2. Colère vorace.

Il nous faut un plan.

Je serrai les poings, dos contre le mur du couloir, essayant de refouler cette colère qui ne me quittait plus ces derniers jours.

Il faut agir.

J'avais l'impression que les jours s'éternisaient sans qu'on ne fasse rien de concret. Encore cette sensation atroce d'être clouée sur place, d'attendre que tout passe avant de recevoir de nouvelles horreurs en pleine face.

Cela faisait une semaine qu'Alisa était morte. Une semaine que rien n'avait changé. Une semaine que Samaël continuait de vivre sa vie tranquillement sans que je ne fasse rien pour la lui ôter. Ma colère ne faisait que grandir. J'avais besoin de le trouver, de déchainer toute la colère que je refoulais en moi depuis la mort de ma famille. Cette colère qui ne faisait que s'agrémenter au fil du temps.

Mais j'étais encore là, dans ce vulgaire volcan, à ruminer dans les couloirs lugubres alors que tout volait en éclat.

Une semaine s'était écoulée durant laquelle on m'avait martelé qu'on ne pouvait pas répliquer sans réfléchir, que courir maintenant après les Darknils serait du suicide. Ils avaient raison. C'était insupportable. Je ne savais pas comment lui faire payer, je ne savais même pas où il se trouvait, où était son repaire. Je ne savais rien !

Une semaine s'était écoulée. Une semaine pénible durant laquelle les habitants du volcan s'étaient beaucoup activés. Je savais que les Lycanthropes menaient une lutte, qu'ils étaient en pleine action, mais j'ignorais tout de leurs faits et gestes. Je voyais des patrouilles partir, d'autres revenir. Parfois, il y avait des blessés. D'autre fois, il y avait eu des captifs emmenés loin des regards curieux sans que je ne puisse en apprendre davantage. Circé faisait souvent partie des patrouilles, elle se mêlait aux loups comme si elle était des leurs. Au fond, c'était probablement le cas.

Depuis la mort d'Alisa, Ronan s'isolait. Il ne parlait plus beaucoup, semblait contenir une grande colère. Une colère similaire à la mienne. Mais il ne se laissait pas abattre. Il semblait vouloir se battre, mais avait encore besoin de temps pour se remettre d'aplomb. Pour revenir hors de sa solitude. Son regard avait changé. Rox était la seule à qui il acceptait la pleine compagnie. Ils avaient tous les deux perdus une sœur récemment et cet événement tragique les avait encore plus rapprochés qu'ils ne l'étaient déjà auparavant.

De mon côté, j'avais l'impression que rien n'allait plus. J'étais tout le temps en colère, à fleur de peau. Je ne contrôlais plus mes émotions. Un rien me faisait disjoncter. Pour agrémenter le tout, mon pouvoir des cendres, qui autrefois ne voulait jamais surgir de mes mains, ne cessaient de s'inviter contre ma volonté. A n'importe quelle occasion, les cendres jaillissaient de mes mains sans que je ne puisse rien y faire. A cause de ces accidents devenus fréquents, j'avais fait exploser un mur, blessé plusieurs Lycanthropes et démoli une armoire. Mon pouvoir était devenu incontrôlable.

Pouvais-je désormais appeler mon pouvoir à volonté parce que j'avais retrouvé ma véritable apparence ? Était-ce cela qui faisait autrefois barrière à l'appel de mes dons ? Où est-ce le fait d'avoir pu me changer en Phénix afin d'irradier mes ennemis qui avait fait ressurgir mes pouvoirs ? Quoi qu'il en soit, désormais, je n'avais plus de problèmes en ce qui concernait l'appel des cendres. Le problème était plutôt de ne pas les appeler...

Ce qui n'était pas chose aisée lorsque la colère grondait au fond de moi. Cette colère qui ne voulait pas partir. Cette colère encrée dans ma chair, telle une bête vorace, me dévorant lentement.

Pour ne rien arranger à la situation, Evilash faisait silence radio.

Je l'avais appelé, voulant qu'elle me dise quoi faire pour amener ma pierre à l'édifice et tuer Samaël. Je l'avais appelé pour qu'elle m'aide à comprendre comment contrôler mes cendres. Mais rien. Aucune réponse. Elle m'avait prévenue qu'elle serait occupée durant les prochains jours et que je devrais faire sans elle, mais cela faisait une semaine !

