39. Les cavaliers.
J'étais allongée, face contre terre.
Des bruits de sabot martelant le sol vrillaient mes tympans. La poussière me brouillait la vue.
Et je ne pouvais pas bouger.
Après que la voix ait retenti, une bourrasque nous avait aplatis contre le sol, nous privant de tout mouvement.
Un Obscuras à la forte carrure fit claquer une corde entre ses mains, criant des ordres. Mais ses mots me semblaient embrouillés. J'étais incapable de saisir les phrases qui s'échappaient autour de moi. Le mot ''prisonnier'' vint heurter mes oreilles et je grinçai des dents.
Je n'avais pas triomphé d'Evilash pour me laisser prendre par une bande de cavaliers sortis de nulle part.
Des membres faisant partis de la vrai Garde Royale.
Il était hors de question que je me laisse faire aussi facilement. Je sentais encore l'adrénaline palpiter dans mes veines, la rage bouillonner en moi, me procurant une chaleur dévastatrice. Je ressentais encore les vibrations du sol lorsque mon poing avait heurté la terre, faisant disparaître toutes les cendres. J'avais un serpent de flamme qui me parcourait le corps, comme un jet de puissance dont je ne définissais pas la cause.
Non.
Non. Il était hors de question que je me laisse prendre aussi facilement. Je voulais être libre. Libre de mouvements. Libre de faire ce que je désirais. Et ce que je désirais en ce moment précis, c'était de sortir de leur emprise, de retrouver ma capacité de bouger, de m'enfuir loin de tout ça.
Alors, je serrai les poings.
Je sentis la rage prendre part de mon corps, m'envahissant lentement comme un voile de noirceur. Je sentis l'adrénaline me parcourir comme un jet d'énergie inépuisable. Serrant les poings avec plus de force, je me sentis manipuler cette énergie. Je sentais la terre palpiter sous moi. Où peut-être que c'était mon corps qui palpitait. Mon corps qui semblait gronder, prêt à se déchaîner. Je ne savais pas d'où provenait toute cette puissance, mais je la sentais grossir, enfler, éclater en moi. Si manipulable entre mes mains. Comme s'il suffisait de la saisir pour la maîtriser et la relâcher autour de moi comme une tempête déchaînée.
- Ligotez-les, il est temps d'apporter à la reine son butin, retentit une voix.
Je sentis la rage se décupler et mon être entier sembla gronder de l'intérieur, attendant que je relâche toute la puissance que j'avais accumulé. Je sentais encore l'énergie qu'avait emmagasinée la terre. Les cendres qu'elle avait caressées. Que j'avais touché. Leur pouvoir palpitait encore dans mes doigts. Je ressentais encore l'adrénaline qui m'avait permis de m'emparer des cendres pour le faire disparaître. Elle ne s'était pas estompée. Il me suffisait d'ouvrir le poing. De relâcher toute la puissance qu'il contenait. De lâcher ma rage et ma haine dans un flot de pouvoir. Je sentais la rage me lécher le visage. Encore plus de rage. La rage se changeant en énergie. Elle m'alimentait. Et je me concentrai sur cette sensation. Cette même sensation qui m'avait fait avaler les cendres pour les faire disparaître. Il ne fallait pas qu'elle s'estompe. Elle se faisait que m'envahir. Gonfler mon être. Me saisir de part en part. La sensation vibrante d'énergie, de puissance, n'attendait qu'à déborder hors de mon être.
Je vis les cavaliers s'avancer. Leurs pas raisonnaient dans ma tête. Ils étaient là, prêts à nous prendre comme des vulgaires prisonniers et nous apporter à leur reine.
Et je lâchai prise.
Je relâchai toute l'énergie que j'avais avalée, toute la puissance qui débordait hors de mon corps. Desserrant le poing. Je fis jaillir une énorme vague de cendres qui s'abattit sur les cavaliers face à nous. Je sentis les cendres envelopper leur corps, se coller à leur peau, les brûler vif, s'infiltrant dans leur chair, leur sang.
Je ressentis leur douleur comme une vague de bien-être. La sensation était délectant. Je ne m'étais jamais sentie aussi bien. Chaque parcelle de peau brûlée me revigorait. Je n'avais plus aucun contrôle. J'étais ivre. Ivre face à ce sentiment, ce béatement, lorsque les cendres s'écrasaient sur les corps.
La vague de cendres enveloppa les cavaliers, fit fondre leurs armures, lécha le pelage des pégases comme s'ils n'étaient qu'un met délicieux. Les cendres rongeaient la peau jusqu'à l'os. Les cris résonnaient comme une musique de fête à mes oreilles. Et lorsque le cœur de mes victimes lâcha, ce fut comme un feu d'artifice qui s'éveilla en moi. C'était une sensation festive. Incomparable.
