22. Misère et carnage.
Les cavaliers avaient afflué dans tous les coins en l'espace de quelques secondes. Nous étions encerclés. Sans même nous laisser le temps d'assimiler ce qui était en train de se produire, les cavaliers de la reine chargèrent. Nous étions pris au piège. Aucune possibilité de fuite. Les cavaliers bloquaient la sortie du volcan et la seule autre issue existante était bloquée par Nérée et son pouvoir de bouclier.
Lorsqu'un cavalier à l'allure imposante se précipita vers nous, massue dans la main, j'eus tout juste le réflexe de m'écarter. Mais Martial, encore sous le choc face à la trahison de Nérée, ne bougea pas d'un centimètre. Le cavalier en profita.
Il frappa violemment de sa massue en direction du crâne du Guerrier. Le souffle coupé par la peur de ce que je voyais, je me ruai vers Martial. Ronan fut plus rapide. Il envoya un jet d'électricité percuter Martial pour l'éjecter hors de la trajectoire de la massue. D'un geste adroit, il projeta ensuite son jet en plein vers l'adversaire, y mettant beaucoup plus de force qu'il n'avait utilisé sur Martial. L'ennemi fut pris de soubresaut et fut éjecté loin de nous.
Martial, hébété, se redressa. L'électricité avait hérissé ses plumes sur sa tête, mais semblait avoir sortie le Guerrier de sa torpeur. Martial se massa les bras, pris de picotement, dans une grimace. Je m'approchai vivement de lui, le saisissant par le col.
- T'es fou de te laisser distraire dans un moment pareil ! m'énervai-je. T'aurais pu y passer, crétin !
Martial écarquilla les yeux de surprise.
- Désolé, réussit-il à articuler, encore secoué.
Je poussai un grommellement, détournant mon attention de lui pour observer le chaos qui se formait autour de nous.
- Tu as eu peur pour moi ? s'écria subitement Martial. La grande et insensible Eudora a eu peur pour ma vie ?
Je lui envoyai mon poing dans le bras avec mauvaise humeur.
- Ce n'est pas le moment de faire le clown, grinçai-je, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, on est en train de subir une attaque qui risque bien de nous être fatale.
Martial se massa le bras dans une grimace de douleur exagérée.
- Me tape pas ! Si on commence à se battre entre nous, on risque de bien trop facilité la tâche à l'ennemi. Ma Eudo, tu...
Martial s'arrêta en croisant mon regard noir et se râcla la gorge. Il se reprit ;
- D'accord, tu as raison, ce n'est pas le moment. Une idée pour nous sortir de là ?
Je regardai autour de moi, le visage sombre.
- On n'a aucune sortie disponible et les cavaliers sont bien trop armés... marmonnai-je, nous sommes fichus...
- C'est très optimiste.
- Sauf si on trouve une issue pour sortir de ce volcan qui fait aujourd'hui office de tombeau.
- Je suis ouvert à toutes suggestions.
Mes yeux se posèrent en direction de Nérée, se cachant derrière son bouclier.
- Il faut fatiguer Nérée, dis-je sans quitter la Sirène du regard. Il faut charger son bouclier jusqu'à ce qu'il n'ait plus la force de le maintenir en place.
Martial cligna vivement des yeux avant de lancer un regard hésitant en direction de son meilleur ami. La douleur se peignit sur son visage et le Guerrier eut du mal à se vêtir d'un masque imperturbable. Il se sentait trahi. Trahi par quelqu'un envers qui il avait entièrement confiance. J'aurais voulu n'y accorder aucune importance, passer outre ses états d'âme, mais sa situation avait un goût qui me rappelait mes blessures passées. Je savais ce que c'était. Je savais ce que cela faisait que d'être trahi par un proche. De lutter pour sa survie à cause de ses actions.
- L'affaiblir risque de prendre du temps, finit par faire remarquer Martial, et on en manque.
Je haussai les épaules.
- Il faut essayer, m'entêtai-je, je ne vois pas d'autres issues.
Martial acquiesça. Je me ruai vers le bouclier de Nérée et y enfonça ma lance avec force. Cela n'eut aucun effet. Il fallait que je trouve quelque chose de plus puissant, quelque chose de plus fatiguant pour Nérée. Quelque chose de pénible à repousser. Je me concentrai sur mes sentiments. La rage. Le goût de la trahison. La haine. La colère envers le monde et moi-même. Je me concentrai, appelant mes pires ressentis pour faire jaillir des torrents de cendres.
Martial à mon côté s'était immobilisé. Il regardait désormais Nérée droit dans les yeux et semblait peu à peu oublier la bataille. Ses traits se fendirent.
- Pourquoi ? finit-il par lâcher. Pourquoi ?
Nérée resta silencieux. Il contemplait son meilleur ami avec un visage démuni de la moindre émotion. Martial fut blessé par ce manque de réaction. Il n'arrivait pas à cacher ses émotions. Il respirait fort, contemplait Nérée, se perdait dans le flot de ses sentiments.
- Pourquoi ? murmura-t-il une nouvelle fois.
Mais il n'eut toujours aucune réaction. Quelque chose se brisa en lui. Devant le regard de marbre de celui qui lui avait été si proche durant toutes ces années, il craqua.
- Pourquoi ? hurla-t-il. Mais qu'est-ce qu'il te prend ? Tu n'en as donc rien à faire de nous ? Me voir mourir, voir Rose mourir, nous voir tous mourir ne te ferait donc rien ?
Des larmes avaient embué le regard du Guerrier, mais la colère défigurait désormais ses traits. Sa colère sembla être contagieuse, Nérée abordait désormais les mêmes traits, à la différence qu'aucune larme ne vint flotter dans ses yeux.
- Tu me demandes pourquoi ? Tu es sérieusement en train de me demander pourquoi ? s'écria-t-il à son tour. Tu ne t'es donc réellement rendu compte de rien ? Je ne devrais même pas en être étonné.
