13. Identité secrète.
Je me réveillai au son d'une conversation. Battant plusieurs fois des paupières, je ne fis pas attention à la conversation qui se jouait non loin de moi, me remettant peu à peu de mon rêve qui n'en avait pas vraiment été un. Le visage de Kalidas continuait de flotter dans mon esprit et il était probable qu'il ne disparaisse pas de sitôt. Le Rôdeur s'était tatoué dans mes pensées.
- Dit donc, quel beau sourire de si bon matin, commenta Sanjana.
Je sursautai, me rendant compte que je souriais seule comme une idiote depuis mon réveille. Je chassai mon sourire à l'aide d'un masque imperturbable. Lentement, je me redressai, me frottant les yeux. Sanjana s'installa sur l'accoudoir à mon côté et m'ébouriffa les cheveux. Je la repoussai d'un geste brusque.
- Je vois que tu as récupéré des forces, constatai-je.
Sanjana haussa les épaules. Je remarquai alors qu'elle n'était plus du tout blessée. Pas même une égratignure.
- Cassius est revenu à lui, il va beaucoup mieux. Il nous a soigné.
Je regardai autour de moi. Visiblement, j'étais l'une des dernières à me réveiller. Le seul qui dormait encore, c'était Martial, allongé sur le tapis, une petite couverture le recouvrant. Je vis Aleth et Cassius discuter vivement dans un coin de la pièce. C'était donc eux qui m'avaient tirée de mon sommeil.
- Qu'est-ce que j'ai manqué ? demandai-je à Sanjana.
- Rien, Cassius nous a soigné et on a émergé lentement. Le type qui nous héberge ne s'est pas encore repointé depuis hier. Il s'appelle vraiment Hell ?
- Non, mais c'est ainsi que tout le monde l'appel, lui répondis-je. Je n'en sais pas plus, rajoutai-je en voyant son regard interrogatif.
- Ok, maugréa Sanjana, je me demande pourquoi il se cache sous tous ses habits. Je n'aime pas les mystères, ça me donne envie de fouiner pour les percer à jour.
- Evite, soupirai-je, tes tendances intrusives ne sont pas particulièrement sympathiques.
Sanjana leva les yeux au ciel.
- Attends E., j'ai un pouvoir de télépathie, il est normal que je m'en serve à mon avantage, émit-elle dans un sourire.
Je lâchai un soupir exagéré à l'entente de ses propos et reportai mon attention sur ce qui m'entourait. Alisa venait de s'emparer d'un bol de maïs grillés et s'était installée non loin de Martial, avant de s'amuser à le bombarder de maïs alors que le Guerrier dormait encore. Sanjana suivit mon regard.
- Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-elle à la Banshee.
Alisa étouffa un rire.
- Je veux voir si la bouffe est capable de le tirer de son profond sommeil, lâcha-t-elle.
- Oh ! Passe les missiles ! s'enthousiasma la Sirène.
Alisa se mit à rire et lui lança un sachet de maïs. La Sirène en mangea une pincée avant d'en prendre une autre et de les jeter sur la tête du Guerrier. Quelques grains restèrent coincés dans les plumes de sa chevelure. Alisa lui jeta une poignée de maïs à la figure et Martial poussa un grognement dans son sommeil, sans pour autant se réveiller.
- Punaise, il a le sommeil encore plus lourd que Kairos ! commenta Sanjana.
- C'est possible ? renchéris-je.
- Il vient de battre un record, ricana la Sirène.
Martial finit par se réveiller quand un grain lui atterrit dans le nez. Il se redressa d'un geste brusque et éternua. Alisa et Sanjana partirent en fou rire. Le Guerrier se massa la tête, confus, et en décrocha quelques grains de maïs qui y étaient coincés. Il lança un regard aux deux Obscuras mortes de rire avant de comprendre.
- Je veux bien qu'on me réveille avec de la nourriture, mais je préférerais qu'on me la jette dans la bouche, commenta-t-il.
- C'est que ce morfal ne perd jamais le nord, se moqua Rose qui avait assisté à toute la scène.
Martial lâcha un grand sourire avant d'ébouriffer ses plumes pour en faire tomber toutes les graines de maïs. Une fois fait, il se redressa et piqua le sachet de maïs des mains d'Alisa afin d'en manger. Cette dernière poussa un cri de protestation.
