30. Tout feu tout flamme.
Il m'avait fallu du temps pour dénicher le livre et le médaillon d'Astéria. Il fallait avouer qu'ils avaient bien été cachés. A bout de patience, j'avais fini par réveiller Martial en toute discrétion, avant de le tirer hors de sa chambre pour ne pas qu'il réveille Orso et Nérée qui dormaient à point fermé. Sans laisser le temps au Guerrier de poser des questions, j'avais utilisé mes pouvoirs de Nymphe sur lui pour qu'il aille me chercher les deux objets tant convoités. Sous mon emprise, sans plus aucun libre arbitre, Martial avait obtempéré. Lorsqu'il m'avait apporté ce que je désirais, je lui avais ordonné de me suivre dans l'entrepôt où on avait retrouvé Orso dans des cartons et je l'avais fermement ligoté. Je devais donner ces objets à Evilash, selon notre accord, et je craignais qu'en mon absence, Martial ne retrouve son libre arbitre et alerte tout le monde.
Sortir en douce du volcan n'avait pas été tâche aisée. Les Lycanthropes étaient extrêmement vigilants. Des patrouilles surveillaient les alentours et des tours de garde étaient mis en place. A l'aide de mon pouvoir d'illusion, j'étais parvenue à sortir, manquant me faire prendre à plusieurs reprises.
Désormais, je courais dans un monde inconnu, suivant les cours d'eau comme me l'avait conseillé Evilash afin de rejoindre la Cascade Sanglante où elle m'attendait. J'avais l'impression que cela faisait des heures que je suivais ce maudit cours d'eau. De nuit, ce n'était pas quelque chose d'évident, je ne voyais rien et dans ma folle allure, je ne cessais de me prendre les pieds dans des choses non-identifiées qui parcouraient la forêt. Je sursautais au moindre bruit, inquiète de me faire repérer. Ce monde était beaucoup trop étrange. Les créatures qui le parcouraient beaucoup trop atypiques. J'avais même vu un arbre se déplacer à l'aide de ses racines !
Au bout d'un temps qui me parut être une éternité, je débouchai sur une immense cascade. La lune envoyait ses reflets dans l'eau, éclairant les remous pourpre qui giclaient ci et là sur les rochers. J'y étais. La Cascade Sanglante était là. Je devais reconnaître qu'elle portait bien son nom. L'eau, ou du moins le liquide, était de la même couleur que le sang. A croire qu'un massacre avait eu lieu à cet endroit.
- C'est ici qu'a été brûlée Astéria, m'apprit Evilash en apparaissant à mes côtés, elle est morte brûlée sur ces rochers, m'expliqua-t-elle en me désignant de gros rochers surplombant la cascade. Depuis, l'eau de la cascade s'est changée en sang.
Je me tournai vers Evilash, évitant de regarder le sang qui se déversait dans les lieux. C'était immonde et l'odeur me prenait à la gorge. Ignorant ce que me procurait cet endroit désagréable, je pris le sac que j'avais volé dans l'entrepôt où j'avais laissé Martial et en sortis les deux objets qu'Evilash convoitait tant. La menace insaisissable semblât satisfaite.
- Je vais avoir des problèmes, lui fis-je remarquer, je suis en droit de savoir ce que tu comptes en faire.
Evilash soupira d'agacement.
- Ce n'est pas mon problème, dit-elle d'un ton tranchant, et tu peux comprendre par toi-même ce que j'ai en tête. Zahir t'a raconté l'importance de ces objets.
- Tu sais où trouver la Bête ? me surpris-je.
Evilash me lança un sourire complice.
- Tu le sauras quand tu auras pleinement rejoint mes troupes, minauda-t-elle.
Je fus partagée entre la curiosité et la frustration. Je serrai les poings, gardant une contenance.
- Quand j'aurai rejoint tes troupes ? Quand ? Vu ce que je viens de faire, je doute que la meute veuille toujours de moi.
- Ils ne sont pas stupides, ricana Evilash, bien sûr qu'ils seront en colère, mais ils ne prendront pas le risque de te perdre et te laisser courir dans le royaume. Tu t'es peut-être fait des alliés qui ont fini par avoir confiance en toi, Eudora, mais beaucoup se méfient et préfèrent t'avoir à l'œil.
Cette conclusion n'était pas vraiment à mon goût, je détestais me savoir surveillée, mais pourtant, elle avait raison. La plupart de ceux que je côtoyais ne me faisait pas confiance.
- Je te laisse Eudora, me lança mon double, j'ai énormément de choses à faire. J'espère que tu ne comptes pas trop sur moi pour t'aider durant quelques jours car je serai injoignable. Alors un conseil, ne fait pas trop de conneries, car je risque de ne pas pouvoir venir réparer les dégâts. Tu devras te débrouiller toute seule.
Sans que je puisse répliquer, Evilash disparut dans un torrent de cendres avant de s'évaporer de la circulation, me laissant seule face à cette cascade au relent funeste. Frustrée, je serrai les poings. Qu'est-ce qu'elle avait d'important à faire au juste ? Si elle comptait se confronter aux Darknils, je voulais en être ! Nous étions désormais dans le même camp et je ne voulais pas être mise sur la touche.
Je m'apprêtai à rebrousser chemin pour rejoindre le volcan lorsque les taillis remuèrent. Des Obscuras arrivaient droit vers moi et avec le bruit de la cascade, je ne les avais pas entendus venir. Je me figeai, sur mes gardes, prête à riposter dans l'éventualité d'une mauvaise rencontre. Le groupe s'avança dans la pénombre jusqu'à rejoindre une zone éclairée par la lune. Je reconnus Zahir à la tête du groupe, suivis de Circé, Martial, Nérée, Alisa, Hell, Ronan et Kalidas, ainsi que divers Lycanthropes qui m'étaient inconnue. Merde. Ils s'étaient lancés à ma poursuite. La présence de Martial était révélatrice sur la venue de toute cette troupe.
- Je peux savoir ce que tu as fait ? tonna Zahir avec colère.
Je contemplai la horde, penaude.
- Je faisais une petite promenade nocturne, répliquai-je, j'ignorais que c'était interdit.
J'eus le droit à plusieurs fusillements de regard.
- Tu m'as manipulé avant de me ligoter dans un entrepôt ! s'insurgea Martial, qui visiblement, n'avait pas aimé mon acte.
