28. Les reliques.
On fut de retour dans le volcan. Zahir et Bleizian posèrent le corps sans vie de Connor au cœur du volcan, en plein centre. Les Lycanthropes, tête baissée, s'approchèrent de leur camarade défunt. Ils se réunirent autour comme pour un dernier hommage. On pouvait pleinement sentir la cohésion, la fidélité et la force émaner de la meute.
Ange s'était volatilisée à peine les dangers autour de nous s'étaient estompés.
Nous étions de nouveau dans le volcan.
Et les questions qui me bousculaient l'esprit ne voulaient pas tarir.
J'avais l'impression que les réponses étaient inaccessibles. Brennan avait été inutile, s'effaçant la mémoire pour préserver le secret des Darknils et les Obscuriums du Soldarum étaient tous morts avant qu'on puisse en apprendre plus de leur part, tués par les Darknils qui voulaient assurer leurs arrières.
Soupirant de frustration, j'empruntai les couloirs du volcan, laissant les Lycanthropes entre eux pour veiller leur mort. Entrant dans la pièce emplis de fauteuils en tout genre, je croisai plusieurs Obscuras, lorsque mes yeux croisèrent ceux de Kalidas, mon cœur fit un bond et je ne pus m'empêcher de détourner le regard. Je n'assumais toujours pas les propos que j'avais sorti au Rôdeur, lorsque Martial m'avait entraînée dans ses conneries. Je n'osais même plus le regarder. Me dirigeant à l'opposé de là où il se trouvait, cherchant comment m'occuper pour chasser la gêne qui m'avait assaillie, je sentie une présence derrière moi.
- Tu vas me fuir encore longtemps ? demanda une voix beaucoup trop reconnaissable.
Mes joues se mirent à chauffer. Je serrai les poings, tentant de trouver une contenance. Je me tournai lentement vers Kalidas qui m'étudiait silencieusement.
- Je ne te fuis pas, mentis-je.
Le regard du Rôdeur m'apprit qu'il n'y crut pas un seul mot.
- Vraiment ?
J'empêchai mes jambes de se trémousser sur place. Pourquoi étais-je aussi nerveuse ?
- C'est juste qu'il s'est passé beaucoup de choses, me défendis-je, j'ai plein de trucs à penser.
Le Rôdeur haussa un sourcil.
- Si tu veux, je peux très bien oublier ce qu'il s'est passé la dernière fois, mais cesse de me fuir de la sorte.
Mon cœur rata un bond. J'ouvris la bouche, mais la referma aussitôt, ne sachant pas quoi lui répondre. Peut-être que lui, pouvait oublier, mais moi, je ne pouvais pas. Martial ne risquait pas non plus de l'oublier... Malheureusement...
Voyant que je ne lui répondais pas, le Rôdeur soupira, passant une main dans sa chevelure d'un noir sans fond. Il s'apprêta à rajouter quelque chose, mais je le devançai.
- Je n'ai pas envie que tu oublies, avouai-je alors que mes joues étaient en proie à un incendie, mais j'aurais voulu le formuler autrement.
Les yeux du Rôdeur s'agrandirent et il dissimula un sourire. J'avais envie de fuir en courant. Prenant mon courage à deux mains, reniant mes mauvaises habitudes de toujours me défiler, je restai face à Kalidas avec la sensation de me consumer sur place.
- Tu peux toujours me le reformuler maintenant, me proposa Kalidas, je pourrai te répondre.
J'allais me désintégrer sur place.
- J'ai déjà eu le courage de te le sortir une fois, n'en profite pas ! m'insurgeai-je.
Cette fois-ci, Kalidas ne chercha pas à cacher le sourire qui éclaira son visage.
- Rafraichis-moi la mémoire, me demanda-t-il.
Il me cherchait. Il aimait me voir réagir. J'avais envie de le taper. Mais pas trop fort.