Martial lui lança un regard perdu.
- J'aurais dû me rendre compte de quoi au juste ? De ton manque de loyauté ? De ta lâcheté ? Je t'en prie, dit moi qu'on t'a forcé. Dis-moi que ce n'est pas ce que tu voulais. Dis-moi que tu n'agis pas de ta propre volonté. Dis-moi ce qu'il se passe. On peut t'aider ! Tu n'es pas tout seul. Si tu as un problème, on pourra le résoudre ensemble !
Nérée grimaça de colère et de dégoût.
- T'es vraiment qu'un imbécile ! s'emporta-t-il. Ferme-la. Arrête de déblatérer tes amas de conneries ! On ne résoudra rien ensemble. Il n'y a rien à résoudre. Je n'ai jamais été de ton côté. Je n'ai jamais voulu participer à vos bêtises. On ne m'a absolument pas forcé la main pour ce que je suis en train de faire. Je le fais de mon plein gré parce que je n'ai jamais partagé vos idéaux. Tes idéaux. Tu représentes tout ce qui me répugne.
Martial recula comme si on venait de lui donner un violent coup de poing dans le ventre.
- Qu... Qu'est-ce que tu racontes ? Nous étions amis. Nous sommes amis depuis que nous sommes petits... tu ne peux pas avoir fait semblant depuis tout ce temps ! Tu...
Martial se tue, incapable de poursuivre. Il avait le regard perdu d'incompréhension. Il était blessé.
- Tu ne comprends vraiment rien, s'agaça Nérée. C'est ce que je déteste chez toi ; toujours croire tout le monde, toujours croire au bon de chacun. Ton insouciance, tes blagues stupides, ta maladresse, tes bavardages incessants, ta naïveté, tes taquineries, ta bonne humeur en toute circonstance, ton manque de rancune... Toutes ces choses m'exaspèrent. Tu me sors par le nez !
Nérée inspira lentement, puis, lâcha prise. Il laissa ses ressentiments jaillir. Il vida son sac. Il laissa aller le surplus qu'il contenait. Un surplus retenu depuis bien trop longtemps.
- Je n'ai jamais été ami avec toi, tu étais davantage un boulet qu'autre chose. Une plaie. Tu passes ton temps à attirer les regards, à faire ton petit numéro de cirque. Se retrouver sans cesse sous les lueurs des projecteurs par ta faute est détestable. Rester à tes côtés rime avec s'attirer des ennuis. Mais tu m'étais utile. Tu étais trop naïf pour te méfier ; il suffit d'être amical avec toi pour s'attirer tes bonnes grâces. Ton statut possédait trop de bonnes opportunités et rester auprès de toi était un moyen de parvenir à mes fins.
- Je ne comprends pas, bafouilla Martial. Qu'est-ce que tu pouvais tirer de ma présence si tu ne m'appréciais même pas ?
- La fortune, évidemment, grinça Nérée.
Il soupira, ses yeux orange jaugeant froidement son camarade.
- J'ai grandi dans la misère. Mes parents n'étaient que des ouvriers. Des esclaves au service de la royauté. J'ai grandi dans une cabane à peine isolée. Il m'arrivait fréquemment de ne pas manger de la journée. Manger à notre faim était un luxe dont on n'avait pas accès. Je n'ai pas eu ta chance à la naissance, je ne suis pas tombé dans une famille faite d'or et de diamant. Je n'ai pas pour parents des membres de la Garde Royale, je n'ai pas pour sœur une Sang Royale. Mais tout ça, tu le sais déjà. Tu connais ma situation. Tu connais les rêves qui ont bercés mon enfance.
- Tu voulais rejoindre la Garde Royale... répondit alors Martial. Tu espérais que mon rang haut placé serait un piston suffisant pour te faire remarquer... comprit-il.
Nérée lâcha un rire désabusé.
- C'était la seule porte de sortie que j'avais trouvé pour me sortir de la misère. S'élever dans les rangs de la société. Je ne suis pas né au bon endroit, il m'était impossible d'y parvenir seul. Mais tu étais là, toi, le fils de Guerriers de la Garde Royale, le frère d'une Sang Royale, le meilleur de ta Sélection. Tu avais tout du piston parfait. Mais t'as tout gâché...
La Sirène lui lança un regard dégoûté.
- Lorsque ta sœur est morte, lorsqu'elle a préféré se tuer que de se soumettre aux conditions de sa race, tu es complétement partie de travers. Tu as commencé à sécher les entraînements, à ne plus y donner d'importances, à gâcher toutes tes chances d'accéder aux meilleurs statuts de la royauté. Tout ça parce que ta sœur était trop faible pour porter sur ses épaules les responsabilités que lui incombaient sa race. Tu as détruit tout ce que tu avais parce que tu n'acceptais pas l'acte de ta sœur. Tu t'es mis à détester un système qui t'avais vu grandir, à te rebeller et à piétiner tous les privilèges qui t'avaient été donnés. T'as tout gâché.
Les traits de Nérée se crispèrent alors qu'il continuait de tout lâcher, jetant ses mots comme s'il avait attendu des décennies avant de pouvoir enfin les cracher.
- Je n'avais plus aucune chance d'accéder aux hauts rangs. Tu avais tellement tout gâché que même toi, tu avais fini par tomber de l'échelle des privilégiés. Puis, Rose est arrivée.
A la mention de la Gaïa, Martial se crispa.
- De par ses pouvoirs extraordinaires, Rose est entrée dans la Garde Royale sans problème, alors même qu'elle venait des bas-fonds de la société. Lorsque tu as commencé à te rapprocher d'elle, j'y ai vu une nouvelle opportunité de sortir de ma misère. Une opportunité encore plus importante que lorsque je te côtoyais toi. Mais au-delà de son statut favorisé, Rose dégageait quelque chose de fort. Je l'aimais.