Il se sentait trahi, je le vis dans son regard. J'en étais désolée pour lui, il avait une trop haute estime de moi ; je n'étais pas digne de confiance et il aurait dû le savoir.
- Rends-nous les objets d'Astéria et nous pourrons repartir sur de bonnes bases, me lança Zahir qui faisait un effort pour ne pas s'énerver.
- Désolée, mais il est un peu trop tard, je ne les ai plus, lui appris-je.
- Quoi ? s'étrangla un Lycanthrope. Qu'est-ce que tu en as fait ?
- Tu les as donnés à Evilash, railla Nérée, parce que tu es de son côté et que tu te sers de nous depuis le début ! On n'aurait jamais dû t'insérer parmi les nôtres, tu n'es qu'une source de problèmes !
- Nérée n'en rajoute pas, s'agaça Alisa avant de me regarder avec incompréhension. Tu as vraiment donné les objets à Evilash ? demanda-t-elle.
Etrangement, j'avais mal à l'idée de les décevoir, elle, Martial et Kalidas. Je n'osais même pas croiser les yeux de ce dernier, de peur d'y voir une expression qui m'aurait été désagréable.
- Oui, répondis-je d'un ton tranchant, contrastant avec mes réelles émotions.
- Je le savais, grinça Nérée.
- Pourquoi ? s'étrangla Martial.
- T'as intérêt à avoir de solides explications, lâcha Zahir d'un ton tranchant, car cette histoire ne passera pas aux oubliettes.
- Parce que je suis Evilash et vous êtes complétement stupides d'avoir laissé ces objets sans surveillance. Vous ne pouvez-vous en prendre qu'à vous-même !
- Eudora !
Je me figeai au son de la voix de Kalidas. Son exclamation résonnait dans mes oreilles tandis que mon cœur se comprimait. J'avais peur de ce qu'il pouvait bien penser. Depuis quand avais-je peur du regard des autres ?
- Evilash t'a fait chanter ? me demanda Alisa.
Je clignai vivement des yeux. La Banshee cherchait une explication pour m'innocenter. Parce qu'elle ne voulait pas croire que je puisse retourner ma veste aussi promptement. Parce qu'elle avait foi au lien qui nous unissait depuis un certain temps et au rapprochement qui allait avec. J'aurais pu acquiescer, saisir la perche qu'elle me tendait pour éviter les dégâts que causerait la réalité, mais je n'avais pas envie de lui mentir. Ni à elle, ni à Kalidas et Martial. Moi qui voulais n'avoir aucune attache, c'était complétement raté.
- Non, je l'ai fait de mon plein gré, avouai-je en osant la regarder dans les yeux. J'ai accepté de rejoindre Evilash il y a quelques temps, de ma propre initiative.
Un silence accueillit mon aveu. J'affichai un visage imperturbable, refoulant le nœud qui voulait se créer dans mes organes.
- Au moins, désormais, tes intentions sont claires, finit par lâcher Nérée, tu peux partir de ton côté rejoindre ton acolyte. Bon débarra.
Je serrai les poings, me retenant d'envenimer les choses en lui lâchant une réplique acerbe suivit d'un coup de poing dans les dents. Je n'en avais rien à faire de son avis, ce n'est pas sa réaction que j'attendais ardemment.
- Cool, je te suis ! finit par lâcher Alisa avec entrain. C'est quoi le plan ?
- Quoi ? m'étranglai-je sous la surprise.
Je n'étais pas la seule, l'ensemble des personnes présentes contemplaient la Banshee avec stupéfaction.
- Alisa, qu'est-ce que tu fiches encore ? s'exaspéra Ronan.
- J'ai confiance en Eudora, avoua-t-elle, je suis sûre qu'il y a une bonne raison pour qu'elle ait dérobé les objets d'Astéria.
- Bien sûr qu'elle a une raison ! intervint Martial. Evilash a déjà les Artefacts, dorénavant, il ne lui reste plus que le lieu et la Bête et elle aura le pouvoir d'anéantir tous ces monstres du royaume. C'était plutôt logique de lui remettre les objets, elle pourra se charger de ce foutoir, admit-il avant de me toiser avec un brin d'énervement. Mais tu aurais au moins pu parler de tes attentions comme une personne civilisé ! se vexa-t-il.
Martial me détailla dans une grimace avant de reprendre :
- Tu n'as même pas essayé de t'expliquer, tu m'as directement utilisé comme un objet. T'aurais pu me mettre au parfum et voir si j'aurais été de ton côté, et si ça n'avait pas été le cas, là, tu aurais pu me manipuler. Mais tu ne me fais même pas assez confiance pour tenter ! Je pensais que la situation avait évolué depuis nos débuts.
Sa remarque eut le don de faire rire Nérée.
- Non mais t'es pas sérieux là ? s'étrangla-t-il. Tout ce que tu retiens de cette histoire, c'est qu'elle ne t'ait pas demandé de la rejoindre dans ses plans ? Je ne sais pas si vous vous en rendez compte, mais Eudora nous mène tous en bateau, et ce, depuis qu'elle est arrivée dans ce royaume. Initialement, la mission, c'était d'arrêter Evilash ! Depuis quand on œuvre contre ces Darknils dont on ne connait rien ? Au lieu de se battre contre Evilash, on en vient à jouer dans son camp. C'est du grand n'importe quoi. Je vous rappelle qu'elle a tué des populations entières. Elle n'est pas plus blanche que les Darknils.
- Si, elle l'est, intervint Kalidas. Evilash se bat contre les Darknils, et lors d'une guerre, il y a bien souvent des victimes. Je ne cautionne pas sa façon de faire, mais on ne peut nier que la plus grande menace ce sont les Darknils et non Evilash. Contrairement à ce qu'on avait cru autrefois.
- Et donc quoi ? On va laisser Eudora faire n'importe quoi ? On la laisse donner des objets aussi précieux à Evilash en croisant les bras pour qu'un des monstres du royaume supprime l'autre monstre de l'équation ?
- Nérée, la situation a évolué depuis l'arrivée d'Eudora, les priorités ont changé. Il faudra bien que tu finisses par l'assimiler, tonna Circé.
Nérée fulminait de rage.