- Je t'avais demandé si on sortait ensemble, m'agaçai-je. C'est vrai quoi, tu m'as embrassée, mais après ? On s'en tient à quoi ? J'avais juste demandé dans un but informatif.
Kalidas fut surpris que je lui rafraichisse réellement la mémoire, visiblement il s'attendait à ce que je me défile comme à mon habitude. Etrangement, sa surprise était plutôt satisfaisante.
- C'est ce que tu aimerais ? m'interrogea le Rôdeur.
Son sourire avait disparu de son visage. Il était on ne peut plus sérieux. Mon cœur s'emballa dans ma cage thoracique. Je n'arrivais pas à trouver les mots, mon esprit était soudainement tout embrouillé.
- C'est que... bafouillai-je. Je n'ai pas dit ça ! Je m'en fiche en fait, c'était juste une question, ajoutai-je précipitamment.
Un silence s'installa dans lequel je pus me rendre compte de ce que je venais de dire. Il allait croire que je n'en avais rien à faire de lui... Ce n'était pas si mal, si ? Etrangement, je trouvais cette idée difficilement supportable.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire, essayai-je de me rattraper. Je... en réalité, je t'aime. Bien ! Je t'aime bien.
Kalidas me lança un regard confus avant de se mettre à rire. Je ne savais plus où me mettre. J'étais embarrassée, dans une position inconfortable, mais en même temps, je n'avais pas envie de partir loin de lui. Pourquoi était-ce si difficile de parler de ce que je ressentais vraiment ?
- Tu sais, tu comptes énormément pour moi, m'avoua le Rôdeur, tu as une place spéciale à mes yeux. Mais si tu n'es pas encore prête à parler de ce que tu ressens, j'attendrai. Je serai prêt quand tu le seras. Rien ne presse.
J'en restai muette. J'avais toujours eu du mal à mettre des mots sur ce que je ressentais et pourtant, à ce moment précis, j'aurais voulu lui crier tout ce que j'avais sur le cœur. Je n'étais pas prête pour dévoiler le vrai fond de mes émotions, je ne l'étais jamais. Parce que j'étais terrifiée. Terrifiée à l'idée de me dévoiler. A l'idée d'être vulnérable. De montrer le vrai fond qui se cachait en moi, au-delà de ce que je laissais paraître. Mais avec lui, c'était différent. Je n'avais pas peur d'être vulnérable. Je me sentais en sécurité. J'avais l'impression d'avoir de nouveau un foyer lorsqu'il était à mes côtés. Mais les mauvaises habitudes persistaient à rester à mes côtés. Je n'arrivais pas à me livrer. A laisser tomber le voile et énoncer clairement ce que je cachais au plus profond de moi. Je ne savais pas comment faire. Et j'aurais voulu qu'il le sache. Qu'il prenne conscience de ces faits. Mais j'étais incapable de le dire à voix haute.
Pourtant j'aurais voulu tout clarifier. Lui dire que c'était réciproque. Lui dire que je l'aimais. Mais même cette simple pensée arrivait à me faire rougir de la tête au pied. Voyant qu'il allait se détourner, je cherchai avec précipitation les mots pour le retenir.
- Pourquoi tu n'es pas Télépathe ? me lamentai-je.
Kalidas me regarda, amusé.
- Je suis déjà un Rôdeur et un Inception, je ne peux pas tout avoir, répliqua-t-il dans un sourire.
- Ce serait quand même plus simple si tu pouvais lire dans ma tête, marmonnai-je. Je pense certaine chose que je n'oserai jamais te dire à voix haute. Pourtant, j'aimerais beaucoup que tu le saches.
Le Rôdeur me regarda avec attention.
- Alors dit les à ta manière, proposa-t-il, j'essayerai de comprendre où tu veux en venir.
Je serrai les poings, cherchant désespérément quoi dire pour tout simplifier.
