. Il m'a suffi de les sauver, de les adopter, de paraître aimable pour qu'ils m'appellent « mère » et assouvissent mes désirs. Je te l'ai dit, tout est fait pour que j'atteigne le sommet. Les êtres vivants ne sont que des pions et je suis la reine de l'échiquier. On ne peut me renverser.

Les mots avaient fui. Je n'avais plus de provocation en stock. J'étais là, sidérée. J'avais tant voulu passer pour un être sans cœur, jouant avec mon entourage comme s'ils étaient des pantins à mon service, mais à côté de ce monstre, je jouais encore en maternelle. Ce glaçon n'avait pas seulement le cœur gelé, il en était totalement dépourvu.

Zara lâcha un soupir d'agacement et me saisit par la gorge. De faible ultrason reprirent formes dans mon esprit.

- J'en ai assez, m'intima-t-elle. Je n'ai plus envie de parler, il est temps de clôturer cette boucle infernale. Il est temps que tu meures.

Les ultrasons explosèrent dans mon crâne dans un bruit de tonnerre. Je ne pus retenir un cri de souffrance. Ma perception des alentours devint trouble, je n'arrivais plus à distinguer correctement les environs. Mes pouvoirs me faisaient défauts sous l'avalanche de souffrance.

La silhouette de Zara n'était qu'une ombre face à moi. Son aura glaciale m'enveloppait. J'étouffais. Mon cerveau allait exploser. L'ombre se dédoubla. Mes pouvoirs devaient vaciller, je ne percevais plus correctement les environs. Mais désormais, j'avais bel et bien deux silhouettes en face de moi. La deuxième sembla s'étirer, s'agrandir. Huit longues pattes se dressèrent dans les airs. Et s'enfoncèrent violemment dans le dos de la silhouette qui me retenait.

L'emprise autour de ma gorge se relâcha. Je tombai, genoux à terre, la respiration sifflante. Les ultrasons avaient disparu, mais la douleur demeurait encore. Perdue, confuse, je me concentrai sur mes pouvoirs pour regagner la vue. Les ombres reprirent de la couleur. Mon sang se glaça.

La reine Zara était immobile, debout, le dos courbé vers l'arrière, les yeux grands écarquillés, la bouche ouverte en grand, un filet de sang s'y échappant. Dans son dos, huit pattes d'araignée y étaient enfoncées, la transperçant, laissant le bout des pattes se dessiner sur le ventre de Zara. Arachné contempla sa mère d'adoption, ses pattes toujours enfoncées dans le corps de la fausse reine. Le visage de l'Animalis était froid, dans ses yeux brillaient une rage intense. Lentement, elle retira ses pattes et Zara s'échoua lourdement contre le carrelage. Son sang s'éparpilla autour d'elle.

- Je pense que lors de ton monologue, tu as dû oublier ma présence dans les lieux, pesta sa fille.

Zara respirait difficilement, le souffle affolé, perdant des litres de sang. Elle contemplait sa fille adoptive avec horreur et terreur. Arachné s'agrippa les cheveux et se mit à hurler. Un hurlement de rage, de haine et de tristesse.

- Je ne suis que ton objet ? Un stupide cobaye à ton service avant le coup fatal ? hurla-t-elle. Tu es à l'image de mes parents biologiques ! Je te déteste ! Je te hais !

Arachné continua d'agripper ses cheveux en hurlant de rage et de douleur.

- Je te hais ! Je vous hais tous ! continua-t-elle, des larmes sur les joues et un incendie dans les prunelles. Tout ce que je voulais, moi, c'est être enfin acceptée. Tout ce que je voulais, moi, c'est être enfin aimée. J'ai cru qu'en faisant tout ce que tu voulais, en jouant les filles parfaites, je pouvais accéder à ce souhait. Parce que tout ce que je veux, moi, c'est une famille ! Tout ce que je veux, c'est un parent !

Un nouveau cri s'échappa de ses lèvres.

- Mais tu es comme eux tous, tu es comme tout le monde. Tu ne vois que ma malédiction, tu me vois comme un monstre, je ne suis qu'un objet. Je voulais juste que tu m'aimes ! Pourquoi tu ne nous as pas laissé mourir dans cette cave ! Si c'est pour revivre cette boucle de souffrance, j'aurais préféré crever !

Arachné laissa sa rage l'emporter, elle tira ses cheveux, laissant des mèches s'échouer sur le sol.

- Je te déteste ! Je te déteste ! Je te déteste !

Avec rage, Arachné donna un puissant coup de pied dans le corps agonisant de sa mère adoptive. Elle déchargea toute sa colère sur le corps ensanglanté. Elle abattit son pied dans le visage de Zara, fracassant son nez. Elle continua de la ruer de coup, encore et encore. Le crâne de Zara émit un craquement qui me fit froid dans le dos alors que sa tête se tordit dans un angle improbable.

