14. L'éternité de l'âme.

Il était là. Et ma réalité reprenait peu à peu des couleurs. Il était là. Il existait encore. Il était mort sous mes yeux, mais pourtant, il était là, face à moi, son torse se soulevant au rythme de sa respiration.

J'en eu les larmes aux yeux et je fondis dans ses bras. Marin me serra contre lui avec force. Jamais je n'aurais cru le revoir un jour. J'avais l'impression de goûter à un miracle. On disait que la mort était définitive. J'avais cru les miens effacés à jamais. Mais j'apprenais désormais qu'il existait des exceptions et Marin en faisait partie.

Marin avait toujours dix ans. La mort ne l'avait pas permis de vieillir. Mon grand frère était désormais plus jeune que moi. Comme lors des illusions que je m'étais créée. Des illusions que j'avais formé afin de m'enfermer dans ma bulle, m'échapper de la réalité, auprès des miens rendus factices. Mais cette fois-ci, ce n'était pas une illusion, j'avais mon frère dans mes bras et il était bel et bien réel.

- Je ne rêve pas... marmonnai-je, ayant du mal à réaliser la réalité des choses.

Je pouvais le voir et le toucher. C'était un cadeau inestimable. Marin lâcha un rire et, s'éloignant de quelques centimètres, il me regarda droit dans les yeux.

- Je suis content de te revoir, m'intima-t-il. Enfin, pour te dire vrai, j'ai déjà revu ton autre version à plusieurs reprises. C'est étrange de se dire que désormais, j'ai deux sœur... enfin, la même en deux exemplaires... Quel cauchemar ! me charia-t-il.

J'hallucinais. C'était la première fois que je revoyais mon frère depuis qu'il s'était fait assassiner sous mes yeux et voilà ce que ce con me sortait comme premiers mots !

Je lui envoyai une tape sur la tête dans un grognement de mécontentement. Forcément, il se mit à en rire. Et j'avais envie de rire avec lui, heureuse de retrouver nos chamailleries, mais entêtée, je jouai la fille agacée. Et Marin le savait très bien.

- Si tu es là depuis toutes ces années, pourquoi est-ce que tu n'es pas venu me voir plus tôt ? me mis-je à rouspéter. Pourquoi avoir attendu tout ce temps ?

- Tu n'es pas une Yama et tu te trouvais sur Terre, comment voulais-tu que je vienne à ta rencontre ? se justifia-t-il. Puis, tu ne connaissais rien des réels enjeux, ma venue aurait été prématurée.

Je serrai les lèvres, assimilant ses propos. Ce qui était fait était fait, protester n'aller rien changer à la situation. J'avais beaucoup trop de choses à lui dire, trop de choses à lui demander et si peu de temps... Et j'aurais voulu lui hurler que j'étais désolée. Désolée d'avoir créé ce drame en allant voir Samaël. Désolée de ne pas l'avoir écouté et de ne pas avoir gardé secret le vol du globe. Désolée. Mais aucun mot de ce style ne parvint à franchir mes lèvres.

- Comment se fait-il que tu sois une exception ? Que malgré la mort, tu existes encore ? articulai-je faiblement.

Marin lança un regard à Mahina qui nous contemplait sans broncher.

- Ce genre d'informations, tu aurais pu les lui donner, fit-il remarquer.

L'Animalis du serpent haussa les épaules.

- Je te laisse ce plaisir, ronchonna-t-elle, j'ai suffisamment perdu de salive pour aujourd'hui. Bon je vous laisse les frangins cendrés, je vais faire un petit roupillon, vos échanges m'ont fatiguée. Par contre, grouillez-vous, je dois rejoindre la reine Zara au matin et elle est intolérante envers les retards... comme envers tout en fait.

Sur ces belles paroles, Mahina s'éloigna à grand pas avant de se laisser tomber contre un rocher et de fermer les yeux. Elle ne rigolait pas quand elle prétendait vouloir dormir.

