11. Sortir les crocs.

On fuyait hors du château, Rose avait pris les devants. Aleth portait Alisa, toujours inconsciente, perdant beaucoup de sang. Cassius avait lui aussi été gravement blessé et bien qu'il eût tenté de faire bonne figure, il avait fini par s'écrouler. Martial avait dû le porter, pour que l'on puisse continuer notre fuite. Sanjana qui avait un peu plus tôt volée contre une vitre qui avait explosé sous son poids, était, elle aussi, mal en point, mais elle tenait le coup.

On continuait de fuir, sachant pertinemment que les cavaliers ne nous laisseraient pas partir aussi facilement. Ils allaient nous traquer, nous poursuivre, et j'espérais qu'on aurait suffisamment de force pour les repousser. Je me sentais vide d'énergie, épuisée, pourtant ma volonté de s'en sortir m'enflammait de l'intérieur.

Martial lança un coup d'œil en arrière avant de nous regarder en serrant les lèvres.

- Ils arrivent, et ils sont bien plus rapides que nous. Ils sont à pégases.

Je serrai les poings. On avait beau courir, fuir depuis presque une heure, il semblait impossible de leur échapper. Le château avait disparu de notre champ de vision. Nous étions en pleine végétation, courant dans les hautes herbes, entourés de buissons atypiques. Je ne savais absolument pas où on se trouvait. Mais les cavaliers n'avaient eu aucun mal à nous retrouver.

- Empruntons les boisements, proposa Rose, les pégases auront plus de mal à galoper à travers les arbres.

On obtempéra. J'avais la cage thoracique en feu, mais il fallait poursuivre. On n'avait pas le choix. C'était soit fuir, soit se faire prendre.

Malheureusement, le boisement n'était pas très grand et on arriva bien vite en terrain découvert. On ne prit pas le temps de s'arrêter, de se questionner sur le chemin à emprunter, nous n'avions pas ce loisir. On continua notre course dans des herbes humides, vaseuses. Mon pied s'enfonça dans la vase et je manquai tomber. Maève eut le réflexe de me rattraper avant que je ne chute.

J'étais impressionnée par elle. Maève avait débarqué il n'y avait pas si longtemps et elle avait déjà enduré pas mal de choses. Mais elle ne bronchait pas. Même là, alors que nos vies étaient en jeu, elle ne disait rien, ne paniquait pas. Elle fuyait avec nous, ne se plaignait pas de la fatigue. Elle courrait moins vite que nous, mais réussissait à garder le rythme.

On arriva devant une prairie marécageuse et Martial s'arrêta net. Il manqua en faire tomber Cassius qu'il tenait toujours entre ses bras. Son regard s'était figé et il avait pâli.

- Martial ? l'appela Rose, se rendant compte de l'arrêt subit de son petit ami.

On s'arrêta tous, ne pouvant pas laisser le Guerrier derrière nous. Ce n'était pourtant pas le moment de cesser de fuir... On n'avait pas une minute à perdre. Mais Martial ne réagit pas. Il n'était pas dans son état habituel. Rose s'avança et ses yeux s'illuminèrent, elle sembla comprendre ce qu'il se passait.

L'Obscuras s'avança vers le Guerrier.

- Je peux porter Cassius, prendre la relève, si tu veux, lui proposa-t-elle en effleurant le bras du Guerrier du bout des doigts.

Rose semblait être la seule à comprendre la réaction de Martial. Ce dernier cligna vivement des yeux, revenant dans l'instant présent. Rose s'empara de Cassius, et malgré la forte carrure de ce dernier, elle ne sembla pas éprouver de difficulté à le porter.

Elle intima au Guerrier de la suivre. Il fallait que l'on reprenne notre fuite. C'était impératif. On entendit un bruit de galop derrière nous et se retournant d'un geste vif, on vit des pégases apparaître dans le lointain. Les cavaliers arrivaient.

- Il faut qu'on se tire, s'étrangla Aleth voulant reprendre sa course.

Le regard de Martial se durcit.

- Partez, je vais les retenir, lâcha-t-il.

Mon sang se glaça dans mes veines.

- Tu plaisantes ! s'écria Rose.

- Hors de question, renchéris-je, on n'est pas venue vous sauver pour que l'un de vous se sacrifie de la sorte.