- Peut-être, mais je vous rappelle que Naïa est morte à cause d'elle et non à cause des Darknils. Je refuse de m'allier à eux parce qu'Eudora a décidé que c'était la chose à faire.
- Personne n'a dit qu'on devait nous aussi nous allier, rétorqua Ronan.
- Refuser de nous allier et continuer à héberger Evi... Eudora qui est du côté d'Evilash sont deux choses incompatibles, s'entêta-t-il.
- De toute façon, ce n'est pas toi qui décides si elle doit rester ou partir, le rabroua Zahir d'un ton dur. La décision ne te revient pas. Le volcan appartient à la meute, la décision m'appartient donc. Puis, sachant que tu as déserté ta cause et été emmené de force dans notre tanière, tu n'es pas vraiment en mesure de donner ton opinion.
Nérée fulmina un peu plus de rage mais eut l'intelligence de ne rien ajouter. Zahir me toisa d'un regard froid.
- Je ne vais pas te cacher que je ne cautionne pas ce que tu viens de faire, je n'ai pas envie de te garder avec nous et je ne te fais aucunement confiance, avoua-t-il avec franchise.
Son regard se tourna vers Circé, la fille aigle fit un petit mouvement de tête et Zahir acquiesça avant de reporter son attention sur moi.
- Mais si tu veux rester, on t'y autorise. Ce serait stupide de se disperser en ces temps de troubles et si notre lutte reste commune, je ne vois pas pourquoi nous devrions te faire partir. Cependant, je n'accepterai pas une deuxième scène comme celle d'aujourd'hui. Quand tu as quelque chose en tête, tu en parles, à moins que tu ne veuilles que je te colle mes loups à ta suite. A toi de voir. Sache également que si jamais l'un de tes actes venaient à faire du tort à la meute, je m'occuperai personnellement de ton cas.
Je contemplais Zahir, un sourcil haussé. Je n'en revenais pas. J'avais cru que jamais il me serait possible de retourner aussi facilement auprès d'eux. Mais il ne fallait pas que je me fasse d'illusion, Evilash avait raison, ils voulaient simplement me garder à l'œil... Je finis par acquiescer, me pliant aux propos du Lycanthrope. Il n'avait cependant pas intérêt à me coller ses loups aux baskets, car la simple idée me faisait déjà disjoncter.
- Parfait ! clama Martial. On peut rentrer ? demanda-t-il. Je n'ai pas fini ma nuit moi !
Je venais de les trahir, mais tout revenait dans l'ordre comme si de rien n'était ? C'était surréaliste. Ils étaient trop naïfs, trop emplis de bonnes attentions. Deux points qui risquaient de les faire courir à leur perte... Cette idée me déplaisait, étrangement. Je n'en revenais pas que leur sort puisse désormais m'importer.
Alors qu'on allait partir, Alisa se figea. Son regard se perdit dans l'horizon et son expression facial se métamorphosa. Machinalement, la Banshee s'avança vers la Cascade Sanglante.
- Alisa ? l'interpela Ronan, inquiet.
J'avais immédiatement compris qu'il ne s'agissait pas d'Alisa. Astéria avait pris une nouvelle fois le contrôle de la Banshee. Lentement, elle tendit le bras vers le sang qui s'écoulait, l'envoyant gicler sur sa peau et ses habits. La Banshee s'avança un peu plus vers la cascade, jusqu'à se retrouver au bord. Soucieux à l'idée qu'elle puisse tomber, Hell partit la rejoindre, et doucement, il l'éloigna des chutes de sang. Alisa se débattit, ne voulant pas rompre son contact avec le sang.
- C'est ici qu'ils m'ont tuée ! cracha-t-elle avant de s'agripper la poitrine. Je suis morte ici.
- Qu'est-ce que tu racontes ? se dérouta Ronan en s'approchant à son tour, inquiet pour sa sœur.
- Ils m'ont tuée par abus de pouvoirs et le désastre souille mes terres depuis trop longtemps.
- Qu'est-ce qu'il te prend ? commença à s'affoler son frère tandis qu'Hell la maintenait toujours pour éviter qu'elle ne rejoigne les eaux sanglantes.
- J'ai voulu offrir une vie meilleure à tous, la vie éternelle, le bonheur, et tout a viré au cauchemar.
Je fronçai les sourcils, m'avançant à mon tour. Si Astéria était de sortie, autant essayer d'en tirer quelques informations.
- J'ai fait des erreurs, je le sais, mais je n'ai jamais voulu ce chaos ! s'écria-t-elle.
- Astéria ? demandai-je, voulant attirer son attention.
J'ignorai les regards surpris se tournant en ma direction, me focalisant sur l'entité. Cette dernière me contempla silencieusement.
- On peut peut-être régler ce chaos, tentai-je, dit nous ce qu'on doit faire.
Astéria pencha la tête sur le côté dans un petit sourire.
- Commences par t'accepter telle que tu es vraiment, sinon, tu ne pourras rien faire. Je te l'ai déjà dit.
Ronan nous contempla tour à tour, hébété.
- Ma sœur est possédée par Astéria, s'ahurit-il, et vous, vous étiez au courant ?
- C'est une longue histoire, marmonnai-je, ne voulant pas perdre du temps dans les explications.
- Mais comment est-ce possible ? Comment Astéria peut-elle communiquer à travers ma sœur ? Et pourquoi à travers ma sœur et pas quelqu'un d'autre ?
Il soulevait une question intéressante dont je n'avais pas la réponse. Astéria porta son attention sur Ronan. Plus ouverte que d'habitude, elle semblait prête à répondre.
- Ta sœur est spéciale. Tout comme toi.
Ronan parut confus. Il n'était pas le seul.
- Spécial ? Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Je suis restée tapis dans l'ombre depuis des siècles, sans plus échanger avec le monde des vivants. J'attendais l'opportunité...
- Mais tu es morte, fit remarquer Ronan. Il n'y a pas de vie après la mort.
- C'est vrai, admit Astéria, sauf pour moi. Je suis restée en retrait, sans pouvoir interagir avec le monde, parce que je n'en fais plus partie. Tapis dans l'ombre, sans pouvoir rien faire pour améliorer les choses. Jusqu'à Alisa.
- Qu'a-t-elle de spéciale ? lui demanda Ronan, plus tendu que jamais.
Astéria lui sourit avec bienveillance.