Je lançai un regard à mon frère, un sourcil haussé. Marin, visiblement habitué aux humeurs de son amie, se contenta de hausser les épaules dans un petit sourire avant de porter son attention sur moi.

- Laisse-moi deviner, commença-t-il, on t'a raconté que la mort était l'ultime fin ? Que lorsque l'on rendait notre dernier souffle, on s'éteignait à tout jamais et que notre existence était effacée de manière irréversible ?

Je hochai la tête.

- Mais visiblement, ce n'est pas toujours le cas, constatai-je.

- La mort est bel et bien définitive, affirma Marin, sauf pour deux catégories de personnes. Ceux ayant eu don de l'immortalité.

Je plissai les yeux, attendant qu'il poursuive. L'immortalité... elle existait donc vraiment.

- L'immortalité, contrairement à ce que l'on peut penser, poursuivit Marin, ce n'est pas vivre éternellement sur notre planète sans jamais voir sa fin arriver. L'immortalité, c'est l'éternité de l'âme. Notre corps meurt, notre enveloppe corporelle finit tôt ou tard par rendre son dernier souffle. Personne ne peut échapper à la mort. C'est une étape de transition. Après la mort de notre être de chair, notre âme rejoint l'autre côté, et elle, elle ne meurt jamais.

Je restai quelques secondes silencieuse, le temps pour les informations de s'ancrer dans mon esprit.

- Tu parles d'un corps de chair qui finit inexorablement par mourir, mais tu es pourtant là, devant moi, fait de chair et d'os, ne pus-je m'empêcher de faire remarquer.

Marin retint un sourire amusé.

- Mon corps n'est que la création de mon esprit, il n'est pas entièrement réel. Il ne peut vieillir, tout comme il ne peut être blessé. Je suis conditionné dans cette enveloppe, mais ma réelle forme est tout autre.

- Quelle est ta réelle forme ? Un être tout lumineux et transparent comme dans les films ?

Marin leva les yeux au ciel face à ma remarque.

- Loin de là, ricana-t-il. Notre forme corporelle dépend de la condition de notre immortalité.

- C'est-à-dire ? l'interrogeai-je, ayant du mal à suivre.

- Je t'ai dit qu'il y avait deux catégories de personnes pouvant toucher l'immortalité, me remémora-t-il, ce sont en réalité deux races.

- Deux races ?

- Les Phénix et les Ashglows.

- Les Ashglows sont une race ? m'étonnai-je.

Marin acquiesça.

- Ce que très peu de personnes savent, c'est qu'il existe en réalité trente-trois races d'Obscuras, dont les Ashglows, me confirma-t-il.

Je digérai l'information. Les Ashglows étaient donc une race... et ils étaient immortels de surcroit. Je me figeai lorsqu'un souvenir me frappa l'esprit. Sur le champ de bataille, alors qu'on affrontait Zara, Massa la Guérisseuse alliée d'Evilash, s'était faite tuer par la reine de glace. Lorsqu'elle avait rendu son dernier souffle, elle avait laissé échapper qu'elle ne mourrait pas, que les Ashglows étaient immortels. Je n'avais autrefois pas compris ses propos, mais désormais, tout prenait sens. Massa venait clairement d'informer la reine qu'elle était une Ashglows et qu'elle n'allait pas mourir définitivement. J'avais eu des indices me pendant sous les nez depuis le début.

- Et donc, quelle est ta réelle forme ici ? repris-je, voyant qu'il n'avait toujours pas répondu à mon interrogation.

Marin roula des yeux.

- Le phénix, lâcha-t-il abruptement. Pour ceux de la race des Phénix, notre forme ici est celui d'un oiseau couleur flamme pouvant prendre feu. Pour ceux de la race des Ashglows, leur forme est celui d'un oiseau de couleur noire pouvant prendre feu, mais pas un feu classique, un feu bleu où s'échappe des éclairs.

J'en restai coi. Je dus me reprendre à deux fois avant de retrouver la parole.

- Les Phénix sont immortels... répétai-je à voix basse. Je suis immortelle ? Maman l'est aussi ? Elle est ici ? Pourquoi n'est-elle pas venue me voir ?