Martial laissa échapper un tressaillement de surprise, mais resta campé sur ses positions.

- On n'a pas le temps d'en discuter, reprit-il, je reste. Vous, fuyez avant qu'il ne soit trop tard. Si je le peux, je vous rejoindrai. Allez vers les terres des Centaures, avec un peu de chance, les cavaliers n'oseront pas s'en approcher par peur de représailles.

Je restai immobile, n'en revenant pas de la proposition du Guerrier. Il voulait qu'on le laisse là, à la merci des cavaliers ?

- Martial, c'est hors de question, s'entêta Rose.

- S'il-te-plait, Rose, la supplia Martial. Partez. Autrement, on ne s'en sortira jamais. Va mettre Cassius en sécurité. Va mettre tout le monde en sécurité.

Rose ouvrit la bouche pour protester, mais la referma aussitôt, les cavaliers ne faisaient que se rapprocher, chaque seconde était précieuse.

- Je reviendrai te chercher, finit-elle par lâcher.

Rose nous fit signe de la suivre, hésitant, on finit par se laisser emporter par l'urgence de la situation. L'Obscuras aux cheveux de fleurs nous guida dans ce qui devait être les terres des Centaures. J'entendais les bruits de cavalcade des pégases derrière nous. Pourquoi mon ventre était autant noué ? Pourquoi mon cœur paniquait ?

Je réalisai que j'avais peur pour Martial. J'avais beau râler lorsqu'il se pointait, faire mine qu'il m'énervait, au fond, je l'appréciais. Je n'aimais pas me l'admettre.

Me laissant dépasser par les autres fugitifs, je m'arrêtai. On ne tarda pas à remarquer mon arrêt.

- Qu'est-ce que tu fais E. ? Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi ! s'inquiéta Sanjana.

Mon cœur battait la chamade. Je serrai les poings. Il m'était inconcevable de fuir dans ces conditions.

J'avais grandi en perdant tous les êtres que j'avais aimé. J'avais grandi seule, sans attaches, car on me les avait violemment retirées. Je n'avais alors plus jamais voulu m'attacher. Et maintenant que de nouvelles personnes entraient dans ma vie, que je me voyais me lier de nouveau à des êtres vivants, on comptait me les arracher également ? Il en était hors de question. Cette fois-ci, j'allais répliquer. Je ne voulais plus perdre personne, plus laisser personne derrière moi, sans broncher.

Je me retournai, mais Sanjana me saisit le bras, secouant la tête. Elle avait lu dans mes pensées et refusait que j'applique l'idée que j'avais en tête.

- E., c'est suicidaire, protesta-t-elle, il faut qu'on se mette en sécurité.

Je serrai les poings. C'était suicidaire de se jeter dans la mêlée, je le savais parfaitement, mais je ne pouvais pas rester les bras croisés. Je rebroussai chemin. Sanjana me retint plus fermement, bien décidée à m'empêcher de me mettre en danger.

- Ecoute San, c'est de ma faute si on en est venu à un tel point, m'emportai-je, c'est moi qui ai provoqué Evilash, c'est à cause de moi que tout a dérapé, qu'elle a fait en sorte que nous soyez dans une telle merde. Je ne fais que réparer mes erreurs.

- Tu ne vas rien réparer du tout, tu vas te faire tuer ! riposta la Sirène.

- Partez devant, je vais chercher Martial et on vous rejoint, m'entêtai-je.

- Si tu restes, je reste, se buta la Sirène.

- Tu es blessée, tu tiens à peine debout, lui fis-je remarquer. Ne complique pas les choses.

- C'est toi qui compliques tout ! s'étrangla-t-elle. Tu n'arrêtes pas de te mettre en danger à croire que ta propre survie t'indiffère !

J'inspirai lentement.

- La survie de ceux qui me sont cher importe plus que la mienne, finis-je par avouer. Mettez-vous en lieux sûr, je vais chercher Martial.

Je me sentis mal à l'aise d'avoir exposé une telle réalité au grand jour. Je me détournai, n'attendant plus avant de rebrousser chemin. Je n'avais pas le temps à perdre, à discuter, et je savais qu'avec Alisa et Cassius inconscients, les autres fugitifs n'allaient pas se risquer à me suivre. Ce serait mettre les deux Obscuras en danger alors même qu'ils étaient sans défense.