Nérée avait désormais les yeux étincelants de colère.
- Je n'ai jamais compris comment elle pouvait s'intéresser à toi. Comment t'avais pu réussir à attirer son attention. J'étais la cinquième roue du carrosse. Et j'avais peur que tu l'entraînes avec toi dans tes conneries. Qu'à cause de toi, elle gâche elle aussi ses chances de s'élever dans notre société déjà si sélective. Puis, Rose a disparu. On l'a cru morte, assassinée en même temps que la reine Junon.
La Sirène prit une courte pause avant de poursuivre.
- La reine Zara est alors montée au pouvoir. Les événements se sont compliqués pour beaucoup d'entre vous. Elle a condamné à mort ceux s'opposant à ses idéaux, ceux voulant continuer les projets de Junon. La reine Zara savait qu'un groupe Clandestin était en train de se former. Elle le savait, mais ne parvenait pas à mettre la main dessus. Mais ce qu'elle savait aussi, c'est que si Clandestin il y avait, tu en ferais forcément partie. Tu te rebellais depuis bien trop longtemps, il était évident que tu n'allais pas manquer cette occasion. Elle m'a alors convoqué.
Martial était muet. Il ne quittait plus celui qui avait été son meilleur ami du regard.
- La reine Zara m'a avoué connaître mes rêves d'accéder un jour les rangs royaux. Elle m'a promis une place de choix si je lui prouvais ma loyauté. Elle a jugé qu'il serait simple pour moi de rejoindre les rangs des Clandestins en vue de mes relations avec toi et m'a demandé de lui rapporter vos faits et gestes.
- Depuis le début, tout ce que l'on faisait était rapporté à la reine ? bafouilla Martial qui avait retrouvé la parole.
Il était horrifié, sidéré et profondément blessé.
- Je te l'ai dit, je n'ai jamais été dans ton camp. Je n'ai jamais partagé tes idéaux.
Martial contemplait son camarade, le découvrant sous un nouveau jour.
- C'est à cause de toi que les cavaliers nous ont trouvé, c'est toi qui les as guidés au Château Caméléon, comprit le Guerrier.
Nérée ne chercha pas à démentir, il acquiesça.
- Lorsqu'Eudora a voulu faire une escapade au village de la Fontaine d'Argent, il était évident que l'idée ne venait pas d'elle. Elle venait d'Evilash. La reine Zara, jusqu'ici, vous avez laissé faire votre petite expérience, curieuse de voir comment les choses allaient se produire. Mais il était impensable de laisser Eudora découvrir la vérité sur qui elle était, sur ce qui se passait réellement autour d'elle. La reine Zara ne pouvait plus vous laisser faire, il était temps d'agir. Lorsque nous sommes arrivés à la Fontaine d'Argent, j'ai aussitôt prévenu la reine. Elle a envoyé ses cavaliers vous arrêter pour mettre fin à ce foutoir une bonne fois pour toute.
Nérée lâcha un rire amer.
- Mais contre toute attente, vous avez réussi à vous en sortir et à fuir les lieux. J'ai alors fait en sorte que les cavaliers puissent nous pister jusqu'au château. J'espérais qu'après ça, je pourrais enfin accéder au rang qui me revenait, mais vous avez tout compliqué. Lorsque vous vous êtes évadés, j'ai dû une nouvelle fois jouer les agents doubles.
- Mais pourtant, tu as abandonné la cause après la mort de Naïa, fit remarquer Martial d'une voix plate.
- Je n'ai jamais rien abandonné, rectifia Nérée. Orso s'était tiré, sa mère en avait après lui, je devais le retrouver. Puis, les Clandestins n'existaient plus. Votre groupe avait complétement éclaté. Je devais suivre ceux qui importaient le plus. Je savais que Circé tramait quelque chose, que contrairement aux autres, elle ne se laissait pas abattre et continuait de se battre de son côté, mais je n'arrivais pas à m'introduire dans ses projets. J'ai préféré suivre les traces d'Orso pour le remettre entre les mains de la reine, convaincu que Circé finirait par tous nous réunir comme elle l'avait fait la première fois.
- Mais au lieu de livrer Orso, tu t'es retrouvé ici, au sein du volcan, avant nous tous, réalisa le Guerrier, tu...
- Circé est venu me chercher plus tôt que je ne l'aurais cru, le coupa Nérée. J'avais retrouvé la trace d'Orso. Cette loque n'était pas compliquée à retrouver, il s'était transformé en ivrogne. Mais je n'ai pas eu le temps d'agir. J'ai eu un imprévu.
- Lorsque Circé t'a retrouvé, elle a prétendu t'avoir sauvé d'un passage à tabac.
- Je viens de le dire, s'énerva la Sirène, j'ai eu un imprévu. J'allais enfin mettre la main sur ce dépressif quand un cavalier m'a reconnu et m'a pris sur le fait. Ce cavalier n'en était pas réellement un, j'ai découvert qu'il était l'un des espions de Circé caché dans les rangs de Zara et qu'il avait cramé ma couverture. Ce traitre a dit aux cavaliers sur place que j'étais l'un des vôtres. Un Clandestin en fuite. Ils ont voulu me battre à mort. Ironie du sort, Circé est passée par là et m'a sauvé la mise. J'ai alors dû me dépêcher d'agir avant que ce cavalier ne puisse parler. Je l'ai dénoncé à la reine.
Martial avait blêmi.
- Tu as mené des gens à la mort, réalisa-t-il. Tu as dénoncé les nôtres, les menant à la potence. Tu as tué de tes propres mains un Lycanthrope ! C'est toi qui as tué ce Lycanthrope trouvé non loin du campement !
