25. Duel.

- Eudora, ne me dit pas que tu n'as pas dormi de la nuit !

La voix d'Alisa me fit sursauter. Visiblement, elle venait de se réveiller, et ses cris avaient tiré Rox de son sommeil. Je soupirai, ne me donnant même pas la peine de lui répondre. La Banshee avait tort, j'avais dormi, mais très peu. Mine de rien, l'aveu de Cassius m'était resté en tête. Il avait choisi de me sauver moi, au détriment de ses sœurs. Cette information me paraissait complétement surréaliste. Le pouvoir de sa race aussi. Combien existait-il encore de races ? Allais-je un jour cesser d'être surprise par une nouvelle race dont j'ignorais l'existence ? Son aveu avait également fait ressurgir d'autres souvenirs que je ne cessais de vouloir enfouir au fond de moi. Les Darknils. Les tortures qu'on y avait subi.

Je sentis le matelas s'affaisser à côté de moi, ce qui me sortit de mes pensées. Rox s'était assise à mon côté.

- Tu vas bien ? me demanda-t-elle, une lueur d'inquiétude brillant dans ses prunelles.

- Combien est-ce qu'il existe de races différentes sur Obscuratium ? lui demandai-je, ignorant sa question.

La rouquine fronça les sourcils.

- Trente, répondit-elle, enfin, avec ta race mystère, je dirais plutôt trente et un.

Trente et un... J'étais rassurée de ne pas avoir entendu un nombre tel que cent.

- Tu penses qu'il y a d'autres races qui demeurent inconnues de tous ?

Rox resta pensive.

- Avant de te rencontrer, j'aurais juré qu'il y en avait trente et pas une de plus. Mais j'imagine qu'on ne peut plus exclure cette possibilité.

Je serrai les poings, détestant cette sensation qui s'évertuait à s'accrocher à moi. Cette sensation que quelque chose m'échappait. Je me redressai, décidant de changer de sujet. Mon regard se posa sur Alisa.

- Toi non plus, tu n'as pas beaucoup dormi, remarquai-je.

Les joues d'Alisa s'empourprèrent sans qu'elle ne puisse les en empêcher.

- Je ne vois pas de quoi tu parles... bafouilla-t-elle.

Je haussai les épaules.

- Si tu veux passer du temps avec Hell, même la nuit, je m'en fiche, mais évite de claquer les portes quand tu viens dormir.

Alisa s'empourpra un peu plus.

- Pardon, marmonna-t-elle.

Rox avait serré les lèvres pour camoufler un sourire amusé. Au plus grand soulagement de la Banshee, la rouquine ne posa aucune question. Gênée, Alisa se trémoussa sur place avant de rejoindre la porte.

- Je... je vais rejoindre les autres, ils doivent probablement être partis manger, se justifia-t-elle avant de se défiler.

Je haussai un sourcil, regardant la Banshee quitter les lieux avec précipitation

- On devrait peut-être aussi y aller, supposai-je, constatant qu'il était déjà tard.

- Vas-y, je vais attendre Maève et je te rejoins, me répondit Rox.

Je lui lançai un regard surpris.

- Maève ? répétai-je. Tu t'entends bien avec elle ?

J'avais tenté maladroitement de rapprocher mes deux meilleures amies, pour éviter qu'avec les circonstances, l'une se sente isolée de tout, mais je ne m'attendais pas à ce que le rapprochement soit immédiat.

- Elle est sympas, et un peu perdue avec toutes ces nouveautés, j'aimerais l'aider.

Cette réponse ne m'étonna pas. C'était même attendu. Haussant les épaules, j'avançai vers la porte.

- D'accord, j'y vais alors, lançai-je en sortant dans les couloirs.

Au fond, je n'avais pas vraiment envie de rejoindre la foule pour manger. Ce que je voulais, c'était quitter le cœur du volcan pour vivre dans un lieu moins bondé. Mais ce n'était pas comme si j'avais le choix.

Alors que je traversais le couloir, une porte s'ouvrit et quelqu'un m'heurta violemment. Je manquai tomber à la renverse, tandis que Martial se ramassa contre le sol.

