25. Impuissance.
Des cris.
Les cris résonnaient partout, se répercutaient à travers les murs. Des échos d'agonie brisaient perpétuellement le silence des lieux. Nous n'étions pas les seuls captifs et à entendre les hurlements sans fin qui se répercutaient autour de nous, pour l'instant, on s'en sortait plutôt bien. Mais je savais que cela n'allait pas durer.
Pour le moment, les Darknils nous avaient un peu mis de côté, s'occupant de captifs dans une autre salle, mais cela n'avait duré qu'un jour. Ils avaient bien fait comprendre que le répit serait de courte durée. Nous étions leur priorité.
J'entendais déjà les pas des bourreaux résonner, la lame tranchante crissant contre les parois des murs. Ce Darknil aux mains de lames. Toujours et encore lui. Nous rejoignant en quelques pas, ses bras transformaient en armes coupantes, il fit le tour des prisonniers, nous contemplant un à un.
Une fois qu'il eut fini son petit manège, il s'arrêta auprès de Kalidas. Je me crispai. Je ne pouvais rien faire. Rien faire contre ce monstre. Et il avait fallu qu'il jette son dévolu sur le Rôdeur alors que j'étais complétement impuissante. Le Rôdeur était toujours dans un état lamentable, l'empêchant d'user de ses capacités pour s'enfuir de ces lieux. Mais il était conscient.
Le Darknil saisit son menton entre ses mains gantées et releva le visage du Rôdeur pour que ce dernier puisse le contempler. De son autre main, le Darknil joua avec quelques mèches de ses cheveux de néant, comme désireux de découvrir le Rôdeur dans les moindres détails.
- Tu es sacrément coriace, lui lança-t-il, il y a belle lurette que tu aurais dû être mort.
Le Darknil lâcha un rire désabusé.
- Tu n'aurais même pas dû quitter l'âge du berceau.
Kalidas, qui n'avait pas bronché jusque-là, cligna vivement des yeux. Le Darknil approcha son visage camouflé vers celui du Rôdeur. Un rire sadique s'échappa de lui.
- Tu t'es admirablement battu depuis l'enfance pour avoir le droit de vivre, je devrais en ressentir de la fierté, mais te voir vivant, respirant sur cette planète, ne cesse de me rappeler les erreurs de mon passé.
Le Darknil relâcha enfin Kalidas, l'étudiant de ses yeux de contrefaçons. Le Rôdeur abordait un regard complétement perdu. Le Darknil émit un rire las.
- Avant que tu ne meures, il me tient à cœur que tu connaisses enfin toute la vérité.
L'atmosphère de la pièce devint rapidement étouffante.
- Ta naissance n'a été qu'une regrettable erreur. Je n'ai jamais compris comment tu es parvenu à survivre malgré tes privations et tes mauvais traitements. J'imagine que je t'ai transmis ma résistance à toute épreuve.
Kalidas, confus, ne quittait plus le Darknil des yeux.
- Tu es... voulut-il commencer avant de s'interrompre.
Sa voix était faible, émise dans un pénible murmure. Le Darknil le contempla de toute sa hauteur.
- Je suis quoi ? souffla-t-il.
Le Rôdeur resta d'abord silencieux, refusant d'admettre les réponses plausibles qui lui traversaient l'esprit.
- Qui es-tu ? finit-il par demander.
Le Darknil éclata de rire. Un rire qui fit froid dans le dos.
- Voyons Kalidas, tu dois en avoir une petite idée, non ?
Le Rôdeur le toisa d'un regard égaré. Le Darknil se remit à jouer avec les cheveux de son otage, sans aucune gêne.
- Tu as beaucoup grandi depuis la dernière fois que nous nous sommes vus. Tu es devenu plus fort, plus robuste, lui intima-t-il. Plus sûr de toi aussi. Tu as appris à survivre seul. Dommage que les choses doivent se terminer ainsi, dans d'autres circonstances, les choses auraient pu se dérouler différemments.
- Tu ne peux pas être lui, grinça Kalidas. Il est mort. Par ma faute.
- Qui donc ?
- Mon père.
- Je ne suis pas ton père.
Kalidas cilla lentement. Il interrogea son bourreau du regard.
- Ton père est bel et bien mort, par ta faute. Je ne pourrai pas changer cette réalité.