- Lorsque j'ai atterri ici, au cœur d'un mouvement œuvrant pour renverser la reine, j'ai eu une mission bien plus importante à réaliser. Il n'était plus question de faire un rapport de vos faits et gestes, mais de farfouiller pour détruire le mouvement de l'intérieur. J'ai commencé à enquêter pour dénicher les traitres envoyés aux côtés de la reine. Et ne va pas croire que le meurtre que j'ai dû commettre m'a fait plaisir. Ce Lycanthrope était un Télépathe. J'ai baissé mes barrières durant une fraction de seconde, mais cela a suffi pour qu'il entende quelque chose qu'il n'avait pas à entendre. Je n'ai pas eu le choix.
Martial était de plus en plus mal. Plus les informations se succédaient et plus il devenait blanc. Nérée s'en délectait, la souffrance de son camarade lui procurait une intense satisfaction.
- Tu... qu'as-tu fais d'autre ? osa demander Martial, semblant espérer qu'il y avait eu une limite à la traitrise de la Sirène.
- Tu es sûr de vouloir le savoir ? s'amusa-t-il. J'ai fait tout ce que j'avais à faire. J'ai rapporté vos faits et gestes, j'ai dénoncé vos plans et vos alliés. J'ai informé la reine sur la véritable identité d'Alisa et sur le danger qu'elle pouvait être afin de préparer l'attaque qui mènerait à sa mort...
- Quoi ? s'étrangla Martial.
- Tu croyais sérieusement que l'attaque survenant pile lors de votre sortie inopinée était un hasard ? Tu croyais vraiment qu'on avait attaqué ce lieu sans une idée derrière la tête ? On savait qu'un ami d'Alisa s'y trouvait, on a fait en sorte qu'il parvienne à sortir du village et qu'il tombe sur Alisa. La connaissant, il était évident qu'elle allait souhaiter venir en aide aux villageois. Il y a eu beaucoup de morts ce jour-là, dans les deux camps, mais cela valait la peine. Il fallait attendre qu'Alisa entre en symbiose. Il fallait qu'elle se sente intouchable pour qu'elle finisse par baisser sa garde. Il fallait que l'on guette sa dé-transformation pour profiter de sa vulnérabilité temporaire. Tout était calculé pour l'éliminer de l'équation.
Martial était sous le choc. Nérée enfonça davantage le clou.
- Comme je te l'ai dit, j'ai fait tout ce qu'il fallait faire pour mettre fin à votre mouvement. J'ai averti Brennan de votre arrivée au Soldarium, j'ai prévenu la reine Zara de votre mission d'intrusion dans le repaire des Darknils et j'ai devancé Sanjana dans la Mer Trouble afin d'avoir le temps de sceller l'entrée avant qu'elle n'arrive. Vous ne gagnerez pas. En réalité, vous avez déjà perdu. Tous les espions de Zahir et Circé ont été démasqués, le volcan s'est fait encerclé et vous allez tous mourir, soit aujourd'hui, soit prochainement après un petit tour auprès de la reine. Et ne croyez pas qu'un d'entre vous pourra passer entre les mailles du filet. Les cavaliers ont les positions de toutes les patrouilles autour du volcan, ils ont connaissance de tous les emplacements de chacun d'entre vous. Aujourd'hui votre rébellion prend fin.
- La... la patrouille de Circé... s'inquiéta Martial.
- Ce n'est plus qu'une question de temps avant qu'ils se fassent laminer à leur tour.
- Mais... nous voir tous mourir ne te ferait donc rien ? s'étrangla Martial. Et Rose alors ? Tu viens de dire que tu l'aimais. La voir mourir te rendrait indifférent ?
- Je l'aimais, avant. Elle t'a choisi, toi, elle te suivra donc dans ta chute, trancha-t-il. Ne crois pas que cela me plait, mais elle a fait son choix, elle a décidé d'être à tes côtés. Je ne la sauverai pas. Pourtant, tu ne la mérites clairement pas ! s'énerva-t-il tout à coup. Pendant longtemps, nous l'avons cru morte et qu'est-ce que tu as fait, toi ? Tu t'es mis à sympathiser avec Eudora. Tu as sympathisé avec sa meurtrière ! Comme si le sort de Rose n'avait eu aucune importance. Je n'ai jamais compris comment tu avais pu devenir aussi proche de celle qui ruine ce monde, comment tu avais pu oublier tout ce qu'Evilash avait causé !
Nérée contempla le Guerrier avec animosité.
- Je n'ai aucun regret, j'ai fait ce qu'il fallait faire. Rester à vos côtés ne m'aurait jamais rien apporté.
Martial encaissa le nouveau coup. Il déglutit. Essaya d'avaler ce qui lui arrivait. Se força à articuler :
- Comment ?
- Comment quoi ?
- Comment as-tu pu échapper aux Télépathes ? Comment as-tu pu nous trahir sans jamais te faire prendre ?
Un sourire moqueur se dessina sur son visage.
- Si les Inceptions ne viennent plus vous déranger durant votre sommeil, ce n'est pas parce qu'ils ont décidé de vous laisser tranquille. C'était le meilleur moyen que nous avions pour que je puisse continuer de donner les informations à la reine malgré toute la méfiance se créant au sein du volcan. Quant aux Télépathes, bien qu'ils l'ignorent, ils n'ont jamais pu pleinement entrer dans mon esprit. Ils entendaient ce que je voulais bien qu'ils entendent. Tous mes secrets, mon double jeu, étaient mis en sécurité derrière un bouclier mental dont ils ne pouvaient pas avoir accès. Je ne te l'ai jamais dit, mais mon pouvoir de bouclier ne consiste pas seulement à faire apparaître un bouclier me protégeant des attaques physiques, mais également à m'en créer un dans l'esprit, me protégeant également des attaques mentales.
Le Guerrier contemplait la Sirène sans plus rien ajouter. Perdu. Blessé.