Les chahuts et les conversations cessèrent lorsque Hell entra dans la pièce. Voyant le froid qu'il venait de jeter rien qu'à sa venue, il leva les mains en l'air d'un air défensif.
- Désolé, je ne voulais pas casser l'ambiance, lâcha-t-il devant le silence grandissant.
Alisa étouffa un rire qui eut le don d'attirer l'attention de Hell en sa direction.
- Tu es remises sur pied ! s'étonna-t-il.
- Nous avons un Guérisseur parmi nous, expliqua-t-elle, et il est de nouveau opérationnel.
Hell regarda autour de lui jusqu'à trouver Cassius, toujours aux côtés d'Aleth. Il acquiesça et s'appuya sur le mur derrière lui.
- Maintenant que vous semblez avoir repris des forces, je peux savoir ce qui vous est arrivé ? demanda-t-il, son visage braqué en ma direction.
Bien qu'il semblât s'adresser à tout le monde, sa question m'était dirigée. Je soupirai d'un air las. Mais je n'eus pas le temps de répondre, Sanjana me devança.
- T'es qui ? demanda-t-elle.
- Hell.
- Ce n'est pas une réponse, ce n'est même pas ton vrai prénom, riposta-t-elle.
- Et c'est tout ce que tu auras, rétorqua-t-il.
Sanjana croisa les bras d'un air contrarié. Elle semblait doublement plus frustrée, ce qui attisa ma curiosité. Quelque chose ne lui convenait pas et je me demandais bien quoi.
- D'où tu connais Eudora et pourquoi tu l'appelles Evilash ? demanda-t-elle.
- Je l'ai rencontré à la Capitale, ainsi qu'Alisa, et elle s'est présentée sous ce nom.
Des regards se braquèrent en ma direction, mais je les ignorai, continuant de regarder Hell toujours vêtu de ses innombrables habits.
- Tu n'as pas eu peur ? ricana Sanjana. Quelqu'un qui se présente sous l'identité d'Evilash, c'est plutôt inquiétant.
Hell se contenta d'un haussement d'épaule et Sanjana poussa un soupir de frustration. Elle prit une moue boudeuse avant de reporter son attention sur Hell.
- Pourquoi est-ce que je ne peux pas lire dans tes pensées ? s'énerva-t-elle. A chaque fois que j'essaye, j'ai une musique idiote qui résonne dans mes oreilles.
Je coulai un regard à Sanjana, comprenant mieux pourquoi elle était si frustrée depuis l'arrivée de l'Obscuras. Hell éclata de rire.
- Tu es donc une Télépathe, remarqua-t-il.
- Je vais commencer à en douter, maugréa-t-elle, pourquoi entrer dans ta tête est si désagréable ?
- Quand je me trouve entouré de personnes que je ne connais pas et dont j'ignore les sous-races, j'ai tendance à chanter des chansons horribles dans ma tête afin de dissuader toutes éventuelles intrusions, s'amusa-t-il.
Sanjana le regarda de haut en bas, contrariée.
- Génial... grinça-t-elle. Et qu'est-ce que tu as à cacher qui mérite pareille précaution ?
Sa question me piqua au vif. Il devait vraiment vouloir garder un lourd secret pour prendre de telles mesures, la Sirène n'avait pas tort à ce sujet.
- Mon intimité peut-être, répondit-il. Je ne suis pas sûr que tu serais enchantée si quelqu'un venait lire librement tes pensées. Pour ma part, c'est la pire chose qui soit.
- T'as quelque chose à cacher ? se buta la Sirène. Pourquoi tu t'habilles d'une telle manière ?
Sanjana était repartie dans ses questions intrusives, ce qui me provoqua un soupir.
- Ce n'est pas tes affaires, la rabroua-t-il. Si on en revenait à ma question ; je peux savoir ce qu'il vous est arrivé ?
- Ce n'est pas tes affaires, rétorqua Sanjana.
Je lui donnai un coup de coude dans les côtes. Quand elle s'y mettait, elle pouvait être très agaçante...
- La reine a lâché ses cavaliers à nos trousses, répondis-je brièvement.
- Mais pourquoi ?
- La réponse n'est pas évidente ?