- Toi et Alisa, vous êtes mes descendants. Mon sang coule dans vos veines. C'est pour cette raison que je peux m'exprimer à travers son corps, grâce à notre génétique et son lien étroit avec la mort, il m'est possible de parler et d'agir à travers elle.
L'annonce sonna comme un coup de massue pour tous.
- Je... bafouilla Ronan. Tu es mon ancêtre ?
Astéria acquiesça avant de reporter son attention sur moi. Je retins un frisson, déstabilisée par la révélation qu'elle venait de nous lâcher. Depuis le début, deux descendants de la grande déesse parcouraient les rangs des Clandestins sans que jamais personne ne s'en doute ? J'avais l'impression d'halluciner.
Je dus me reprendre. Astéria était face à moi, plus encline à répondre aux questions qu'on pouvait se poser. Je devais en profiter.
- Selon toi, pour arranger les choses, je dois impérativement m'accepter ? repris-je.
- Ta race est primordiale. Elle est au centre de tout. Tant que tu n'auras pas accepté ta vraie nature, tant que n'auras pas accepté ton passé, tu ne pourras pas avancer.
Je serrai les poings.
- Evilash semble s'être acceptée, et pourtant, rien n'a vraiment l'air d'avoir changé, fis-je remarquer.
- C'est l'union et la bienveillance qui triomphera des ténèbres, me confia la Déesse. Une malédiction n'est pas éternelle, les ténèbres auraient pu se dissiper depuis bien longtemps si les vices de chacun avaient pu être contrôlés.
Je fronçai les sourcils, ayant du mal à suivre.
- Evilash ne pourra pas réparer à elle seule les horreurs du passé. Mais votre race reste le meilleur atout pour triompher. Cesse de vivre dans le passé, coincé dans cette peau de Terrienne.
- Notre race ? relevai-je.
J'essayai de refouler la crainte qu'elle venait de faire naître en moi. Astéria voulait que j'abandonne ma peau de Terrienne, que je retrouve mon physique d'Obscuras, pour selon elle, développer la totalité de mon potentiel. Mais je ne m'en sentais pas capable. Le passé continuait de m'oppresser de manière toxique. Il me comprimait. Le vide était toujours là. Le manque. L'horreur. La peur. La culpabilité. Mon physique de Terrienne était tout ce qu'il me restait. C'était tout ce qui me raccrochait à ma vie d'autrefois. Ma vie sur Terre. Là où j'avais grandi. Là où j'avais connu mes parents, mais là aussi où je les avais perdus. Là où j'avais commis la plus grosse erreur de ma vie. Perdre mon physique Terrien sonnait à mes oreilles comme le fait de perdre mon passé. Je ne pouvais le supporter. Il m'était impossible d'oublier, de tirer un trait, de couper cet unique lien qui me reliait à mes origines.
- Notre race ? dis-je une nouvelle fois dans une grimace.
- Tu fais partie de la race des Phénix, Eudora. Ta race est méconnue de tous, en voie d'extinction, mais c'est aussi l'étincelle capable de ramener la lumière. Tu es un Phénix, tu partages ma propre race. Ce n'est pas un hasard si tu peux entrer en symbiose avec ma descendance. Les Phénix et ma lignée ont toujours eu un lien particulier entre eux.
Les Phénix ? J'en restai abasourdie. Ainsi, ma race était celle des Phénix ? J'ouvris la bouche, ébaubis, mais avant qu'un son ne puisse sortir, Astéria eut un soubresaut et Alisa reprit le contrôle de son corps. Le regard perdu, elle nous contempla tour à tour.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda-t-elle d'une petite voix.
Hell passa une main dans les cheveux étoiles de la Banshee.
- Désormais je devrai penser à t'appeler Déesse, s'amusa-t-il.
Alisa lui coula un regard.
- Qu'est-ce que tu racontes encore ? s'exaspéra-t-elle dans un sourire.
- Je te raconterai plus tard, je crois qu'on a assez trainé dans les lieux, lui répondit-il.
- Il faudrait penser à rentrer, confirma Circé, encore prise de cours par les événements, comme nous tous.
Sortant de l'hébétement, on finit par rebrousser chemin pour retourner au volcan. Le ciel s'était légèrement éclaircit. Nous avions perdu beaucoup de temps et le jour n'allait pas tarder à se lever. Les chemins étaient désormais plus clairs, et je pus, à mon plus grand soulagement, voir où je posais les pieds.
On marchât un long moment, quand subitement, Martial s'arrêta. On lui lança un regard interrogateur. Le Guerrier pointa l'horizon de son doigt.
- Vous voyez ? demanda-t-il.
Je fronçai les sourcils, essayant de distinguer ce que le Guerrier tentait de nous montrer, mais ne vit rien de particulier.
- Martial, tu es le seul muni d'une vue extensible, s'exaspéra Nérée, on ne peut pas voir ce que tu vois.
- Il se passe quelque chose dans le petit village, là-bas, nous apprit-il. Je crois qu'il s'agit du brouillard noir.
- Les Furies de l'Ombre ? s'inquiéta Ronan.
- Fort probable.
- Raison de plus pour se grouiller de rentrer, s'alarma Nérée.
Martial se figea un peu plus.
- Qu'est-ce qu'il y a ? s'alerta aussitôt Zahir.
- Quelqu'un arrive droit sur nous.
Aussitôt, les Lycanthropes furent en alerte et Circé se métamorphosa en aigle avant de piquer vers le ciel et de partir en reconnaissance. L'aigle finit par revenir en même temps qu'un Obscuras traversait l'obscurité.
- Piper ? s'étonna Alisa.
Circé reprit sa forme d'origine.
- Ce sont les villageois qui fuient les lieux, nous apprit-elle.
Piper, le Trivial, patron du Sundry, nous regarda, affolé. Alisa s'élança vers lui, inquiète.
- Tu n'as rien ?
Le Trivial passa une main tremblante sur son visage.
- Les Furies de l'Ombre attaque mon village natal, expliqua-t-il. Je cherchais de l'aide. L'ensemble des villageois est piégé au centre, ils vont tous y rester si personne ne fait rien.
- On ne peut rien faire contre les Furies de l'Ombre, fit remarquer Un Lycanthrope, s'y confronter serait du suicide.