Je vis Martial faire face aux pégases se ruant vers lui et je doublai l'allure. Martial avait brandi deux épées qu'il avait récupéré du champ de bataille. Habituellement, le Guerrier partait au combat armé d'une hache, et le voir ainsi, sans son arme de prédilection, me donnait l'impression qu'il était à nue. Démuni. Vulnérable.

Le premier cavalier se rua vers Martial, le Guerrier réussit à le faire tomber de cheval d'un puissant coup d'épée. Je me forçai à accélérer, à le rejoindre au plus vite alors que les cavaliers étaient désormais à quelques mètres du Guerrier. Un deuxième cavalier fonça sur Martial, ce dernier réussit à le désarmer et esquiva un troisième qui venait de faire voler son arme près de la tête du Guerrier. D'un coup adroit, Martial le fit tomber de sa monture et le désarma.

Je courais à en perdre haleine. J'avais l'impression que la distance entre moi et le Guerrier était interminable. Martial continuait de se battre, de désarmer les cavaliers, et je doutais qu'il puisse tenir ainsi bien longtemps. Un nouveau cavalier se jeta sur le Guerrier, ce dernier eut le réflexe de l'éviter et fit chuter son adversaire du pégase blanc sur lequel il se trouvait. L'animal, effrayé, rua en ma direction. J'écarquillai les yeux de stupeur, mais ne faiblit pas l'allure pour autant. Tant pis si je devais heurter l'animal, si je devais me prendre des coups de sabot. Il fallait que je rejoigne le Guerrier. Que je l'aide. Il n'était pas de taille face à autant d'adversaires.

J'aurais voulu m'appuyer du pouvoir des cendres, tout détruire autour de moi, mais j'étais épuisée et incapable de comprendre comment fonctionnait mon pouvoir. Je n'arrivais pas à l'appeler par moi-même.

Alors je courais. Je n'avais pas d'autre solution.

Un autre cavalier se rua vers Martial, qu'il désarma, mais un autre débarqua sans lui laisser le temps de souffler et fit voler son sable vers le torse du Guerrier. Je retins un cri. Le sabre s'abattit sur le Guerrier et ce dernier chuta violemment en arrière. Mon cœur venait de s'arrêter net.

Sous le choc, je ne vis pas le pégase se ruer droit sur moi et je tombai à l'arrière tandis que ce dernier se cabra, paniqué. Je vis des sabots s'abattre près de ma tête, la manquant de justesse. Le pégase se cabra de nouveau et je me protégeai le visage de mes mains, dans une tentative vaine. Le cœur battant. Le souffle court.

- Stop ! hurlai-je.

Il fallait que ce pégase dégage de là. Il fallait que je rejoigne Martial. Martial. Martial qui était tombé après s'être pris un coup de sabre.

Le pégase se calma au cri de mon hurlement et s'immobilisa. Je me figeai. L'animal me regardait, sans broncher. J'avais une étrange sensation dans la poitrine. Une sensation familière. Je me redressai, écarquillant les yeux en comprenant l'origine de cette sensation. J'avais, sans le vouloir, utilisé mon pouvoir de manipulation sur un animal. J'ignorais même pouvoir m'en servir sur des bêtes.

Je ne perdis pas de temps.

- Va protéger Martial de ton corps, lui ordonnai-je en visualisant ce que je lui demandais dans ma tête, espérant qu'il comprendrait.

Dans un hennissement, l'animal fit demi-tour et se rua vers les cavaliers. Je me remis à courir. Le pégase fit ce que je lui avais demandé et barra la route des cavaliers. Il se prit des flèches dans la chair et poussa des cris de douleur, mais désormais, les cavaliers ne pouvaient plus approcher le Guerrier. Le Guerrier qui était toujours à terre.

Arrivant à mon tour sur les lieux, je me jetai aux côtés de Martial et fus rassurée de constater qu'il respirait. Il était même conscient. Il cligna vivement des yeux en me voyant à son côté.

- Eudo, qu'est-ce que tu fais là ? s'étonna-t-il.

Je ne répondis pas, examinant son torse. Du sang tachait son tee-shirt, mais étrangement, alors que j'avais vu le sabre s'abattre sur lui, la blessure ne semblait pas profonde.