- Lorsque je t'ai foncé dedans avant de te poser la question que je regrette ardemment, je le pensais vraiment, avouai-je de plus en plus nerveuse. Mais je ne l'assume pas du tout. J'aimerais bien que tu oublies ce que je t'ai dit, parce que je suis trop morte de honte, mais en même temps, je n'ai pas envie que tu oublies. Et cette situation est franchement gênante. Mais je veux que tu saches que... euh... ce que tu as dit, je te le retourne, et que je serais jalouse que tu le dises à une autre personne. Parce que j'aimerais que ces mots me soient uniquement adressés. Et je commence à dire n'importe quoi.
Je me tue, ne sachant même plus quoi dire, tout s'emmêlait dans mon esprit. Kalidas me passa lentement une mèche de cheveux derrière mon oreille, me regardant droit dans les yeux.
- Moi aussi je t'aime, Eudora, me répondit-il.
Tout mon corps prit feu. J'ouvris plusieurs fois la bouche avant de réussir à lâcher un son.
- Donc on est officiellement ensemble ? marmonnai-je tellement bas que j'eus du mal à réaliser que les mots m'étaient réellement sortis de la bouche.
- Seulement si tu y consentes.
- Evidemment.
J'avais beaucoup trop chaud. L'air avait du mal à trouver mes poumons. Il fallait que je change de sujet, que je retrouve de l'oxygène.
- Euh... Il faut que... qu'on trouve comment élucider tous les mystères sur les Obscuriums, remarquai-je, les joues en feu.
Kalidas accepta mon changement de sujet sans broncher.
- Justement, j'ai pensé à un truc.
Je lui portai toute mon attention, attendant qu'il poursuive.
- Tu te souviens du Livre des Brumes ? me demanda-t-il. Le livre dont tu affirmais qu'il ne s'ouvrait pas. Je me suis dit qu'on pourrait toujours y regarder de plus prêt. Il contient peut-être des réponses.
- Mais je croyais que les pages étaient toutes vierges ? relevai-je.
- C'est vrai, mais j'ai du mal à croire que c'est réellement le cas. Le livre appartenait à Astéria, tout comme le médaillon que tu m'avais dérobé. Peut-être que si j'ouvre le livre à ta place, tu pourras en lire le contenu. Après tout, si tu réagissais différemment au pouvoir du médaillon, c'est peut-être aussi le cas avec le livre.
J'acquiesçai, devant admettre qu'on devait au moins tenter notre chance.
- Je suis désolée pour le médaillon, lâchai-je brusquement.
- Pourquoi ?
- Si je ne te l'avais pas dérobé, il n'aurait pas fini entre les mains de la reine.
Kalidas passa une main dans sa chevelure d'un noir sans fond, semblable au néant.
- La reine ne l'a plus, avoua-t-il, j'ai été le récupérer.
J'écarquillai les yeux de surprise.
- T'es fou ! m'écriai-je. Et si elle t'avait pris la main dans le sac ?
- Ce serait sous-estimer mes capacités de Rôdeur, me taquina-t-il.
Je le fusillai du regard.
- Je vais chercher le livre et le médaillon, me prévint le Rôdeur, évitant mon courroux, avant de disparaître sous mon nez.
Je fis désormais face à la solitude. Malheureusement, ce ne fut pas long avant que quelqu'un ne vienne me déranger. Cinq minutes plus tard, Martial débarqua aux côtés d'Alisa, et lorsqu'il m'aperçut, isolée dans mon coin, il se dirigea vers moi en intimant à Alisa de le suivre. Le Guerrier avait les mains pleines de fruits. Il avait dû piller le garde-manger.
- T'en veux ? me proposa-t-il en me tendant des cerises.
J'arquai un sourcil.
- Toi, qu'est-ce que tu veux ? demandai-je, lassée.
- Simplement voire si tu allais bien, répliqua-t-il. Dans ta petite tête, j'ai l'impression que c'est souvent en ébullition, je n'ai pas envie que tu surchauffe.