Je fus subitement libre de mes mouvements. Me redressant, je clignai des yeux. L'adrénaline et la sensation de délectation disparurent. Je restai sonnée, face à ce que je venais de faire. La moitié des cavaliers venus nous arrêter n'étaient désormais que des cadavres de cendres.
Je m'étais emparée du pouvoir d'Evilash. Je l'avais cueilli. J'avais tué. Et j'étais pétrifiée sur place. J'avais aimé ça. Je n'avais jamais rien ressenti d'aussi jouissif. Mais j'étais complétement désorientée. Comment avais-je fait ? Qu'est-ce qui m'avait pris ?
Les membres de la fausse Garde se relevèrent à mon côté. Complétement désorienté. Complétement subjugué. Voir même terrifié. Et je commençai moi-même à avoir peur de ce dont j'étais capable.
- Arrêtez-les de gré ou de force ! s'écria un cavalier en nous pointant du doigt, la voix emplis de rage.
Je sentis l'adrénaline revenir palpiter dans mon être. Des frissons d'énergie me parcoururent l'échine. Hors de question que je me laisse faire. Une lignée de cavalier se rua en notre direction, armée jusqu'aux dents.
Ronan fit apparaître une barrière d'électricité entre nous et les cavaliers. Orso se changea subitement en ours, Rox se changea en renard et Circé en aigle. Ronan fit s'élever sa barrière d'électricité dans les airs formant un tunnel. Circé s'envola, empruntant l'œuvre d'électricité que venait de créer Ronan et elle disparut. Ronan fit disparaître sa barrière d'électricité et Alisa créa une tempête de feu qui se rua en direction des cavaliers. Orso et Rox en profitèrent pour s'échapper hors du village.
Nérée fit subitement apparaître son bouclier face à moi lorsqu'une flèche fendit l'air. Je sentis la rage palpiter dans mes veines. Il n'y avait pas que des cavaliers, il y avait aussi des archers. Et ils ne se gênaient pas pour nous tirer dessus. Visiblement, la reine n'en avait que faire de nous attraper vivant. Tout ce qu'elle voulait, c'était nous avoir. Morts ou vifs.
Des dragons volèrent subitement en notre direction. Alisa et Naïa les protégèrent des assaillants à l'aide de leur pouvoir de feu et de glace, créant une barrière autour des animaux. A leur dos, les dirigeant, Rox, Orso et Circé. Les dragons se posèrent près de nous. Sans perdre une seconde, tous montèrent sur les cinq dragons. Rox m'aida à la rejoindre sur le dos de la bête et les dragons s'envolèrent précipitamment. A une vitesse fulgurante. A l'arrière, Alisa, Naïa, Nérée et Ronan surveillaient nos arrières, créant des boucliers et attaquant nos assaillants qui chevauchaient déjà leur pégase pour s'élancer à notre suite. Fort heureusement, les pégases étaient beaucoup moins rapides que des dragons.
- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? demanda Shaytan, visiblement craintif.
Il se cessait de se tordre les doigts d'anxiété.
- Si on les sème, on pourra rejoindre le château. Ils ne savent pas où il se trouve, expliqua Circé qui avait pris la tête de la troupe.
- La Garde Royale Clandestine, lâchai-je subitement, vous reprochiez au Rôdeur d'être un hors-la-loi, mais en fait, vous n'êtes pas mieux loti.
- Ce n'est pas le moment Eudora, grinça Martial. On est un peu préoccupé, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué.
Je levai les yeux au ciel.
- Je crois que je ne sais même plus qui est la véritable menace, commentai-je d'un ton sec. Si cela se trouve, c'est vous les méchants et ce sont nos poursuivants les gentils.
- Parce que tu crois que les gentils et les méchants existent ? rit Nérée. Le monde n'est qu'un mélange de ces deux nuances.
Je levai les yeux au ciel, peu convaincu.
Les dragons avaient fini par semer nos poursuivants et Circé s'empressa de nous conduire au château. L'attaque d'Evilash, avant qu'elle ne me donne rendez-vous dans le village de la Fontaine d'Argent, avait laissé pas mal de dégâts. Une partie du château s'était partiellement effondré.
Une fois qu'on fut entré dans le château, Aleth ordonna à ses gardes de fermer toutes les issus et de les protéger. Naïa et Ronan partirent rassembler le reste des habitants du château dans une même salle.
Le château... A présent je comprenais mieux pourquoi dans la vision de Cassius, lui et sa sœur vivaient dans un autre château. Je comprenais également mieux pourquoi sauver les habitants du château Peinturiale avait suscité un tel débat. Ils ne s'étaient pas seulement exposés au risque de se faire tuer par Evilash, mais de se faire attraper par leur semblable.