- J'ai cru que tu étais mort, avouai-je.

Martial lâcha un rire.

- Tu doutes de mes talents de Guerrier toi ! s'offusqua-t-il. Je suis un pro de l'esquive Eudo. Par contre, toi, tu ne sais pas te battre. Tu n'as rien à faire là.

- Je suis venue te chercher.

Martial se redressa dans une grimace.

- Tu n'avais pas à le faire, protesta-t-il, je gère.

- C'est ce que je vois, me moquai-je.

Le Guerrier se remit debout et me tira à sa suite, reculant, prenant de la distance face aux cavaliers. Terrassé, le pégase s'écroula sur le sol et les cavaliers se ruèrent vers nous. Je serrai les poings, concentrant toutes les forces qui me restaient pour appeler mon pouvoir de manipulation.

- On va devoir courir, ils sont trop nombreux, me souffla Martial, et j'ai perdu mes épées dans ma chute.

Sans me laisser de temps, il me prit la main et courut, me tirant à sa suite. J'étais épuisée. On courait déjà depuis des heures pour échapper à l'ennemie. J'étais à bout de force. Martial était bien plus rapide que moi et j'avais l'impression d'être un poids qui le ralentissait. Je le forçai à me lâcher la main, courant à son côté, ne voulant pas le ralentir dans sa course. Mais voyant que je n'arrivais pas à garder le rythme, le Guerrier avait ralenti l'allure pour ne pas me distancer.

Ne pouvait-il pas se sauver sans se préoccuper de moi ?

Une explosion retentit derrière nous et je manquai tomber à la renverse. Les cavaliers utilisaient désormais leurs pouvoirs sur nous.

- Ne t'inquiète pas, me lança alors Martial à mon côté, ces cavaliers-là n'ont pas des pouvoirs extraordinaires. Les meilleurs cavaliers de la reine semblent être occupés ailleurs.

C'était rassurant. Ou presque. Parce que même sans être les meilleurs éléments de la reine, ils n'en restaient pas moins redoutables et semblaient vouloir notre peau.

On réussit à franchir une haie de houx, sortant des terrains à découvert, mais les cavaliers ne semblaient pas vouloir abandonner. Ils étaient toujours à notre suite. Nous étions suivis, qu'importe où nous allions, nous étions traqués. J'avais une désagréable impression. L'impression d'être observée, d'être suivie. Ce qui était normal, étant donné que les cavaliers nous coursaient. Mais cette sensation était étrange, semblait venir d'ailleurs.

Je sentis quelque chose s'enrouler autour de ma cheville. Je n'eus pas le temps de réagir, je me sentis tirer en arrière. Je tombai à la renverse dans un cri et vis qu'un fouet venait de s'enrouler autour de ma jambe. Je voulus me redresser, mais un coup sec sur le fouet suffit à me clouer de nouveau au sol. Martial avait fait demi-tour pour me prêter main forte. Il ne fut pas assez rapide. Le cavalier qui venait de m'attraper se dirigea droit sur moi et brandit un trident. Dans un regard sombre, il le brandit au-dessus de moi pour me l'enfoncer dans le crâne. L'arme vola au-dessus de ma tête. Je m'apprêtais déjà à recevoir le coup fatal.

Au moment où l'arme allait s'enfoncer dans mon crâne, un grognement féroce retentit. Le cavalier se mit hurler alors qu'un éclair de fourrure grise fendit mon champ de vision.

Un loup gris venait de surgir des buissons, sautant à la gorge de mon adversaire, faisant gicler des gerbes de sang autour de lui. Sonnée, je contemplai la scène, les yeux écarquillés. Le cavalier criait de douleur, s'agitait, mais le loup le tenait fermement entre sa gueule.

Martial me releva, ne quittant lui non plus, le loup du regard. Il semblait tout aussi surpris que moi.

- Un Lycanthrope, chuchota-t-il.

Mon sang s'était figé dans mes veines. Qu'est-ce qu'un Lycanthrope venait faire là ? Pourquoi venait-il de me sauver la vie ? Je clignai vivement des yeux, convaincue de l'avoir déjà vu quelque part. Était-ce le même loup que j'avais croisé lors de mon errance solitaire ?