Il était encore venu faire le clown... Kalidas revint subitement, avant que je n'aie pu faire fuir le Guerrier, à mon plus grand agacement. Martial remarqua tout de suite ce que tenait le Rôdeur entre les mains.
- Qu'est-ce que c'est ? l'interrogea-t-il.
- Ce n'est pas ton problème, m'irritai-je.
Alisa se figea, troublée.
- Vous entendez ? demanda-t-elle.
- Entendre quoi ? répondis-je.
- Les grésillements.
- Quels grésillements ? s'étonna le Guerrier.
- Ils viennent de ta poche, répondit la Banshee en pointant la poche de veste de Kalidas.
Il laissa trahir un sentiment de surprise.
- Tu arrives à l'entendre ?
- Entendre quoi ? demanda Martial, perdu.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Alisa.
Le Rôdeur me lança un regard, hésitant. Résigné, il finit par sortir ce qu'il avait dans la poche de sa veste à écailles. Dans un tissu brun, il dévoila le médaillon d'Astéria. La Banshee et le Guerrier en restèrent béat d'étonnement.
- Je croyais que c'était la fausse reine Zara qui l'avait, remarqua Martial.
- Pourquoi est-ce qu'il grésille ? demanda Alisa. Je ne l'avais jamais entendu grésiller avant.
- Je n'entends rien, moi, riposta le Guerrier.
Intriguée, je pris le médaillon entre mes doigts. Le contact du médaillon sur ma chair me brûla aussitôt la peau, je manquai en lâcher l'objet.
- Pose-le dans le tissu, intervint Kalidas en me tendant le tissu brun, c'est plus prudent.
Je secouai la tête, de plus en plus intriguée par le médaillon. Il y avait quelque chose d'étrange.
- Ce n'est pas comme les autres fois, chuchotai-je, contemplant l'objet.
- Qu'est-ce qui a changé ? m'interrogea le Rôdeur.
- Il me brûle un peu, avouai-je, mais j'ai aussi l'impression qu'il vibre entre mes doigts.
- Cet objet est vraiment bizarre, commenta le Guerrier.
- C'est le Livre des Brumes ? s'étrangla Alisa en remarquant le bouquin à moitié caché sous la veste du Rôdeur.
Ce dernier acquiesça. Je rendis le médaillon à Kalidas, avant de lui prendre le livre des mains. Le livre possédait un fermoir démuni de serrure. J'essayai de l'ouvrir, en vain.
- Tu vois, il ne s'ouvre même pas ton fichu livre.
Martial éclata de rire.
- Attends, tu n'arrives pas à l'ouvrir ? se moqua-t-il. T'as vraiment des muscles en coton.
Agacée, je lui envoyai le livre en pleine face. Martial le rattrapa avant que ce dernier ne le frappe en pleine figure. Dans un haussement d'épaule, il se mit à l'ouvrir sans la moindre difficulté, me frustrant un peu plus.
- La légende sur ce livre est bien fondée, remarqua-t-il, il n'y a que des pages vierges là-dedans.
Je m'approchai, voulant voir le contenu du livre. Je posai ma main sur la couverture et d'un geste brutal, le livre se referma d'un coup sec, nous faisant sursauter.
- Je crois que le livre ne t'aime pas, Eudo, se mit à rire le Guerrier.
- La ferme.
Martial rouvrit le livre et cette fois-ci, je gardai mes distances.
- Il n'est pas vierge ce livre, commenta Alisa.
- Quoi ? s'étrangla Martial. Parce que toi, tu vois quelque chose ?
La Banshee acquiesça à notre plus grand étonnement.
- Je ne vois rien, moi, avouai-je, frustrée.
- Bienvenue dans le club, répondit le Guerrier.
- Non, le contredis-je. Quand je dis que je ne vois rien, c'est que je ne vois même pas les pages ! m'énervai-je, plus frustrée que jamais.
