15. Accusation.
Je planais sous forme de particules de cendres, me rapprochant discrètement du volcan, essayant de passer inaperçu. Le matin s'était levé. Je m'étais absentée sans prévenir personne depuis presque vingt-quatre heures. J'espérais que mon retour soit assez discret pour qu'on ne me fasse aucune remarque. M'introduire en étant presque invisible, sous ma forme cendrée, m'avait paru une bonne idée.
Malheureusement, l'un des Lycanthropes devaient posséder un pouvoir qui lui permit de m'identifier car à peine fus-je arrivée dans le volcan qu'on me héla. Dans un soupir, je compris qu'il était désormais inutile de me cacher. J'aurais simplement préféré que l'on me démasque ailleurs que dans cette salle bondée. Je ne voulais pas me donner en spectacle.
Lentement, je repris ma forme d'Obscuras et fis face à des Lycanthropes que je ne connaissais pas. Zahir et Bleizian fendirent la foule pour nous rejoindre. Super... j'allais m'éclater.
- On peut savoir où tu étais passée ? me demanda l'Alpha des Lycanthropes en me contemplant de son regard de lave.
Je haussai les épaules.
- J'ai fait un tour et je me suis perdue, mentis-je.
Mon mensonge était bien piètre et je n'eus aucun mal à comprendre que personne ne m'avait cru. Bleizian avait serré les lèvres, détournant le regard, tandis que Zahir haussait un sourcil.
- Tu t'es perdue ? répéta-t-il d'un ton sarcastique.
- On ne va pas en faire toute une histoire, maugréai-je, voulant m'extirper de cette situation et de tous ces regards rivés sur moi.
- On retrouve l'un des nôtres assassinés, et au même moment, tu disparais de la circulation, remarqua l'Alpha. Alors si, on en fera toute une histoire tant que tu ne nous auras pas dit la vérité.
Je me figeai.
- T'es en train de m'accuser ? m'énervai-je. Quel intérêt aurais-je eu à tuer l'un des vôtres ?
Zahir croisa les bras, ne me quittant pas du regard.
- C'est à toi de me le dire, répliqua-t-il.
Bleizian à son côté, semblait gêné.
- Je n'ai strictement rien fait ! m'écriai-je. Alors va interroger quelqu'un d'autre au lieu de perdre ton temps avec moi.
- Elle a raison, renchérit Bleizian. Ce n'est pas elle, elle était en patrouille avec nous. Le sang sur les lieux était encore frais, le meurtre avait eu lieu récemment. Elle n'a pas pu se dédoubler.
- Elle n'a pas pu se dédoubler ? Elle existe déjà en double exemplaire. Si ce n'est pas elle, c'est peut-être son autre version. Il ne faut pas oublier qui elle est réellement après tout, fit remarquer quelqu'un dans la foule.
Je serrai les poings pour empêcher mes émotions de prendre le dessus. Je n'eus pas besoin de trouver quoi dire pour me défendre, Bleizian semblait vouloir prendre mon parti.
- Quel intérêt aurait eu son autre version de la faire accuser avec une preuve dissimulée aussi grossièrement ? Sa...
- Une preuve ? l'interrompis-je, surprise.
Zahir sortit un couteau ensanglanté d'un sac en toile que je n'avais jusqu'ici pas remarqué.
- On a retrouvé l'arme du crime sous ton matelas, m'informa-t-il.
J'écarquillai les yeux de stupéfaction.
- C'est complétement stupide d'en venir à cacher l'arme du crime sous son propre matelas, fit remarqua Bleizian, et Eudora est loin de l'être. Quelqu'un a simplement voulu lui faire porter le chapeau.
Je lâchai un rire aigre.
- Evite de me demander si j'ai des ennemis qui voudraient me nuire, je m'en coltine tellement que je pourrais repeupler le monde.
Zahir haussa un sourcil, me toisant avec un regard indéchiffrable. Il laissa tomber le couteau dans le sac de toile avant de le balancer sur une chaise.
- Je me doutais de ton innocence, avoua-t-il, celui qui a mis cette mise en scène en place afin de te faire accuser ne devait pas avoir la lumière à tous les étages. Cependant, cela ne nous explique pas ta subite disparition.