- Parce que vous êtes les Obscuras les plus recherchés du royaume ? Si, c'est évident, concéda-t-il. Mais vu les événements qui ont eu lieu, je pensais qu'elle avait d'autres pégases à fouetter que de se lancer à votre poursuite.
- Quels événements ? demanda Alisa en se redressant.
- Les Furies de l'Ombre, ils ont détruit le village de la Fontaine d'Argent. C'était une attaque encore plus atroce que celles d'Evilash.
- Les Furies de l'Ombre ? répéta la Banshee, les yeux écarquillés.
- Un coup de la reine, lui appris-je. Les Furies de l'Ombre se sont les Darknils en réalité.
- Les Dark-quoi ? lâcha à son tour Hell.
Je soupirai bruyamment. On n'était pas sortie de l'auberge...
- Attend... Comment es-tu au courant d'une chose pareille ? s'éberlua Sanjana.
Je haussai les épaules.
- J'ai mes sources, me contentai-je de répondre.
- La reine est impliquée dans ce massacre ? m'interrogea Hell.
J'acquiesçai.
- Et dans la disparition des enfants aux yeux dorés aussi, lui appris-je, ignorant les regards ahuris de mes camarades.
Hell lâcha un rire qui semblait être dû à la colère.
- Pourquoi est-ce que je ne suis même pas surpris ? railla-t-il.
- Parce que ce royaume est pourri et que cette reine est à vomir ? tentai-je.
- S'il n'y avait que cette reine... ricana Hell, mais même celles et ceux avant elle... il n'y en a pas un pour rattraper l'autre.
- Pardon ? s'offusqua Aleth.
Hell se tourna vers elle et la regarda longuement.
- J'imagine que tu es la fille de la reine Junon ? Pardon si mes propos te vexent, mais c'est la réalité.
- Ma mère était quelqu'un de bien ! s'énerva-t-elle.
- Ta mère était une incompétente, lâcha Hell d'un ton sec, indifférente aux souffrances des siens. Elle regardait les villageois mourir sous son nez sans même broncher. La misère de son peuple lui était complétement égale. Tout ce qu'elle savait faire, c'était mener des guerres et condamner à mort les Obscuras qui sortaient des rangs. Ta mère n'a peut-être pas autant de sang sur les mains que la reine Zara, mais elle en a tout de même beaucoup.
- Je t'interdis de parler d'elle d'une telle manière ! s'emporta Aleth. Elle a fait ce qu'elle a pu pour son peuple.
Hell lâcha un rire aigre.
- C'est une petite princesse qui a grandi à l'écart du monde, aveugle des misères et des horreurs qu'il subissait, évoluant dans un palais riche, entourée de verres en cristal, de couverts en diamant et de colliers de saphir qui vient me lâcher pareille sottise ? Tu ne sais pas ce que c'est que de grandir dans la rue, de lutter chaque jour pour sa survie, depuis sa plus tendre enfance. Tu ne sais pas ce que c'est que la famine, la mort, la pauvreté et y être confronté chaque jour jusqu'à ce que tout devienne d'une banalité navrante. Tu n'es qu'une petite princesse gâtée par la vie...
- Ne parle pas à ma sœur de cette manière ! le coupa Cassius d'un ton colérique. Tu es qui pour t'adresser à elle de cette manière ?
Hell soupira.
- Désolé, je ne voulais pas être désagréable, s'excusa-t-il, mais ne me lancez pas sur ce sujet, je ne risque pas d'être de votre avis. J'abhorre tout ce qui est de la royauté.
Hell se décolla lentement du mur et s'avança, son regard se riva sur le maïs renversé partout par terre.
- J'allais vous dire de ne pas hésiter à prendre de quoi manger, mais je vois que c'est déjà fait, remarqua-t-il. Vous serez gentils de faire le ménage.
Sur ces dernières paroles, Hell repartit hors de la pièce.
Alisa et Sanjana, elles, se redressèrent pour ramasser le chantier qu'elles avaient causé avec les grains de maïs. Après avoir fait un petit tas, la Banshee se gratta la tête.
- Je vais demander à Hell de quoi ramasser tous ces trucs, proposa-t-elle.
Alisa s'avança vers moi et sans que je ne m'y attende, me tira le bras pour que je la suive. Je poussai un cri.