Piper semblait désespéré. Il saignait au niveau du crâne, avait le visage couvert de crasse. Son tentacule faisant office de bras était griffé de tout son long. Son regard s'arrêta sur moi, puis sur Hell, et il s'élança vers nous.
- Vous deux ! s'exclama-t-il. Vous avez fait fuir les cavaliers de mon Sundry dans la Capitale !
Il se tourna vers moi.
- Tu peux peut-être faire quelque chose, toi !
Je le regardai, ahurie.
- Je ne vais pas risquer ma vie, raillai-je, la dernière fois que je me suis retrouvée face à ce brouillard, les choses ont mal tourné.
- On ne peut pas ne rien faire ! insista-t-il. Seul, je suis incapable d'agir, mais je ne peux pas laisser les miens là-bas, à la merci de ces monstres ! Mon village natal n'est qu'un village modeste, pauvre, les habitants ne méritent pas un tel sort.
- C'est le village Nomade, réalisa Ronan, les yeux écarquillés.
Piper acquiesça.
- Et qu'est-ce que ça change ? demandai-je d'un ton impatient.
- Le village Nomade est le village de transition à l'exportation de la nouvelle génération d'enfants aux yeux dorés, m'expliqua le Sang Royal. Si le brouillard est là-bas, c'est à tous les coups parce que les Darknils veulent s'emparer des membres aux yeux dorés qui y séjournent.
Je serrai les poings à cette nouvelle. Bien sûr. Samaël n'attaquait pas par hasard. Il était actuellement en train de remplir sa collection de yeux couleur or.
- On doit y aller ! s'exclama aussitôt Alisa. On ne peut pas abandonner des innocents dans le besoin. En plus, on ne peut pas se permettre de laisser les Darknils récupérer ce qu'ils sont venus chercher.
- C'est du suicide, fit remarquer Nérée.
- Dans ce royaume, tout relève du suicide. Le danger est partout, rétorqua la Banshee. Nous sommes des rebelles, notre tête est mise à prix parce qu'on a formé la Garde Royale Clandestine afin de rendre le monde plus sûr, afin de combattre le mal. Il est temps de faire honneur à la cause dans laquelle on s'est lancée.
- Ali...
- On n'a pas le temps de discuter Ronan, des gens vont mourir !
- Je suis partant, la soutint Martial.
La troupe s'échangea des regards et rapidement, Alisa eut gain de cause. Piper sembla soulagé, bien que toujours inquiet, et on s'empressa de rejoindre le village. Circé avait repris sa forme d'aigle, les Lycanthropes leur apparence de loups. La meute nous encerclait, partant en première ligne. Circé surveillait depuis les cieux, elle était nos yeux qui couvraient le terrain. Martial, maugréant ses regrets de n'être pas parti avec sa hache, utilisait sa vue extensible pour guetter l'ennemi. Kalidas était devenu invisible. J'échangeai un regard avec Hell et Alisa.
- On fait comme au Sundry ? demanda Hell.
- Mieux ! clama Alisa. Cette fois, on va tout faire exploser.
Hell acquiesça et fit apparaître des cercles de néant autour de ses mains, prêt à déverser son pouvoir. Alisa me lança un regard, les yeux vifs.
- Prête ? me demanda-t-elle.
- Prête.
La Banshee m'envoya un torrent de feu et la symbiose que nous partagions me picota aussitôt la peau. J'accueillis les flammes entre mes mains comme s'il s'agissait des miennes. Au contact de la symbiose, mon pouvoir des cendres s'activa de lui-même et vint se mêler au feu d'Alisa. Notre pouvoir se combina, s'entremêlant avec régal. Mes veines brûlaient d'une énergie satisfaisante, mais grâce à notre symbiose, le pouvoir des cendres se laissait contrôler. Il n'avait pas besoin de se jeter sur la chair pour assouvir une envie sanguinolente. Le feu suffisait aux cendres et vice versa.
Ne voulant me mettre aucune limite, je me laissai guider par le pouvoir des cendres et du feu, laissant l'énergie m'assaillir tout le corps, ne faire qu'un avec moi-même. Je me sentais vivante. Débordante de pouvoirs. En parfaite symbiose avec Alisa. Ensemble, nous étions intouchables.
On arriva au village et l'adrénaline m'inonda le corps. Les Darknils allaient déguster. J'allais leur faire payer tout ce qu'ils avaient fait.
- On s'occupe des Darknils, occupez-vous des villageois, cria Alisa avant de se jeter dans le chaos.
Je la suivis. Le brouillard lugubre se dressa droit devant nous, prêt à nous avaler, mais cette fois-ci, il était hors de question qu'il y parvienne. Je savais que les Darknils se cachaient dans les ténèbres, et je comptais bien les en déloger. Lorsque la vague se déversa sur nous, dans une synchronisation parfaite, on fit dresser un mur de feu et de cendres autour de nous tel un bouclier. Le néant le frappa de plein fouet. Il tenta de s'immiscer. Le brouillard était d'une puissance sans pareille, il était pénible de le repousser. Notre pouvoir était puissant, mais difficilement à la hauteur.
Contractant la mâchoire, je mis toutes mes forces pour repousser la vague de ténèbres.
- On n'y arrivera pas de cette manière, grinça Alisa.
- Qu'est-ce que tu proposes ?
- Le feu et les cendres peuvent passer à travers le brouillard, mais pas nous, on va se faire avaler. Sauf si on devient immatériel.
Je fronçai les sourcils. Elle avait raison, c'était la meilleure chose à faire. Le problème, c'est que je n'étais jamais devenue immatérielle volontairement. Mais grâce à cette symbiose, je pouvais y arriver, j'en étais convaincue. Et immatérielle, nous serions définitivement intouchables.
Alisa me saisit la main, me transmettant toute son énergie. Je fis de même, allant jusqu'au tréfond de mon être pour en ressortir toute la force dont j'étais capable. Je me concentrai et fis jaillir un torrent de cendres tout feu tout flamme à travers mon corps. Bien vite, mon apparence matérielle fut remplacée par une silhouette constituée essentiellement de cendres et de feu. Alisa ne tarda pas à y parvenir à son tour. Notre symbiose inexpliquée nous permettait de contrôler à la perfection un pouvoir qui, en temps normal, se révélait être incontrôlable.
