21. Sentiments inacceptables.

Je guettai l'infirmerie de loin, reculée dans un couloir, afin que l'on ne s'aperçoive pas de ma présence. Je ne faisais pourtant rien d'illégale et j'avais tous les droits d'être ici. Mais je n'avais tout simplement pas envie que l'on me remarque et commence à me surveiller.

Je savais bien que j'avais passé un ''accord'' avec la reine et que je pouvais me balader dans le château sans aucun garde, mais j'étais convaincue que malgré ses dires, elle avait demandé à sa Garde Royale de garder un œil sur moi. Après tout, notre accord avait été passé contre sa volonté. Elle n'avait pas vraiment eu le choix.

Je vis la poignée de la porte de l'infirmerie s'abaisser et je compris que quelqu'un s'apprêtait à sortir. Je ne savais pas de qui il pouvait bien s'agir, mais je devais réprimer l'envie de marcher jusqu'à la porte pour qu'une fois la personne sortie, je puisse lui demander des nouvelles de Kalidas.

J'étais vraiment ridicule. À quoi je jouais ? Pourquoi l'état de Kalidas le préoccupait autant ? Je n'avais pas à m'en soucier, c'était un individu parmi tant d'autres. En plus, il me haïssait.

Et je ne pouvais pas le lui reprocher, j'avais tout fait pour que ça arrive. Je m'étais conduite de façon exécrable, devenant imbuvable. J'avais mis les pieds dans son jardin secret à son insu. J'avais volé son dragon et finis par le blesser grièvement. J'avais explosé une vitre à l'aide d'un animal qui ensuite, ruisselait de sang... Toute personne censée me détesterait après autant d'actes aussi immondes. Kalidas avait pris du temps avant de plus vouloir m'adresser la parole, mais cela était belle et bien arrivé.

C'est la fille poisson portant le nom de Naïa qui sortit de l'infirmerie. Je fis plusieurs grandes enjambées afin de la rejoindre. Visiblement, elle était guérie des cendres et venait d'avoir l'autorisation de sortir définitivement du centre de soin.

- Attends, l'arrêtai-je alors qu'elle se dirigeait vers un couloir. Naïa se tourna lentement vers moi, visiblement surprise que je vienne l'aborder. Je me maudissais intérieurement de lui poser cette question...

- Oui ? demanda-t-elle en retour, dans l'attente que je m'exprime.

- Comment va le Rôdeur ? lui demandai-je. Voilà, c'était dit. J'avais envie de disparaître de la circulation, après m'être taper violemment la tête pour avoir osé demander une telle chose. Ça ne me ressemblait pas...

- Il a repris connaissance ce midi, si tu veux, tu peux aller le voir, m'informa-t-elle. Cette nouvelle me soulagea, si Kalidas avait repris connaissance, c'est qu'il allait mieux et qu'il était probablement hors de danger.

- Non, ça ira, refusai-je. Je m'apprêtai à partir, me maudissant intérieurement face à mon comportement, lorsque j'entendis Naïa me suivre.

- Eudora, m'interpella-t-elle. Je voulais te remercier. Je me tournai vers elle en fronçant les sourcils.

- Me remercier ? Mais de quoi ? demandai-je d'un ton sec, me demandant ce qu'elle avait à l'esprit.

- D'avoir pris autant de risque pendant l'attaque d'Evilash, c'était vraiment courageux. Je la regardai, interdite, et finit par lui rire au nez.

- Je ne risquais absolument rien et je le savais. Puis, avant que tu ne te fasses des idées, je n'ai fait ça pour personne, ajoutai-je, j'avais simplement peur de me retrouver à errer seule si jamais le Rôdeur venait à mourir. Naïa serra les lèvres, semblant réprimer son malaise.

- Alors merci d'avoir été si égoïste, ça nous a été d'un grand secours, rectifia alors le poisson. Je plissai les yeux.

- Je n'ai rien fait pour vous, mon but était de garder le Rôdeur en vie, dis-je en me rappelant avant tout que si la situation avait bien tournée, c'est principalement grâce au pouvoir de glace de la fille face à moi. Mais si elle s'attendait à un remerciement en retour, elle pouvait toujours courir.

- Ok, je ne te remercie pas, capitula Naïa en haussant les épaules. Mais si tu tiens à voir le Rôdeur, n'hésite pas, ajouta-t-elle. Sa remarque eut le don de me déstabiliser, mais je ne laissai rien paraître.

- Qui te dit que j'ai envie d'aller le voir ? S'il avait fini par succomber, cela aurait été du pareil au même, dis-je d'un ton des plus sec.