- Viens avec moi, se justifia-t-elle, je ne veux pas me balader toute seule dans une maison que je ne connais pas.
Je me débattis pour qu'elle me lâche, ne voulant absolument pas l'accompagner. La Banshee me lança un regard lourd de sens et je compris qu'elle avait une autre idée en tête. Soupirant, je finis par la suivre docilement.
Alisa ouvrit la porte qui menait dans un petit couloir, là où avait disparu Hell. Refermant la porte derrière elle, elle se tourna vers moi.
- Tu te souviens de la bataille dans le château ? me demanda-t-elle dans un chuchotement. Je sais que nous sommes entrées en symbiose comme lorsque nous nous trouvions dans le Sundry, mais tout est vraiment flou.
Je fronçai les sourcils.
- Tu ne te souviens plus de la bataille ? m'étonnai-je.
Alisa me lança un regard embêté.
- Non, pas vraiment. J'ai de vagues souvenirs, mais par moment, j'ai l'impression que ce ne sont même pas les miens.
Je restai interdite à cette remarque. Alisa, lors de la fuite hors du château alors que nous étions rentrées en symbiose, n'avait plus semblait être elle-même, comme si elle était habitée. Était-ce seulement une impression ?
- Tu étais vraiment bizarre lors de la bataille, lui appris-je. Tu étais méconnaissable. Nous avons d'ailleurs réussi à communiquer par la pensée lors de notre symbiose.
Alisa écarquilla les yeux de surprise.
- On a communiqué par la pensée ? s'effara-t-elle.
- Tu ne t'en souviens pas ?
- Absolument pas... C'est bizarre, marmonna-t-elle.
Je haussai les épaules.
- C'est clair, mais tout dans ce royaume est bizarre. Ce n'est qu'un mystère de plus, soufflai-je, lassée par toutes ces interrogations à rallonge.
Alisa semblait soucieuse. Elle finit par secouer la tête, chassant les pensées qui lui trottaient dans la tête.
- Bon, allons demander à Hell de quoi ramasser notre bazar, finit-elle par se résigner avant de me tirer à sa suite, ignorant mes protestations.
Le couloir n'était pas très grand, on arriva face à deux portes. La Banshee toqua à la première, tentant sa chance.
- Hell ? appela-t-elle.
Alisa actionna la poignée, la porte s'ouvrit. Elle me tira à l'intérieur. On s'arrêta lorsqu'on vit Hell, devant un évier, le visage baissé vers ce dernier. Il ne nous avait pas entendu. Il semblait être perdu dans ses pensées et accrochait le rebord de l'évier comme si sa vie en dépendait.
- Hell, quelque chose ne va pas ? s'inquiéta alors la Banshee face à la posture de l'Obscuras.
Ce dernier sursauta à l'entente de sa voix et d'un geste paniqué, attrapa une serviette à son côté pour recouvrir sa tête.
Je remarquai alors qu'il ne portait ni son foulard, ni ses lunettes, ni sa chapka. Ils étaient tous les trois posés sur un meuble.
- Qu'est-ce que vous faites ici ? nous demanda-t-il sans se retourner.
Sa voix était moins assurée qu'habituellement.
- On... on voulait quelques choses pour ramasser les grains de maïs qu'on avait renversé, expliqua Alisa.
Elle semblait intriguée par l'étrange comportement de Hell, mais n'émit pas la moindre question. Il était évident que ce dernier était extrêmement mal à l'aise d'avoir été vu ainsi. Il n'attendait qu'une chose, c'est que l'on parte.
- Je viendrai vous apporter de quoi, lâcha-t-il d'une voix tendue, restant de dos.
- Merci et désolée de t'avoir dérangé, répondit la Banshee, mal à l'aise de l'avoir incommodé dans un moment où il se sentait vulnérable.
La Banshee recula et me fit signe de la suivre tandis qu'on sortait de la pièce. Alisa s'apprêta à refermer la porte derrière elle quand Hell la retint :
- Attend, l'arrêta-t-il.
La Banshee se figea, la porte entrebâillée.
- Oui ? demanda-t-elle timidement.
- Tu as bien le pouvoir du feu ?
- Oui, pourquoi ?
- Tu ne pourrais pas brûler ça ? demanda Hell en désignant un panier en osier dont le contenu était imperceptible.