Dans un geste las, le Darknil retira la capuche qui recouvrait sa tête, jeta les diamants qui cachaient ses iris contre le sol, les laissant rouler tels des billes insignifiantes. Mon sang se figea. A cause de sa voix de contrefaçon, robotisée pour ne pas que l'on puisse reconnaître son véritable timbre, je n'avais pas pris la peine de chercher plus loin que le bout de mon nez. J'avais déduit que l'être se cachant sous ce tas d'habits était un homme. Ce n'était pas le cas.
Le Darknil avait retiré tous ses artifices, se dévoilant sous ses véritables traits. Des cheveux d'un noir profond cascadaient par boucles jusqu'à ses hanches. Sa peau foncée était marquée par des reflets d'or semblable à des longs et fins dragons gravés dans la chair. Ses iris d'un rose saumon étaient braquées sur le Rôdeur et un sourire carnassier habillait son visage.
- Oui Kalidas, je suis ta mère. Et contrairement à ce que cet idiot qui te servait de père t'a raconté, je ne suis pas morte.
La Darknil leva la tête au ciel dans un soupir ennuyé.
- Je sais très bien de quelle façon il m'a dépeint ; la douce et fragile épouse avec un cœur sur la main. Il se fiche du monde. Comment a-t-il pu un jour me voir ainsi ? C'est ridicule. Je ne suis pas de ces personnes délicates et chétives. Il n'a jamais voulu voir ce que j'étais réellement, préférant s'enfermer dans ses vulgaires illusions. A vomir. Et il me portait un amour aveugle... Mais laissez-moi rire !
La mère de Kalidas s'agrippa les cheveux avec force, les tirant comme si elle voulait chasser ses pensées de son esprit. Elle avait quelque chose de terrifiant, d'enragée.
- Notre histoire n'était pas faite pour durer. Je voulais simplement passer le temps, oublier la réalité, et ce gros lourdaud me semblait bien assez stupide pour répondre à mes besoins. Mais il s'est épris. Et je me demande encore comment il a pu s'emmouracher de moi alors que les seules petites intentions que je lui offrais se résumaient aux coups.
Dans un grognement de colère, la Darknil toisa son fils avec une haine perceptible.
- Puis, il a fallu que je tombe enceinte de ce débris. Il a fallu que tu naisses. Il était hors de question que je m'encombre d'un bébé geignard et pleurnichard. Je t'ai laissé entre les mains de ton père, lui promettant que je ne reviendrais plus jamais le voir. Que tout était fini. Je n'en avais rien à faire de votre sort, du tien comme du sien, et j'ai mis fin à ce qui n'aurait jamais dû commencer.
La Darknil prit une pause le temps d'un soupir avant de reprendre de plus bel ;
- Cet idiot s'est mis en tête que tu étais l'unique fautif de mon départ, que l'arrivée d'un enfant m'avait fait peur et que j'en avais pris mes jambes à mon cou. L'imbécile. Il n'a jamais voulu comprendre que je n'en avais strictement rien à faire de lui. Mais ce que j'ignorais, c'est que ce crétin était au courant que je servais les Darknils. Il m'avait pisté, tel un foutu Rôdeur qui ne sait que fouiner. Alors que tu étais encore petit, il s'est introduit dans le repaire avec toi pour me supplier de revenir. En vain, bien évidemment. Et Brennan s'est même chargé de lui effacer la mémoire. Il devenait trop gênant. Il était préférable qu'il ne se souvienne plus de ce que j'étais devenue.
Le silence avait pris place dans les lieux, seule la voix de la Darknil résonnait. Et elle continuait son récit sans répit, se délogeant du poids des années qui avait pesé en silence depuis trop de temps.
- Vu ton jeune âge, poursuivit-elle, on ne pensait pas que tu te souviendrais de quoique ce soit. Mais l'inconscient est parfois surprenant. Il a fallu que ton cerveau de nourrisson enregistre les lieux et que tu développes par la suite un pouvoir de téléportation. La vie a un sacré sens de l'humour... Il a fallu ensuite, que par mégarde, tu te téléportes ici et que tu t'empares du médaillon et du livre qui nous étaient si précieux. Tu ne peux pas savoir comment tu m'as mis en colère. Mais aujourd'hui, je vais enfin pouvoir calmer mes nerfs en te rendant la monnaie de ta pièce.
La Darknil se mis au niveau de Kalidas et s'empara de ses chaînes qu'elle tira avec force, lui coupant le souffle. Elle affichait un air mauvais. Il n'y avait pas la moindre lueur d'amour et de bienveillance dans son regard.