La reine Zara était morte.

Et Arachné continuait de lui refiler des coups, encore, jusqu'à épuiser toutes ses forces. Enfin, quand la colère la déserta, elle se laissa lentement tomber contre le sol. Le silence empli les lieux.

Abasourdie, j'étais incapable de bouger.

La reine indétrônable, la reine invulnérable, la reine intouchable venait d'être tuée. Elle n'avait pu renvoyer l'attaque d'Arachné, car cette dernière l'avait prise au dépourvue avec des armes qu'il était impossible de se servir sur soi-même.

La reine avait été tuée par son soldat le plus fidèle. Son égo avait eu raison d'elle. Et la reine venait d'être renversée par son propre pion. La reine venait d'être chassée de l'échiquier. Et je n'arrivais toujours pas à croire ce que je venais de voir.

Arachné cligna vivement des yeux et finit par porter son attention sur moi.

- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

Je la regardai, interdite. Le monde tournait à l'envers. Les événements m'échappaient complétement.

- On ?

Arachné haussa les épaules.

- La reine est morte. Les Draknils ne vont pas être ravis, il faudrait retrouver l'héritier légitime avant qu'ils ne mettent une nouvelle imposture sur le trône.

Je devais avoir un problème auditif.

- On ? répétai-je, tu veux dire, nous, toutes les deux, ensemble ?

Arachné haussa une nouvelle fois les épaules.

- Oui.

- Tu as perdu la tête ! grinçai-je.

L'Animalis soupira bruyamment.

- J'ai tué la reine. Il nous faut un plan, maintenant !

- Tu voulais ma mort pas plus tard qu'il y a quelques minutes et maintenant tu veux qu'on fasse équipe ?

- Ma mère ne t'aimait pas, je l'aimais, donc je te haïssais. Ma mère ne t'aimait pas, mais maintenant je la déteste, alors je t'aime bien. Enfin... j'aime ce que tu représentes. Si tu survies, si tu gagnes, ce sera le plus beau doigt d'honneur que je pourrais lui faire. Alors je suis prête à t'aider.

Arachné retournait sa veste si rapidement et si facilement que j'avais du mal à croire ce qu'il était en train de se produire. Cette Obscuras n'était pas fiable, elle était instable, colérique, violente, imprévisible et indigne de confiance. Mais d'un côté, j'étais la mieux placée pour comprendre ces traits de caractère. Un sourire étira mes lèvres alors qu'une idée germa dans mon esprit.

- D'accord, acceptai-je.

Arachné se mit à sourire.

- Il nous faut un remplaçant à Zara avant que les Darknils ne se rendent compte de quoique ce soit, expliquai-je, et j'aurai besoin de ton aide.

Arachné me portait toute son attention. Ses yeux scintillaient. Ses humeurs changeaient à vitesse hallucinante. Désormais, elle semblait excitée.

- Tu as une idée de qui mettre sur le trône ?

Je lui envoyai un large sourire.

- Oui, moi.

Arachné écarquilla les yeux. Je détaillai mes intentions ;

- Pour éviter que Zara laisse place à un autre Darknil tyrannique, le mieux est de faire croire à tous qu'elle est encore vivante. Qu'elle m'a tuée. Il me suffira de quelques illusions, je prendrai sa place et volerai son image. Je serai un Cheval de Troie au sein des Darknils.

Et Arachné éclata de rire.

- Je serai ravie de t'aider, ça risque d'être amusant !

Samaël avait été le Cheval de Troie qui avait détruit les miens, je serai le Cheval de Troie qui le détruirait.

Zara avait cru être indétrônable, un être intouchable qui atteindrait le sommet de la gloire. Elle avait fait de sa vie un grand échiquier où elle était reine, jouant avec ses pions comme on joue avec des marionnettes. Mais les pions avaient renversé la reine avant de prendre sa place. Et désormais, j'étais le cavalier. C'était à mon tour de jouer.

J'avais détrôné l'indétrônable. Et aujourd'hui, j'avais envie d'être la reine.

*

NDA : Hey ! Me revoilà enfin avec le grand final de ce tome ! Il ne reste plus que le chapitre 0 et on débutera l'ultime tome d'Obscuras 😱
J'espère que ce chapitre riche en informations vous aura plu ! J'essayerai de poster le chapitre zéro dans la semaine qui arrive.

- Eudora, née de deux Obscuriums, votre avis ? La façon dont on devient immortel, vous vous y attendiez ?

- La mort de Zara, content.e.s ? Votre réaction ? Et l'alliance entre Arachné et Eudora, un avis ?

- Et enfin, Eudora qui s'auto-proclame reine, verdict ?

Bon je vais arrêter avec les questions 😂 merci à ceux qui y répondront et merci à tous ceux qui me lisent !

On se dit à bientôt pour la suite !

Kissy kissy 💙

#Nakijo.

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