- T'es un boulet ! m'écriai-je. Tu ne peux pas regarder devant toi avant de courir ?

Martial se massa le haut du crâne en redressant la tête vers moi.

- Coucou Eudo, bien dormi ? me lança-t-il d'un ton innocent.

- Tu vas encore rester longtemps allongé au sol ? sifflai-je. Je vais finir par te prendre pour un tapis.

Martial se redressa aussitôt, ne voulant visiblement pas se faire piétiner.

- T'es en forme ce matin, grommela le Guerrier.

- Et toi t'as l'air tout mou, c'est étonnant de ta part, constatai-je.

Martial fit une moue, contrarié.

- Ce n'est pas toi qui dois partager ta chambre avec Orso, grommela-t-il. Il nous a déjà fallu une heure pour le traîner de force dans la chambre, mais en plus, il en a fallu deux autres pour l'empêcher de repartir dormir sur les tables. Je suis peut-être un Guerrier, mais quand il se change en Grizzly, il est bien plus costaud que moi.

Je haussai un sourcil. Visiblement, cette nuit n'avait pas été de tout repos pour bien des personnes. Martial croisa ses bras contre lui.

- Ce n'est pas que je n'aime pas ce couloir, mais si on ne se dépêche pas, on n'aura plus rien à manger, annonça-t-il. Vient !

Sans prévenir, il me saisit le bras et s'élança dans les couloirs. Je poussai un cri de protestation. Le Guerrier finit par ralentir et me lâcher, s'arrêtant totalement lorsqu'il vit des Lycanthropes passer dans les couloirs creusés dans la roche, poussant un grognement agacé.

- T'as peur des Lycanthropes ? lui demandai-je, voyant qu'il hésitait à s'engager dans les couloirs bondés.

Martial me lança un regard surpris.

- Non, mais quand ils poussent des grognements de la sorte, c'est qu'ils sont de mauvaise humeur. Je n'ai pas envie de me faire prendre dans une bagarre entre deux des leurs alors que j'allais manger.

Je contemplai deux Lycanthropes qui semblaient s'insulter.

- Ils vont se battre ? demandai-je.

- Les Lycanthropes sont une race à sang chaud. Cette race ne contrôle pas ses émotions qui sont parfois trop intenses, lorsqu'il y a une prise de bec, généralement tout tourne à la bagarre.

- C'est pour cette raison que tu m'as dit que cette race t'avait toujours fait flipper ?

Le Guerrier fronça les sourcils.

- Je t'ai dit ça ?

- Oui, lorsqu'on fuyait le château de la reine. La fois où t'a décidé de jouer les suicidaires et d'affronter à toi seul, une armée toute entière.

- Suicidaire ? répéta Martial d'une voix presque silencieuse.

- Fait pas celui qui ne s'en souviens pas, m'agaçai-je. T'étais franchement bizarre dans les zones marécageuses.

Un silence prit place. Etonnée que le Guerrier ne réplique pas, je lui lançai un regard. Il avait le regard perdu. Je fronçai les sourcils.

- Qu'est-ce que tu as ?

Martial sursauta.

- Moi ? Rien, répondit-il précipitamment.

- Si tu ne veux pas me le dire, je m'en fiche, me résignai-je, mais sache que tu ne sais pas mentir.

Le Guerrier poussa un cri de protestation.

- N'importe quoi ! riposta-t-il.

- Tu devrais être flatté, ce n'est pas un compliment d'être doué pour les mensonges.

- Dommage, j'aurais enfin pu trouver quoi dire pour te complimenter, soupira Martial.

Je lui lançai un regard incendié. Le Guerrier se mit à rire. Son rire se tue brusquement et Martial riva son regard vers le sol.

- Ce n'était pas suicidaire ce que j'ai fait face à l'armée, me souffla-t-il, j'en avais besoin.

- Tu avais besoin de te mettre en danger ? m'ahuris-je, ne comprenant pas.

- Non, j'avais besoin de me battre.

Je restai interdite, ne comprenant pas où il voulait en venir.

- J'aurais dû vivre ma première bataille sur ces lieux, mais à la place, j'ai assisté aux funérailles de ma sœur.