Qu'est-ce qu'elle faisait depuis tout ce temps ? Quand allait-elle revenir ? Quand allait-elle enfin me permettre de passer à l'action ? Je n'en avais aucune idée et l'incertitude ne faisait que croitre ma rage devenue incontrôlable. Je n'en pouvais plus de stagner, de rester figée au sol, de me tourner les pouces sans pouvoir agir. Mais dès que je voulais m'élancer, faire bouger les choses, agir, je me prenais aussitôt un mur. Je ne pouvais pas bénéficier de l'aide de mon double, j'ignorais où se trouvait Samaël, je n'avais aucun plan et tout simplement, je ne savais pas quoi faire.

J'entendis des bruits de pas. Des personnes se déplaçaient en groupe. Probablement encore une patrouille de Lycanthropes partant en mission. Eux au moins, avaient le loisir d'agir. C'était frustrant pour moi, cantonnée à errer dans ce volcan, plongée seule dans mes idées de vengeance. J'avais besoin de passer à l'action.

Mon regard dévia vers les bruits de pas, et une idée germant dans ma tête, je m'élançai pour rejoindre les Lycanthropes sur le point de partir. Il fallait que je les rattrape.

Les Lycanthropes ne partageaient pas leur plan avec nous, ils agissaient de leur côté, et j'ignorais tout de leur mouvement et intention. Ils se battaient déjà avant notre arrivée, et continuaient leur lutte sans nous mettre au parfum. Ils avaient la confiance difficile et avec les événements qui nous étaient tombés dessus, ils nous laissaient tranquille ces derniers temps. Je n'aimais pas particulièrement ces loups, j'avais du mal avec les inconnus. Mais ils menaient une lutte en commun, ils étaient actifs, et je n'en pouvais plus d'attendre. Je voulais partir avec eux. Enfin entrer dans le feu de l'action.

Je courus dans le volcan, me dirigeant à vive allure vers la sortie alors même que je voyais la troupe prête à s'engager hors des lieux. Je me ruai à leur suite. Surpris, les Lycanthropes se stoppèrent, se tournant vers moi. Je dus faire face à plusieurs paires de yeux me détaillant de haut en bas.

- Qu'est-ce que tu veux ? me demanda une Lycanthrope en s'approchant, méfiante.

- Je veux venir.

Mon aveu provoqua des échanges de regards. Certains se mirent à lâcher des rires moqueurs, d'autres secouèrent la tête.

- Hors de question, trancha la louve d'un regard froid. Va rejoindre les tiens au lieu de nous retarder.

Je serrai les poings pour ne pas perdre patience. M'énerver n'allait pas arranger les choses, bien au contraire.

- Et continuer de me tourner les pouces ? relevai-je. Je veux agir. Laissez-moi venir avec vous, je pourrai vous être utile.

La louve s'apprêta à s'énerver, mais Bleizian la rejoint, posant une main sur son épaule dans un geste apaisant. Il me contempla avec un visage amical, ce qui me surpris.

- C'est gentil de nous proposer ton aide, mais même si on le voulait, on ne pourrait pas accepter. Notre mission a été préparée à l'avance et chacun à un rôle à jouer, ta présence risque de tout compromettre.

Je serrai un peu plus les poings, frustrée. Je ne pouvais même pas contrer un tel argument ! Mais l'idée de rester une nouvelle fois inactive m'était insupportable. Je dus toutefois faire face à mon échec, contemplant la troupe de Lycanthropes sortir sans moi, s'élançant dans leur mission dont j'ignorais tout.

Je ne savais pas ce qu'ils trafiquaient, mais je voulais en être ! Je me doutais qu'ils s'activaient dans un but commun. Ne voulant pas en rester là, j'attendis que personne ne fasse plus attention à moi. Une fois que je fus sûre que personne ne me regardait, je puisai dans mes pouvoirs, devenus facilement saisissables, et je me changeai en voile de cendres à peine perceptible.

M'envolant dans le ciel dans un tourbillon de fines particules de cendres, je traquai les Lycanthropes. S'ils ne voulaient pas que je me joigne à eux, j'allais les suivre. Au moins pour connaître l'origine de leur mission.

Voletant au-dessus de la troupe, je vis les Lycanthropes se changer en loups et courir à vive allure dans les bois. Bleizian et la louve qui m'avait adressée la parole plus tôt étaient en tête de troupe. J'avais du mal à ne pas perdre la troupe de vu, ils allaient vite, camouflés à travers les arbres. Je les suivis ainsi durant presque une heure.

Au bout d'un temps qui me parut être interminable, les Lycanthropes arrivèrent à la Capitale. Qu'est-ce qu'ils comptaient faire dans cette grande ville ?