Le loup finit par relâcher le cavalier qui gisait désormais inerte sur le sol, la gorge déchiquetée. La bête nous regarda intensément et montra les crocs, poussant un grognement menaçant. Martial recula, me tira à sa suite, l'air craintif.

- Je n'ai habituellement pas de préjugés sur les races, mais je t'avoue que celle-ci m'a toujours fait flipper, me souffla le Guerrier en m'intimant de m'éloigner de la bête.

Je fronçai les sourcils.

- Les Lycanthropes ne sont pas censés se déplacer en meute ? demandai-je, me rappelant que lorsque Kalidas m'avait parlé de cette race, il m'avait bien expliqué qu'ils vivaient en meute.

- Si, justement, je ne serais pas surpris que ses copains débarquent d'une minute à l'autre.

Les autres cavaliers firent irruption sur les lieux et s'arrêtèrent net en découvrant le loup et leur camarade, inerte. Le loup se mit à hurler, levant la tête vers le ciel. D'autres hurlements lui répondirent et les cavaliers reculèrent de frayeur. Désormais, nous ne les intéressions plus du tout. D'autres loups jaillirent des broussailles, envahissants les lieux, faisant face aux cavaliers. Ses derniers reculaient avec précaution. Les loups montraient ouvertement leur hostilité. Ils sortaient les crocs, grondaient, s'avançaient d'un air menaçant. Tout comme les cavaliers, ils semblaient se désintéresser complétement de notre présence.

Martial en profita et me tira, tandis qu'il reculait, qu'il s'éclipsait, loin de ce chahut. Je ne pouvais détacher mes yeux de ces loups. Ils semblaient peut-être n'en avoir rien à faire de nous, mais un détail ne m'avait pas échappé. Alors qu'aucun ne semblaient s'intéresser à nous, le loup qui avait sauté à la gorge de mon adversaire, lui, ne m'avait pas quitté des yeux. Il me suivait du regard. Me contemplait alors que je me défilais. Il me donnait la chair de poule.

Prudemment, on s'éclipsa des lieux, laissant les cavaliers face aux loups menaçants. On se remit à courir, profitant de la diversion pour fuir loin des sujets de la reine. Ces derniers temps, j'avais l'impression de ne faire que ça : fuir les cavaliers de la reine. Fuir la mort.

On courut à travers la végétation, et alors qu'on passait à côté d'un arbre encore plus imposant qu'un baobab, une main saisit le bras de Martial. Ce dernier sursauta en pilant net. Rose apparut derrière l'arbre, soulagée de nous voir.

- Venez, il y a un village par-là, nous intima-t-elle.

- Ce n'est pas risqué de se mélanger à la foule ? On va se faire repérer ou dénoncer, fit remarquer la Guerrier.

Sa copine opina.

- Je le sais bien, avoua-t-elle, mais il nous faut trouver de quoi soigner Alisa, Cassius et Sanjana, leur état s'aggrave. Et Maève a eu des vertiges, elle n'arrive plus à suivre le rythme.

Mon cœur rata un battement. Rose nous emmena là où nous attendait les autres fugitifs. Ces derniers soupirèrent de soulagement en nous voyant arriver.

- Ravie de voir que tu es réellement revenue, me souffla Sanjana.

Rose avait raison, son état avait empiré. Sanjana, qui était blessée depuis notre fuite du château, était beaucoup plus pâle et ses yeux brillaient de douleur. Quand elle se redressa, je vis qu'elle boitait bas.

Maève, à son côté, se massait les tempes d'un air douloureux, mais se faisait le plus silencieuse possible.

- C'est moi où on a entendu des hurlements de loup ? lâcha Aleth.

J'échangeai un regard avec Martial avant de hausser les épaules.

- Possible, répondis-je.

L'intervention des loups étaient déjà assez bizarre et ne cessait de me perturber, je n'avais pas envie de m'étendre sur le sujet.

On s'avança dans le village sans rajouter un mot. La pression des derniers événements commençait à retomber et l'épuisement se faisait doublement ressentir, malgré tout, nous n'étions pas encore sortis d'affaire. Nous n'avions nulle part où aller. Nulle part où nous réfugier.

Martial se crispa, le regard figé dans une direction. Utilisant sa vue extensible. Je redoutais déjà une mauvaise nouvelle.