- Je croyais qu'une fois dans le château, nous serions en sécurité car ils ne pourraient pas nous retrouver, fis-je remarquer. Alors pourquoi rassembler tout le monde au même endroit et préparer des mesures défensives ?
- C'est une mesure préventive, expliqua Circé, mieux vaut se préparer pour rien que de se laisser prendre par surprise.
Je haussai les épaules, ne voulant pas avouer à voix haute que c'était la chose à faire.
- Qu'est-ce que vous avez fait pour devenir les hors-la-loi les plus recherchés du royaume ? lui demandai-je.
Circé se tourna vers moi, fronçant les sourcils.
- On n'en reparlera plus tard, décida-t-elle.
Je serrai les poings, sentant l'agacement enfler en moi.
- Bien sûr... grinçai-je, tu crois sérieusement qu'une réponse comme celle-là allait me suffire ? m'énervai-je. Vous me mentez depuis le tout début, je suis en droit d'avoir des réponses !
Circé s'apprêta à me répondre lorsqu'Alisa déboula dans la pièce en courant.
- Ils nous ont retrouvés ! hurla-t-elle pour que tout le monde l'entende.
Nérée se mit à jurer. Orso s'avança brusquement, poussant un grognement de colère.
- C'est impossible ! s'écria-t-il. Ils n'ont jamais su où nous localiser.
- Va voir par toi-même si tu ne me crois pas, rétorqua Alisa, tandis que Martial accourait vers nous avec un sac empli d'armes.
Il me refila une lance métallique extrêmement pointue et un poignard tranchant.
- Tu penses savoir comment t'en servir ? me demanda-t-il.
Je m'en emparais sans hésiter.
- C'est mieux ça, que rester les mains vides, répliquai-je en attachant le poignard à ma ceinture.
Des bruits assourdissants retentirent à l'autre bout du couloir.
- Ils essayent d'enfoncer la porte, en déduit Nérée.
- Ils vont y parvenir ? lui demandai-je.
- Probablement.
Un bruit fracassant retenti, suivis d'un autre et encore un autre. Je sentis mon cœur s'accélérer dans ma poitrine. Tout allait trop vite. Beaucoup trop vite. Je n'avais pas le temps d'assimiler tout ce qui se passait, tout ce que je découvrais, tout s'enchaînait à une vitesse fulgurante. Je ne maîtrisais plus rien. Et je détestais ça.
La Garde Royale n'était pas ce que je pensais. Je ne savais même plus qui était mon véritable ennemi. De qui devais-je me méfier ? Rox ? Pouvais-je encore lui faire confiance après tout ça ? Elle avait pourtant voulu m'aider... non ? Pourquoi avais-je décidé de faire confiance à quelqu'un ? J'avais passé des années à ne me fier qu'à moi-même, me coupant de toutes relations et après plus de dix ans, j'avais flanché. J'avais accordé ma confiance. Et je le regrettai déjà.
Je ne savais plus où j'en étais...
Et ce pouvoir de cendres ? Comment se faisait-il que je pusse m'en emparer ?
Tout était tellement flou...
J'avais envie de hurler. Hurler devant toutes ces énigmes. Hurler devant mon quotidien qui s'envolait définitivement hors de portée. Plus les évènements s'enchaînaient et plus la dure réalité venait me frapper. Il n'y aurait plus de retour en arrière. Je devais dire adieu au passé. Et cette pensée avait un goût amer.
Un autre bruit fracassant retenti et des centaines de cavaliers firent irruption dans le château. Dès lors, le combat éclata de toutes parts.
Alisa envoya ses flammes en direction de l'armée de la reine. Les cavaliers se protégèrent à l'aide d'étonnant bouclier miroitant. Leur bouclier semblait résistant aux flammes, à l'électricité de Ronan... Et pourtant, ils n'avaient rien de semblable à celui de Nérée. Le bouclier de Nérée était un pouvoir qu'il faisait surgir sur commande. Son bouclier était beaucoup plus grand, plus puissant et était transparent. Le bouclier des cavaliers était d'un argent miroitant. C'était, semblait-il, un équipement faisant parti de leur armure. A quel point était-il résistant aux pouvoirs ? Je l'ignorais.
Orso se changea en ours pour combattre l'invasion de cavaliers qui surgissait de toute part. Lorsqu'il se changeait en animal, sa force semblait se décupler. Mais même avec une puissance de dix hommes, personne n'était capable de repousser autant d'envahisseurs. Ce que je pensais n'être qu'une centaine de cavaliers semblait se changer en millier. Il en déboulait de partout. Seule la couleur argent de leur armure jaillissait dans mon champ de vision.