Interloquée, Alisa rentra dans la pièce. Je refermai la porte derrière nous avant de m'appuyer dessus tandis que la Banshee s'approchait.
- Euh... ok, marmonna-t-elle une fois face au panier.
Elle ne posa pas de questions et fit apparaitre une flamme de la taille de sa paume avant de la jeter sur le panier. En peu de temps, il flamba. Alisa contrôla les flammes pour éviter de créer un incendie.
La pièce, jusqu'ici partiellement sombre, fut éclairée par le feu de la Banshee. Je vis alors un miroir accroché au mur, qui jusqu'ici, était passé inaperçu. Le visage de Hell se refléta dans le miroir et j'écarquillai les yeux de surprise.
Croisant mon regard, Hell paniqua et s'écarta brutalement, cachant son reflet. Il renversa l'étagère à son côté sous son geste brusque. J'ouvris la bouche puis la referma, comprenant qu'il n'était pas judicieux de poser des questions sur ce que j'avais vu.
Alertée par les bruits et la panique de Hell, Alisa se tourna vers nous, stupéfaite par sa réaction. Hell était de nouveau de dos et réajustait sa serviette sur sa tête.
On resta tous trois plongés dans un grand silence pendant de longues minutes. Le feu qu'avait allumé Alisa finit par s'éteindre de lui-même, ramenant un peu plus d'obscurité dans la pièce.
- Je t'en prie, ne raconte rien à personne, finit par me supplier Hell.
Mon cœur rata un battement.
- Raconter quoi ? demandai-je. Je ne suis même pas sûre de bien comprendre.
Alisa nous regardait tour à tour, perdue. J'étais tout aussi perdue qu'elle. Perdue à cause de ce que j'avais vu. A cause de la réaction de Hell. Ce dernier poussa un juron à peine audible et enfonça son poing dans le mur face à lui.
- Ne dit rien, se contenta-t-il de répondre.
- Je n'ai de toute façon rien à dire, répondis-je, je ne comprends même pas tout ce que cela signifie.
Hell sembla confus.
- Mais... Tu as vu mes yeux, non ? Tu as vu mon physique ? Et ce qu'il cachait ?
Je serrai les lèvres.
- Oui.
- Pourquoi est-ce que tu ne réagis pas plus ? s'étonna-t-il.
- J'ai grandi sur Terre, avouai-je, je ne suis pas à jour sur ce royaume. Je ne sais pas de quelle race fait partie ceux possédant tes yeux. Pour ce qui est de ton physique, j'en ai vu tellement de toute sorte depuis ma venue, divergeant de ce que j'avais l'habitude de voir sur Terre, que je ne sais même pas quel physique est normal et quel physique ne l'est pas. Pour ce qui est du dernier point... c'est vrai que je me pose question, mais au fond ce ne sont pas mes affaires, alors je m'en fiche.
- Je ne te fais pas peur ? s'étonna une nouvelle fois Hell, n'en revenant pas de mes propos.
- Je devrais avoir peur ?
- Habituellement, les gens ont peur de moi lorsqu'ils voient ma véritable apparence... soupira-t-il. Mais toi, tu prétends venir de la Terre... releva-t-il alors. Je pensais que ton allure de Terrienne était un autre camouflage, tout comme ta large capuche que tu portais la fois où nous nous sommes rencontrés.
- Ce n'est pas ma véritable apparence, lui appris-je, m'étonnant moi-même.
- Comment as-tu fait pour changer d'apparence ? m'interrogea-t-il, fortement intéressé par la réponse.
- Ma mère avait comme pouvoir individuel de changer le physique d'autrui selon l'envie de ce dernier.
- Quelle chance... soupira Hell.
- Circé a un pouvoir similaire, fis-je alors remarquer, si tu la rencontrais, elle accepterait peut-être de modifier ton aspect s'il te dérange autant.
- Le pouvoir de Circé n'est que temporaire, Eudora, m'apprit Alisa. Avec le temps, tu finis par reprendre ta forme originelle.
- De toute façon, ce genre de pouvoir ne marche pas sur moi, répliqua Hell. Mon corps le rejette.
J'affichai un air surpris. Il n'était pas aidé...
- Tu ne connais vraiment pas la race associée à mes yeux ? me questionna Hell, toujours aussi tendu.