Durant toute l'échange, j'avais demeuré silencieuse, me faisant oublier. La colère n'avait fait que monter à chaque mot prononcé. J'avais utilisé cette colère pour alimenter mes cendres. La rage bouillonnait en moi, les cendres ne demandaient qu'à sortir. On s'était tous fait duper. Mais là où Nérée se trompait, c'est qu'ils n'allaient pas l'emporter. Il en était hors de question. La colère coula dans mon organisme tel un serpent vorace. Le regard braqué sur le traitre, j'esquissai un sourire provocateur avant de l'applaudir.
Martial et Nérée, surpris, se tournèrent vers moi. Je continuai de sourire, rivant mon regard sur Nérée.
- Bravo ! le félicitai-je, tu es encore plus pathétique que je ne le croyais. Si tu voulais me faire monter des larmes de compassions lors de ton récit, devant ta misère et ton dépassement pour parvenir aux rangs royaux, sache que c'est loupé.
Je m'avançai un peu plus vers le bouclier.
- Tu es le pire des parasites. Tu geins parce que Martial n'a pas pu te donner le piston dont tu rêvais, parce qu'il a préféré agir selon ses envies plutôt que suivre tes caprices ? Il aurait dû devenir un Guerrier de renom pour ton simple plaisir alors même que ce poste le rebutait ? Ce n'est pas de sa faute si tu n'as pas pu accéder à la royauté. Si tu as besoin des autres pour exister et t'élever, c'est la preuve que tu es la définition même de l'insignifiance. Tu n'es qu'un profiteur, un virus. Et incapable de t'élever par tes propres moyens, en même temps, je le conçois, tu en as nullement le talent, tu as préféré écraser toute morale pour suivre une fausse reine tyrannique sous le coup d'une simple promesse.
Je le foudroyai du regard.
- Mais laisse-moi briser tes rêves, continuai-je, tu ne parviendras jamais à tes fins. Parce que je te tuerai. Parce que vous ne gagnerez pas. Mais surtout, parce qu'il est évident que Zara ne tiendra jamais parole. Personne ne mettrait un parasite de ton espèce dans la Garde Royale. C'est beaucoup plus simple de t'utiliser selon les besoins. Et crois-moi, je sais de quoi je parle. Je sais très bien reconnaître ce genre de personne facilement utilisable ; manipuler des bouches trous fait partie de mes spécialités.
- Tu peux toujours dire tout ce que tu veux, essayer de m'embrouiller, s'agaça Nérée, mais pendant ce temps ce n'est ni moi, ni les miens qui se font massacrer pendant que l'on bavarde.
Je haussai un sourcil, continuant de faire affluer les cendres dans chaque cellule de mon corps.
- On ne fait pas que bavarder, dis-je d'une voix froide, j'alimente mes cendres.
Sans lui laisser le temps d'assimiler mes propos, je lui jetai le surplus de cendres que j'avais accumulé en plein sur son bouclier. Nérée repoussa l'attaque, mais je ne me laissai pas décourager aussi facilement. Ma rage avait silencieusement atteint son apogée et il allait en subir les conséquences.
Je continuai de lâcher mes cendres sur le bouclier, sans m'arrêter, repassant tous ses propos en boucle dans ma tête. Il était à l'origine de la mort d'Alisa. Il était à l'origine de l'échec de nos plans. Il avait depuis le début, subtilement, créé la pagaille afin de nous anéantir. Il nous avait dénoncé. Il avait mené les cavaliers droit sur nous. Il nous avait pris au piège. Et il avait donné les positions des patrouilles pour les exterminer elles aussi. Kalidas. Kalidas faisait partie de ces patrouilles.
Mes cendres volèrent avec fracas contre le bouclier de Nérée, qui peinait de plus en plus à repousser mon attaque. Il reculait dans la galerie, tentant vainement de résister. Mes cendres se déversaient avec plus de vigueur. Je laissai aller tous mes sentiments, lâchant prise, donnant aucune restriction à mon pouvoir. Je me changeai en silhouette cendrée tandis que des vagues de cendres continuaient de s'écraser contre le bouclier. Tant pis si je réduisais les alentours en cendres. J'allais les anéantir. Tant pis si je passais pour un monstre. J'allais les réduire en miettes. Et je savais que je saurais préserver ceux qui comptaient. Parce qu'il y avait dans les lieux assez de monde pour satisfaire mes cendres. Que tant qu'elles trouvaient une proie sur laquelle se focaliser, je garderai le contrôle.
Le bouclier de Nérée commença à se fissurer. Il ployait sous mon pouvoir. Mes cendres trop lourdes, trop ardentes, trop nombreuses, allaient avoir raison de lui.
Un imprévu me fit face.
Alors que je sentais que le bouclier allait céder d'un instant à l'autre, que bientôt, mes cendres auraient le loisir d'avaler le traitre, un cavalier surgit dans les lieux. Il avait fait un tour dans les salles du volcan et discrètement, semblait désormais vouloir quitter le champ de bataille. Je vis alors entre ses mains plusieurs bouts de papier. Il les serrait comme s'il venait de s'emparer du graal. Les parchemins.
Ils avaient déniché les parchemins ! Nérée avait dû leur donner les informations nécessaires pour mettre la main sur ces bouts de papier si précieux. Et je savais que les parchemins entre les mains des Darknils sonneraient notre fin. Le contenu était bien trop important pour que l'on puisse se permettre de les laisser passer entre les mains de l'ennemi. Je dus faire un choix.
Faisant disparaître mes cendres, au plus grand soulagement de Nérée, je me ruai vers le cavalier. Ce dernier, avant que je n'arrive, se changea en troglodyte et s'apprêta à s'envoler afin de s'enfuir avec son bien. Un Animalis. Sous ma forme cendrée, je me ruai sur lui, le frappant de plein fouet. Dans un cri de douleur, l'Animalis chuta contre le sol en reprenant sa forme d'Obscuras. Il en lâcha les parchemins qui roulèrent sur le sol. Je repris ma forme d'Obscuras et me ruai vers eux pour m'en emparer avant les cavaliers. On s'élança à ma poursuite.