Un cavalier se jeta sur moi. Par réflexe, j'envoyai la lance que m'avait donné Martial, essayant de le frapper avant qu'il ne me touche, mais mon assaillant n'eut aucun mal à l'esquiver. Il s'empara de la lance et tira d'un coup sec en sa direction. N'ayant pas fait attention à la position de mes pieds pour garder l'équilibre, je me sentis propulser en avant. Du revers de la lance, il me frappa violemment les tempes. Une intense douleur s'infiltra dans mon crâne.
Que j'avais été stupide... Pourquoi avais-je attaqué sans réfléchir ? J'avais l'air d'une débutante. D'une petite fillette sans défense. Je n'avais peut-être jamais combattu, mais je savais me battre. Il fallait que je me reprenne. Mais mon adversaire semblait avoir des années d'expérience derrière lui. Il était plus fort. Plus sûr. Il n'avait que des avantages en sa possession.
Avant que je ne puisse me ressaisir, il me donna un violent coup de pied dans la poitrine et je tombai lourdement sur le dos. Avant que je ne puisse me relever, il pointa la lance contre ma gorge. D'abord précautionneusement. Prenant soin à ne pas égratigner ma peau. Puis, il enfonça la lance, laissant la sensation d'une aiguille se déposant sur ma gorge. Puis encore plus fort. Un filet de sang s'écoula. Et je ne pouvais pas bouger. Il m'avait immobilisé les mains et le moindre mouvement de ma part ferait précipiter la lance qui s'enfonçait peu à peu dans la chair de mon cou.
Mais avant qu'il ne puisse aller jusqu'au bout et que mon sang ne décore le sol du château, ses avants bras se mirent à saigner abondamment. Le cavalier poussa un cri de douleur et lâcha la lance qui tomba sur le carrelage dans un bruit métallique.
Kalidas apparut devant moi, un couteau ensanglanté dans la main. Tenant difficilement sur ses béquilles à cause de ses jambes dysfonctionnelles, il me tendit une main pour m'aider à me relever. Je me redressai sans son aide. Il tenait déjà difficilement sur ses jambes, je n'allais pas lui donner une raison de plus pour qu'il ne perde l'équilibre.
- Qu'est-ce que tu fais encore ici ? lui soufflai-je, faisant attention autour de nous pour prévenir d'un nouvel assaillant.
Kalidas fronça les sourcils.
- Je devrais être ailleurs ?
Je le regardai, excédée.
- Bien sûr que oui ! Tu tiens à peine sur tes jambes, tu es incapable de te battre. Tu es complétement inutile ici. Téléporte-toi, rejoins ta grande ferme et retourne vivre ta vie, grinçai-je.
- Inutile, répéta Kalidas, un sourire en coin. Je te rappelle que je viens de te sauver la vie.
Je levai les yeux au ciel.
- Je m'en serais très bien sortie toute seule, me butai-je. Téléporte-toi pendant qu'il est encore temps. Il est évident que les cavaliers vont l'emporter, ils ont l'avantage du nombre.
- Et c'est bien pour ça que je ne peux pas partir, m'éclipser d'un coup, vous abandonnant ici. Je ne me le pardonnerai pas.
Je serrai les poings, sentant la colère monter comme un geyser.
- Ah, donc d'après toi, mieux vaut que tout le monde se fasse abattre ? C'est ridicule de risquer ta vie dans une bataille perdue d'avance, si tu as l'opportunité de fuir tout ça et d'aller te mettre en sûreté.
Kalidas s'apprêta à répondre, mais au lieu de ça, il me tira brusquement vers lui, m'évitant une flèche de justesse.
- Tu vois bien que t'as besoin de moi, me souffla-t-il à l'oreille. Si ça peut te rassurer, si je vois que la situation dégénère trop, je m'en irai, ajouta-t-il devant mon regard incendié.
Je ramassai la lance métallique qui avait plutôt était pointé contre ma gorge.
- Avec tes jambes défectueuses, tu restes un poids mort, sifflai-je.
J'aurais préféré que Kalidas quitte les lieux, qu'il retourne dans sa campagne, en sûreté. Mais je savais pertinemment qu'il ne changerait pas d'avis.
Un cavalier se rua subitement en notre direction. Encrant mes pieds dans le sol pour ne pas perdre l'équilibre cette fois-ci, je fis tourner ma lance dans ma main. Hors de question de me laisser faire et d'échouer comme précédemment. Je détestais me sentir inférieur, sans savoir me défendre. Le cavalier, muni d'une sorte de faux, s'apprêta à frapper. Avant que je ne puisse chercher à l'esquiver et contre-attaquer, le cavalier perdit l'équilibre et sous le coup de la surprise, s'aplatit contre le carrelage.
Je me tournai vers Kalidas qui avait une main brandit devant lui.
- C'est moins drôle si tu interviens, râlai-je, je voulais lui faire la peau.
