3. Errance solitaire.
Je marchais sans même savoir où j'allais. Cela faisait déjà trois jours que j'étais partie, laissant les Clandestins derrière-moi. J'avais traversé les bois, sans même rencontrer personne. A croire que ce royaume était devenu désert, sans vie. Et je n'allais pas m'en plaindre. Moins je croisais d'Obscuras, mieux c'était.
Je n'avais même pas de quoi camoufler mon physique de Terrienne, je me baladais complétement à découvert, m'aidant de la végétation pour passer inaperçu. J'avais passé le haut de mon pull au-dessus de ma tête, comme si ce geste pouvait suffire à cacher mon physique.
J'avais mal aux jambes à force de marcher, de marcher sans même savoir où aller. Je n'avais aucun plan. J'étais perdue, complétement perdue. Lâchant un soupir, je finis par me laisser tomber sur une souche de bois, passant mes mains sur mon visage.
J'avais fui.
J'avais fui parce que je refusais d'être l'espion d'Evilash, d'être utilisée contre ma volonté, mais désormais, je n'avais aucune idée de ce qu'il fallait que je fasse.
Un détail ne cessait de m'obséder depuis des jours. Les Darknils allaient faire leur grand retour. Je ne cessais d'y penser, voulant absolument éviter une telle chose. Mais c'était impossible. Evilash n'avait pas su les empêcher de revenir, juste les retarder. Si elle n'y était pas parvenue, j'en étais incapable. Par peur, j'avais lutté contre le sommeil, ne voulant pas subir la venue d'un Inception. Mais je n'avais pas réussi à lutter contre la fatigue plusieurs jours d'affilés. Le sommeil m'avait cueilli à mon encontre. Et pourtant, aucun Inception n'était venu me rendre visite.
Ce constat me terrifiait encore plus. Les Inceptions étaient tellement occupés qu'ils n'avaient même pas le temps de venir me tuer pendant mon sommeil, alors que cela semblait leur tenir à cœur. Cette idée était pire qu'autre chose. Car cela confirmait qu'il se passait quelque chose, qu'ils étaient en pleine action.
Donnant un coup de pied dans l'herbe face à moi, je retins un grincement d'énervement. Les événements m'échappaient complétement. Je ne savais pas quoi faire. Je ne savais pas où aller. Je serrai les poings avec force, sentant la pression me comprimer le corps. Je me redressai lentement, décidant malgré tout de poursuivre ma route.
Pour aller où ?
Aucune idée, toujours tout droit peut-être.
Dans quel but ?
Aucun, seulement marcher, sans objectif.
C'est ce que je faisais depuis trois jours, l'esprit taché par les derniers événements, par la réalité de la situation, par la vie si chaotique. Je levai la tête vers le ciel, contemplant le soleil à travers les arbres. Nous étions déjà en fin d'après-midi. J'avais faim. J'avais soif. Je n'avais mangé que des baies trouvées dans les bois, bu qu'un peu d'eau trouvé non loin d'ici. Et ce, en trois jours. Je ne savais même pas comment survivre en pleine nature, dans un monde dont j'ignorais tout. J'avais vécu sur Terre, dans le luxe, sans jamais manquer de rien. Je n'avais jamais fait d'effort, tout me tombait entre les mains. Et même en me retrouvant seule après la disparition de mes proches, je n'avais jamais manqué de rien. Il me suffisait d'aller dans un supermarché, de prendre ce qu'il me fallait et de manipuler le cassier à l'aide de mes dons pour partir sans payer. Quand je devais de l'argent, je l'inventais avec mes illusions, et même si après, mon mirage disparaissait, personne ne me soupçonnait de quoique ce soit.
Jamais je n'avais eu à réellement faire d'effort pour m'en sortir. Mais désormais, je n'avais aucun caissier à soudoyer et je ne pouvais me rendre dans un village au risque de me faire repérer.
Je ne savais pas comment j'allais pouvoir tenir à ce rythme.
Plongée dans mes pensées, je sursautai, entendant des fougères remuer derrière-moi. Je fis volteface, ayant l'étrange sensation d'être suivis. Mais il n'y avait rien. Refusant de passer outre ce sentiment étrange d'être épié, je m'avançai vers les fougères, fouillant les lieux du regard. Toujours rien.