Reprenant leur forme d'Obscuras, je perdis la troupe de vue lorsqu'elle se mélangea aux milliers d'Obscuras présent dans les rues. Toujours sous ma forme de cendres, je déambulai dans un marché, ayant de plus en plus de mal à esquiver les passants. Manquant percuter un Obscuras aux yeux orange, de la race des Sirènes, je jugeai qu'il était préférable de reprendre ma forme d'origine. Chipant des lunettes de soleil pour camoufler mes iris particuliers et ajustant une capuche sur ma tête, je repris ma traque, essayant de retrouver les Lycanthropes que j'avais perdu de vue.

L'effervescence autour de moi me faisait tourner la tête, il y avait de l'agitation, du bruit, des animations partout. Je serrai les poings avec force, essayant de retenir un flot de cendres qui tentait de sortir contre ma volonté. J'étais mal à l'aise et mon pouvoir essayait d'en profiter pour jaillir.

Parcourant les rues, je finis par apercevoir un lieu familier. Le Sundry. Oubliant mes recherches de Lycanthropes, je m'arrêtai net, contemplant la petite ruelle qui menait à la porte du Sundry. Un nœud se forma dans mon vendre et je me sentis brusquement mal. Les souvenirs remontèrent. C'était ici que j'avais découvert ma symbiose avec Alisa. C'était ici qu'on s'était rapprochée. Ici qu'on avait rencontré Hell. Ici que beaucoup de choses avaient commencé.

Les cendres jaillirent de mes mains contre ma volonté. Prise de panique à l'idée que les passants puissent le voir et me prendre pour Evilash, je propulsai mon pouvoir contre un mur. Les briques explosèrent sous les cendres et le mur se mit à trembler. Il allait s'écrouler !

Je pris mes jambes à mon cou, filant avant l'écroulement pour que personne ne puisse se douter qu'il s'agissait de mon œuvre. Mais les cendres continuaient de sortir de mes mains et je sentais déjà le sentiment typique de besoin que me procurait mon pouvoir. Il avait besoin de s'alimenter. Il voulait trouver une proie. La dévorer.

Je me ruai vers une rue isolée de tout et déserte, me recroquevillant sur moi-même, cherchant par tous les moyens comment contenir mon pouvoir complétement incontrôlable. J'avais les mains posées contre mon ventre, essayant de reprendre en moi ce que mes mains faisaient jaillir. Je n'arrivais pas à arrêter les cendres qui ne faisaient qu'envahir les lieux. Et plus les cendres jaillissaient, plus je sentais la colère monter. La colère envers moi-même de ne pas parvenir à me contrôler. De la colère envers le monde. De la colère envers tout.

J'inspirai et expirai lentement, essayant de me calmer. Essayant de ralentir les battements incessants de mon cœur.

Mes cendres disparurent lorsque j'entendis des sons de voix me semblant familier. Les voix qui venaient de piquer mon attention avait eu pour effet d'estomper ma vague de cendres incontrôlable. Je m'avançai prudemment en direction du bruit et vis au bout de la rue, Bleizian, donnant quelques indications à la troupe.

Je les avais retrouvés. Sans même les chercher...

Ne voulant absolument plus les perdre de vu, je les suivis sans attendre, prenant soin à ne pas me faire remarquer. La troupe entra dans un vieux cirque abandonné et tombant en ruine. Dans une organisation remarquable, les loups se séparèrent en plusieurs groupes. Certains montaient la garde, d'autres partaient en repérage, prêts à sauter sur la moindre présence suspecte, et les derniers fouillaient les lieux sous la supervision de Bleizian et la louve qui veillaient à ce que personne ne surgisse.

Je n'avais aucune idée de ce qu'ils faisaient et cherchaient, mais cela semblait être important, et pressant. Je vis quelques gardes trahir un sentiment de nervosité et d'impatience. Comme s'il était risqué de rester dans les lieux un peu plus longtemps. Les gardes patrouillaient le long du cirque en ruine et je fus ravie d'y être entrée avant leur tour de garde. Autrement, ils m'auraient déjà pris la main dans le sac. Je repris ma forme de cendres presque imperceptible, continuant de les observer depuis le haut du cirque.

Une ombre attira mon attention. Mon sang se figea dans mes veines. Il y avait quelqu'un dans le haut du chapiteau. Le toit avait un double fond ! Les loups, ne se doutant pas du subterfuge, n'avaient pas pensé à lever les yeux au-dessus d'eux.

Trois ombres se découpèrent et, lames en main, s'apprêtèrent à sauter sur les Lycanthropes sous eux. Armés, avec l'effet de surprise en leur faveur, il y avait de grande chance qu'ils parviennent à tuer.

