34. Tempête électrique.
J'étais assise dans un couloir, triturant du bout des doigts le médaillon que j'avais volé à Kalidas. Tout tourbillonnait dans ma tête. Tout s'entremêlait. J'en avais des vertiges. Depuis que j'avais atterri ici, j'avais accumulé les informations sans jamais recevoir la moindre réponse susceptible d'effacer toutes les interrogations qui nageaient sans cesse dans mon esprit.
Qui était Evilash ? Pourquoi son comportement à mon égard était-il si déroutant ? Quand reviendrait-elle pour connaître ma décision concernant l'alliance qu'elle m'avait proposé ?
Qui étaient les Darknils ? Pourquoi personne ne semblait croire en leurs existences ? Qu'est-ce qu'ils manigançaient réellement ?
Qu'était donc ce médaillon autour de mon cou ? Pourquoi me brûlait-il par moment ? Pourquoi le mot phénix y était gravé ?
Et ce conte, pourquoi s'arrêtait-il si brusquement ? Avait-il un lien avec le médaillon que je portais ? Et les Ombres, étaient-ils des...
- Eudora ? s'étonna Martial, un membre de la Garde Royale.
Il s'approcha, surpris de me voir assise dans un couloir en plein milieu de la nuit.
- Je ne suis pas sûr que le sol soit très confortable pour un petit roupillon, commenta-t-il.
- Je ne suis pas sûre que ça te regarde, répondis-je du tac au tac en cachant le médaillon sous mes vêtements.
Fort heureusement, Martial ne prêta pas attention à mon bijou. Il s'installa face à moi, les jambes croisées, et se balança d'avant en arrière comme un enfant.
- Tu t'es perdue ?
Je fronçai les sourcils.
- Perdue ?
- Tu ne trouves plus ta chambre ? C'est pour ça que tu es là ?
J'éclatai de rire.
- Je n'ai pas un si piètre sens de l'orientation que ça, je sais très bien retrouver mon chemin.
- Qu'est-ce que tu fais là alors ? s'inquiéta-t-il. Ah, je sais !
- Tu sais...
- Ta famille te manque et ça te rend morose !
Je le regardai comme s'il était complétement attardé.
- Je peux savoir en quoi tout ça te regarde ? m'exaspérai-je. En plus, tu es complétement à côté de la plaque.
- On me le dit souvent.
- Vraiment ? ricanai-je, tu devrais peut-être commencer à t'inquiéter.
Martial éclata de rire, pas le moins du monde touché par ma remarque. Il semblait plutôt tout prendre à la légère.
- Sérieusement ? Tu fais quoi assise là ?
- Je te le répète, ça ne te regarde pas ! D'ailleurs, toi aussi tu erres dans les couloirs, je te ferais remarquer.
- Pour moi, c'est justifié, Ronan hurle tellement que cela m'empêche de dormir.
- Il hurle ?
- Toutes les nuits, comme un fou.
- Et ça ne t'inquiètes pas plus que ça ? m'effarai-je.
- Ronan a toujours eu un comportement bizarre à la nuit tombée, entre ses insomnies et ses hurlements, on finit par s'y habituer. Je pense qu'il a dû vivre un traumatisme lors d'une nuit et que ça lui pourri la vie, mais lui me répond que jouer les psys, ça ne me réussis pas du tout. Mais il ne veut rien me dire de plus.
- Je suis sûre qu'encore une fois, tu étais à côté de la plaque, commentai-je.
Martial leva les yeux au ciel, abordant un sourire en coin. Lentement, il se laissa partir en arrière, s'allongeant sur le carrelage, en plein milieu du couloir.
- Tu veux voir un truc amusant ? me lança-t-il.
- Je ne suis pas sûre d'avoir la même définition que toi.
- Quand il fait noir et que Ronan dort, ses cheveux crépitent d'électricité. On dirait des pétards.
- Et tu veux que j'aille voir ça ? m'exaspérai-je.
- Si tu ne veux pas, on a qu'à passer la nuit ici.
- On ? Qui te fait croire que j'ai envie que tu restes à mes côtés ?
Un sourire malicieux apparu sur les lèvres du jeune homme.
- Quoi ? Je ne te plais pas ? me demanda-t-il avec une voix exagérément langoureuse.