Je serrai des poings, me demandant s'il s'agissait de mon imagination. Je n'avais pas croisé un seul être vivant depuis que j'étais partie, peut-être que mon cerveau commençait à disjoncter et à inventer des présences. Pourtant, le doute persistait.
Alors que j'allais me détourner, voulant reprendre mon chemin, je cru voir des yeux briller dans la pénombre, dans le creux d'un arbre. Je me figeai, n'osant pas lancer un nouveau regard en direction de l'arbre creux. Le trou de l'arbre était assez grand pour y cacher un Obscuras, mais pourtant, il ne me semblait pas avoir déjà vu des yeux brillants dans la pénombre depuis que j'étais ici. Il devait s'agir d'un animal.
J'étais désormais tendue, n'arrivant pas à chasser une étrange sensation au creux de mon ventre. Amassant une branche d'arbre échouée au sol, je me tournai vers l'arbre. Les yeux n'étaient plus là.
Contractant la mâchoire, je m'approchai lentement de l'arbre et jeta la branche dans le creux. Le bâton ne rencontra aucun être vivant et s'échoua dans l'arbre.
Il n'y avait rien.
Pourtant, cette fois ci, j'entendis nettement des bruits de fuite. Mon cœur fit un bond. Je contournai l'arbre, cherchant l'être fuyant les lieux. Je me figeai net.
Un grand loup gris courait.
Il bondit sur un tronc abattu et s'arrêta, se tournant vers moi. Il m'observa de ses yeux sombres, m'étudiant.
Je n'osais plus bouger. Je contemplais le loup gris, qui me rendit mon regard. Y avait-il des loups sur Obscuratium ? Ou s'agissait-il d'un Obscuras ? D'un Lycanthrope ? Cette dernière idée me serra l'estomac. S'agissait-il de Samaël ? Samaël me suivait-il ? M'avait-il retrouvé ?
L'idée qu'il puisse s'agir d'un Lycanthrope me tordit les entrailles, et le cœur palpitant, je fis rapidement demi-tour, voulant à tout prix m'éloigner de cet animal.
Je courus dans la végétation, puis atterris vers un lieu désert, emplis de roches. Continuant de courir, je finis toutefois par m'arrêter près d'un point d'eau. J'avais chaud, la gorge sèche et je commençais à me croire parano.
Je venais de prendre mes jambes à mon cou parce que j'avais vu un loup.
J'étais ridicule.
Quel était la probabilité que ce loup soit un Lycantrhope m'espionnant ? Quel était la probabilité qu'il s'agisse de Samaël ?
J'avais flippé pour rien et je me sentais subitement bête.
Prenant de l'eau entre mes mains, je m'éclaboussai le visage avant d'en boire quelques gorgées. Je laissai un soupir franchir mes lèvres. Il fallait que j'arrête. Que j'arrête de marcher au hasard, sans but, juste pour marcher, pour avancer. Il fallait que je me trouve un nouvel objectif.
Je ne pouvais plus rester avec les Clandestins.
Je ne voulais pas rejoindre Evilash.
Tuer la reine Zara était impossible.
Je n'avais pas le pouvoir d'arrêter les Darknils.
J'avais l'impression que rien n'était à ma portée, qu'aucune voie ne s'ouvrait à moi. Qu'est-ce que je pouvais bien faire ? Je n'en avais aucune idée. Tout était parti à la dérive.
Ma gorge se resserra, se comprimant. Me saisissant d'un caillou, je le jetai dans l'eau devant moi, éclaboussant les alentours. J'avais les nerfs à vif. Les événements me tenaient en étau. Tout allait mal et je devais me contenir pour ne pas péter un câble. J'avais envie d'agir.
Moi, la fille qui ne faisait que fuir, qui se cachait sous ses illusions, plongée dans sa routine, qui ne faisait que se défiler, sans cesse, se voilant la face, avait pour une fois, envie d'agir.
Je n'en pouvais plus de rester les bras croisés, attendant le prochain drame. Je n'avais fait que fuir, et j'avais accumulé les problèmes sans jamais y faire réellement face. J'avais attendu que tout me tombe dessus, sans vraiment lever le petit doigt.