- Les cavaliers sont pour la plupart des Guerriers et sont entraînés à se battre depuis la naissance, faire du corps-à-corps ou combattre aux armes est loin d'être une bonne idée, me souffla le Rôdeur tandis que le cavalier se redressait.
Je lui envoyai mon pied dans le nez. Le cavalier poussa un grondement de douleur. Je lui envoyai cette fois-ci mon pied dans la mâchoire.
- Je m'en sors plutôt bien, répliquai-je en voyant du sang ruisseler sur le carrelage.
En même temps, je devais avouer que c'était plus facile de s'en prendre à quelqu'un déjà à terre. Je voulus lui donner un autre coup pour lui fracturer la mâchoire, mais le cavalier saisit mon pied et le tira brusquement. Je me sentis chuter en arrière, tombant lourdement sur le derrière.
Quelle idiote.
Pourquoi je ne pouvais pas faire plus attention ? J'étais en train de risquer ma vie dans une bataille et je ne faisais même plus attention à mes défenses. J'étais vraiment rouillée... Le cavalier voulu envoyer sa faux s'enfoncer dans mon crâne, mais je m'empressai de rouler au sol, laissant l'arme s'enfoncer dans le carrelage. Avant qu'il ne puisse réitérer son geste, une flèche s'enfonça dans la paume de sa main. Martial accouru pour me redresser. Je n'eus pas le temps de refuser son aide qu'il m'agrippa le poignet pour me mettre sur mes pieds.
- Je n'avais pas besoin de ton aide, grinçai-je.
- Je le prends comme un merci, se mit-il à sourire.
Qu'est-ce que j'avais envie de le baffer quand il s'y mettait...
- Si tu attendais un remerciement, tu peux toujours courir.
- Je le sais bien, ricana-t-il, tu ne connais pas la politesse.
Je levai les yeux au ciel. Un cavalier se rua en notre direction. Martial me poussa derrière lui. Ce geste anima ma colère. Je n'avais pas besoin d'être protégé ! Le cavalier abattit un bâton tranchant, mais Martial riposta à l'aide d'une hache plutôt imposante.
Une corde s'enroula autour de la gorge du cavalier et l'adversaire fut subitement rejeté à l'arrière, suffoquant. Nérée déboula, faisant claquer la corde à ses pieds pour libérer l'assaillant. Visiblement, contrairement aux cavaliers, la Garde Royale Clandestine se refusait à envoyer des coups mortels. Ils n'allaient jamais gagner s'ils laissaient la compassion prendre le dessus... Déjà que leurs chances étaient minces...
- On se replie dans l'arrière-salle, nous souffla Nérée en reculant vers nous.
- Pourquoi ? lâchai-je.
- Ils sont trop nombreux et sortent de toute part, si on ne se regroupe pas on n'a aucune chance.
Je levai un sourcil. J'étais tentée de lui faire remarquer que de toute façon, on avait déjà presque aucune chance, mais à quoi bon décourager les combattants ? Ils devaient probablement le savoir autant que moi.
Obtempérant, on se mit à reculer vers la salle désignée, mais des cavaliers vinrent bien vite nous bloquer l'accès. Rapidement, d'autres adversaires surgirent par-derrière, nous encerclant.
- C'est le moment de rejoindre ta campagne, soufflai-je au Rôdeur.
- Tu crois vraiment que je serais capable de partir, sachant que tu ne t'en sortiras peut-être pas ? grinça-t-il à mon intention.
- Tu crois vraiment que j'ai envie qu'il t'arrive quelque chose ? lâchai-je à mon tour, sentant la colère palpiter.
Kalidas m'envoya un regard surpris. Je fronçai les sourcils avant de me rendre compte de ce que je venais de dire. Venais-je vraiment d'avouer à voix haute que je tenais à lui ? Je l'avais sous-entendu en tout cas. Je sentis la honte m'asperger de tout mon long.
- Tu pourras toujours hériter de ma veste, lâcha le Rôdeur.
Aucun doute qu'il avait vu que je ne savais plus où me mettre... Et je lui en étais reconnaissante de ne pas m'avoir charrié sur mes propos.
Un cercle de feu apparut subitement autour de nous, formant une barrière entre nos assaillants. Alisa courut nous rejoindre, passant à travers ses flammes sans aucun dommage.
- Grouillez-vous ! lâcha-t-elle en s'emparant du bras de Nérée pour le tirer à sa suite.
Elle forma un tunnel de feu en direction de la salle où tous les membres de la fausse Garde se regroupaient. Je vis les cavaliers éteindre les flammes, se lançant après nous.
Si même les flammes d'Alisa ne pouvaient les repousser bien longtemps, je ne voyais pas vraiment d'issue.
- Tu crois que tu pourrais tous nous rendre invisibles ? demandai-je au Rôdeur, ne voyant plus que cette option pour nous sortir de là.