- Les cavaliers sont dans le village, ils nous cherchent, nous apprit le Guerrier. D'après ce que je vois, je crois qu'ils demandent aux villageois de leur prêter main forte pour nous débusquer.

Aleth poussa un grincement.

- Forcément j'imagine que ces villageois vont obtempérer, s'agaça-t-elle. Les belles récompenses sont bien trop tentantes comparées à des vies.

- Je pense surtout que s'ils n'obéissent pas, ils risquent de se faire arrêter, la contredit Rose.

Passant dans les ruelles les moins fréquentées, on tentait de faire profil bas. Mais comment récupérer de quoi soigner les nôtres dans un lieu bondé où tous nous recherchaient ?

- Des cavaliers ont emprunté notre ruelle, nous prévint Martial.

On doubla l'allure. Mais par où passer ? Les autres ruelles étaient bondées de monde. Tout le monde nous recherchait. Tout le monde savait que nous étions ici. C'était qu'une question de temps avant que quelqu'un ne nous remarque.

Je regardais autour de moi, cherchant désespérément une issue. Nous n'avions pas fait tout ce chemin pour se faire attraper aussi facilement...

Arrivant à une intersection, on eut le choix entre deux voies. Une ruelle menant au centre-ville bondé de monde et un cul de sac.

Devant ce constat, je donnai un coup de pied rageur dans le mur à mes côtés. Qu'est-ce qu'il nous restait désormais comme option ? Se rendre ? Hors de question. Se cacher dans le cul-de-sac en croisant les doigts pour que personne ne nous trouve ? C'était croire aux miracles. Se diriger dans le centre-ville et courir en espérant que personne ne nous attrape ? Nous nous ferions attraper au bout de trois pas. Et nous étions trop épuisés pour nous battre.

Je m'avançai vers le cul-de-sac, observant le mur de brique se dressant devant moi. Des cageots étaient échoués devant le mur.

- On pourrait escalader le mur, proposai-je en dernier recours.

- Avec Cassius et Alisa inconscients ? Sanjana qui peine à tenir debout ? Maève qui a l'air mal en point ? répliqua aussitôt Aleth. C'est impossible, on n'y arrivera pas.

Et elle avait raison.

Je serrai les poings de frustration. J'avais l'impression de n'avoir aucune solution. D'être prise au piège. Je détestais ce sentiment.

- Vous, allez-y, lâcha alors Sanjana, si certains d'entre nous arrivent à s'en sortir, ce serait déjà formidable. On ne pourra pas tous y arriver.

Mes poumons avaient cessé de fonctionner.

- Je ne te laisse pas ici, ni toi, ni personne, répliquai-je, ne pouvant m'y résoudre.

- On n'a pas le choix, E., se buta la Sirène. Si tu trouves une autre solution, je suis preneuse, mais personnellement, je n'en vois aucune.

J'inspirai lentement, faisant demi-tour, m'éloignant du mur.

- Je vais en trouver une, lâchai-je, n'y croyant pas moi-même.

Je m'aventurai dans l'autre ruelle menant au centre-ville sous les protestations de Sanjana. Elle me suivit.

- Evilash ?

Je me figeai instantanément à l'entente de cette voix.

Sanjana s'était elle aussi figée, arrêtant de me suivre. Les fugitifs avaient froncé les sourcils, interloqués. Vu leur réaction, il était clair que je n'avais pas rêvé cette voix.

- Evilash ? C'est toi ?

Je fis volteface vers l'endroit où provenait la voix. Une silhouette se baladant sur les toits tomba droit devant moi.

L'Obscuras se dressant devant moi était vêtu de la tête aux pieds d'habits qui m'empêchaient de discerner ne serait-ce qu'un bout de sa peau. Il portait des gants, des bottes montantes, une cape, un foulard, de grosses lunettes cachant la moitié de son visage et une chapka. C'était l'Obscuras rencontré au Sundry, lorsque j'avais découvert ma symbiose avec Alisa.

- Hell ? m'étonnai-je.

- Je suis ravi de voir que tu te souviens de moi, répondit-il.

- Vous vous connaissez ? s'étonna Sanjana, davantage surprise par le fait qu'il m'ait appelé Evilash au lieu d'Eudora.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? demandai-je à Hell, ignorant la Sirène.