Les questions pleuvaient hors de ma bouche. Je n'avais pas réussi à les tenir plus longtemps. Mon monde s'était complétement effondré à leurs morts, mais contrairement à ce que j'avais cru, je ne les avais pas tous perdus.

- Tu es immortelle oui, et Maman l'est aussi. Je me doute que tu aurais aimé la revoir, mais nous ne sommes pas censés intervenir dans les affaires des vivants. J'ai préféré ne pas l'informer de ta venue, ni elle, ni Papa.

Je me figeai.

- Papa est ici ? m'effarai-je.

J'avais de nouveau les larmes aux yeux.

- Papa est un Ashglow, m'apprit Marin. Contrairement aux Phénix, qui est La race dominante, les Ashglows sont La race dominée, elle ne peut se retranscrire dans les yeux d'un Obscuras et ne possède pas vraiment de pouvoir individuel hormis l'immortalité. C'est en partie pour cette raison que cette race est méconnue de tous.

J'acquiesçai, comprenant mieux la situation. Kalidas m'avait parlé des races dominantes. Il m'avait appris que les trois races dominantes étaient les Sang Royaux, les Animalis et les Lycanthropes. Ces races ne pouvaient être une sous-race et étaient donc obligatoirement la couleur des yeux de celui possédant la race. Par cette dominance, un Animalis ne pouvait être aussi un Sang Royal, tout comme il ne pouvait être un Lycanthrope et vice versa. Si Marin avait tant insisté sur le La en qualifiant les Phénix de race dominante, c'est probablement parce qu'elle surpassait les trois races que l'on connaissait comme dominante. C'était elle en haut de l'échelle.

Cela voulait donc dire que les Ashglows étaient à son opposé. Si elle ne pouvait être retranscrit dans aucun regard, c'est que cette race était dominée par toutes les autres et il était donc impossible de savoir qui appartenait à cette catégorie de race.

- Les Trivials sont une race qui n'ont aucun atout hormis les pouvoirs individuels, fis-je remarquer, ils ne peuvent avoir deux races, c'est dans leur particularité...

- Ce n'est pas tout à fait vrai, me coupa Marin. Ils ne peuvent avoir deux races, car il s'agit de la race en bas de l'échelon, qu'elle est dominée par toutes les autres races, hormis les Ashglows. Un Trivial peut très bien être un Ashglow. Par contre, un Ashglow, lui, est obligatoirement une sous-race et ne peut pas être l'unique race d'un Obscuras.

Leur histoire de race était tout de même assez compliquée. Existait-il quelque chose de simple et sans prise de tête dans ce royaume démentiel ?

Un souvenir vint me trotter à l'esprit. Lors de la mort d'Alisa, j'avais laissé ma rage éclater sans contrôle et même si mes souvenirs de ce moment avaient demeuré flous, il m'avait semblé avoir pris feu avant de survoler le sol, des ailes dans le dos. J'avais été dans un état second, si bien que j'avais douté que ce soit réellement arrivée. Désormais, le doute se dissipait.

- Le corps immortel de ma race est celui d'un phénix, articulai-je. Je peux donc me transformer en phénix ? Je l'ai déjà fait sans le vouloir, du moins, il me semble.

Marin acquiesça.

- Tout comme nous pouvons reprendre notre forme d'origine dans l'autre côté, en tant que vivant, vous pouvez prendre votre forme d'immortel. Les Ashglows, eux, ne peuvent le faire que s'ils ont pleinement conscience de ce qu'ils sont. Ce qui est extrêmement rare.

- Mais comment la transformation se déclenche ? l'interrogeai-je. Tu peux m'apprendre ? Je l'ai fait accidentellement, et j'ai conscience que savoir maîtriser une telle transformation pourrait avoir un impacte majeur dans l'affrontement contre l'ennemi.

Marin eut l'air embêté.

- Tu vas devoir te débrouiller toute seule, m'avoua-t-il.

- Pourquoi ? m'étonnai-je devant son regard fuyant.