Je lâchai un soupir, cherchant une réponse qui pourrait assez les satisfaire pour qu'ils me foutent la paix. Hors de question de leur dire la vérité.
- J'ai cru voir quelqu'un sur les lieux, finis-je par expliquer, je lui ai couru après, mais je n'ai pas réussi à lui mettre la main dessus.
Une minute de silence accueillit mes propos. Dans le fond, ce n'était pas vraiment un mensonge...
- Tu as aperçu quelqu'un sur la scène de crime et tout ce que tu as trouvé à faire c'est de lui courir après sans même réfléchir ? se moqua Larentia. T'es sûre d'être munie d'un cerveau ?
Des cendres s'échappèrent d'entre mes doigts à l'entente de ses propos. Le regard incendié, je m'apprêtai à répliquer, mais je ne fus pas la plus rapide.
- Eudora a simplement des pulsions suicidaires, rien à voir avec un manque d'intelligence, lui répondit Sanjana avant de braquer son regard sur moi. J'ai envie de t'étriper. T'aurais pu nous prévenir au lieu de t'élancer seule !
Je haussai les épaules.
- L'interrogatoire est fini ? Je peux me casser ? raillai-je en me détournant déjà pour filer dans les couloirs.
- Pas si vite, me retint Zahir. Tu espères peut-être que tes petites explications sont suffisantes, mais désolé de te l'apprendre, je n'ai pas vraiment confiance en tes propos. Si tu n'as pas pu mettre la main sur cette personne, qu'est-ce qui t'a pris autant de temps pour revenir ici ?
- Je t'ai déjà raconté ce qu'il s'est passé, si tu ne me crois pas, ce n'est pas mon problème, grinçai-je.
Zahir m'envoya un regard tranchant.
- Soit, finit-il par concéder, mais je t'ai à l'œil, garde-le en tête.
D'un geste de la main, il fit signe à la foule de s'écarter pour pouvoir quitter aisément les lieux. Grinçant des dents, je me détournai à mon tour, empruntant les couloirs afin d'échapper à cette cohue.
J'avais besoin de m'isoler. J'avais besoin de ma bulle de solitude pour encaisser tous les événements qui s'étaient produits ces dernières vingt-quatre heures. Marin. J'avais revu Marin. Je pouvais retrouver ma famille, car la fin n'était pas obligatoirement définitive. Mais je devrais vivre l'éternité sans les nouveaux piliers que j'avais érigé en ce monde. Une éternité sans Kalidas.
Je détestais l'idée de vivre sans lui. De lui survivre. J'aurais pu troquer mon éternité pour la lui donner. Mais l'impossibilité de cette action me creusait un vide dans l'estomac que rien ne pouvait combler.
Pour rien arranger à la situation, j'apprenais en revenant ici que le meurtrier de ce loup essayait de me remettre ses actes sur le dos ? D'après Mahina, l'assassin était le traitre qui vendait les Lycanthropes à la reine. Ce traitre avait donc une dent contre moi... Mais beaucoup de monde m'avait de travers...
- E., me héla Sanjana qui m'avait visiblement suivi, à moi, tu me racontes ce qu'il s'est vraiment passé ?
Je lui lançai un regard.
- J'ai déjà tout dit, rétorquai-je.
Sanjana me lança un regard sceptique et me toisa longuement, attendant que je crache le morceau. Elle n'allait plus me lâcher...
Mais je n'avais pas envie de lui en parler. Pas maintenant. Peut-être jamais. J'avais l'esprit torturé par ces découvertes et un vide qui se cessait de grandir dans l'estomac. Revoir Marin et découvrir que je n'avais pas tout perdu avait réparé des pots brisés que j'aurais pensé impossible à recoller, mais en avait brisé d'autres. L'éternité était sélective et je ne me faisais pas à cette idée.
- Marin ? Tu as revu Marin ? s'étrangla Sanjana.
Je me figeai. Bien évidemment, elle avait lu dans mes pensées ! Et trop accaparée par ce qui me tourmentait, je n'avais pas pensé à cette possibilité évidente.
- Tu n'as pas à utiliser tes pouvoirs de Télépathe dès que tu en as envie ! m'emportai-je. Ce qu'il s'est passé ne regarde que moi !