Mon sang se figea. Martial n'attendit pas ma réaction, il s'engagea dans le couloir, voulant rejoindre les autres, me laissant seule, hébétée.

Je finis par sortir de mon immobilité et le rejoignis à grandes enjambées.

- J'espère qu'ils ont un gros stock de fruits, j'adore les fruits, lâcha Martial, ne voulant visiblement plus aborder le sujet de sa sœur.

- Je n'ai pas faim, commentai-je.

Martial poussa un cri étranglé, comme si je venais de lâcher une injure.

- J'espère que tu penseras à me passer ta part, tenta-t-il d'en profiter.

- Il n'y a rien que tu aimes plus que la bouffe ? demandai-je, excédée.

- Si, Rose, répondit-il du tac au tac.

Je tirai une grimace.

- C'est niais.

Le Guerrier eut un sourire narquois sur les lèvres.

- Aussi niais que les regards que tu lances au Rôdeur.

Mes joues me chauffèrent. Je serrai les poings.

- Tais-toi, grinçai-je, tu dis n'importe quoi.

Martial se mit à rire. Il y avait des baffes qui se perdaient par ici...

- Si je disais n'importe quoi, tu ne ressemblerais pas à une tomate actuellement.

- La ferme ! m'écriai-je en lui donnant un coup de pied dans la cheville.

Le Guerrier poussa un cri de protestation à moitié étranglé dans ce qui ressemblait à un rire.

- Tu devrais voir ta tête Eudo, c'est...

- La ferme ! le coupai-je. Va voir ta Rose et fou moi la paix.

Son sourire s'élargit un peu plus.

- Je ne veux pas que tu sois jalouse, répliqua-t-il.

Je soupirai bruyamment.

- Comment quelqu'un comme elle a pu s'intéresser à un type de ton espèce ? raillai-je.

- Je suis trop attirant, on ne me résiste pas.

- Insupportable.

- Séduisant.

- Tête à claque.

- Un dieu vivant.

- Je vais te cramer comme votre déesse Astéria.

Martial poussa un cri choqué.

- Comment oses-tu ! s'étrangla-t-il. Ma peau est trop délicate pour finir rôtie.

Je le regardai d'un drôle d'air.

- Quoi ? demanda-t-il devant mon expression.

- Je croyais que tu criais parce que j'avais parlé de la mort de votre déesse, avouai-je.

- Ah ! s'exclama-t-il en se massant le crâne. C'est vrai que j'aurais dû. Mais j'ai l'habitude que tu n'ais aucun respect pour rien.

Je levai les yeux au ciel.

- Tu sais comment j'ai rencontré Rose ? s'enthousiasma Martial.

- Je m'en fiche.

- J'ai renversé un étalage.

- T'es un boulet.

- Non ! se défendit-il. Il était dans mon passage.

- Comme moi, tout à l'heure, dans le couloir ?

- Exactement !

- Et c'est avec ça qu'elle est tombée sous ton charme ? ricanai-je. J'ai du mal à y croire.

- C'est venu petit à petit, se justifia Martial, au départ elle en avait marre de moi, puis un jour, elle m'a embrassé.

Je lui lançai un regard étrange.

- Tes résumés sont bizarres, lui fis-je remarquer.

Ma remarque le fit sourire.

- C'est vrai, c'est elle qui m'a embrassé, se justifia-t-il.

- C'est étonnant qu'elle en ait eu envie, me moquai-je. T'as eu la patience qu'elle fasse le premier pas, je suis impressionnée.

- C'est qu'au fond, je suis un grand timide, annonça le Guerrier d'une voix exagérément théâtral. Bon... en réalité, elle m'a embrassé parce que selon elle, je parlais trop et qu'elle voulait me faire taire.

J'étouffai un rire.

- Tu parlais trop ? Quelle surprise...

- Elle a réussi à me faire taire.

- Tant mieux pour ses oreilles.

- Et toi ? me demanda subitement le Guerrier.

- Et moi quoi ?

- Tu sors avec le Rôdeur ?

Je manquai m'étouffer. Il faisait chaud tout d'un coup.

- Quoi ? Non ! T'as des idées bizarres !

- Pourquoi tu cries ? se mit-il à rire.