Evitant les tirs de flèches enflammées des archers, je ramassai les parchemins. Mais à peine les eussé-je entre les mains qu'un poids me percuta le dos m'envoyant valser contre le sol. Un cavalier armé d'un trident se rua en ma direction, tentant de m'enfoncer l'arme dans le ventre. Je roulai sur le sol, faisant abstraction à la douleur dans le dos, pour éviter ses coups. Je parvins à me redresser, toujours les parchemins entre les mains, lorsque trois autres cavaliers vinrent en renfort. Je n'allais pas y parvenir. Je n'allais pas pouvoir préserver les parchemins. Des Lycanthropes tentaient de me venir en aide, mais les cavaliers étaient trop nombreux. Je me pris un violent coup de pouvoirs dans le ventre qui m'éjecta contre la paroi du volcan. L'un des cavaliers ne perdit pas de temps avant de se précipiter vers moi pour m'arracher les parchemins. Le souffle court, le corps crispé, je mis toute mon énergie pour les empêcher de faire main basse sur leur butin. Faisant jaillir mes pouvoirs, je réduisis ces bouts de papier en état de cendres. Si on ne pouvait les garder, personne d'autre ne les aurait.
Mon geste tétanisa les Lycanthropes comme les cavaliers. Je venais de détruire un bien inestimable sans aucune pression. Mais ce qu'ils ignoraient, c'est qu'ils n'étaient pas réellement perdus. Sanjana avait eu l'idée ingénieuse de les faire mémoriser par Orso.
Mon acte me valut la rage de l'ennemi. Je subis plusieurs jets de pouvoirs m'envoyant me tordre de douleur contre le sol. Je retins mes cris, ne voulant pas leur offrir la satisfaction de m'entendre hurler. J'essayai de passer outre la douleur pour retrouver mon énergie cendrée, mais l'effort me faisait défaillir.
Ronan vola à mon secours et à coup de jet électrique, il mit mon tortionnaire K.O. Il m'aida prestement à me relever, formant une barrière électrique autour de nous pour limiter les attaques ennemies. Ce répit me permit de reprendre mon souffle et de me concentrer sur mon énergie.
- Il faut évacuer le volcan, souffla le Sang Royal.
Je lui lançai un regard.
- Les cavaliers bloquent toutes les issues et Nérée s'est chargé de rentre impraticable la sortie de secours, lui rappelai-je.
- Martial, Sanjana et Orso s'occupent de Nérée, m'informa Ronan, je ne sais pas si on arrivera à tenir à temps pour évacuer tout le monde, mais on n'a pas le choix. On doit tenir le plus longtemps possible.
J'acquiesçai, appelant mes cendres. Je lançai un regard circulaire autour de moi, évaluant la situation. Les cavaliers étaient en surnombre. Ils continuaient d'affluer de tous les côtés, nous encerclaient, bloquaient les issus, gardaient même les cieux, empêchant ceux capable de prendre la fuite par le ciel de s'évader de leur piège. Ils étaient organisés. Puissants. Il était évident que Zara avait envoyé les meilleurs cavaliers de ses troupes pour nous débusquer une bonne fois pour toute.
J'aperçu Martial, Sanjana et Orso se donner corps et âme pour briser le bouclier de Nérée tandis que Zahir, Bleizian et Larentia les protégeaient des attaques des cavaliers. Plus loin, Tenshi et Rox combattaient aux côtés de Lycanthropes, essayant dérisoirement de libérer les sorties. Mais personne ne se berçait d'illusion, la situation était chaotique et il était impossible que tout le monde s'en sorte indemne.
Faisant jaillir mon pouvoir derrière moi, je m'élançai dans la mêlée. Mes cendres, tels des tentacules géants, frappèrent les cavaliers autour de moi, les faisant voler à plusieurs mètres du sol tout en leur rongeant la peau. Mon pouvoir en frétillait de joie.
Des flèches de feu volèrent en ma direction, sifflant dans l'air. Je les interceptai à l'aide de mes cendres. Les attaques venaient de tous les côtés et je devais me concentrer pour ne pas baisser ma garde et laisser une faille qui puisse leur donner l'avantage sur moi. Me protégeant du mieux que je le pouvais, je me créai une bulle de cendres tout autour de moi que j'élargis petit à petit, avec précaution, pour anéantir l'ennemi sans toucher mes alliés. Mais il était difficile de charger dans le tas tout en veillant à ne blesser aucun allié. Je ne pouvais pas faire éclater toute la puissance que j'avais en réserve.
Un cavalier fonça en ma direction. Une spirale dont les couleurs noires et violettes se mélangeaient entre elles l'encerclait et semblait le protéger du monde extérieur. Je formai un cercle de cendres dans chacune de mes mains et bombardai mon adversaire accourant en ma direction. La spirale l'encerclant se détacha en plusieurs fragments et frappa mes cendres dans une explosion, anéantissant mon attaque.
Je fis aussitôt réapparaitre des cercles de cendres. Je le bombardai une nouvelle fois, mais le même schéma se produisit. Le cavalier se rapprochait dangereusement de moi et je le vis dégainer un sabre à la lame réfléchissante. Equipée que d'une simple lance d'entraînement au bout vaguement pointue, je la dégainai sans grand enthousiasme. Quand le cavalier arriva à ma hauteur, il envoya son sabre voler en ma direction. Je l'esquivai et riposta avec mon vulgaire bout de bâton. Mon adversaire le trancha en deux à l'aide de son arme. Dégoûtée par ma piètre performance, je balançai les deux morceaux de lance contre le sol et envoyai toutes mes cendres envelopper le cavalier.