- Quoi ? s'étonna le Rôdeur tandis que le Guerrier me regardait, ahuri, avant de retenir un rire.
- Il n'y a aucune page dans ce fichu livre ! m'emportai-je. Il est complétement inutile.
- Il ne t'aime vraiment pas ce livre, se moqua Martial. Je t'assure qu'il y a des pages, mais elles sont toutes blanches.
- Non, elles ne le sont pas, protesta Alisa.
- Qu'est-ce que tu vois ? lui demanda Kalidas.
La Banshee haussa un sourcil.
- Un œil, avoua-t-elle.
- Un œil ? s'étonna le Guerrier.
- Oui, un œil à l'iris bleu foncé emplis de constellations. Comme tes yeux, Eudora.
- Quoi ? m'ahuris-je.
Alisa s'empara brusquement du livre, les pupilles rétractées. Son expression faciale venait de changer du tout au tout. Elle feuilleta les pages comme si elle connaissait son contenu par cœur et recherchait un passage précis. J'entendais les pages se tourner sans même pouvoir les voir. Alisa cessa de feuilleter les pages de l'ouvrage sous le regard intrigué de tous et contempla ce qu'elle avait devant les yeux, le regard méconnaissable.
- Qu'est-ce que tu vois ? hésita à demander la Guerrier ayant du mal à reconnaître la Banshee.
Je jaugeai Alisa, cherchant à comprendre ce qui lui prenait. Était-ce encore cette possession qui avait pris le dessus ?
La Banshee fronça les sourcils. Elle passa son doigt le long de la page face à elle, une expression étrange au visage. Elle finit par relever les yeux en notre direction. Son regard s'arrêta sur moi. Alisa n'était plus là, c'était quelqu'un d'autre qui me faisait face et son expression fermée, ses yeux fixes et froids, n'avait rien de rassurant.
- Qui es-tu ? osai-je demander, nullement intimidé.
Je sentais la symbiose de nos pouvoirs crier à travers nos corps, comme si nos dons voulaient s'entremêler à notre simple présence. La symbiose semblait encore plus puissante lorsque la possession d'Alisa prenait le dessus.
Je m'attendais à n'avoir aucune réponse, à affronter un silence inquiétant, mais à ma plus grande surprise, un fin sourire habilla le visage de marbre de l'être face à moi.
- Astéria.
Martial s'étrangla à l'entente de ce prénom. Kalidas s'était figé. J'étais statique, le visage imperturbable. Elle m'avait répondue. Je ne l'aurais pas parié un sou. Etrangement, je n'eus même pas besoin de remettre sa parole en doute, elle sonnait comme une vérité absolue. Comme une évidence.
- Pourquoi es-tu ici ? lui demandai-je, la regardant droit dans les yeux.
Son regard s'illumina brièvement. L'atmosphère était devenue lourde tout autour de nous.
- J'ai toujours été là, finit-elle par répondre.
Je fronçai les sourcils. Ce n'était pas vraiment ce qu'on pouvait appeler une réponse claire. Je détestais ne pas connaître le fin mot de l'histoire.
- Toujours ? répétai-je. Ce serait trop demandé d'avoir des réponses précises et détaillées ? A moins que ce soit un effort trop herculéen pour la petite déesse que tu es, commençai-je à m'agacer.
Martial s'étrangla devant l'impolitesse dont je venais de faire preuve. Mais je n'en vais rien à faire de qui elle pouvait bien être. Nous étions dans un royaume chaotique empli de mystères, il me fallait des réponses si je voulais élucider tous ces secrets et pouvoir avancer.
- J'ai toujours été présente à ma manière, me répondit l'entité, même si on ne me voyait pas, même si on ne m'entendait pas. J'ai attendu mon heure, attendu de pouvoir me manifester, mais je ne suis pas là par hasard.