- Un vivant ne peut pas prendre sa forme de Phénix dans le monde des morts, tout comme un mort ne peut pas prendre sa forme d'Obscuras dans le monde des vivants.

Je restai interdite.

- Tu peux aller dans le monde des vivants ? me surpris-je.

- Tout comme toi, je peux y aller avec l'aide d'un Yama, mais je ne peux y rester que dans un temps limité.

J'écarquillai les yeux de surprise. La vie après la mort m'était désormais moins abstraite, mais me paraissait toujours autant énigmatique.

- Donc toi, maman et papa, vous pouvez venir me rendre visite sur Obscuratium si vous en avez l'occasion ? Et Simo, il est aussi ici ?

J'espérai que notre oncle, celui qui m'avait précocement appris à me défendre, était lui aussi dans ce second monde, mais Marin secoua la tête, anéantissant mes espoirs. Il ne possédait donc pas l'une de ces races si précieuses.

- Je te l'ai dit, on ne peut franchir la barrière entre nos deux mondes qu'avec l'aide d'un Yama et, franchement, débarquer sur Obscuratium sèmerait plein de problèmes. Hormis Samaël et les siens, tous ignorent la possibilité de vie après la mort. Mais cette possibilité n'est pas donnée à tout le monde, en mourant, tu ne retrouveras pas tous ceux que tu as aimé lorsque tu atterriras ici.

Ce constat me noua la gorge. J'étais immortelle. J'allais vivre pour l'éternité. Mais les vivants auquel je m'attachais ne me rejoindraient pas dans ce monde. J'allais devoir passer l'éternité sans eux. Une éternité sans Kalidas. J'eus soudain l'estomac retourné. L'immortalité était autant un cadeau qu'un poison.

- J'ai d'ailleurs rencontré une amie à toi ici, récemment, m'apprit subitement Marin, elle voulait me rejoindre aujourd'hui pour te voir et te parler, mais j'ai jugé que les infos seraient trop importantes à digérer si tu venais à débarquer ici pour retrouver deux personnes que tu pensais perdue à jamais. Elle nous rejoindra avant que tu ne partes.

Mon cœur se mit à battre la chamade.

- Qui ? balbutiai-je.

- Une certaine Alisa.

J'en perdis mes mots. Alisa était en vie. Enfin, en quelque sorte. Elle n'était pas morte définitivement. Certaines personnes que j'avais aimé puis perdue étaient toujours là. Je pouvais les retrouver. Les revoir.

- Elle est ici... balbutiai-je, n'en revenant pas.

- La descendante d'Astéria ne pouvait pas s'évaporer de notre monde aussi facilement, s'amusa Marin. Alisa est une Ashglow. Elle a d'ailleurs rapidement compris comment maîtriser sa transformation, c'était impressionnant. Elle se donne vraiment à fond dans ce qu'elle entreprend, puis, cela fait du bien de voir de nouveaux visages, ils se font de plus en plus rares.

- Tu as passé du temps avec elle ? compris-je.

Marin acquiesça.

- Même si je ne suis plus dans le monde des vivants, ici j'ai la capacité de savoir ce qu'il se passe de l'autre côté. Je savais que tu étais proche d'elle et lorsque le ciel a sonné l'arrivée d'un nouveau membre, je me suis senti le devoir de l'accueillir dans notre monde. Je ne n'allais pas la laisser débarquer, sans personne pour l'accueillir et tout lui expliquer. Tu sais Eudy, ce n'est pas parce que je ne suis plus auprès de toi que je ne veille pas sur toi.

Ma gorge se noua. J'avais les mains tremblantes. Trop d'émotions se bousculaient en moi sans que je ne puisse parvenir à les exprimer. Je lui étais tant reconnaissante. J'étais si heureuse de le retrouver.

- Tu peux te tenir à jour sur tout ce qui se passe sur Obscuratium ? rebondis-je.