- Je pensais que tu t'en souciais un peu, vu que tu guettais le Centre de Soin pour avoir de ses nouvelles, expliqua la fille aux écailles d'un bleu presque blanc. Je serrai les poings pour contrôler mon agacement. Je ne savais pas ce qui m'énervait le plus ; le fait qu'elle insistait ou qu'elle avait probablement raison.

- Tu es complètement à côté de la plaque, grinçai-je, le Rôdeur a quelque chose qui m'appartient et cela m'aurait bien embêté qu'il meurt avant de me l'avoir rendu, mentis-je. Naïa parut surprise.

- Oh... Il est réveillé, si jamais tu veux récupérer ce qui t'appartient, libre à toi, conclu-t-elle. Je n'en revenais pas qu'elle ait pu gober ce mensonge, mais je me contentai de hausser les épaules en me dirigeant vers la porte du Centre de Soin. Mais pour quoi faire ? Kalidas n'avait en réalité rien en sa possession qui puisse m'appartenir. C'était plutôt le contraire. Je passai mes doigts sur le médaillon autour de mon cou. J'avais dérobé le bijou dans la pièce où je m'étais introduite par effraction. Visiblement, Kalidas ne s'était pas aperçu de sa disparition.

Ouvrant la porte du Centre de Soin, je regrettai aussitôt ce geste. Mon comportement ne rimait à rien. Mais il était trop tard pour faire demi-tour. Déjà, une sorte d'infirmière au look complètement déjanté se tournait vers moi. Ignorant son physique immonde, je rentrais sans faire preuve d'hésitation. La femme était en train d'examiner Ronan, l'adolescent aux cheveux bleu emplis d'électricité. Ce dernier semblait lui aussi en bien meilleur état et il était fort probable qu'il ait l'autorisation de sortir d'ici peu. Mais je n'en avais strictement rien à faire. Il aurait pu mourir que son sors m'aurait était égale.

Tournant la tête vers les autres lits, je vis Kalidas, allongé dans un lit du fond, les yeux mi-clos. Dans un soupir d'agacement pour moi-même, je me dirigeai vers lui. Maintenant que j'étais ici, autant aller jusqu'au bout. Arrivant devant le Rôdeur, je me stoppai, le détaillant dans les moindres détails.

Son teint bronzé était plus pâle qu'à l'accoutumée, ses cheveux noirs et rebelles étaient plaqués contre sa peau et semblaient emmêlés, des brûlures apparaissaient çà et là sur son visage. Il avait beau être revenu à lui, il ne semblait pas être guéri.

Kalidas sentit probablement une présence près de lui, car il finit par ouvrir les yeux. Ses iris rouges avaient perdu de leurs éclats habituels, mais ça ne l'empêcha pas de me détailler avant de sortir un sourire crispé.

- Je ne pensais pas que je te verrais ici, avoua-t-il d'une voix moins assurée que d'habitude.

- Je voulais voir si tu n'étais pas mort, dis-je en empruntant un ton indifférent. Si ça avait été le cas, je me serais permis d'hériter de ta veste à écailles. Kalidas sembla amusé par ma remarque, mais finit toutefois par lâcher un soupir.

- Cela ne m'étonne pas de toi, ça te ressemblerait bien, commenta-t-il.

- Si tu as assez de force pour me juger, pourquoi ne te lèves-tu pas ? Fis-je mine de m'agacer, alors qu'au fond, sa remarque ne m'avait pas blessée le moins du monde.

- Mes jambes sont hors service, expliqua-t-il essayant de sourire, mais son air triste pris le dessus. Cette nouvelle eut l'effet d'un coup envoyé droit dans mon estomac. Hors de service ? Qu'est-ce qu'il entendait par-là ? Était-ce temporaire ou à vie ?

- Mais qu'est-ce que tu racontes, soupirai-je. Laisse-moi voir ça. Sans écouter ses cris de protestation, je tirai sur la couverture pour découvrir ses jambes.

Je restai interdite. Pas seulement parce qu'elles étaient dans un sale état, mais également parce que je ne m'attendais pas à ce qu'elles soient ainsi. Un être humain normalement constitué n'avait pas des gravures dans la chaire. Enfin... Après tout, je n'étais plus sûre de pouvoir considérer ces gens d'humains.

Sa peau bronzée laissait voir des sortes de tatouages vivants danser sur sa chaire. De couleur noire, les tatouages bougeaient lentement, miroitant faiblement. En tout cas, il n'avait pas menti, ses jambes étaient dans un sale état. Des grosses cloques blanches apparaissaient par endroits et sa peau était à vif. Ses jambes étaient tordues dans un angle improbable. Difficile d'imaginer pouvoir tenir debout avec des jambes dans un tel état. Vu les kilos de cendre qui s'étaient échoués sur lui, c'était un miracle qu'il ne soit pas plus amoché. La femme du Centre de Soin avait dû faire du beau travail.