Je clignai vivement des yeux. Je n'avais même pas réalisé que j'avais haussé le ton.

- Parce que tu dis n'importe quoi, me justifiai-je.

- Tu ne sors pas avec le Rôdeur ?

Je restai silencieuse, les joues beaucoup trop chaudes. Est-ce qu'on sortait ensemble ? Est-ce que s'embrasser suffisait à dire que l'on sortait ensemble ?

- Je ne sais pas, avouai-je à voix basse.

Je regrettai aussitôt d'avoir laissé les mots s'échapper.

- Tu ne sais pas ? répéta Martial d'une voix forte. Va lui demander et c'est réglé.

Je me figeai, virant au rouge.

- T'es malade ! répliquai-je aussitôt, le cœur battant la chamade.

Martial me saisit le bras et me tira à travers le couloir en direction de la pièce où les Obscuras étaient occupés de manger.

- Va lui demander Eudo, tu seras fixée, m'encouragea-t-il avec beaucoup trop d'entrain.

- Non.

- Si, répliqua-t-il. C'est facile, il suffit de lui dire ; ''est-ce qu'on sort ensemble ?'' et là, il va te répondre ; ''bien évidemment Euddynou''.

- T'es complétement stupide ! m'étranglai-je, ne sachant pas si je devais l'étriper pour ses remarques débiles ou pour ce surnom grotesque.

Peut-être pour les deux...

Martial continua de me tirer à travers le couloir, on arriva au bout.

- Mais non, vas-y, demande-lui, m'encouragea-t-il. Tiens, je le vois qui arrive.

Sans prévenir, Martial me poussa avec force en direction du Rôdeur. Je ne parvins pas à ralentir ma chute et tombai en plein sur le torse de Kalidas. Je me figeai, le visage en feu. Mon regard remonta vers Kalidas. Le Rôdeur, me contemplait, surpris.

- Est-ce qu'on sort ensemble ?

Je réalisai trop tard ce qui venait de sortir de ma bouche à mon insu. J'étais désormais cramoisie de honte et de gêne. J'entendis Martial éclater de rire, alors que Kalidas me regardait, les yeux écarquillés de surprise.

J'allais étriper ce Guerrier, je me le promettais.

Succombant de honte, je reculai brutalement et pris mes jambes à mon cou, m'enfuyant dans les couloirs, n'assumant pas du tout ce que je venais de faire. J'avais envie de me terrer dans un trou et de ne plus jamais réapparaître à la lueur du jour.

M'arrêtant dans un couloir désert, j'inspirai lentement, essayant de calmer les battements incessants de mon cœur. Je restai ainsi, durant de longues minutes.

- Qu'est-ce que tu fais dans les couloirs ? intervint une voix. Les tiens sont en train de manger, tu ferais mieux de les rejoindre.

Je me figeai. Si je voulais être seule, c'était raté. Je braquai mon regard en direction de l'arrivant. Mes yeux découvrirent un Lycanthrope à la peau de bronze. Bleizian.

- Occupes-toi de tes affaires, le rabrouai-je sèchement.

Le Lycanthrope haussa un sourcil.

- Ce sont mes affaires. Vous restez avant tout des inconnus et je n'ai pas particulièrement envie que des inconnus se baladent comme bon leur semble dans notre tanière.

Je serrai les poings.

- Et je n'ai pas envie de me sentir prisonnière.

- On ne te donne pas le choix, soupira Bleizian. Mais si tu n'as rien à faire, tu pourrais peut-être venir récupérer ton petit camarade qui s'est pris le loisir de séjourner dans notre entrepôt.

- Je ne suis pas une nounou, débrouillez-vous avec lui.

- Ce n'est pas comme s'il était en état de nous écouter.

Je fronçai les sourcils.

- De qui il s'agit ? demandai-je.

- Un certain Orso. Celui qui passe son temps à dormir sur nos tables.

- Débrouillez-vous avec lui, m'entêtai-je.

- On a autre chose à faire, s'agaça-t-il. Occupez-vous des vôtres, c'est le minimum. On est déjà bien occupé, on ne va pas se rajouter des tâches supplémentaires.