- Je ne crois pas non, répliqua Sanjana avec une mauvaise humeur perceptible dans la voix. Si tu as eu la possibilité folle de pouvoir revoir Marin, tu ne crois pas que tu devrais m'en parler, à moi tout comme à Kairos et Maève ? Tu n'es pas la seule à l'avoir perdu.
- Je... fou moi la paix ! insistai-je, en manque d'argument.
Sanjana m'étudia d'un regard perçant.
- Seulement si tu me promets d'en parler, argua-t-elle, et pas dans un mois, prochainement ! Tu n'es pas la seule à avoir perdu ta famille E., tu n'es pas la seule à avoir dû te reconstruire en pensant les siens perdus à jamais. Alors si tu as pu le revoir, j'aimerais comprendre par quel miracle.
Alors que j'allais lui répondre, je me stoppai au son de pas provenant du couloir. Kairos en émergea. Il avait dû nous suivre, peut-être pour lui aussi, me toucher deux mots. Visiblement, il nous avait entendu parler. Ce n'est pas comme si nous avions veillé à baisser le ton...
Je soupirai. J'allais devoir m'expliquer et je me sentais déjà vider de toute énergie. Mais Sanjana avait raison lorsqu'elle disait qu'elle était en droit de savoir. Je ne pouvais pas garder une telle révélation rien que pour moi.
Dans un soupir las, je consentis à rejoindre la chambre de Sanjana, où on se retrouva tous les trois afin que je révèle ce qui venait de se passer. Peut-être qu'en parler à voix haute me permettrait de mieux saisir et assimiler les derniers événements...
Sanjana ne perdit pas de temps avant de s'élancer dans ses questions. Elle ne tenait plus en place.
- T'as vu Marin ? Où ? Comment ? Il n'est pas mort ?
J'inspirai lentement alors que Sanjana essayait tant bien que mal d'attendre ma réponse sans se lancer de nouveau dans un afflux de questions.
- Si, il est mort, mais apparemment, on nous a menti lorsqu'on nous a dit que la mort était définitive. Elle ne l'est pas pour les Phénix, ni les Ashglows.
Sanjana m'envoya un regard confus. Kairos, lui, ne broncha pas, le visage imperturbable.
- Qu'est-ce que tu racontes ? s'ébahit la Sirène.
- Je suis allée dans le royaume des morts avec une Yama envoyée par Marin, résumai-je. Ce royaume est peuplé par les races dites immortelles, ce que recherchent les Darknils.
Sanjana écarquilla les yeux.
- Alisa aussi est là-bas, ainsi que mes parents, repris-je.
Sanjana n'en fut que plus surprise. Elle en avait perdu son vocabulaire et restait désormais muette.
- Tu penses que Samaël nous côtoyait sur Terre pour leur voler leur immortalité ? finit par articuler Sanjana.
Je haussai les épaules, lançant un regard à Kairos dans l'espoir qu'il puisse nous donner une explication. Les raisons de l'arrivée des miens sur Terre m'avaient toujours paru flou. J'étais petite et les souvenirs étaient brumeux. Kairos devait en savoir davantage. Mais il gardait le silence, le visage de marbre.
- Pourquoi avoir fui Obscuratium à l'époque ? demandai-je, espérant le sortir de son mutisme volontaire.
- La situation nous l'imposait, se contenta-t-il de répondre. Nous avions les Darknils à nos trousses.
Sa réponse ne m'aidait pas plus que cela, je le savais déjà.
- Mais comment avez-vous rencontré Samaël ? Il n'a aucun lien de sang avec nous et pourtant, il était comme de la famille. Tout comme toi... Comment est-ce que tu as rencontré mes parents ?
Je ne savais strictement rien du passé, d'avant notre vie sur Terre, et je me rendais de plus en plus compte qu'il me manquait des informations importantes.
Kairos avait le visage neutre de toutes émotions, mais je le connaissais assez pour comprendre que quelque chose le dérangeait dans mes questions.
- Je connais tes parents depuis longtemps, rien à voir avec Samaël. Il nous a aidé à accéder à la Terre et a facilement su faire sa place parmi nous.