Me concentrant, je fis discrètement aller mes cendres contre le rebord qui maintenait l'ennemi en hauteur. Sous mon pouvoir, le rebord céda au moment où l'ennemi voulut attaquer. Ils ratèrent leurs cibles et tombèrent à quelques mètres d'eux.

Les Lycanthropes réagirent au quart de tour. Bleizian se jeta sur l'un des ennemies, complétement cagoulé, et le renversa au sol pour l'empêcher d'attaquer les siens. La louve barra la route à un autre qui voulait se ruer vers ceux occupés à fouiller les lieux. Ces derniers, malgré l'agitation, continuaient de tout farfouiller dans les moindres recoins. Ils avaient dû en recevoir l'ordre.

Bleizian et la louve s'occupaient à eux deux des trois assaillants. Mais ces derniers se révélaient être redoutables. Bleizian réussit à maîtriser l'un des assaillants, mais l'autre lui tomba dessus et d'un violent coup de poing, suivis d'un crochet du pied, il le renversa au sol. Le Lycanthrope, la lèvre en sang, voulut se redresser, mais son assaillant dégaina un couteau et le maintint au sol, prêt à l'égorger.

Sa coéquipière ne pouvait même pas lui porter secours. L'ennemi que Bleizian avait réussi à mettre à terre s'était relevé et avait aidé son collègue à maîtriser la louve qui poussait des grondements de frustration.

Deux Lycanthropes qui montaient la garde se jetèrent sur l'ennemi pour l'empêcher de tuer Bleizian, mais dans cet instant d'inattention, les autres assaillants avaient eu le dessus sur l'autre Lycanthrope. Elle avait le visage griffé de tout son long, ensanglanté. Un assaillant la saisit par le cou, un couteau prêt à s'enfoncer sous sa gorge. Les Lycanthropes voulurent se jeter sur lui pour l'empêcher de la tuer, mais l'assaillant fis mine de planter la lame, ce qui les stoppa instantanément dans leur lancée. Les deux autres assaillants en profitèrent pour pointer leurs armes sur les Lycanthropes. Ils avaient eu le dessus.

- Elle mourra quand même, ricana l'assaillant qui maintenait l'Obscuras par le cou, la lame prête à donner le coup fatal.

La Lycanthrope avait de plus en plus de mal à respirer et ne pouvait même pas se défendre.

L'assaillant s'apprêta à planter son arme dans sa gorge sous les cris de la troupe. Silencieusement, sous la forme petites particules de cendres, je me glissai derrière l'ennemi. Je me concentrai, puisant dans mes pouvoirs, puis saisis la nuque de mon adversaire et fis jaillir toutes les cendres que je contenais en moi. Je me laissai aller. Je laissai ma colère couler, trouvant enfin où déverser mon pouvoir qui me démangeait tant. Ma colère vorace tapis en moi depuis ces derniers jours alimenta mes cendres. Dans un hurlement de douleur, l'assaillant lâcha sa proie. Sa peau vira au rouge. En quelques secondes, il se désintégra en tas de cendres incandescentes et une odeur de chair brûlée emplis les lieux.

La Lycanthrope reprit difficilement une goulée d'air, laissant de nouveau l'oxygène entrer dans ses poumons. Elle était saine et sauve. Les deux autres assaillants, les yeux écarquillés d'effroi, regardaient autour d'eux, prêts à se jeter sur leur adversaire. Je n'attendis pas d'ouvrir les hostilités, j'envoyai mes cendres droit en leur direction. Dans un vol plané, ils succombèrent aux cendres, ne laissant derrière eux que deux carcasses carbonisées. Mes cendres en trépignaient de joie.

Voulant ramener mes cendres à moi pour éviter des dégâts involontaires, je repris forme d'Obscuras sous les regards stupéfaits des Lycanthropes. Je serrai les poings pour camoufler ma gêne. La Lycanthrope se redressa, le visage encore rouge.

- Merci, me souffla-t-elle.

- Alors comme ça, ma présence risquait de tout compromettre ? relevai-je, retenant un sourire provocateur.

***

NDA : Hey ! Me voilà avec une semaine de retard pour le chapitre suivant... La semaine dernière je n'étais pas chez moi, donc impossible de poster dans les temps

J'espère que le chapitre vous a plus tout de même

- Eudora qui rejoint les Lycanthropes dans leur mission, l'idée vous plaît ?

- Le pouvoir d'Eudora devenu incontrôlable, votre avis ?

Je n'ai pas tant de questions que ça, donc je vous dis à la semaine prochaine (soit je posterai le chapitre suivant, soit un bonus, ça dépendra de si j'ai fini le chapitre à temps x) )

Kissy kissy 💙

#Nakijo.

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