Je croisai les bras, agacée. Il était hors de question que j'aille rejoindre cet ours dépressif. Des bruits de pas me firent redresser la tête.

- E., qu'est-ce que tu fous là ? me lança Sanjana. On te cherchait.

La Sirène débarqua accompagnée de Martial et Nérée.

- Tiens, un afflux d'invités, constata le Lycanthrope, tu auras un peu de renfort. Vous serez priés d'aller chercher cet Animalis avant qu'on le foute dehors. Je veux bien être patient, mais ici, ce n'est pas un pub où il peut déverser sa détresse.

- Le foutre dehors ? s'insurgea Sanjana.

- Crois pas que c'est quelque chose qui me ferait plaisir, mais la meute commence à être agacée de ses intrusions sur nos tables qu'il monopolise, et si la meute est désapprobatrice, c'est la majorité qui risque de l'emporter. On n'accueille pas des tir-aux-flancs ici, soit il se ressaisie et se bouge, soit il va partir roupiller ailleurs.

- C'est bon, j'ai compris, on va aller te le chercher, maugréa Sanjana.

- Super, soupira Nérée, ce n'est pas comme si Martial et moi n'avions pas déjà passé la nuit à veiller à ce qu'il ne sorte pas de notre chambre.

- Je voulais allez m'entraîner avec les autres, moi, s'attrista le Guerrier.

- Tu le feras plus tard, je ne vais pas aller le chercher toute seule, répliqua Sanjana en suivant Bleizian qui s'attelait à emmener le petit groupe auprès d'Orso.

Martial, voyant que je ne bougeais pas, me tira à leur suite, ignorant mes protestations.

- Tu ne vas pas te tourner les pouces, objecta-t-il. Je sais bien qu'il faut que tu te remettes de ta déclaration, mais vas pas bouder toute la journée.

Je le fusillai du regard.

- T'es au courant que j'ai envie de t'éclater la gueule ? sifflai-je, ne lui ayant pas pardonné ce qu'il m'avait poussée à faire un peu plus tôt.

Le Guerrier lâcha un rire.

- Je m'en doutais, c'est pour cette raison que je te cherchais pour l'entraînement, je me suis dit que tu te ferais un plaisir de combattre contre moi.

- Même pas en rêve.

- Tu ne vas pas encore faire bande à part, se plaignit-il. De toute façon, ici, tu ne pourras pas en faire qu'à ta tête, tout le monde doit être actif. Hell et Alisa sont déjà en train de s'entraîner, les autres sont partis les rejoindre.

Bleizian s'arrêta dans un grand entrepôt empli d'étagères regorgeant d'objets, de gourdes d'eau ou de jus, de nourritures, de couvertures... Orso était étalé de tout son long sur des cartons, à plat ventre.

- Je vous laisse vous débrouiller avec lui, nous lâcha le Lycanthrope avant de partir.

On s'échangea des regards.

- On peut essayer de le porter jusqu'à notre chambre, proposa Nérée.

- Il va encore se changer en grizzly comme hier, riposta Martial, c'est trop lourd un grizzly.

Sanjana bascula la tête en arrière en poussant un soupir exaspéré. Elle s'approcha de l'Animalis avant de lui foutre un coup de pied dans la cheville.

- Hé, bouge de là ! lui cria-t-elle. Il serait peut-être temps de te reprendre en main.

Martial secoua Orso, essayant de le faire réagir.

- Viens mec, tu ne vas pas finir ta vie dans des cartons à dormir et ruminer !

Mais l'Animalis n'eut aucune réaction. Je serrai les poings, commençant à perdre patience. Je n'étais pas la seule. Sanjana non plus n'avait pas une patience à toute épreuve.

- T'es vraiment pitoyable ! s'énerva-t-elle en lui donnant un nouveau coup de pied. Tu crois vraiment que te comporter en être aussi pathétique va avoir le pouvoir de ramener Naïa à la vie ?

Tout le monde se figea aux propos de Sanjana. Orso poussa un grognement, mais ne réagit pas plus. Il repoussa la Sirène d'un geste de la main, signifiant qu'il voulait qu'on lui foute la paix.