- J'ai besoin de contact pour ça, et en plus, nous sommes trop nombreux, objecta-t-il.
- Alors rends-toi invisible, puisque tu ne veux pas partir, lui sifflai-je. Et si tu pourrais faire disparaître Rox par la même occasion, j'aurais plus à garder un œil sur vous.
- Un œil sur nous ? répéta le Rôdeur visiblement amusé. Si je ne me trompe pas, c'est plutôt toi qui ais eu besoin qu'on garde te garde à l'œil.
Je levai les yeux au ciel.
- Qu'est-ce qui ne faut pas entendre... râlai-je.
Naïa fit apparaître une barrière de glace tout autour de nous. Je n'y voyais pas vraiment l'intérêt. Nous étions piégés dans cette salle et il était évident que les cavaliers finiraient par réussir à briser la glace. La Garde semblait être à court d'idée. Elle n'était pas bien efficace face à l'adversité...
Mais je devais avouer que je ne voyais également aucune issue. Le seul qui aurait pu s'en sortir refusait de partir. Et ça m'énervait au plus haut point.
Les cavaliers brisèrent la glace en mille éclats. La bataille éclata aussitôt. Ronan fit jaillir des éclairs d'électricité. Alisa envoya des boules de feu voler en plein dans les assaillants. Orso, changé en ours, chargea. Martial, équipé de son imposante hache, fonça dans le tas, protégé par le bouclier de son meilleur ami. Naïa fit voler des piques de glace qui s'enfoncèrent dans la chair de son adversaire. Shaytan attrapait les cavaliers par le coude et les envoyait voler à travers la pièce. Mais malgré ça, les cavaliers ne cessaient de réapparaître en surnombre.
Un cavalier apparu face à Kalidas, armé d'une épée métallique. Il l'envoya voler en direction du Rôdeur qui réussit à l'éviter de justesse. Mais avec ses béquilles, Kalidas avait du mal à se déplacer et le cavalier en profita pour faire voler les béquilles du convalescent. Déséquilibré, Kalidas tomba au sol. Le cavalier en profita pour brandir son épée au-dessus de la tête du Rôdeur.
Sentant mon cœur rater un battement, la peur me tordre les entrailles, je me jetai sur le dos du cavalier. Dégainant le poignard accroché à ma ceinture, je le plantai dans la nuque de l'assaillant. Dans un gargouillis des plus atroce, le cavalier tomba lourdement contre le carrelage, inondant ce dernier de son sang. Je retins un haut-le-cœur en sentant l'odeur du sang chaud m'envahir le nez. Ce n'était pas le moment de rendre le contenu de mon estomac...
J'aidai Kalidas à se relever, cherchant ses béquilles du regard.
- Tu vois que je fais bien de garder un œil sur toi, lui lançai-je.
- Attention, cria subitement le Rôdeur.
Il me poussa brutalement sur le côté, alors qu'une flèche volait en ma direction. La flèche s'enfonça droit dans son torse.
Je poussai un cri tandis que Kalidas s'écroulait sur le sol.
Je me mis à trembler de tout mon long.
Je sentis mes pieds se dérober sous moi. Mes genoux heurtèrent le carrelage.
Les cris de la bataille me semblaient tout d'un coup bien lointains.
Je m'approchai du Rôdeur, les cris bloqués dans ma gorge.
Il ne bougeait plus. Il ne bougeait plus. Il ne bougeait plus.
Il y avait du sang. Tant de sang. Trop de sang. J'avais la tête qui me tournait. Non. Je posai une main sur le torse de Kalidas, mais il ne réagit pas. Il était parfaitement immobile.
Il ne bougeait plus.
J'entendis quelqu'un crier mon nom. Une flèche se logea dans mon bras, me propulsant au sol. Mais je ne ressentis aucune douleur. J'arrachai la flèche hors de ma chair, regardant le sang s'écouler, les yeux vides.
Il y avait du sang.
Partout.
Sur le sol.
Sur mes mains.
Sur Kalidas.
Partout.
Nérée se positionna devant moi au moment où une flèche se ruait en notre direction. Il fit apparaître son bouclier.
Mais à quoi bon ?
Nous n'avions aucune issue.
Et je n'avais plus envie de me battre.
Mon regard était rivé sur Kalidas. J'attendais qu'il bouge, qu'il remue, qu'il cligne des yeux. Mais le Rôdeur s'obstinait à ne pas bouger. Et j'avais envie de le secouer dans tous les sens, de lui hurler de se réveiller, de se relever et de se tirer d'ici pour rejoindre sa fichue campagne.
Mais il s'évertuait à rester immobile.
Du sang s'échappant de sa cage thoracique.
Les yeux clos.
Il ne réagissait pas.
Et je ne voulais pas croire qu'il puisse être mort. Pas lui.