- Ton physique me donne envie de vomir.
- J'espère que c'est un compliment.
- Encore une fois, tu es à côté de la plaque.
Martial ricana, mais n'ajouta rien de plus, se contentant de fixer le plafond, semblant subitement pensif. Martial était plutôt grand avec une forte musculature. Il possédait des plumes de corbeaux à la place de ses cheveux. Sous la lumière, les plumes avaient de léger reflet bleu. Ses yeux vert foncé représentaient la race des Guerriers, Kalidas m'avait appris qu'il s'agissait d'une race assez répandue. Sur ses paupières, des paillettes bleutés étaient encré dans sa peau. Il avait un physique atypique. Un peu comme tout le monde dans ce royaume.
Lassée de le contempler se prélasser et agacée de ne plus être seule, je me redressai, décidant d'arpenter les couloirs.
- Où est-ce que tu vas ? me lança le jeune homme.
L'ignorant totalement, je tournai dans un autre couloir.
- Je t'ai posé une question, hurla-t-il.
J'entendis des bruits de pas et compris qu'il était en train de me suivre. Je laissai un soupir d'énervement franchir mes lèvres et pivotai en sa direction.
- C'est la reine qui t'a demandé de me surveiller ? Ou tu es juste la réincarnation du chewing-gum qui s'était collé sous ma semelle ?
Martial me lança un regard empli d'incompréhension.
- Qu'est-ce que c'est qu'un chewing-gum ? C'est un animal ?
- Quoi ? lâchai-je, déroutée par une question aussi absurde.
- Un chewing-gum, c'est un animal qui se colle sous les pieds ?
- Oui, c'est ça, t'es perspicace.
- Tu vois que je ne suis pas toujours à côté de la plaque.
- Comme quoi, ça m'arrive de me tromper, me moquai-je avant de me détourner.
Je m'apprêtai à continuer mon chemin lorsqu'un tableau attira mon attention.
Il s'agissait d'un portrait. Le portrait d'une jeune femme. Elle avait de longs cheveux d'or, et même alors qu'il s'agissait que d'une peinture, il me semblait les voir briller de mille feux. Sa peau était pâle et ses joues légèrement rosées, mais elle me procurait une sensation de chaleur. Il était difficile de voir ce qu'il y avait derrière la jeune fille, mais il me semblait voir des ailes. Mais le fond du tableau avait été peint d'une couleur bien trop sombre pour en définir les caractéristiques. Les paupières de la jeune fille étaient closes, laissant le mystère planer sur la race à laquelle elle appartenait.
- Qui est-ce ? demandai-je à Martial, trouvant enfin une utilité à sa présence.
Le jeune homme n'eut pas le temps de me répondre qu'un bruit fracassant retentit. Martial se rua en direction d'une porte d'une des chambres. Il toqua plusieurs fois à la porte.
- Ronan ? Ronan ? Qu'est-ce que tu fous, mec ? cria-t-il à travers la porte.
N'obtenant aucune réponse, Martial ouvrit la porte qui n'avait pas été verrouillée.
Martial fut aussitôt propulsé dans les airs, heurtant violemment le mur du couloir, il s'écroula sur le carrelage. Le boucan réveilla les occupants des chambres voisines. Rox sortit d'une chambre pourtant assez éloignée, suivis de Nérée. La renarde se rua en notre direction. Un bruit fracassant retentit une nouvelle fois en provenance de la chambre.
- Ronan ! s'écria Rox.
Tandis que le bruit ameuté tous les occupants de l'étage. Rox s'apprêtait à se ruer dans la chambre, mais je la tirai vers moi juste avant qu'elle ne pénètre les lieux. Un éclair d'électricité fendit l'air, manquant de peu la rouquine.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? s'alarma Alisa, la sœur de Ronan.
Personne ne put lui fournir la moindre réponse pour la simple et bonne raison que personne n'en savait plus qu'elle.
Nérée courut en notre direction et fit apparaitre un bouclier devant lui, avant d'entrer dans la chambre. Un éclair d'électricité vint subitement frapper le bouclier, sans causer le moindre dégât. Nérée s'avança dans la chambre, Rox et Alisa entrèrent à sa suite, profitant du bouclier de Nérée pour se protéger.