- Oui, pas très joli tout ça, commenta le Rôdeur. Je haussai les épaules.

- C'est vrai que ces dessins noirs sur ta peau sont affreux, répliquai-je, retenant un sourire. Kalidas laissa un faible rire s'échapper de sa bouche. Son rire fit monter des petits frissons le long de mon corps et je ne pus m'empêcher de lui sourire en retour. À peine eus-je le temps de me rendre compte de ce que j'étais en train de faire, que je remis mon masque impénétrable en place.

Mais qu'est-ce que je faisais ? Pourtant, je ne pouvais plus faire l'aveugle sur la situation ; je commençai à m'attacher à Kalidas. Cette évidence me frappa avec violence. Non, je ne pouvais pas me le permettre. Ce genre de sentiments n'était qu'une pure faiblesse. Et ce Rôdeur n'était rien d'autre qu'un être absurde aux yeux rouges qui semblait bien cacher son jeu. Après tout, la reine et Circé avaient bien laissé entendre que le jeune homme commettait des actes illégaux. Et des actes dépassant de loin le simple fait de voler des carottes au marché.

- À te voir là, j'aurais très bien pu penser que tu t'inquiètes pour moi, déclara le Rôdeur en me sortant de mes pensées. Sa remarque eue le don de me transpercer.

- N'importe quoi, répondis-je du tac au tac, je m'ennuyais, c'est tout. Puis, comme je te l'ai dit, je voulais récupérer ta veste à écailles.

- Tu es sûre que c'est la vraie raison, me taquina le Rôdeur. Je soufflai bruyamment.

- Arrête de dire des bêtises deux secondes, tu me saoules. Le Rôdeur haussa un sourcil.

- Pourquoi m'as-tu suivi jusqu'au marché ? me demanda-t-il, parlant de ce qui m'avait amené dans le village lors de l'attaque. Je restai muette face à cette question. Du moins pendant les premières secondes.

- Qu'est-ce que t'en as à faire ? Je n'ai aucun compte à te rendre, dis-je d'un ton froid. D'ailleurs, j'ai obtenu de la reine qu'elle te mette un Réducteur, tu peux dire au revoir à la téléportation, l'informai-je, voulant lui faire croire que l'idée d'inhiber ses pouvoirs était la mienne. Kalidas écarquilla les yeux.

- Tu as fait quoi ? s'écria-t-il. Je pris un air complètement indifférent.

- Tu as très bien compris, m'irritai-je. Au moins, tes plans d'évasion tomberont à l'eau à coup sûr. Kalidas me lança un regard noir.

- À quoi tu joues ? s'énerva-t-il. J'étais bien contente qu'il commence de nouveau à me détester. Je ne voulais pas qu'il ait ne serait-ce qu'un bon sentiment à mon égard.

- À quoi tu t'attendais ? Maintenant que je suis de nouveau ici, je n'ai plus besoin de toi. Et te rendre ta liberté aurait été beaucoup moins amusant.

- C'est à se demander ce que tu as à la place d'un cœur, marmonna Kalidas avant de me maudire. Je lui envoyai un petit sourire moqueur.

- Soigne-toi bien, lui dis-je avant de frapper sa cuisse de ma main. Le choc eut pour effet de le faire crier de douleur. La femme du Centre de Soin se rua en notre direction.

- Mais qu'est-ce que tu fais ! s'alarma-t-elle. Il est encore convalescent, ne commence pas à le martyriser. Je me mis à ricaner.

- Vu l'état de ses jambes, ça ne peut pas être pire, dis-je d'un ton indifférent en me détournant pour ne plus voir le Rôdeur. Ronan, l'autre patient près à quitter le Centre de Soin me regardait avec rejet. Visiblement, il ne semblait pas me porter dans son cœur. Et ça m'allait très bien comme ça. Sans un mot, je quittai la pièce. 

***

NDA : Heyyy ! Bon j'étais censée poster dimanche, mais je crois que je ne connais pas la ponctualité x)

Sinon, un avis sur ce chapitre ? :3

Les petites questions :

- Un avis sur la relation entre Eudora et Kalidas ?

- Les jambes de Kalidas, une réaction devant leurs états ?

- Le comportement d'Eudora à l'égard de Kalidas, une réaction au fait qu'elle se comporte de façon exécrable ? XD

Brefouille, à ce week-end si j'arrive à être ponctuelle, sinon ça sera mardi au plus tard.

Kissy kissy 💝

#Nakijo.

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