Je plissai les yeux. Ses explications étaient rapides, il ne s'étendait pas sur le sujet. Il y avait forcément quelque chose que Kairos voulait garder pour lui. Mais pourquoi ? Ce sujet me concernait autant que lui. On parlait de ce qui avait déclenché le drame, de ma famille... J'étais en droit de savoir !
- Tu ne sembles même pas surpris d'apprendre que j'ai eu l'occasion de revoir Marin, fis-je remarquer.
Kairos ne sourcilla même pas. Je n'attendis pas qu'il me répondre avant de continuer sur ma lancée, mes nerfs à deux doigts de lâcher.
- Me dit pas que t'étais au courant ! Tu savais que Marin, ainsi que mes parents, étaient encore en vie quelque part ? Tu le savais et tu ne me l'as jamais dit ? Tu m'as laissé m'enfoncer dans le désespoir de les avoir perdus.
Le regard de Kairos se fit plus dur.
- Oui, je le savais, admit-il. Mais tu croyais vraiment que c'était envisageable de t'en parler ? Je te croyais morte et lorsque je te retrouve, j'apprends que tu t'es enfoncée dans le déni et les illusions pour ne pas avoir à affronter la réalité. Le risque que tu décides de les rejoindre en apprenant la vérité était trop élevé.
Je serrai les poings de colère. Les aurais-je rejoints si j'avais appris plus tôt ce qu'était réellement la vie après la mort ? Probablement, oui. Mais avoir été gardée dans l'ignorance m'était insupportable.
- Et moi, pourquoi est-ce que tu ne m'en as pas parlé ? demanda Sanjana à son père, d'une voix beaucoup plus calme et posée que moi.
- La vérité n'est pas toujours tendre et se doit d'être dite en temps et en heure. C'était trop tôt, dit-il avant de poser les yeux sur moi, et je ne suis pas sûr que tu sois encore prête à encaisser toute la vérité.
Je serrai un peu plus les poings.
- Qu'est-ce que t'en sais que je sois prête ou non ? J'ai besoin de savoir.
- Eudy, je t'ai retrouvé torturée, tournée vers le passé, incapable d'avoir un comportement social et de gérer tes crises de colère lorsque tes émotions devenaient trop intenses. Je n'ai pas envie que la vérité te fasse exploser et te fasse commettre des actes irréparables. Tu réagis constamment sur des coups de tête, tu suis tes pulsions et gères très mal tes sentiments, détailla-t-il, je ne suis pas sûr que tu sois capable d'encaisser correctement toute la vérité sans que tout ne vire au drame.
- Tu n'as pas à choisir à ma place ce qui est mieux pour moi, m'entêtai-je, j'ai besoin que tu partages ce que tu sais. Je suis concernée ! Et tu as l'air d'en savoir beaucoup plus que tu en as laissé paraître.
Kairos secoua la tête, visiblement pas décidé à me raconter quoi que ce soit.
- Tu sauras tout lorsque tu seras prête, pas avant, trancha-t-il avant de quitter la pièce, mettant fin à la conversation.
A la colère s'ajouta la frustration. Sanjana m'envoya un sourire compatissant, sans pour autant prendre mon parti, ce qui, chez elle, voulait tout dire... Elle était de l'avis de son père. La Sirène finit par sortir à son tour, courant après Kairos pour, probablement, lui toucher quelques mots. Je restai seule, dans la chambre de Sanjana, la colère grondant dans chacun de mes organes.
Dans un cri de rage je fis valser mon bras en arrière, et accidentellement, des cendres s'échappèrent, faisant voler en éclat tous les meubles de la pièce.
***
NDA : Hey, désolée pour le retard ! XD un morceau de mon chapitre s'était accidentellement supprimé et j'avais du mal à trouver la motivation pour le réécrire...
- Le meurtrier/traître qui essaye de tout mettre sur le dos d'Eudo, vous en pensez quoi ?
- Vous comprenez le point de vu de Kairos lorsqu'il explique pourquoi il ne veut pas révéler la vérité à Eudo ?
J'ai très peu de questions xD du coup je vais juste vous dire à ce weekend pour la suite !
Kissy kissy 💙
#Nakijo.
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