La vague de brouillard s'écrasa sur nous, mais comme prévue, on passa à travers sans dommage. Mieux encore, on put voyager dans le brouillard. Attraper les Darknils allait être un jeu d'enfant. Une sensation d'euphorie me gagna, tandis que d'une vitesse surnaturelle, je me mis à voler dans les ténèbres, à la recherche de l'ennemi. La terre se craquela sous moi et un sourire s'étendit sur mon visage.
Mais bien sûr.
Lorsque j'avais été emportée par le brouillard la première fois, ce n'est pas lui qui m'avait emmenée dans l'antre des Darknils. J'avais rencontré le sol, et de là, des Obscuras pas plus haut que trois pommes m'avaient assommée avant de m'emporter dans des galeries souterraines. Si nous voulions empêcher les Darknils de faire des otages, nous devions nous charger des Gnomes qui envahissaient les lieux sans même que l'on ne s'en aperçoive.
« Il faut faire exploser la terre sous nous pour mettre les Gnomes hors d'état de nuire. » dis-je à Alisa par la pensée.
La Banshee m'envoya son approbation, et ensemble, on fit jaillir notre pouvoir dans le sol. Un tremblement saisie la terre et tout explosa autour de nous. Des gerbes de terre inondèrent les lieux tel des geysers. Le feu cendré rampa sur le sol tel un immense boa et englouti tout autour de lui. La terre n'existait plus, il n'y avait désormais plus que du feu cendré. La terre était notre domaine. Les Gnomes fuyaient dans les galeries, tentant d'échapper aux pouvoirs qui les chassaient loin de nous. N'ayant plus d'accroche, le brouillard se dissipa.
Notre pouvoir avait fait fuir les Gnomes Darknils ainsi que les autres Darknils non loin de nous, et sans eux, le brouillard des ténèbres ne pouvait persister. On redoubla d'effort, laissant notre pouvoir de symbiose prendre le dessus. La ville ravagée par le brouillard des Furies de l'Ombre laissa place à une ville en décombres. Les autres, s'occupant des villageois, s'attelaient à les regrouper dans le seul bâtiment encore en état. On ne pouvait évacuer les lieux. Le brouillard avait peut-être déserté du cœur de la ville, mais il continuait de persister tout autour, rendant les issues hors du village inaccessibles.
Le brouillard tenta de revenir à la charge. Des vagues déchainées se déversèrent en notre direction, ouvrant une gueule béante, comme les crocs d'un animal rendu fou. Mais immatérielles, nous étions intouchables. Le brouillard ne pouvait rien contre nous. Je me lançai droit dans la gueule, traversant les ténèbres qui tentaient de m'avaler sans y parvenir, et vola ci et là dans le néant, à la recherche de l'ennemi qui se cachait dans l'ombre. Je vis des yeux de diamants scintiller dans le noir, et suivant mes pulsions, je me jetai en direction du Darknil. Avant qu'il ne puisse fuir, je fis apparaître une tornade de feu et de cendres qui le prit dans ses filets et je fis aller ma tornade dans le brouillard de façon ravageuse. Ma tornade était mon filet de pêche et j'espérais attraper beaucoup de poissons.
Alisa alimenta ma tornade de son énergie et celle-ci se dupliqua, avalant la noirceur de brouillard à travers ses flammes incandescentes. Ma peau fourmillait d'une énergie intense. L'adrénaline me parcourait les veines. Cette fois-ci, les Darknils n'allaient pas m'avoir. Ma volonté était trop forte. Ma puissance m'envahissait et me réchauffait les entrailles.
Je me rendis compte que lors de la première attaque, j'aurais pu me défendre contre le brouillard si j'y avais cru davantage. On avait tenté de faire reculer le brouillard par notre symbiose, mais nous avions échoué. Parce qu'il ne fallait pas appeler la symbiose, mais la devenir. Dès lors, nous étions intouchables.
Autrefois, Je n'avais pas pensé qu'une telle chose aurait pu être à notre portée. J'avais sous-estimé le pouvoir de notre lien.
Notre tornade de pouvoirs revint vers nous, ravageant le brouillard qui tentait de s'étendre. Je sentais la présence de mes proies dans les entrailles de mon cataclysme. La pêche avait été bonne.
Je n'eus pas le temps de me préoccuper de mes poissons, ils allaient devoir patienter encore un peu, car la vague de néant revenait à la charge par l'arrière.
Le bâtiment où s'étaient réfugiés les survivants ! Le brouillard s'abattait droit en leur direction.
Déchainant mes cendres enflammées, je les fis voler à la rencontre du brouillard pour le ralentir. Je pouvais passer au travers de la vague, je pouvais m'en sortir, car j'étais intouchable, mais les villageois, eux, ne l'étaient pas. Il fallait absolument éloigner le brouillard d'eux, au risque de les perdre.
Je m'élançai dans les ténèbres, me doutant que des Darknils devaient s'y cacher dans les entrailles. Si je les mettais hors d'état de nuire, le brouillard se dissiperait de lui-même. Mais j'avais beau chercher, voler dans le noir, fouiller de fond en comble, l'ennemi avait su se cacher à la perfection afin de passer inaperçu.
Je ne pus faire reculer le brouillard.
J'eus beau mettre toute ma puissance, toute ma volonté, ma rage, le brouillard traversa mes cendres de feu et s'abattit sur le dernier bâtiment encore en état dans cette ville ravagée.
Hell s'élança sur le toit, face à la vague nocturne, et brandit les bras. Il fit apparaître une énorme spirale lugubre. Un trou noir. Le cercle sans fond avala une partie du brouillard. La vague ne put avaler la totalité du bâtiment, mais parvint à toucher les fondations qui volèrent en éclat dans des gerbes de débris. Le bâtiment s'écroula.
Hell se trouvant sur le toit, fit une chute de plusieurs mètres. Avant qu'il ne s'écrase sur les ruines, Circé vola en sa direction et le rattrapa in extrémis. Le bâtiment continuait de s'effondrer et les rescapés du chaos n'eurent d'autre choix que de s'enfuir afin de ne pas y laisser la vie. Mais c'était soit les ruines en dégringolades, soit le brouillard opaque. Les Lycanthropes aidaient les villageois à quitter le bâtiment avant de finir écraser tandis que des volutes de poussières s'élevaient dans les airs alors que des gravats s'écrasaient lourdement contre le sol. La panique était maitresse des lieux.