Il était temps que j'arrête de me cacher, de fuir, de tourner en rond, sans donner de réel sens à mes actions.
Mais comment faire ? Quoi faire ? Je voulais agir, mais je m'en sentais incapable.
Tout avait volé en éclat. Les Clandestins étaient brisés, diminués, dispersés. Les menaces ne faisaient que se multiplier. J'étais lâchée en pleine tempête sans rien pour me raccrocher, pour m'empêcher de couler.
Je serrai les poings, contemplant mon reflet dans l'eau. Puis, je me mis à cligner vivement des yeux, une idée m'effleurant subitement l'esprit.
Martial, Alisa, Aleth, Cassius et une réplique de Sanjana étaient retenus captifs par la reine. La réplique de Sanjana, ce n'était pas un problème. L'autre version de Sanjana était en sûreté, et peut-être même qu'elle avait effacé la présence de son duplicata chez la reine, mais les quatre autres Clandestins risquaient de finir entre les mains des Darknils d'un jour à l'autre. Ils risquaient de mourir.
Avec tous les événements, on n'avait pas eu le temps de penser aux otages, la situation était déjà bien trop critique. Mais si personne n'était partie à leur secours, c'était aussi parce que c'était impossible. Pénétrer le château était impossible. Il était inaccessible. Trop bien gardé. Si risquer rimait à se faire emprisonner. Autant se jeter toute suite d'une falaise.
Pourtant, j'avais envie de le faire.
Je n'avais désormais nulle part où aller, plus rien à tenter. J'étais destinée à quoi ? Errer dans Obscuratium jusqu'à ce que Samaël me mette la main dessus ? Ou peut-être qu'Evilash viendrait avant lui, finir ce qu'elle avait commencé.
Lentement, je me relevai. Il fallait que je tente le coup. Si j'étais destinée à mourir, autant que ce soit en essayant d'agir qu'en attendant que Samaël en finisse avec moi, qu'Evilash me retrouve ou encore qu'elle se voie tuée, m'emportant dans sa chute.
Je regardai autour de moi. Il y avait un problème dans mes bonnes intentions ; je ne connaissais pas le chemin vers le château. Retenant un grincement d'agacement, je serrai les poings, décidant de rebrousser chemin.
Il fallait que je retourne sur le champ de batail. Que je retourne là où Martial avait disparu. Que je suive le chemin qu'avait pris les cavaliers.
Mais une fois que je trouvais le château, quoi faire ? Je n'avais aucun plan en tête, aucune idée de ce que je faisais. Je ne savais même pas vraiment pourquoi je comptais venir au secours des quatre Clandestins retenus en otage. Pour empêcher les plans de la reine et des Darknils d'aboutir ? Dans un esprit suicidaire, se jetant dans la gueule du loup ? Parce que je me sentais responsable de les avoir entraînés avec moi, dans un piège pourtant évident, tendu par mon double ?
Je secouai la tête, chassant les questionnements qui me bousculaient l'esprit. Tout ce qui importait désormais, c'était le présent. Je devais arrêter de me questionner sans cesse, de me plonger dans le passé, il fallait que j'oublie cette mauvaise manie.
Tout ce qui comptait désormais, c'était où j'allais.
Et j'allais au château de la reine.
***
NDA : Hey Hey ! Me voilà avec le chapitre suivant (il est plutôt court et il ne se passe pas beaucoup de choses mais disons que c'est le calme avant la tempête ? 🙄)
J'ai également posté un bonus dans le tome 2 cette semaine, si vous ne l'avez pas encore lu, il n'attend que vous 😏
Passons aux questions concernant ce chapitre (vu ce chapitre calme et court il n'y en aura pas beaucoup)
- Ce loup qui semblait suivre Eudora, une idée de ce qu'il faisait là ? Qui est-il ?
- Eudo qui part au château de la reine seule pour tenter de libérer les captifs, votre avis ? Vous pensez que ça va se passer comment ?
Brefouille je vous laisse là 🙄 bonne fin de semaine ! Kissy kissy 💙
#Nakijo.
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