La spirale qui l'encerclait se chargea d'éloigner les cendres dans des dizaine d'explosions se succédant les unes après les autres. Je n'arrivais pas à toucher mon adversaire. Concentrant toute mon attention sur celui qui me donnait du fil à retordre, je ne vis pas un cavalier m'envoyer son pouvoir par derrière. Je me pris une bourrasque de chaleur qui me percuta l'intérieur du corps. Je tombais contre le sol avec l'envie irrépressible de vomir tout le contenu de mon estomac.
Avant que je ne puisse subir une nouvelle attaque, les deux cavaliers qui voulaient s'occuper de mon cas tombèrent à genoux dans un cri. Leur regard avait pris la teinte des ténèbres. Ils ne voyaient plus rien. Avec son pouvoir de l'obscurité, Cassius venait de me sauver la mise. Je ne perdis pas une seconde avant de m'emparer du sabre de l'ennemi et de lui trancher la gorge avec sa propre arme avant de l'enfoncer dans le crâne de mon second adversaire, ignorant le sang qui venait gicler contre mes habits et mes chaussures. Un autre cavalier surgit par derrière, mais Cassius lui envoya une flèche dans la gorge avant que ce dernier ne puisse m'atteindre. Le sang m'éclaboussa en plein visage. Je tirai une grimace.
Je ne pris pas le temps de remercier le Guérisseur, me jetant une nouvelle fois dans la mêlée. Il y avait trop d'adversaire, je ne voulais plus perdre de temps en bavardage. On avait beau se battre, j'avais l'impression que l'ennemi était toujours aussi nombreux. Pire encore, j'avais l'impression qu'ils étaient encore plus qu'à leur arrivée. Je remarquai alors que nous, nous étions moins qu'au début. Mon cœur rata un battement à ce constat.
Je regardai autour de moi avec frénésie, cherchant les alliés qui avaient, semblait-il, disparu de la circulation. Je vis quelques corps joncher le sol. Des Lycanthropes. Mais ils n'étaient pas assez pour justifier la disparition des nôtres sur le champ de bataille. Fouillant les lieux du regard à la recherche de visages familiers, je fis le compte des visages que je ne perçus pas dans la cohue. Bleizian, Rox, Ronan, Hell, Kairos, Adam et Rose. Introuvables. Continuant de contempler les lieux, me protégeant des cendres pour parer les attaques, je compris ce qui leur était arrivé lorsque je vis Cassius disparaître sous mes yeux. Il se battait contre deux cavaliers, lorsqu'un autre arriva, se fondant dans le décor, et lui envoya son pouvoir. Telle une vague translucide, le pouvoir chargea le Guérisseur et le fit immédiatement perdre conscience. Le cavalier rattrapa Cassius avant qu'il ne tombe contre le sol et pressa sa paume contre le front du Guérisseur qui disparut instantanément.
- Bon voyage au château de la reine, s'amusa le cavalier avant de disparaître dans le champ de bataille à la recherche d'une nouvelle victime.
Mon estomac se tordit à cette annonce. Serrant les poings, je courus à sa suite, tentant de le traquer afin de le mettre hors d'état de nuire avant qu'il n'expédie un autre allié directement chez l'ennemi.
Mais il était introuvable.
Je dus arrêter mes recherches lorsque je vis trois cavaliers se ruer vers Tenshi et Maève. Maève ne savait même pas se battre et étant Terrienne, n'avait aucun pouvoir. Tenshi, alors même qu'il n'avait aucun lien avec la Terrienne, la protégeait comme il aurait protégé l'un des siens.
J'envoyai mes cendres frapper les adversaires et, toujours parée du sabre que j'avais volé, je vins épauler Tenshi. Plusieurs cavaliers ne tardèrent pas à charger et j'envoyai mes cendres les brûler. Ceux qui parvinrent à passer durent faire face à mon sabre et à l'épée de Tenshi. Le Prophète se battait bien. Il était rapide, agile et ses mouvements étaient imprévisibles. A côté, je passais pour un bourrin. Malgré tout, je parvenais à toucher mes cibles, c'était l'essentiel.
Les adversaires étaient toujours en surnombre. On se fatiguait. On n'en venait jamais à bout. J'étais essoufflée, et mes cendres frappaient avec moins de vigueur. Je manquais d'énergie. Nous étions tous dans le même cas. Les coups de Tenshi étaient toujours bien maîtrisés, mais ils étaient plus lourds et moins précis de minutes en minutes. Ils allaient nous avoir à l'usure.
Un cavalier se fondant dans le décor se glissa derrière nous. Je le vis au dernier moment, le reconnaissant comme étant celui qui avait fait disparaître Cassius. Je me jetai au sol au moment où il lança son pouvoir, l'esquivant de peu. Tenshi n'eut pas cette chance et s'évanouit. Le cavalier pressa sa main sur son front et Tenshi disparut. Je poussai un cri de rage et me jetai sur l'ennemi, mais il se volatilisa dans le champ de bataille. Il semblait jouer avec la luminosité pour passer inaperçu. Impossible de le traquer.
- Eudora ! s'écria Maève.
Je me retournai au moment où un cavalier m'envoyai un bloc de roche qu'il avait créé de ses propres mains. Je voulus me baisser pour esquiver l'attaque, mais je ne fus pas assez rapide. La roche me frappa le haut du crâne, m'envoyant au sol, me faisant lâcher mon arme.
Je sentis le sang couler le long de mon visage alors qu'une douleur fulgurante m'irradiait toute la tête. Je poussai un gémissement de douleur, puisant dans mes forces pour me relever. Mais le coup avait été trop violent. Ma vue se brouilla en millier de points noirs. Malgré la pénombre qui m'obscurcissait la vue, je vis un cavalier se ruer en ma direction, voulant profiter de mon état de faiblesse. Maève, à mon côté, les yeux écarquillés par la peur, s'empara du sabre que j'avais laissé tomber. Hésitante, les mains tremblantes, elle le brandit devant elle, voulant dissuader le cavalier de s'approcher. Ce dernier ne freina pas l'allure, nullement impressionné par la Terrienne.