- Je vis dans ce village, c'est plutôt à toi que je devrais poser cette question... Mais vu tous les cavaliers dans le village, je crois que je n'ai aucun mal à deviner la réponse. T'as l'air en galère.

- T'es perspicace, m'agaçai-je.

- Suivez-moi, je vous emmène chez-moi, nous intima-t-il. Les cavaliers ne vont pas fouiller les domiciles.

Hell ne nous laissa même pas le temps de lui répondre qu'il fit demi-tour et s'avança dans la ruelle menant au centre-ville. Il s'arrêta avant la fin de la rue et pivota, ouvrant une porte dans le mur. La porte était de la même couleur que la brique, si bien que je ne l'avais même pas remarqué jusqu'ici.

- Dépêchez-vous ! nous lança-t-il, voyant qu'on n'avait pas bougé d'un pouce. Vous voulez prendre racine ou quoi ?

Ne voyant pas d'autre option s'offrant à nous, je suivis l'Obscuras dans sa demeure, talonnée par les autres fugitifs. Ils semblaient déroutés par une telle rencontre et une telle chance, mais restaient malgré tout sur leur garde.

Hell referma la porte derrière nous et Sanjana sursauta.

- Ce n'est pas très grand, on risque de se cogner les uns aux autres, rit Hell d'un air désolé. Mais j'imagine que c'est toujours mieux qu'un séjour au château.

- Merci, lui lança alors Martial.

Hell haussa les épaules, comme si cela allait de soi.

- Avec plaisir. Vous avez faim ? demanda-t-il en nous désignant une table où reposait de la nourriture.

Le ventre de Martial émit un gargouillement.

- Tu n'aurais pas de quoi soigner nos camarades ? demanda à la place le Guerrier. Certains d'entre nous sont gravement blessés.

Hell s'avança, n'ayant jusqu'ici pas remarquer Alisa et Cassius, inconscients. Il s'arrêta net. Puis fit vivement demi-tour.

- Je vais vous chercher le tout, de suite ! s'écria-t-il. Installez-vous, faites comme chez vous !

Les fugitifs s'échangèrent des regards surpris. Etonnés par l'hospitalité naturel qu'Hell offrait pour des inconnus hautement recherchés. Les anciens Clandestins déposèrent Alisa et Cassius sur des petits canapés présents dans la pièce.

Hell ne tarda pas à revenir avec une trousse de soin.

- C'est tout ce que j'ai, avoua-t-il, mais je pourrai toujours aller chercher de quoi en ville si nécessaire.

- Merci, répondit une nouvelle fois Martial.

Rose s'attelait déjà à soigner les blessés.

Hell s'avança à mon côté. A cause des habits camouflant son visage, il m'était impossible de voir son expression faciale. Ni même ses yeux cachés sous ses épaisses lunettes noires.

- Dit, tu me racontes ce qu'il vous est arrivé ? me demanda-t-il d'une voix égale.

Impossible de déchiffrer ses émotions. Un vrai coffre cadenassé. Je passai une main sur mon front. Devais-je lui dire ? Pouvais-je lui faire confiance ? Ce qu'il venait de nous arriver n'était pas réellement ses affaires. Je n'avais aucune envie de parler. J'étais épuisée. A bout de force.

- Bien sûr, avant, rétablis-toi, se rattrapa Hell devant ma mine fatiguée. Mangez, dormez, reprenez des forces. On parlera plus tard.

Sur ces paroles, l'Obscuras quitta la pièce, nous laissant faire comme chez nous. Exténuée, je me laissai tomber sur un fauteuil. A peine assise, je tombai dans les bras de morphée.

***

NDA : Hey, me voici avec le chapitre suivant ! Je vais pas m'éterniser dans les blablas alors passons directement aux questions de NDA 🙄

- Eudora qui rebrousse chemin pour secourir Martial, votre ressenti ? Elle a changé depuis le tome 1, la petite Eudo, vous trouvez pas ?

- Ces loups qui surgissent face aux cavaliers, qui sont-ils ? Pourquoi ont-ils sauvé la vie d'Eudo et Martial ?

- Le retour de Hell, content(e) ?

Voili voilou, on se retrouve ce weekend pour la suite ! Kissy kissy 💙

Nakijo.

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