- C'est parce que tu es là qu'Alisa peut lire ton livre ? en déduisis-je.
- Pas vraiment, me corrigea-t-elle, elle le pourrait même sans moi. Toi aussi, tu le pourrais.
Je fronçai les sourcils, retenant un rire moqueur.
- Moi aussi je pourrais lire ce fichu livre ? raillai-je. Ce n'est pourtant pas l'impression que j'ai. Je n'arrive ni à l'ouvrir, ni à percevoir ses pages, alors permet moi de douter de pouvoir un jour lire le moindre mot.
- Tu le pourrais si tu t'acceptais.
Je restai muette quelques secondes.
- M'accepter ? finis-je par lâcher d'un ton abrupt.
- Lorsque tu auras accepté qui tu es, lorsque tu auras accepté ta véritable nature, tu te rendras compte que ce qui te faisais entrave auparavant n'était autre que toi-même. Tant que tu n'auras pas accepté ta véritable nature, tu contraindras ta vraie puissance à se tapir au fond de toi sans jamais pouvoir pleinement la contrôler.
Qu'est-ce que cette déesse morte était en train de me raconter ? Ma nature ? Ma vraie puissance ?
- Je n'ai aucun problème avec moi-même, m'irritai-je, c'est quoi ces bobards ? Tu ne peux pas être plus clair ?
Un sourire narquois fendit ses lèvres.
- Si tu t'acceptais réellement, si tu acceptais ta nature, je ne ferais pas face à une Obscuras en allure de Terrienne à l'heure qu'il est. Tu nies tellement tes origines que tu en viens à te cacher derrière une fausse apparence et ce, depuis des années.
Je serrai les poings, prête à l'incendier, mais quelqu'un s'approchant de nous fit taire ma révolte. Zahir, encerclé par des membres de sa meute, se dirigeait vers nous. Alisa eut un violent sursaut et reprit contrôle sur son corps. Astéria venait de partir.
Zahir s'arrêta prêt de nous et ses yeux se rivèrent vers le livre et le médaillon.
- Il me semblait bien que vous trafiquiez quelque chose dans votre coin, mais je n'aurais jamais cru voir de telles reliques entre les mains de quiconque, s'étonna-t-il.
- Où les aviez-vous eus ? se surpris Bleizian.
- Ce n'est pas tes affaires, sifflai-je.
- Etant donné qu'on vous héberge, qu'on a un compromis afin de faire front commun, si, ce sont nos affaires, me rabroua Zahir.
Le Lycanthrope me toisa durement, le visage impénétrable. Il renvoya une allure sûre, qui n'en démordrait pas. Mais j'étais convaincue d'être encore plus têtue que lui.
- On les a, c'est tout, me butai-je. Je pense que vous avez autre chose à foutre que de nous questionner là-dessus. Vous n'avez pas une reine à détrôner ? Un royaume à sauver ?
Zahir contracta la mâchoire. Son corps massif s'avança droit vers moi, mais je ne fis aucun mouvement de recul. S'il croyait qu'il allait m'impressionner, il se fourrait le doigt dans l'œil.
- Ces objets appartenaient à Astéria, ils ont disparu depuis des siècles, toutes les puissances du royaume sont à leurs recherches. J'aurais aimé savoir que ceux que j'héberge avaient de tels objets en leur possession. Ce sont des atouts non négligeables. Des atouts qui pourraient faire pencher la balance en notre faveur.
J'arquai un sourcil.
- Des atouts ? En quoi une amulette qui tue son porteur et un livre qui ne peut être lu peuvent être des atouts d'une si grande ampleur ?
Martial tira une grimace. Kalidas passa une main dans ses cheveux de néant. Alisa camoufla un sourire. Les Lycanthropes autour de Zahir s'échangèrent de drôle de regards. Ces réactions m'irritèrent. Était-ce si évident ?