Agacée, Sanjana s'empara d'une gourde d'eau et la vida sur la tête du grizzly. L'Animalis se redressa d'un geste brusque avant de s'emparer de la gourde et de la jeter violemment à l'autre bout de l'entrepôt. Puis, il se laissa glisser sur les cartons, s'étalant de nouveau de tout son long.

Son attitude eut le don d'énerver un peu plus la Sirène. Ses pensées ne devaient pas être à son goût non plus car ses yeux s'emplirent un peu plus de colère.

La Sirène s'approcha vivement d'Orso et l'agrippa par les cheveux pour lui redresser la tête de force.

- Qu'est-ce que tu fais ? s'alarma Martial.

Nérée, lui, s'était reculé le plus loin possible, prévoyant déjà une explosion de colère en provenance de l'Animalis.

- Je vais te le faire bouger, moi, s'agaça Sanjana avant de braquer son regard sur Orso. T'es tellement décevant, je te croyais plus fort. Regarde ce que t'es devenu. On a le droit de se laisser aller de temps en temps, mais faut savoir se ressaisir, alors maintenant tu vas te bouger le cul !

Voyant qu'il ne bronchait toujours pas, Sanjana tira Orso par les cheveux, ignorant ses grimaces de douleur et plongea sa tête dans un récipient d'eau.

On regardait, ébaubi, Sanjana enfoncer la tête de l'Animalis dans l'eau, n'osant même pas intervenir. Quand Sanjana s'y mettait, elle pouvait être terrifiante. Orso se débattit, voulant retrouver la surface. Sanjana finit par le lâcher et l'Animalis releva la tête, prenant une goulée d'air. Il fusilla la Sirène du regard.

- T'es malade ! s'écria-t-il.

- Il fallait bien qu'on te rafraichisse les idées, répliqua-t-elle d'un ton cinglant.

Orso lui envoya un regard hostile, empli de colère, et recula pour retourner sur ses cartons. Comprenant qu'il allait de nouveau se renfermer sur lui, Sanjana l'attrapa par le col et l'amena à sa hauteur.

- Tu vas t'apitoyer encore longtemps sur ton sort ? s'énerva-t-elle.

Orso détourna le regard, contractant la mâchoire. Il ne répondit pas.

- Je t'ai posé une question ! grinça la Sirène en le secouant. Il est passé où le leader sûr de lui et prêt à tout pour réussir ? T'es devenu qu'une vieille loque.

- Fou moi la paix, grommela le grizzly.

- Certainement pas ! Tu veux que je te foute la paix ? Prend ton courage à deux mains et vient te battre.

- Je n'ai plus envie de me battre.

- Les autres sont actuellement en train de s'entraîner, détailla la Sirène. On les rejoint, on se bat, et si tu arrives à me mettre à terre, je te fou la paix. Tu pourras redevenir une vieille loque, je te laisserai dans ton délire.

Orso poussa un grognement de mécontentement. Manifestement, l'Animalis n'était pas partant et préférait retourner tout de suite se vautrer dans ses tourments. Mais Sanjana ne le laissa pas faire, elle resserra sa prise sur son col, le regardant droit dans les yeux.

- Si tu ne viens pas te battre, je peux te jurer que je te ferai chier à n'en plus pouvoir. T'auras jamais la paix.

Le regard d'Orso se durcit.

- Tu crois vraiment qu'un petit gabarit dans ton genre peut rivaliser face à mon grizzly ?

- Vu ton état, parfaitement, se moqua Sanjana. Puis, ne sous-estime pas ma sous-race de Guerrière.

- Lorsque je t'aurais fait mordre la poussière, je ne veux plus voir ta tête, jamais. Tu me foutras définitivement la paix.

- Je suis partante, accepta la Sirène.

Orso contracta la mâchoire, contrarié d'avoir dû accepter un marché pareil. La Sirène le tira hors de l'entrepôt, rejoignant les autres qui étaient déjà occupés de s'entraîner. On les suivit. Martial sautilla sur place.

- J'ai hâte de voir Orso se prendre une raclée, peut-être qu'après, il aura enfin les idées en place.

Nérée lui coula un regard.