Quand le cavalier arriva à notre hauteur, Maève fit aller l'arme dans l'air, fermant les yeux de peur. Je canalisai le peu de force qui me restait et envoyai mes cendres se ruer dans la tête de l'ennemi, évitant qu'il s'en prenne à Maève. Car il était évident qu'elle n'arrêterait personne avec des coups de sabre aléatoires.
Serrant les dents avec force, je me redressai lentement, ignorant la douleur qui me dictait de me rallonger. Je n'avais pas le loisir d'attendre que la douleur se dissipe.
- Tu saignes, s'inquiéta Maève.
Je haussai les épaules, essayant de faire bonne figure.
- On s'en fout, tout va bien, grinçai-je en me mettant enfin sur mes jambes.
Je crus plus d'une fois que mes jambes allaient céder sous mon poids.
Puisant dans toutes les forces qui me restaient, je tirai Maève à ma suite et tentai de rejoindre les rescapés qui se battaient non loin du passage toujours gardé par Nérée. Mieux valait se réunir.
Orso était changé en grizzly et chargé le bouclier de Nérée accompagné de Martial armé d'une hache. Sanjana les couvrait, dupliquée en deux exemplaires. Un troisième exemplaire gisait inerte à quelques mètres de là. Nérée tenait bon et faisait preuve de ressource inattendue. Lorsque son bouclier cédait, il parvenait à en créer un nouveau avant que quiconque ne puisse en profiter. C'était interminable.
Le cavalier se fondant dans le décor continuait de sévir et je le vis de nouveau emporter des alliés sans que personne n'eut le temps de riposter. On se faisait tous emporter un à un. Sans qu'on ne puisse rien y faire. C'était un carnage.
Une explosion retentit et une fumée rouge emplis les lieux autour du bouclier de Nérée. Orso, Martial et les deux répliques de Sanjana furent propulsés contre le sol avec une violence inouïs. Des bruits d'os qui se brisent me parvinrent.
La rage m'enserra les tripes. Chancelante, je me dirigeai vers le bouclier de Nérée. Mais je n'avais plus assez de force pour l'attaquer d'un torrent de cendres. Je n'arrivais même plus à les appeler. J'avais mal au crâne. Le sang continuait de s'écouler le long de ma tête, sur mes cils, contre ma bouche.
Il n'y avait presque plus personne pour riposter face à l'ennemi. Orso, Sanjana et Martial étaient K.O et le cavalier se fondant dans le décor en avait profité pour les éclipser des lieux. Il ne restait plus que moi, à bout de force, Maève, qui ne savait pas se battre, Zahir et sa sœur Larentia.
Nous étions fichus. Je ne voyais aucun moyen de s'en sortir.
Je vis un cavalier se rapprocher de Maève et moi, de la fumée rouge sortant de ses mains. Le cavalier qui avait créé l'explosion. Il allait récidiver.
Avant que la fumée ne se répande, Zahir lui envoya un couteau dans la cuisse, puis un autre dans le crâne. Il partit se battre de front contre une dizaine de cavaliers. C'était vain, mais l'Alpha refusait de se rendre aussi simplement. Il se battrait jusqu'au bout.
Et je me sentais inutile. Incapable de faire disparaître ce bouclier infernal.
- Pousse-toi ! m'ordonna Larentia.
La louve avait déniché un sac de bombe, probablement les bombes de Bleizian. Elle les jeta sans ménagement sur le bouclier. Les bombes explosèrent et quand ce fut fini, elle recommença son lancer. Le bouclier de Nérée ne put tenir face à tous ces assauts et disparut. Larentia en profita pour assommer le traitre.
Mais les cavaliers refusèrent de nous laisser filer aussi simplement. Sous l'ordre d'un des leurs, tous se ruèrent sur nous pour nous arrêter. Larentia poussa Maève dans la galerie, puis me poussa à mon tour.
- Filez ! Allez prévenir la patrouille de Circé avant qu'il ne leur arrive la même chose ! nous ordonna-t-elle, je m'occupe d'empêcher les cavaliers de vous suivre.
J'acquiesçai, empoignant Maève par la main. Je m'élançai dans le passage. Les cavaliers se ruèrent sur la Lycanthrope qui faisait barrage de son corps entre l'ennemi et la galerie. Elle n'arriverait pas à les retenir. Ils étaient trop. Je ne savais pas comment elle comptait les empêcher de nous suivre, mais j'étais dubitative sur ses chances de réussites.
Larentia dégaina les dernières bombes qui lui restaient et enclencha le détonateur alors même qu'elle les tenait encore dans les mains. Une puissante explosion rasa tout autour d'elle, tuant les cavaliers se trouvant trop près et causant un éboulement qui bloqua l'entrée de la galerie.
Larentia avait bel et bien empêché les cavaliers de nous suivre, y laissant volontairement la vie. Et elle nous avait donné une mission.
Courir.
Trouver la patrouille.
Prévenir Circé.
Prévenir Kalidas.
Avant que les cavaliers ne mettent la main sur eux.
*
NDA : Hey me voilà ! De base j'ai à chaque fois l'intention de poster le weekend mais je finis pas le chapitre à temps et je poste le lundi/mardi 😭😂 je vais finir par en faire mon jour de poste officiel...
Bref... Ce chapitre était pas mal long, c'était pas prévu xD (7261 mots) j'espère qu'il vous aura plu !
- Les raisons de la trahison de Nérée, vous en pensez quoi ?
- Seules Maève et Eudora ont réussi à s'échapper... Et grâce au sacrifice de Larentia... Vous pensez qu'ils vont subir quoi tous les autres emportés chez Zara ? 😭
- Eudora et Maève vont elles parvenir à prévenir à temps la patrouille ?
Voilà voilà ! Je vous dis à la fois prochaine pour la suite !
Kissy kissy 💙
#Nakijo.
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