- Sache que pendant toutes ces années, je n'ai jamais cessé de garder un œil sur vous. Par curiosité peut-être. Dans l'attente de vous voir mourir misérablement, sûrement. Je t'ai vu grandir sous les coups de ton père. Je t'ai vu mourir de faim. Je t'ai vu voler pour survivre, voler pour combler les désirs de ton parent. Je t'ai vu évolué. J'étais surprise de ta ténacité. J'avais parié que tu mourrais avant lui, mais tu as réussi à me surprendre jusqu'au bout.
Elle passa une nouvelle fois sa main dans les cheveux de néant de son fils, comme si ce geste l'amusait, bien que son regard ne prît jamais d'autre teinte que celle de la colère.
- Il fallait que tu saches la vérité, lui confia-t-elle. C'était insupportable que tu m'affectionnes à cause des informations erronées de ton père. Il était inconcevable que tu meures entre mes mains sans jamais rien savoir de tes réelles origines.
La Darknil recula vivement et s'empara d'une rose couverte de sang qui reposait sur le sol. Elle joua avec la fleur, la faisant tourner entre ses doigts, dans une fascination qui faisait froid dans le dos. Puis lentement, elle déposa la fleur de force entre les mains du Rôdeur, en signe de mauvais présage. Le sourire du Darknil s'élargit, ses yeux brillants d'un éclat mauvais.
- Tout va désormais prendre fin, se réjouit-elle. Et j'aurais plaisir à te torturer jusqu'au bout.
La Darknil s'approcha lentement des autres captifs, les détaillants avec attention. Elle s'arrêta devant Circé.
- Je n'ignore pas que c'est grâce à elle que tu es toujours en vie. Je sais qu'elle compte toujours autant pour toi. Alors c'est par elle que je vais commencer.
Sous l'impuissance générale, la Darknil commença ses tortures. Indifférente aux cris, indifférente au moindre sentiment. Elle dégageait quelque chose de tordu. Sans scrupule, elle brisa les ailes de l'aigle. Des plumes s'arrachèrent et volèrent lentement contre le sol tapissé de roses et de sang. Et je me perdis dans la contemplation des plumes tombant contre le sol pour tenter d'échapper à cette réalité.
La vie était similaire à un carrousel. On avait beau avancer, on ne faisait que tourner en rond et revenir à la case départ. J'avais tenté de fuir les Darknils, et je retombais à chaque fois entre leurs mains, impuissante, alors qu'ils reprenaient leurs tortures. Et je n'y voyais plus le bout. Combien de personnes souffriraient encore entre leurs mains ?
Je fermai les yeux, voulant à tout prix chasser les cris qui résonnaient dans ma tête. Je voulais chasser la réalité. Enlever les derniers évènements.
Désormais l'être de mes cauchemars avait un visage. L'être qui avait tué ma famille avait retiré son anonymat et laissé tomber le masque. L'être qui m'avait détruit n'était autre que la mère de celui dont j'étais tombée amoureuse.
Je retins mon souffle. Sans m'en rendre compte. Je détestais l'humour déplacé du destin.
Et j'avais mal.
Mal pour Kalidas.
Je connaissais l'image qu'il avait eu de sa mère jusqu'ici. L'attachement qu'il lui portait, malgré qu'il ne l'ait jamais connu. Un attachement illusoire. Un attachement basé sur des mensonges. Il n'avait jamais eu de vrai père, seulement un géniteur violent, un monstre. Mais il découvrait désormais qu'il n'avait jamais eu de mère non plus. Seulement un monstre.
Et sa mère était encore pire que son père.
Une mère aux mains de lames. Une mère absente. Une mère Darknil. Une mère à la folie assassine.
Et le sang allait couler.
J'avais conscience que le début de notre enfer commençait à cet instant précis. Et il n'allait finir que lorsque nous aurions lâché notre dernier souffle.
*
NDA : Hey me revoilà !
Bon, ça fait un moment que j'aurais dû poster la suite, sorry ^^"
Pour des raisons personnelles je n'ai pas pu tenir mon planning et poster à l'heure et je ne suis pas sûre non plus de pouvoir poster la semaine prochaine mais je ferai de mon mieux !
Je reprendrai un rythme régulier prochainement !
Sinon, j'espère que ce chapitre (assez court) vous aura plu !
- Le Darknil dévoilant être la mère de Kalidas, réaction ?
- Vous redoutez la suite ou vous êtes plutôt optimiste ?
Ouais je pose pas beaucoup de questions xD merci à ceux qui y répondront. Et merci à toi, d'être toujours dans l'aventure ! 💞
J'essayerai de rattraper mon retard dans les réponses aux commentaires aussi 🤭
Kissy kissy 💙
#Nakijo.
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