- Parce que tu paries sur Sanjana toi ? Hier, quand Orso s'est changé en grizzly, tu t'es vautré en deux secondes.

- C'était de l'inattention, se justifia le Guerrier, je suis bien meilleur combattant lorsque je me concentre.

- Le problème, c'est que t'es rarement concentré.

Martial haussa les épaules. On arriva dans une salle aménagée dans le volcan qui donnait vu sur le ciel. Comme l'avait dit Martial un peu plus tôt, les autres s'entraînaient déjà. L'arrivée d'Orso cessa tout duel. Sanjana le tira au centre de la salle avant de le lâcher. Elle le contempla, les mains sur les hanches.

- Montre ce que tu as dans le ventre, lui lâcha-t-elle en s'emparant de trois lances.

Le grizzly voulut s'en prendre une, mais la Sirène l'en empêcha d'un geste de la main.

- Non, toi, tu vas rester désarmé.

- Ce n'est pas un combat équitable, maugréa-t-il.

- Je n'ai jamais dit que ce serait le cas, fit remarquer la Sirène. Mais parfois, la vie se complique et faut faire avec. Pourquoi ? siffla-t-elle devant sa mine colérique. Tu vas abandonner pour si peu ? Tu n'as pas le cran d'affronter les difficultés ? C'est que j'aurais vite triomphé finalement.

L'Animalis la foudroya du regard.

- Ce n'est pas une écervelée munie de lances qui va me mettre à terre, s'agaça-t-il.

Sanjana eut l'air satisfaite.

- Bien, alors on va pouvoir commencer.

La Sirène lança un sourire provocateur à son adversaire avant de se dupliquer. Trois Sanjana firent face à Orso. Le regard de ce dernier s'assombrit.

- Tu te fiches de moi ! gronda-t-il. Je ne vais pas affronter tes trois versions en même temps !

Sanjana arqua un sourcil.

- Faut savoir faire face à l'imprévu, répliqua-t-elle. Qu'est-ce que tu croyais au juste ? Que tout se déroule toujours comme on le souhaiterait ? Parce que c'est une pensée bien trop utopiste. C'est quotidien, on fait sans cesse face à des situations inattendues. A toi de voir, t'es du genre à baisser les bras facilement ?

Orso contracta la mâchoire, le regard incendié, mais ne fit pas demi-tour. La Sirène eut un regard satisfait et sonna le début du duel. Plus personne ne s'entraînait dans la pièce. Ils avaient monopolisé tous les regards.

Il ne fallut pas cinq minutes à Sanjana pour encercler Orso et le mettre à terre. L'Animalis émit un grognement, le regard rivé vers le ciel. La Sirène haussa un sourcil.

- C'est tout ? Tu ne te relèves pas ? lança-t-elle d'une voix tranchante. Il te suffit de tomber pour ne plus jamais te relever ? C'est que t'es bien plus fragile que ce que tu as voulu nous faire croire.

La fusillant du regard, Orso se redressa lentement, mais Sanjana ne lui laissa pas le temps de se remettre en position qu'elle le mit de nouveau à terre.

- C'est ce que tu appelles te battre ? s'agaça-t-elle. Tu me rends la tâche bien trop facile.

Sanjana s'avérait être très provocatrice. Elle ne le lâchait pas. Était prête à lui faire voir de toutes les couleurs. Elle jaugea durement Orso qui restait à terre, la mâchoire contractée par la colère.

- Tu n'as pas fini de tomber, lui souffla-t-elle sèchement. Tu tomberas toute ta vie. A toi de voir si tu veux te relever ou si tu préfères renifler les pieds de ceux qui ont encore le cran de tenir debout.

Orso poussa un grognement agacé, se redressant, et voulut se changer en grizzly, mais Sanjana lui fit une nouvelle fois rencontrer le sol, lui faisant volontairement louper sa transformation.

- Tu ne te changes même pas pour combattre, mais pour fuir plus facilement, railla-t-elle. Finalement, je crois que c'est bien la petite écervelée munie d'une lance qui va l'emporter.

Orso resta dos au sol, contemplant la Sirène d'une animosité glaciale. Sanjana ne se démonta pas. Elle braqua sa lance sous la gorge de l'Animalis.