Les villageois couraient en hurlant, pris au piège dans un village où le brouillard avait repris son ascension. La meute et les anciens Clandestins tentaient de calmer la panique, de regrouper tout le monde pour faire front commun, de trouver un lieu plus sûr avant de dégoter une zone de fuite. Mais dans la peur générale, il était dur de faire entendre raison à tous les Obscuras affolés qui ne réfléchissaient plus de façon lucide.
Piper trouva une trappe menant à une cave ; les derniers vestiges de ce qui était autrefois une demeure. Ronan en alerta les autres qui décidèrent d'en faire l'endroit de regroupement. C'était la zone la plus éloignée du brouillard. Leur mission était d'assurer la sécurité des villageois, ma mission, ainsi que celle d'Alisa, était de tenir le brouillard éloigné et de créer un passage permettant de quitter les lieux.
Je redoublai d'effort, mettant tout en œuvre pour tenir le brouillard le plus loin possible des survivants. Sous ma forme immatérielle, je traversai les limbes noirs, faisais reculer les Darknils pour diminuer le brouillard. Ma tornade continuait de ravager les lieux. Par ma volonté, je fis disparaître la tornade, laissant une vingtaine de Darknil s'écraser contre le sol brûlant qu'on avait changé en braises cendrées.
Ces Darknils allaient mourir, ainsi, j'avais peut-être une chance de faire reculer le brouillard une bonne fois pour toute. En leur faisant peur, en leur montrant que j'étais prête à tuer pour arriver à mes fins, tout comme eux, en prouvant que je n'étais plus la petite fille apeurée d'autre fois et que désormais, ils allaient payer.
L'adrénaline palpita dans mes veines, un afflux d'énergie déferla dans mon corps. La symbiose me revigorait, me donner de la force, de la volonté, une puissance inégalable. J'étais intouchable. Insaisissable. Invulnérable. Je sentais le cœur d'Alisa battre au même rythme que le mien. Comme si nous partagions le même. Comme si la Banshee n'était qu'une extension de moi-même. Grâce à notre lien, je me sentais plus forte. Grâce à notre lien, je me sentais capable de tout. Grâce à notre lien, nous allions triompher.
Une chaleur incommensurable me gagna tandis que des cendres enflammées inondaient les lieux autour de moi, prêtes à charger les Darknils au sol et affaiblis. Ils allaient mourir. Parce qu'ils le méritaient. Parce que tout devait cesser une bonne fois pour toute.
Dans une explosion de sens, je lâchai mes cendres incendiaires sur l'ennemi. Ils allaient mourir ! Parce que tout devait cesser !
- Ne crois pas que je vais te laisser faire une telle chose, retentit une voix que je connaissais trop bien.
Avant que les cendres ne puissent s'abattre sur mes proies, un torrent de lave se jeta sur elles et avala mon pouvoir sans que je ne puisse arriver à mes fins. Samaël était venu sur les lieux pour m'empêcher de l'emporter. Il n'avait même pas cherché à camoufler son visage. Il me regardait, de ses yeux de lave, un sourire mauvais au visage. Comme s'il connaissait déjà l'issu final de cet affrontement.
De rage, j'appelai tout mon pouvoir à se jeter sur l'ennemi, mais la lave faisait barrière, dégustant tout sur son passage. Je refusais de perdre. Il ne pouvait pas sans cesse gagner. Pas cette fois. Samaël fit élever la lave dans le ciel, dans un geyser, lui au sommet. Il surplombait la ville. Dans un sourire mauvais, il lâcha une bombe de magma droit sur les rescapés.
Le cœur tétanisé, avec l'aide d'Alisa, je réussi à créer un bouclier de cendres de feu pour éviter que la lave ne tue tout le monde. Mais dans l'affolement, les villageois s'étaient encore plus dispersés qu'auparavant, donnant plusieurs cibles potentielles à l'ennemi. Samaël ne perdit pas de temps avant d'en profiter. Il lâcha plusieurs boules de lave vers les fugitifs. Nérée eut le réflexe de se jeter face à des villageois au moment où la lave allait les frapper et fit apparaître son bouclier, les sauvant d'une mort certaine. Mais la pluie de lave n'était pas finie.
Une enfant voulut éviter un jet de lave et tomba sur les ruines du bâtiment. La lave ricocha sur les débris qui se mirent à trembler sous le poids de la petite. Les ruines s'effondrèrent sous elle, la menant droit vers une flaque de magma. Alisa se rua vers elle, mais elle ne pouvait pas la sauver avec ses pouvoirs de cendres de feu au risque de la tuer accidentellement. Et sous forme immatérielle, elle ne pouvait pas la rattraper. La Banshee n'eut d'autre choix que de reprendre sa forme d'origine avant de s'élancer vers l'enfant. Elle la rattrapa in extrémis et lui évita une chute mortelle dans la lave. Alisa mit aussitôt l'enfant dans un lieu plus sûr, derrière plusieurs ruines. Alors qu'elle allait se retransformer en être fait de cendres et de feu, Samaël profita de sa vulnérabilité pour lui envoyer un jet de lave. Le cœur battant, j'envoyai mes cendres de feu vers la lave pour l'arrêter avant qu'elle ne touche la Banshee.
Je ne fus pas assez rapide.
Le jet de lave frappa Alisa de plein fouet. Alisa fut violement propulsée contre le sol, la chair à vif, le corps meurtri. Elle était morte sur le coup.
Satisfait, Samaël lâcha un sourire triomphant et disparut aussi soudainement qu'il était apparu.
La symbiose disparut aussi sec. Les cendres tout comme les flammes s'évaporèrent des lieux. Mon pouvoir déserta mon corps, l'énergie revigorante s'envola. L'horreur prit possession sur tout le reste.
Ronan hurla et se rua en direction de sa sœur, choqué, le visage déformé par la détresse. Il tomba à genoux à côté du corps brûlé d'Alisa. Du corps démuni du moindre souffle de vie. Hell le rejoint d'un pas tremblant et se laissa tomber à côté de la Banshee. Ronan s'était plié de douleur, le visage méconnaissable.
J'avais un trou dans le cœur.
Alisa venait de mourir.
J'avais un trou dans le cœur.
Alisa était morte.