- Ces objets sont peut-être inutilisables, mais leurs pouvoirs n'en est pas moins important. Ces objets, ainsi que les artefacts que portent un roi légitime, combinés dans l'antre de la grande déesse peuvent redonner vie et puissance à la Bête.
- La Bête ? répétai-je.
- On raconte, m'expliqua Martial, qu'Astéria vivait dans un antre gardé par une puissante bête. Lorsque la déesse est morte, son antre a plongé dans les ténèbres et la Bête s'est enfoncée dans un profond sommeil. On raconte qu'elle n'est pas morte, qu'elle vit toujours quelque part dans Obscuratium, et que lorsque les objets de sa maîtresse lui reviendront, sa puissance sera à son apogée et la puissante Bête reviendra au grand jour, sous les jougs d'un nouveau maître.
- Le médaillon et le livre sont les deux premiers objets clefs, m'éclaira Bleizian. Les Artefact que vous avez perdu, étaient la troisième clef. Réunis dans l'antre où sommeil la Bête, cette dernière réveille sa puissance qu'elle garde pour son maître. Entre de mauvaises mains, le royaume pourrait définitivement sombrer, mais entre nos mains, nous aurions un avantage considérable pour la rédemption du royaume.
Mes yeux dévièrent vers les objets, confuse. Qu'est-ce que c'était encore que cette histoire ?
- Nous n'avons pas les Artefacts, fis-je remarquer, ces objets ne nous servent à rien.
Je serrai les lèvres, réalisant qu'auparavant, tous les objets étaient en notre possession. Seul le lieu manquait. Je comprenais désormais l'importance que le Lycanthrope importait à ces deux reliques. Si c'était la clef pour tuer Samaël et réduire les siens au néant, j'étais partante pour suivre les propositions du loup face à moi. Même si je ne lui faisais toujours pas confiance.
- C'est un début, se contenta de répondre Zahir. Dans l'avenir, qui sait si les autres clefs ne nous tomberont pas dans les mains. Mais vous feriez mieux de trouver un endroit sûr pour ces reliques, histoire qu'on ne les perde pas comme vous avez perdu les Artefacts.
Je contractai la mâchoire, retenant une réplique acerbe. Un regard en direction de Martial, Alisa et Kalidas m'apprit qu'ils étaient de cet avis. C'était la meilleure chose à faire. Après tout, si ces objets pouvaient nous donner la puissance pour éradiquer les menaces, je n'allais pas cracher dessus, même si je devais pour cela accepter l'aide de ces désagréables Lycanthropes.
Bleizian, Alisa, Kalidas, Martial et un Lycanthrope que je ne connaissais pas s'occupèrent de trouver une planque aux précieux objets. Lorsque je voulus les suivre, Martial m'arrêta d'emblée.
- Désolé Eudo, mais Evilash peut voir à travers toi. Il est préférable que tu ne saches pas où se trouvent les reliques d'Astéria.
Vexée et frustrée, je dus faire demi-tour, les poings serrés. Je passai le reste de la journée à maugréer et éviter la foule, essayant de chasser ma mauvaise humeur qui me collait sans cesse. Je finis par rejoindre ma chambre assignée lorsque la nuit fut tombée.
Allongée sur mon lit, les heures passèrent sans que je ne puisse fermer l'œil. La peur de rencontrer un Inception, bien que désormais chacun veillait au sommeil des autres, n'était pas ma préoccupation majeure. Je n'arrivais simplement pas à me vider l'esprit.
Toutefois, après de longues heures, le sommeil finit par me cueillir.
Mais je me rendis bien vite compte que quelque chose clochait. Je dormais, j'en étais convaincue, mais je ne rêvais pas. Ce rêve avait un goût étrange de réalité. Mon cœur rata un battement. J'étais sous l'emprise d'un Inception. Le cœur battant sauvagement, je regardai autour de moi, en quête d'une montagne brune, d'une terre poudreuse ou d'un ciel rose qui m'aurait appris que je ne risquais rien, en vain. Ce n'était pas Kalidas.