- Tu déclares forfait ?

Orso ne répondit pas, il détourna le regard.

- Tu abandonnes ? C'est lâche. Je ne parle pas seulement de ce que tu fais, mais aussi de tes pensées.

- Arrêtes de lire dans mon esprit, ce n'est pas tes affaires.

- T'es devenu une épave, s'insurgea Sanjana. Jamais je n'aurais cru que tu pouvais abandonner aussi facilement.

Orso se remit debout, irrité.

- Tu n'as pas à me juger, je t'ai dit de me foutre la paix. Ce que je deviens ne te regarde pas.

Sanjana le fit une nouvelle fois valser à terre sans même qu'Orso ne chercha à se défendre.

- C'est vrai, admit-elle, libre à toi de t'enfoncer dans le pathétique. Mais c'est une perte de potentiel.

Orso serra les poings avec force.

- Qu'est-ce que t'attends de moi au juste ? s'emporta-t-il. Pourquoi est-ce que tu viens me faire chier ? Tout ce que je veux, c'est qu'on me fiche la paix.

- Ce que j'attends de toi ? Que tu te battes. Que tu ne baisses pas les bras. Que tu ais le courage de te relever.

Le grizzly se redressa, le visage déchiré par la douleur.

- Que je me batte ? Naïa est morte ! hurla-t-il. Elle est morte ! Elle était ce qu'il restait de plus pure sur ce royaume, mais elle est morte ! Ce royaume ne mérite pas qu'on se batte pour lui, il est pourri jusqu'à la moelle et on ne pourra jamais rien y changer.

- Donc tu abandonnes ? Tu baisses les bras ? Je comprends que tu sois atteint par la mort de Naïa, mais tu ne devrais pas t'abandonner et te laisser aller de la sorte ! Ce royaume est pourri jusqu'à la moelle, c'est vrai, mais ce n'est pas en restant inactif que l'on pourra changer les choses. Naïa se battait pour un monde meilleur, parce qu'elle y croyait, qu'elle voulait arranger les choses. Elle n'aurait pas abandonné. Non seulement, en te comportant de la sorte, tu laisses le mal l'emporter, tu laisses les meurtriers de Naïa gagner, mais en plus, tu ne lui fais même pas honneur. Si on abandonne la cause parce qu'elle n'est plus des nôtres, elle sera morte pour rien.

Sanjana toisa durement Orso, le regard embrasé.

- On ne peut pas se permettre de laisser ces monstres gagner. Pour Naïa, pour Aleth. Nous devons nous battre. Pour tous les autres innocents qui meurent chaque jour entre les mains de ces assassins. On se doit de se battre. Naïa et Aleth sont mortes en luttant pour un monde meilleur, et je serai moi aussi prête à sacrifier ma vie pour mes idéaux. Parce que je ne pourrai jamais rester passive face à la cruauté, face à ce massacre perpétuel. Mais à toi de voir, tu peux te battre pour sauver ce qui peut encore être sauvé ou fuir et laisser se monde couler à sa perte en croisant les doigts pour que tout s'arrange de lui-même. Mais sache que l'inactivité n'a jamais sauvé qui que ce soit.

Sanjana laissa tomber ses lances contre le sol face à l'Animalis, supprima ses duplicatas, et sans un dernier regard à Orso, elle quitta les lieux. 

***

NDA : Hey me revoilà ce weekend avec la suite ! Avant tout je tiens à souhaiter un JOYEUX ANNIVERSAIRE en retard à Nihel ! c'était hier... Je voulais poster le chapitre hier en ton honneur, mais j'ai eu une panne de courant toute la journée...

Voilà voilà mais bon mieux vaut tard que jamais !

Passons au chapitre 🙄 qu'en avez-vous pensé ?

- La relation Martial/Eudora vous la trouvez comment ?

- Martial qui a poussé Eudora à aller voir Kalidas, réaction ?

- Sanjana qui provoque Orso et le pousse à se battre, vous en avez pensé quoi ?

Voilà voilà c'est tout pour cette fois-ci ! Je vous dis à la semaine prochaine ! Kissy kissy 💙

#Nakijo.

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