- Ronan... Qu'est-ce que tu fabriques ? s'écria subitement Alisa.
Un bruit fracassant retenti et un nuage de fumée s'échappa de la chambre.
- Rox, revient ! hurla Nérée.
- Rox ! s'écria Alisa alors qu'un autre bruit fracassant retentissait.
La peur au ventre, je me ruai dans la pièce, cherchant Rox du regard.
Mon sang se figea dans mes veines. Ma bouche s'ouvrit d'elle-même de stupéfaction. Mes yeux s'écarquillèrent devant le spectacle qui s'offrait à moi.
La chambre n'avait plus rien d'une chambre. La penderie était renversée, brisée en plusieurs débris de bois, les vêtements étaient éparpillés dans toute la pièce. Le carrelage était fissuré, le lustre brisé en mille éclats de verre. Le rebord du lit était arraché et le matelas possédait un trou noir en son centre, où s'échappait de la fumée.
On aurait dit que toute la chambre avait été retournée et saccagée.
Et aucune trace de Rox.
Mais Ronan, lui, était présent. Accroupi, recroquevillé sur lui-même, au centre de la pièce. Il semblait crier dans le plus grand silence et faisait apparaître des éclairs d'électricité dans tous les sens. Une tornade faite entièrement d'électricité tournait autour de lui et des éclairs s'échappaient de toute part, faisant voler les meubles en éclat.
- Je ne vais pas réussir à tenir encore longtemps, nous informa Nérée, qui commençait à fatiguer à force de maintenir son bouclier, qui subissait des centaines d'attaques électrique.
On se serait cru au beau milieu d'une tempête électrique. Les éclairs frappaient en tous sens. Même l'air en devenait suffocant.
Je remarquai subitement, sous le lit, un renard. Rox. Elle s'était cachée et tentait de s'approcher doucement de Ronan.
L'adolescent semblait complétement désorienté. Qu'est-ce qui lui arrivait ?
La renarde bondit subitement vers Ronan, reprenant forme humaine. Elle se plaça devant l'adolescent et tenta de lui enlever les bras du visage afin qu'il puisse la regarder droit dans les yeux.
- Ronan ! Reprends-toi ! Regarde-moi... je t'en prie, regarde-moi. La voix de la rouquine se brisa. Ronan !
Le jeune homme ne semblait pas l'entendre. Il se crispait, électrocutait les environs. Mais semblait être perdu dans son monde, nageant au beau milieu de ses propres démons.
Rox tenta de lui faire relever la tête, mais une vague électrique se forma autour de Ronan. Je sentis mon sang se glacer dans mes veines, mes muscles se tendre et sans réfléchir, je courus vers Rox pour lui faire éviter la vague. La poussant face conte sol, je n'eus pas le temps d'éviter la vague et me la pris en plein ventre.
Je fus propulsée à travers la pièce, heurtant le mur de tout mon poids, je tombai lourdement sur le sol. Mon ventre me brûlait atrocement, j'avais l'impression que tout mon corps était parcouru d'électricité. Mon cœur s'emballa, mais il semblait en même temps lent, mou, comme si la décharge l'avait rendu vaseux.
J'avais l'impression que toutes mes forces venaient de me quitter. Je n'avais plus la force de bouger. Ni même de me relever. Et la tempête électrique continuait de faire rage dans la chambre. Ma tête me tournait. J'avais dû mal à réaliser que les mouvements autour de moi étaient bel et bien réels.
Puis un jet de feu surgit subitement dans mon champ de vision. Frappant les mains de Ronan. Le jeune homme fit un bond, criant de surprise et de douleur. Le jet de flamme disparu aussitôt, en même temps que toute trace d'électricité.
Alisa accourut en direction de son frère. Des petites flammes dansaient encore sur ses mains, mais s'éteignirent rapidement. Ronan sembla peu à peu prendre conscience de ce qu'il venait de faire, il semblait complétement perdu. Désorienté.
Je sentis mes forces me regagner petit à petit, la douleur était toujours présente, mais elle semblait s'être atténuée.
- Tu te sens bien ? s'inquiéta Rox en arrivant près de moi.