Une douleur atroce se répandit dans ma cage thoracique tandis que je me mis à hurler. Pourquoi avait-il fallu que je m'attache à lui ? Pourquoi avait-il fallu qu'il se prenne cette flèche ? Cette flèche qui m'était destinée. Je hurlai de plus bel.
- Eudora... me souffla Rox, se glissant à mon côté.
Mais je la repoussai d'un geste brusque. Je ne voulais pas la voir. Je ne voulais plus rien voir. J'avais toujours su que s'attacher aux autres n'était qu'une faiblesse. Je ne voulais plus rien ressentir pour personne.
Je sentis un sanglot monter le long de ma gorge. Je serrai les poings de rage.
Et subitement, un flocon de cendre tomba devant moi.
Je m'immobilisai. Evilash était ici.
Je sentis la colère éclater. Tout ça, c'était de sa faute ! Elle avait prévu que les cavaliers retrouveraient la trace de la Garde Royale Clandestine, c'était dans ses plans. C'était de sa faute.
D'un mouvement brusque, je me redressai.
Un autre flocon de cendre tomba plus loin, puis encore un autre un peu plus loin. Sans réfléchir, je m'élançai à leur suite. Serrant les poings. Laissant la haine jaillir dans mes veines.
- Où est-ce que tu vas ? s'écria la renarde.
Je l'ignorai, laissant la rage prendre possession de tout mon être. Je fonçai à travers les combattants, sans y accorder la moindre attention. Seules les cendres avaient de l'importance. Un cavalier se rua vers moi, armée de son épée. Mais avant qu'il ne puisse me toucher, des cendres sortirent de nulle part et l'engloutir comme un vulgaire morceau de viande.
Evilash me protégeait de mes assaillants.
Et moi, j'allais la tuer.
La haine palpitait en moi. Je serrai les poings, enfonçant mes ongles dans la paume de ma main. Elle allait payer.
Je déboulai dans une salle vide de la moindre présence, quand une silhouette attira mon regard. Une silhouette constituée essentiellement de cendres. Evilash. La colère ne fit que redoubler.
- Tout ça, c'est de ta faute ! me mis-je à hurler.
Evilash se mit à rire aux éclats.
- Ce n'est pas toi qui voulais des réponses ? me demanda-t-elle, visiblement amusée.
- Des réponses ? Parce que tu appelles ça des réponses ? m'énervai-je de plus bel. Je n'ai rien appris du tout ! Tu t'es entièrement foutue de moi et après, tu oses espérer que je puisse un jour m'allier à toi ?
Evilash éclata de nouveau de rire.
- Rien appris ? répéta-t-elle. Tu es entourée depuis le début par des hors-la-loi et c'est tout l'effet que cela te fait ?
Je serrai les poings de rage.
- Tu n'avais pas besoin de m'envoyer dans ce village pour m'apprendre une telle chose, grinçai-je.
- Parce que tu crois que c'est la seule chose qu'il y avait à découvrir ? ricana-t-elle. Je te croyais plus perspicace que ça, tu me déçois. Je la foudroyai du regard, mais la silhouette m'ignora totalement ; tu ne t'es pas découvert des dons étranges ? me demanda-t-elle. Pour une Terrienne, c'est plutôt étonnant non ? Mais je ne t'apprends rien.
- Viens-en au but, grondai-je, serrant les poings avec force pour contenir ma haine.
La silhouette de cendres haussa les épaules.
- Tu as déjà tous les morceaux du puzzle en main Eudora, mais tu refoules tellement ton passé que tu refuses d'imbriquer les morceaux entre eux. Tu sais très bien, tout comme moi, que tu n'es pas née Terrienne. Tu préfères simplement le nier et t'accrocher à un passé qui n'existe même pas.
- Tu ne connais rien de moi, rien de mon passé, me mis-je à hurler, sentant un torrent d'émotions me saisir de part en part.
Evilash s'approcha lentement de moi, laissant échapper un faible rire.
- C'est là où tu te trompes, Eudora. Je te connais parfaitement, nous nous connaissons parfaitement. Depuis toujours.
Ses mots eurent l'effet d'une douche froide. Elle mentait. Elle ne pouvait que mentir.
- Je ne te crois pas.
- Ne t'es-tu jamais demandé pourquoi mon pouvoir n'avait aucun effet sur toi ? Pourquoi tu étais insensible à mon pouvoir et seulement au mien ? Ni pourquoi tu avais été amenée ici ? Tu n'es pas ici parce que tu es l'élue qui mettra fin à mon règne, tu as été amenée ici comme un simple et vulgaire sujet d'étude, lâcha-t-elle brutalement. Tu es un rat de laboratoire destiné à l'abattoir une fois qu'ils en auront fini avec toi.