J'étais dans une clairière des plus classiques. Herbe fraiche, arbres dans l'horizon, nuit étoilée. Seule. Serrant les poings, je m'apprêtai à faire face à mes pires cauchemars, attendant que le Darknil vienne tenter de mettre fin à mes jours, mais rien. Alors que je commençais à me questionner sur ma présence en ces lieux, les bruyères non loin de moi remuèrent et un Obscuras fit irruption dans les lieux. Surprise, je le détaillai, ahurie. Ce n'était pas un Darknil.
L'Obscuras aux yeux rose saumon était mince, la peau faite d'entremêlement de fils métalliques. Il me contemplait avec crainte, anxieux, se tenant les mains et les serrant tellement fort que le sang avait du mal à y circuler. Facile de comprendre qu'il n'était pas là de son plein gré et qu'il ne souhaitait qu'une chose, partir au plus vite.
Une autre silhouette se dessina à son côté et Evilash rejoint l'Obscuras sans l'once d'une hésitation. Perplexe, je fronçai les sourcils.
- Qu'est-ce que c'est que ce chambard ? lâchai-je.
- J'avais à te parler, m'apprit l'insaisissable menace, j'ai dû demander l'aide d'un Inception pour pouvoir communiquer avec toi, expliqua-t-elle dans un signe de tête en direction de l'Obscuras.
Evilash s'avança de quelques pas, laissant l'Inception derrière elle, inquiet du sort qu'on pouvait lui réserver.
- Qu'est-ce que tu veux ? lui demandai-je, suspicieuse.
- Je t'ai dit que notre alliance était validée, commença-t-elle, et que je reviendrai te voir lorsque j'aurai besoin de tes services. C'est le cas aujourd'hui.
- Je t'écoute, conciliai-je.
- Trouve-moi le médaillon et le livre et retrouve-moi à la Cascade Sanglante pour me les remettre. Tu trouveras le lieu de rendez-vous sans problème, il te suffit de suivre les cours d'eau.
J'eus un mouvement d'hésitation.
- Tu veux que je m'empare en douce des reliques et que je te les donne dans le plus grand secret ? reformulai-je.
- C'est ce que je t'ai demandé, oui, confirma Evilash, un brin agacé.
- Si je le fais, les anciens Clandestins et la meute ne me feront plus confiance, fis-je remarquer retenant mon énervement.
Evilash me fusilla du regard.
- Il faudrait savoir ce que tu veux Eudora, qu'on s'allie pour mettre fin au règne des Darknils ou continuer à jouer les gentils camarades auprès de cette troupe de bras cassés ? Ils ne t'apporteront rien, sache-le. Alors maintenant, soit tu honores notre accord, soit l'alliance ne tient plus et tu te débrouilleras seule.
Je serrai les poings, ayant la désagréable sensation d'être face à un ultimatum. Perdre l'alliance ou la confiance de ceux que je côtoyais depuis un long moment déjà. Je m'étais pourtant promis de tout faire pour arrêter Samaël, quoi qu'il puisse m'en couter. Peut-être qu'on ne voudrait plus de moi dans ce foutu volcan, mais je devais le faire. Parce que les Darknils devaient payer.
- D'accord, acceptai-je.
***
NDA : Hey ! Me revoilà avec la suite ! Qu'en avez-vous pensé ?
- La relation Kalidas/Eudora officielle, réaction ?
- Alisa qui est possédée par Astéria , surpris ? Une idée de pourquoi ?
- La Bête pouvant donner l'avantage à son maître muni des Artefacts et reliques, une idée de ce qu'est cette Bête ?
- Evilash qui demande les reliques à Eudora, au détriment de sa relation avec son entourage, vous validez ?
Bon je vais arrêter là x) on se dit à la semaine prochaine !
Kissy kissy 💙
#Nakijo.
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