- C'est ce que j'ai dit, mais je te coupe tout de suite, ce n'est pas parce que je connais tous ce qui se trame que je peux tout révéler et faire tourner les choses en votre faveur. Si un mort s'immisce trop dans les affaires des vivants, cela peut engendrer des dégâts catastrophiques.

- Tu ne peux même pas m'aider à mettre fin au règne de Samaël ? me frustrai-je.

- Je t'aide à avoir les clefs en main pour tout comprendre, mais je ne peux te donner ses plans. Maintenant que tu sais ce que représente réellement ta race, tu peux trouver par toi-même les réponses à tes questions.

Je fronçai les sourcils. Il avait raison, j'avais toutes les pièces du puzzle, il suffisait de les assembler. L'histoire que m'avait fait découvrir Rox sur les Phénix me revint en mémoire. Dedans, on décrivait les Darknils qui éteignait le feu de l'oiseau. Cette histoire était réelle et tout prenait sens.

Les Darknils étaient responsables de la disparition de la race des Phénix. Ils en avaient après leur immortalité. Essayaient-ils de se l'approprier ? Quel était l'importance des yeux dorés dans toute cette histoire ? Il y avait encore de nombreuses questions en suspens malgré tout.

- Tu ferais mieux de ne pas t'attarder trop longtemps ici, m'intima Marin, ce monde n'a pas la même notion de temps que dans celui des vivants. Les minutes s'écoulent bien plus vite. Même si tu as l'impression d'être ici depuis une heure, en réalité, tu y as passé toute ta fin de journée et même ta nuit.

Surprise, je lançai un regard en direction de Mahina, elle devait s'impatienter. Je vis l'Animalis dos contre le roc, dormir paisiblement. Finalement, elle avait l'air de n'en avoir rien à faire. C'était pourtant elle qui nous avait demandé de ne pas prendre tout notre temps.

- Comment est-ce que tu as pu rencontrer ce serpent et t'en faire une amie ? demandai-je à mon frère.

- Je l'ai rencontré ici même, m'expliqua-t-il. Elle déambulait dans les lieux, restait pendant des jours, errait ci et là. Elle a fini par m'intriguer et je suis venu la voir. Elle n'avait encore jamais rencontré personne, je lui ai fait découvrir les envers du décor de l'après mort.

- Elle déambulait seule ici durant des jours ? Elle est vraiment perchée.

Marin me fusilla du regard.

- Je vois que tu n'as toujours pas perdu tes mauvaises habitudes, constata-t-il. Tu juges toujours tout le monde sans chercher à découvrir ce qu'il se cache sous les masques.

Je me renfrognai à sa remarque. L'envie de répliquer me brûlait les lèvres, mais je savais que Marin était tout aussi entêté que moi et je ne voulais pas déclencher une dispute pour seul plaisir d'avoir le dernier mot.

- Lorsque j'ai rencontré Mahina, elle n'avait que dix ans, reprit Marin, désireux de changer mon point de vue sur son amie. Elle avait déjà vécu de nombreuses atrocités, ce lieu était son unique refuge. Toi, tu fuyais le drame qui s'est abattu sur notre famille en te créant une routine à travers tes illusions, Mahina, elle, fuyait son drame en venant ici. Tout comme toi, elle se créait une autre réalité. Elle s'échappait du monde des vivants, avec la sensation de pouvoir arrêter le temps et se couper de tout ce qui la faisait souffrir. Tu la juges facilement sans même la connaître, mais la réalité, c'est que vous vous ressemblez beaucoup.

Je serrai les poings, refusant de lui donner raison. Je n'aimais pas qu'on expose mes torts aussi ouvertement, surtout quand c'était avec raison.

- On ne se ressemble pas, me butai-je. Ce n'est pas parce qu'on a toutes les deux vécues un drame que cela nous crée des points communs.

Marin soupira.

- T'es vraiment chiante, grogna-t-il. Je ne te parle pas seulement d'un drame, mais d'un même drame et d'une même manière d'y échapper. Elle a perdu tous ceux auquel elle tenait d'un coup, lors de la même journée. Elle est la seule rescapée. Si elle a pu en réchapper, c'est grâce à ses pouvoirs de Yama qui lui ont permis de quitter les lieux.