- Je te l'ai dit, je ne viens pas d'ici. C'est la première fois que je vois des yeux comme les tiens alors non, je n'en ai aucune idée.
Les épaules d'Hell se détendirent légèrement.
- Tu fais partie des races dites inférieures, comprit Alisa.
Hell se crispa et n'émit pas la moindre réponse. Comprenant qu'elle venait de faire une gaffe, Alisa porta une main à sa bouche.
- Désolée, s'excusa-t-elle, je ne voulais pas te mettre mal à l'aise.
Contre toute attente, Hell se mit à rire.
- Aucun problème, venant de toi, ces termes ne me dérangent pas.
Alisa parut stupéfaite.
- Ah, fut la seule chose qu'elle réussit à lâcher.
- Tu fais partie de ces races, se justifia Hell, alors je serais étonné d'apprendre que tu as des préjugés à leur encontre.
- Je déteste les préjugés, je n'en ai pour aucune race si cette idée peut te rassurer.
- Je fais partie du trio gris, tout comme toi, finit par l'informer Hell.
Je fronçai les sourcils. Le trio gris ? Les yeux d'Alisa s'illuminèrent.
- Vraiment ? s'écria-t-elle. Dans ce cas, tu n'as aucune inquiétude à avoir, je ne risque pas de te le reprocher. Je sais très bien ce que cela fait d'être jugé à cause d'un tel pouvoir.
Hell semblait désormais plus détendu. Il était un peu rassuré.
- Qu'est-ce que c'est que le trio gris ? demandai-je, ne supportant pas d'écouter une conversation sans en comprendre le réel sens.
Hell se figea et expira lentement, une main posée sur la serviette qui lui recouvrait la tête. Alisa ne répondit rien, le regard rivé sur Hell.
- Le trio gris, commença Hell dans un murmure, ce sont les trois races aux yeux gris. Elles font parties des races les plus méprisées du royaume.
Je restai silencieuse quelques instants, avalant les informations qu'il venait de me livrer. Puis, un détail m'effleura l'esprit.
- Ciara, la petite aux yeux vairons, remarquai-je, elle fait partie de ce trio.
Alisa acquiesça.
- Les yeux argentés sont ceux des Yamas.
Je restai interdite face à ce terme inconnu, avant de me rendre compte qu'il ne m'était pas si inconnu. Cassius en avait déjà fait mention. Il m'en avait parlé lorsqu'il m'avait appris que la mort était définitive, qu'une fois que l'on mourrait, il n'y avait pas de vie après. On disparaissait, comme si nous n'avions jamais existé. Cette information avait été découverte grâce aux Yamas, cette race qui pouvait voyager dans le haut-de-là et qui avait alors découvert qu'il ne s'agissait que d'une terre grise où la vie y était impossible.
Un déclic se fit alors dans mon esprit. Les Yamas et les Banshee, en dehors de leurs yeux à la nuance de gris, avait un autre point commun ; un rapport avec la mort. Je ne pus m'empêcher de poser la question qui me brûlait les lèvres.
- Les races du trio gris ont tous un rapport avec la mort ?
Hell se crispa, plus tendu que jamais. Alisa écarquilla les yeux, visiblement surpris que j'ai compris seule de quoi il en retournait. Car vu leur réaction, j'étais désormais sûre de ne pas m'être trompée.
Hell finit par lâcher un rire désabusé.
- Au point où on en est, autant que tu le saches, grinça-t-il. Le trio gris est aussi appelé le triangle de la mort. Il regroupe les trois races aux yeux gris qui y ont un lien étroit. Le premier peut prédire la mort, le second la causer et le troisième, voir de l'autre côté.
Les yeux d'Hell, les yeux chrome, semblable au métal, étaient donc ceux pouvant causer la mort. Même en sachant une telle chose, je n'étais pas effrayée par l'individu face à moi. Il était évident que s'il avait voulu nous tuer, il l'aurait déjà fait.
- C'est quoi le nom de ta race ? demandai-je, me doutant qu'à ce stade, ce n'était plus qu'un détail infime de son lourd secret.
- Je suis une Faucheuse, je peux sortir une faux et couper ta ligne de vie que je peux percevoir au-dessus de ta tête, dès lors, tu meurs instantanément, m'apprit-il d'une voix dure, s'attendant déjà à me voir reculer.