J'acquiesçai, me redressant difficilement. Rox me lança un regard inquiet avant d'en lancer un autre en direction de Ronan, elle semblait être partagée. Je compris qu'elle mourrait d'envie de rejoindre le jeune homme pour voir s'il allait bien, mais en même temps, elle refusait de me laisser seule.
- Va le voir, je vais bien, lui soufflai-je, ne voulant pas la voir se faire du mouron plus longtemps.
Rox ne se fit pas prier et courut rejoindre le jeune homme. Ronan s'agrippait au tapis calciné de sa chambre, les yeux larmoyants, la mâchoire si serrée qu'on pouvait voir ses os se contracter.
Nérée avait quitté la pièce, peut-être pour aller prévenir la reine. Il ne restait désormais plus que nous quatre. Et peut-être que moi aussi, j'aurais dû quitter les lieux, laisser plus d'intimité à l'adolescent, mais j'étais à bout de forces. Je ne me sentais pas capable de marcher.
- Ronan, qu'est-ce qu'il t'arrive ? le questionna Alisa, les yeux emplis d'une inquiétude non dissimulée.
Ronan ne répondit pas, lâchant un râle, comme s'il souffrait. Il semblait tiraillé. Rox fronça les sourcils, captant probablement ses émotions.
- Alisa, tu peux aller lui chercher un verre d'eau s'il-te-plait ? lui demanda la renarde.
La jeune fille aux cheveux étoilés sembla hésiter quelques instants, mais finit par obtempérer. La rouquine posa doucement ses doigts sur le menton du jeune homme afin de lui relever la tête.
- De quoi as-tu peur ? lui demanda-t-elle, prenant une voix emplie de douceur.
Ronan ferma les yeux, serrant les paupières avec force.
- Tu sais très bien que je n'aime pas la nuit, finit-il par répondre d'une voix extrêmement basse.
Rox passa une main sur les épaules du jeune homme, se serrant contre lui. Je les regardai faire, gênée d'être présente dans un moment aussi intime. J'ignorais qu'ils étaient proches.
- Je le savais, mais pas au point de tout saccager, répliqua la rouquine. Qu'est-ce que tu as ?
Ronan frémit. Il avait encore le regard complétement perdu.
- Si je pouvais en parler, tout serait tellement plus simple... marmonna-t-il, comme pour lui-même. Je suis incapable de dormir.
Je fronçai les sourcils, ne comprenant plus rien de l'échange qui se déroulait devant mes yeux indiscrets. Plus capable de dormir ? Quel rapport cela pouvait avoir avec le fait que le jeune homme avait littéralement pété les plombs ?
- Ronan... souffla Rox à voix basse, si tu arrêtais de souffrir en silence tout serait beaucoup plus simple. Tu ne peux pas continuer de vouloir préserver tout le monde, même à ton propre détriment. Souffrir seul de ton côté ne nous préserve en rien. Nous sommes nombreux à nous faire du mouron pour toi. Et je sais pertinemment que ce que tu refoules au fond de toi est bien plus envahissant que tu ne veux nous le faire croire. Je ressens ta détresse comme si c'était la mienne.
Ronan secoua la tête, semblant reprendre peu à peu contrôle sur ses émotions. Mais ses mains tremblantes trahissaient le fait qu'il était loin d'être serein.
- Je sais que tu t'inquiètes, mais je vais bien, articula doucement l'adolescent. Je dois apprendre seul à combattre mes propres démons.
Ronan se leva subitement, le regard froid, ne trahissant pas la moindre émotion. Il quitta la pièce sans un mot.
***
NDA : Hey me revoilà avec un jour de retard xD mais hier j'ai eu un problème de wifi 🤦🏼...
Alors, un avis sur ce chapitre électrique ? *Sors*
Questions :
- Martial qui semble à côté de la plaque x) vous avez trouvé comment son comportement ?
- Ronan qui ravage toute sa chambre, une idée de ce qui lui a pris ?
- Eudora qui se prend une décharge pour protéger Rox, surprenant ?
- La relation entre Rox et Ronan, un mot là dessus ?
Hé c'est tout xD ! À la semaine prochaine ! (On se rapproche de plus en plus de la fin du tome 1 o.O ! Le tome comporte 40 parties au total ) ... (Moi avoir la flemme de compter combien il en reste à poster ? Oui. XD)
Kissy kissy !
#Nakijo.
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