Marin jeta un regard à Mahina, veillant à ce qu'elle dorme toujours, avant de poursuivre.

- Les siens ont été assassinés, embarqués dans des conflits entre deux parties à leur dépend. Parce qu'ils ont refusé de choisir un camp, de se battre pour une idéologie. Tout ce qu'ils voulaient, c'était vivre leur vie paisiblement. Mahina s'est retrouvée seule dans un monde connu pour être chaotique. Lorsqu'elle rencontrait quelqu'un de bienveillant, prêt à lui offrir son aide, qu'elle s'attachait de nouveau, elle le perdait une nouvelle fois, embarqué dans une guerre, simple dommage collatéral.

Marin baissa les yeux au sol, mal à l'aise.

- Mahina a alors refusé de s'attacher à quiconque. Elle voulait suivre sa propre voie sans plus personne à ses côtés, tout en se tenant loin de toutes les idéologies et les combats autour d'elle qui avaient d'une manière ou d'une autre ôté la vie à ceux auquel elle tenait. Pour elle, son monde ne se résumait qu'à la mort. Et c'est pour ça qu'elle errait dans les lieux. Parce qu'elle avait la sensation de n'avoir hérité que de la mort et la solitude, tout comme elle avait hérité d'un pouvoir permettant de voyager dans le monde des morts où régnait un affreux climat de solitude. Et je sais que si elle s'est attachée à moi, c'est parce qu'elle n'a aucune crainte de me perdre un jour.

Marin riva désormais son regard droit dans le mien. Je ne savais plus comment réagir.

- Malgré qu'elle ait connaissance de la vie après la mort, Mahina est la seule personne que je connaisse à être contente de ne pas posséder l'une des deux races. Hormis moi, elle n'a personne à retrouver ici et n'accepterait pas l'idée de vivre avec le manque qu'a créé la perte de ceux auquel elle tenait. Elle voit la mort qui la cueillera un jour comme un cadeau. Comme la fin de ses souffrances.

Il pencha la tête, me sondant d'un regard ardent.

- Maintenant que tu sais tout cela, ose me dire que vous ne vous ressemblez pas, lâcha-t-il. Ose me dire que son attitude est incompréhensible et qu'elle reste à tes yeux une fille complétement perchée !

Je serrai les poings, n'aimant pas la situation dans laquelle je me trouvais. Marin avait muri, malgré son âge stagnant. Et je n'aimais pas qu'il me remette à ma place de la sorte.

- Oui bon c'est bon, t'as raison ok ? m'agaçai-je. Mais je ne suis pas sûre que ta pote soit ravie que tu déballes toute sa vie aussi promptement.

- Crois-moi, elle n'en a rien à faire, ricana Marin, alors cesse de vouloir retourner la situation pour échapper à ta position délicate et assume tes torts.

Je le foudroyai des yeux. Marin m'envoya un regard satisfait. Il avait gagné et je détestais ça.

- Vous avez fini ? nous héla Mahina qui venait de se réveiller.

Elle s'étira de tout son long, faisant craquer quelques os au passage.

- Oui, vous feriez mieux de ne plus trop tarder, nous conseilla Marin. Alisa ne devrait pas tarder à débarquer, elle tenait trop à te revoir, me lança-t-il.

A peine eut-il prononcé ces mots qu'un cri d'oiseau résonna dans les lieux. Je levai les yeux au ciel et vis un oiseau y apparaître.

L'oiseau était d'un noir profond encerclé de flammes bleues où jaillissaient des éclairs qui fendait l'air autour de lui. J'en restai béat.

L'oiseau se dirigea vers le sol, se métamorphosant en Obscuras. Alisa se matérialisa face à moi, et sans me laisser le temps de réagir, me sauta dans les bras. Je subis l'étreinte, sans savoir quoi faire de mes mains. Je finis par lui rendre la pareille.