Je haussai un sourcil, nullement impressionnée. Ce monde semblait regorger d'éléments atypiques, j'étais convaincue que j'étais loin d'être au bout de mes découvertes.
Voyant que je ne réagissais toujours pas, Hell finit par rire.
- Rien ne t'effraie ? s'étonna-t-il.
- Je ne vois pas pourquoi je devrais avoir peur de qui que soit, grinçai-je. Si tu voulais notre mort, tu ne nous aurais pas sauvé des cavaliers, fis-je remarquer. Alors je n'en ai rien à faire que ton pouvoir consiste à tuer et même si tu m'apprenais que tu l'avais déjà fait, j'en suis complétement indifférente. Ce n'est pas comme si Evilash n'avait pas de sang sur les mains.
- Tu es aberrante, ricana-t-il.
Je haussai les épaules. Hell soupira et se tourna vers nous, dévoilant son physique à Alisa. Cette dernière écarquilla les yeux de surprise mais n'eut aucun mouvement de recul.
- Tu es une fille ? s'étonna-t-elle.
Hell ferma les yeux, attristé.
Je le contemplai, sans broncher. Hell avait un physique plutôt atypique, représentant bien son pouvoir de mort et pouvant en effrayer plus d'un. Il avait la peau d'un noir profond, de long fil noir en guise de cheveux et sa mâchoire n'était autre que les ossements blancs de la mâchoire du squelette humain. Les traits d'Hell étaient féminins. Sous ses longs cils noirs se cachait des yeux chrome.
J'étais perplexe, ne sachant plus si j'avais affaire à un garçon ou une fille. Sa voix était celle d'un homme, son apparence celle d'une femme.
- Je suis né dans le corps d'une fille, j'ai l'apparence d'une fille, mais je ne me sens pas comme tel, expliqua-t-il, répondant à Alisa. L'un de mes pouvoirs individuels est de pouvoir modifier ma voix pour prendre le timbre que je veux, ce qui m'est fort utile. Je suis né dans un corps de fille, mais je n'en suis pas une. Je me sens garçon et c'est ainsi que je me définis. Mais c'est une chose que mon entourage avait du mal à comprendre. Ils croyaient à tort que je faisais des miennes, que j'ai choisis mon sexe par simple plaisir, pour me faire remarquer. Pourtant, c'est une chose qui ne se choisit pas, mais se ressent. Je ne suis pas né dans le bon corps.
Hell soupira, retirant définitivement la serviette de ses cheveux de fils noirs.
- Ma mère m'a attribué un nom féminin, continua-t-il, elle avait toujours rêvé d'avoir une fille. En grandissant, mon entourage m'a cependant donné le surnom d'Hell à cause de mon physique effrayant et de mes pouvoirs qui, selon eux, sortaient tout droit des enfers. Ironie du sort, je me retrouvais davantage dans ce surnom qui ne définissait pas mon genre que dans le prénom que m'avait choisi ma mère à ma naissance. Héléna. J'exècre ce prénom.
Hell se dirigea vers le meuble où reposait son foulard ainsi que ses lunettes et sa chapka et s'en empara.
- Je vous jure que vous avez intérêt à parler de ça à personne, nous lança-t-il d'un ton sec.
Je soupirai.
- Si tu ne l'avais toujours pas compris, je m'en fiche que tu sois une fille ou un garçon, que ta race soit en rapport avec la mort ou je ne sais quoi d'autre encore. Je n'ai rien à gagner à ébruiter un truc pareil.
Hell me lança un regard hésitant. Visiblement, il se demandait s'il devait me croire. Puis, sans un mot, il enfila son foulard, ses lunettes et sa chapka et se dirigea vers la porte. Je m'écartai pour le laisser passer et l'Obscuras sortie de la pièce, claquant la porte derrière lui.
***
NDA : Hey Hey ! Voici le chapitre suivant où on découvre le personnage de Hell !
- Hell qui est une Faucheuse et peut tuer les autres avec une simplicité enfantine, flippant comme race ? Vous aimez ?
- Hell et ses secrets révélés, votre réaction ?
Je n'ai que deux questions pour cette fois-ci 🤔 n'hésitez pas à y répondre surtout et on se dit à la fois prochaine ! Kissy kissy 💙
#Nakijo.
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