Un vide vorace s'empara de mon corps. La symbiose avait disparu. J'avais l'impression qu'on venait de violemment m'arracher un membre du corps. Mes organes me tiraillaient de douleur. Je tombai à genoux dans un hoquet.
Alisa était morte.
J'enfonçai mes ongles dans le sol encore chaud après le passage des cendres de feu, je tentai de me raccrocher à quelque chose. Mon monde était en train de voler en éclat.
Samaël venait de tuer Alisa sous mes yeux.
L'absence de symbiose, laissant place au vide et au froid, était insupportable. D'une douleur sans pareille. On venait de me priver de toute lumière.
Les larmes m'inondèrent les yeux. Mon cœur me faisait atrocement mal. A quoi cela servait-il de s'attacher, si à chaque fois, c'était pour tout perdre ensuite ? Je m'étais promise de ne plus jamais me lier à personne, parce que la perte était trop douloureuse. J'avais trahi ma propre promesse et le schéma se répétait. Je venais de perdre un proche, tué par Samaël.
Il avait réduit la puissance de notre symbiose à néant, et déjà, le brouillard revenait par vague pour tous nous avoir.
Parce qu'Alisa était morte. Parce que plus rien ne pouvait les arrêter.
Je poussai un hurlement de douleur, les larmes brulantes, le cœur écorché. Je ne pouvais empêcher d'hurler toute la douleur emmagasinée en moi depuis des années. La perte.
J'avais tout perdu une fois, j'allais tout perdre une seconde fois. Fuir ou faire face n'y changeait rien. Je hurlai de rage, de douleur, de détresse. Le vide qui se propageait dans mon corps rongeait tout mon être. Ce vide béant que rien ne pouvait combler. Ce vide qui me poursuivait. J'étais le vide et je le resterais. Parce que Samaël en avait décidé ainsi.
Samaël.
La haine m'éclaboussa en plein visage.
Samaël.
Tout était de sa faute.
Samaël.
Je n'avais pas le droit de fuir, parce qu'il devait payer. Je n'avais pas le droit de le laisser gagner, parce qu'il devait payer. Je n'avais pas le droit de perdre, parce qu'il devait payer. Il paierait.
La rage et la haine prit le dessus sur toutes les émotions. Une rage comme je n'en avais jamais ressenti auparavant. Mon monde ne cessait de s'effondrer. Dès que je m'attachais, tout s'écroulait à nouveau. Mais j'avais encore énormément à perdre. D'autres êtres chers étaient encore auprès de moi, risquaient de mourir parce que mon ennemi voulait me faire souffrir. Mais plus jamais il ne toucherait à l'un des miens.
Même si je devais me sacrifier pour parvenir à mes fins. Sacrifier mes origines.
Eudora était morte.
Samaël voulait la guerre ? Il allait l'avoir.
Et il allait perdre.
Car j'étais morte. C'était fini.
Je me redressai lentement, la rage palpitant dans mon organisme. J'allais lui faire payer. J'allais le faire souffrir.
Dans un cri de rage, je laissai tomber mon physique de Terrienne, celui qui me rendait faible, celui qui me rattachait au passé, m'empêchant d'avancer, celui qui faisait entrave au futur. Je laissai tomber ce corps de camouflage, cette apparence qui ne m'avait jamais appartenue.
Ma peau prit une teinte hâlée, plus sombre que mon ancienne chair. Mes cheveux lisse et bruns se changèrent en des cheveux de cendres volant au vent. Je fis mes adieux à mes yeux bruns, laissant mes iris refléter la couleur de ma race si rare.
D'un pas rageur, sous ma nouvelle apparence, ma véritable apparence, je fis plusieurs pas face au brouillard qui n'allait plus tarder à tous nous avaler. Je laissai la fureur, la douleur et la haine inonder mon corps. Se cacher était terminé. Samaël voulait me provoquer ? Il avait réveillé le vrai monstre qui se cachait en moi.
Dans un cri de rage et de haine, je laissai éclater toute ma colère, laissant mon instinct prendre le dessus sur tout le reste. Je n'avais pas besoin d'être lucide, tout ce que je voulais, c'était gagner. Avoir la satisfaction de triompher. J'avais envie de voir le sang couler, de voir Samaël souffrir autant que j'avais souffert, autant que je souffrais en ce moment même.
Une chaleur ardente m'enveloppa. Mes veines me brulèrent. Je me pliai en deux sous une violente douleur avant de hurler d'une voix puissante, laissant échapper par un simple cri tous les non-dits du passé, toutes les douleurs, toute la culpabilité. Je hurlai à m'en écorcher la voix. Je hurlai jusqu'à manquer d'air. Je laissai cette énergie me dévorer, cette chaleur me consumer.
Telle une explosion, je valsai en arrière, l'évitant à quelques mètres au-dessus du sol. Les bras écartés, des immenses ailes de feu s'ouvrirent dans mon dos. Le regard incendié, la rage s'accumulant, je lâchai un dernier cri. Mon cri se mua en cri strident d'un oiseau de proie et sous la forme d'un géant phénix enflammé, je fis tout exploser autour de moi.
Le brouillard. Les Darknils. Les débris. La terre sous moi. Tout éclata comme un feu d'artifice. Je me sentais gonflée d'énergies au rythme des explosions. Les Darknils éclatèrent un à un dans des jets de boyaux et de sangs. Le brouillard disparut dans des bruits de pétards. Les ruines explosèrent et finirent en tas de poussière contre un sol poudreux après avoir volé en éclat. Quand tout fut sans dessus-dessous, le phénix disparut tout comme mes ailes et je retombai à genoux contre le sol.
Il ne restait plus que mes alliés dans les lieux.
Mes alliés et ma vengeance prête à être assouvie.
***
NDA : Et voilà un long chapitre très... mouvementé ? ^^" J'espère qu'il vous aura plus.
- Alisa et Ronan qui sont les descendants d'Astéria, vous en pensez quoi ?
- Eudora qui est de la race des Phénix, stylé ?
- On en parle de la mort d'Alisa ?...
- Et la métamorphose d'Eudora, votre réaction ?
Wow la partie 1 du tome 3 se clôture bientôt, dans la semaine (normalement) le chapitre 0 sera posté et ensuite, on entame la partie 2 de ce tome ! 😱
Ça avance vite.
Je vous dis du coup à la prochaine.
Kissy kissy 💙
#Nakijo.
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