- T'as vu, c'est trop bien, je suis un oiseau ! cria-t-elle à mon oreille, me perçant les tympans.

Elle recula de quelques pas pour me contempler de haut en bas.

- Ton nouveau look est à tomber, je suis triste d'être partie avant que tu reprennes ton physique d'origine. La métamorphose devait être stylée !

Je levai les yeux au ciel. Elle n'avait pas changé. Et elle parlait de sa mort avec une aisance stupéfiante. Je n'étais pas aussi à l'aise qu'elle avec ce sujet. Alisa pointa son doigt en ma direction, les yeux brillant d'une lueur que je ne lui connaissais pas.

- Si tu revois ce Samaël, éclate-lui bien la tronche de ma part, cingla-t-elle. Un bain de lave, ce n'est franchement pas agréable.

Je haussai un sourcil.

- Tu devras attendre pour ta vengeance, fis-je remarquer, je ne sais pas comment le battre, ni même où il se cache.

- C'est frustrant. Désormais, je sais tout, moi, gémit-elle.

- Et tu garderas le silence, la prévint Marin, trop interférer dans le monde des vivants peut générer de grands désastres.

Alisa soupira.

- Dommage, grinça-t-elle, les choses seraient tellement plus simples autrement. Mais bon, je peux peut-être te donner une piste sur le repaire de Samaël, i...

- Alisa ! la rabroua Marin.

- Mais je n'interfère rien, protesta-t-elle, elle connait déjà la réponse, c'est juste qu'elle n'en a pas conscience.

Je la contemplai, confuse. Je savais où se trouvait Samaël ? J'en doutais fortement. Alisa me lança un regard brûlant.

- Souviens-toi, insista-t-elle. Souviens-toi du serpent ! Il se mord la queue. Souviens-toi, les eaux troubles.

J'étais complétement perdue. Qu'essayait-elle de me dire. Alisa intercepta mon regard perdu.

- N'oublie pas les paroles d'un fou, reprit-elle. Il n'était pas fait pour être un serpent. Cela lui rong...

Marin lui plaqua sa main sur la bouche.

- Stop, c'est amplement suffisant, la rabroua-t-il. On ne doit pas s'immiscer là-dedans.

Je restai silencieuse, réfléchissant aux propos d'Alisa. J'avais un étrange sentiment au fond des entrailles, comme si je retrouvais quelque chose de familier dans ses mots, pourtant, je n'arrivais pas à mettre la main sur le message qu'elle avait voulu me transmettre.

- On part, je vous rappelle que je dois rejoindre Zara, intervint Mahina en faisant apparaître le portail.

L'Animalis me tira le bras pour m'emporter à sa suite.

- Attendez ! nous intercepta Alisa.

Elle me sauta une nouvelle fois dans les bras pour me dire aurevoir. Pris au dépourvu, je ne sus pas comment réagir. Décidément, je n'étais pas douée pour les marques d'affection.

- N'oublie pas mes propos, me chuchota Alisa, c'est important.

Puis, la Banshee recula de quelques pas.

- Je te ferais bien passer un message à Ronan, m'avoua-t-elle, mais il ne sait pas que je vis encore. Mais si un jour il apprenait l'envers du décor, dit lui que je l'aime et que je veillerai toujours sur lui.

J'acquiesçai. Mahina me tira dans le portail sans prévenir et je fus aspirée dans un vortex. 

***

NDA : Hey hey, me voilà assez tard avec le chapitre du weekend !
J'espère qu'il vous a plu ! Il était assez riche en informations.

- Les Ashglows et les Phénix pouvant accéder à l'immortalité, un mot ? Comment trouvez-vous leur définition de l'immortalité ?

- Alisa qui est une Ashglow et qui n'a donc pas définitivement disparu, content.e.s ?

- Eudora qui est immortelle et qui devra vivre l'éternité sans ses proches non immortels, votre avis/réaction ?

- Vous avez compris le charabia d'Alisa ?

Voilà voilà , on se dit à la fois prochaine pour la suite ! Kissy kissy 💙

#Nakijo.

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