J'entendis des bruits de pas se rapprochant vers nous à grande vitesse. Des cris retentirent.
- Je ne pouvais pas les laisser en liberté, me confia Evilash. Il fallait que la reine les retrouve.
Circé déboula dans le hall, suivis de Rox. Les deux jeunes filles se stoppèrent net lorsqu'elles virent Evilash à mon côté. Les bruits de pas des cavaliers retentirent.
- Mais toi, tu n'es pas obligée de finir comme eux, me souffla la silhouette. Tu peux décider de me rejoindre.
Je me tournai vivement vers Evilash, retenant les larmes qui tentaient de monter.
- Après ce que tu as fait ? m'écriai-je.
L'image du corps de Kalidas tournait en boucle dans mon esprit. J'avais envie de crier. De hurler. De le chasser de ma tête. Mais le sang, son immobilité, tout ne cessait de tourner en boucle. Le plan d'Evilash était parfait. A un détail près. Elle me voulait dans son camp, faire éclater la vérité au sujet de ceux que j'avais côtoyé depuis mon arrivée avait été un atout en sa faveur. Le fait qu'elle prétendait me connaître mieux que personne, aurait pu jouer en sa faveur. Mais il y avait Kalidas. Elle l'avait mis en danger. Elle l'avait indirectement mené droit vers la mort. Et c'était une chose que je ne pouvais pas supporter. N'importe qui d'autres aurait pu mourir que tout aurait été différent, mais Kalidas avait un trop gros impact sur moi. Et je bouillonnais de rage. J'avais envie de hurler. C'était de sa faute. Et je préférai encore mourir que rejoindre la personne coupable de sa mort. Je préférai encore subir toutes les tortures que l'univers avait à m'offrir.
Mettant toute la haine que je le pouvais dans mes yeux, je toisai la silhouette avec un mépris indescriptible.
- Je préfère encore crever que de m'allier un jour à tes côtés, lâchai-je froidement.
Evilash sembla plus amusé qu'autre chose et recula de quelques pas.
- Comme tu voudras Eudora, ricana-t-elle.
Et Evilash fit tomber toutes les cendres. Elle abandonna sa forme cendrée, dévoilant sa véritable apparence.
Je sentis mon cœur rater un battement.
Mes mains se mirent à trembler.
Et l'incompréhension me frappa en pleine face.
C'était impossible. C'était tout bonnement impossible. Ça n'avait aucune logique.
Un sourire moqueur, Evilash se contenta de me faire face, le regard provocateur. Et j'étais incapable de réagir. J'étais comme statufiée. C'était impossible. Ça ne pouvait pas être réel. J'étais en plein cauchemar.
Devant moi, se dressait une jeune fille, plus âgée de quelques années. Le teint mate, elle possédait de longs cheveux de cendre, des cendres s'en détachaient et volaient çà et là, tout autour d'elle. Elle me contemplait de ses yeux si particuliers. Des yeux que j'avais souvent côtoyés. Des yeux emplis de constellations, d'étoiles.
Ce physique si familier.
Ce physique que j'avais tenté d'oublier.
Mon physique.
Mon physique que j'avais refoulé, préférant prendre l'aspect d'une simple Terrienne. Un physique que je n'avais pas vu depuis dix ans. Un physique qui me rappelait tout ce que j'avais fui. Un physique qui me rappelait ce en quoi j'avais voulu tirer un trait.
Evilash n'était autre que moi-même.
Et je ne comprenais plus rien.
Les cavaliers firent irruption dans la pièce et Evilash disparue en un flot de cendres. J'entendis Rox et Circé crier, mais le son de leurs voix ne me procura aucun effet. Puis, je sentis une douleur subite perforer ma nuque. Un cavalier m'immobilisa, me plantant un objet pointu dans la gorge. Je sentis mes membres s'engourdir. Et je sombrai dans le néant.
***
NDA : Omg, c'est la fin 😱 enfin on a encore un chapitre après celui là, mais c'est spécial, vous verrez bien par vous même la semaine prochaine 😏
Et d'ailleurs ce chapitre ? Vous l'avez vécu comment ? Vous me détestez pas ?
Questions :
- L'identité d'Evilash, quel est vôtre réaction ? Vous comprenez ce qui vient de se passer ou c'est encore confus ?
- La vérité sur Eudora, vous vous doutiez qu'elle n'était pas Terrienne ?
- Et un mot pour Kalidas ?... X(
- Cette fin, c'était comment ? Vous le sentez comment le tome 2 ? D'après vous, qu'est ce qui va se passer ?
Je vous dis à la semaine prochaine pour le DERNIER chapitre du tome 1 qui va répondre à pas mal de questions 😏 car j'imagine que ça doit être confus là.
Kissy kissy !❤️
#Nakijo.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top