17. Intrusion.

On était au beau milieu de la nuit. Tout était calme. Il n'y avait pas un bruit. J'étais allongée dans le lit que mon hôte m'avait donné, attendant d'être sûre que Kalidas se soit bien endormi.

Me redressant lentement, je mis un pied sur le plancher, espérant ne pas le faire grincer. Moins de bruit je faisais et mieux ça vaudrait. Je ne voulais pas me faire prendre avant même d'avoir commencé à mettre mon nez dans ce qu'il ne me regardait pas.

Ouvrant la porte de ma chambre avec précaution, je sortis lentement dans les couloirs et parti en direction d'un escalier étroit menant à une pièce où Kalidas avait pour habitude de passer tout son temps.

Arrivant devant la porte, je fus dépitée de constater qu'il n'y avait pas de poignée. Le seul moyen d'y pénétrer devait être la téléportation. Un don que je ne possédais pas, hélas.

Mais je n'avais pas dit mon dernier mot et croire que je renonçai dès qu'une difficulté se mettait en travers de ma route serait mal me connaître. Il me fallait une option B pour pénétrer dans les lieux et je ne tardai pas à en trouver une. La fenêtre.

Je me doutais bien qu'elle ne serait pas ouverte et facile d'accès, mais casser une vitre était toujours plus facile que d'enfoncer une porte aussi épaisse que le gras des bourrelets de mon professeur de sciences. Mais le bémol dans cette histoire était que la vitre se trouvait à quatre étages à l'extérieur de la maison. Il fallait encore réussir à arriver à cette hauteur.

Une pensée pour le dragon de jais vint m'effleurer l'esprit. Mais vu ce que j'en avais fait la dernière fois et dans quel état je l'avais rendu, il risquait de me réduire en brochette de viande carbonisée avant même que je ne puisse voir la couleur de ses écailles. Je pensai alors à la licorne ailée que nous avions chevauchée pour nous rendre chez les Obscuriums.

Sur cette pensée, je sortis de la maison pour rejoindre l'écurie où dormait toutes les bêtes de Kalidas. Du moins, tous ceux rappelant les chevaux. Il y en avait bien plus d'une centaine. Des pégases, des licornes, des licornes ailées, des chevaux à écailles, et toutes sortes d'autres espèces farfelues que j'aurais préféré ne jamais voir de mon existence.

Je ne pris pas le temps de réflexion sur quel pelage était le plus ravissant et pris le premier pégase qui me tombait sous la main. Il avait une robe blanche tachetée de brun, un peu comme les vaches que l'on pouvait trouver dans les champs. En plus joli peut-être. Même si au fond, c'était une bête tellement surréaliste qu'elle se trouvait être hideuse à mes yeux.

Montant sur la bête, j'eus beaucoup plus de facilité à me faire obéir par la bête que par le dragon des jours plus tôt. Claquant des sabots, l'animal sorti de l'écurie et je le fis s'envoler dans les airs, en direction de la fenêtre que je convoitais. Cette dernière était teintée et impossible de voir à son travers. Il n'y avait rien non plus pour l'ouvrir de l'extérieur et le contour qui supportait la vitre était fait de pierre. Le seul moyen d'entrer, était de la briser.

Petit problème ; le bruit de morceaux de verre volant en éclats ne passerait pas inaperçu. Je risquai de réveiller Kalidas et je n'aurais même pas eu le temps de fouiller dans ses affaires à ma guise. Mais il n'y avait pas d'autres moyens d'entrer. J'allais devoir faire vite, question fouillage de la vie privé.

Je regardai autour de moi, me demandant avec quoi j'allais bien pouvoir briser la vitre. Je n'avais rien prévu pour. Je fis descendre mon pégase pour amasser plusieurs pierres et remontai au niveau de la vitre. Je la frappai à l'aide d'une grosse pierre, mais elle ne se railla même pas. Pas la moindre fissure. Retenant un râle, je jetai violemment la pierre contre la vitre. La pierre la frappa dans un gros boum et retomba sur le sol, une dizaine de mètres plus bas.

Je fis reculer le pégase pour prendre de l'élan et le fis s'élancer à toute allure en direction de la vitre et jetai ma pierre avec force. Non seulement la vitesse m'empêcha de bien viser, mais en plus le carreau ne se brisa pas. Plus qu'agacé, je fis reculer l'animal pour prendre le plus d'élan possible. Il fallait savoir faire des sacrifices pour la bonne cause et au fond, un animal surréaliste n'avait aucune valeur à mes yeux. Puis, contrairement au dragon, il m'obéissait à la lettre, ce qui était beaucoup plus pratique dans ce genre de cas de figure.

Prenant le plus d'élan possible, je le fis voler à toute vitesse en direction de la vitre et lui fit tendre ses pattes avant droit devant lui. Ses sabots heurtèrent avec violence le verre qui sous le choc et la vitesse, se brisa en millier de débris. Des morceaux de verres s'enfoncèrent dans la chaire de l'animal, perforants son pelage et traversant ses pattes, laissant un sang écarlate s'écouler contre la bâtisse.

Je bondis dans la pièce avant que l'animal ne s'éloigne de la vitre brisée. Il poussait des hurlements de douleur et je le vis voler vers le sol, semblant tomber comme une feuille morte. Mon entrée avait créé un grand vacarme et il n'était plus qu'une question de temps avant que les bruits n'alertent Kalidas.

Si j'avais décidé de m'introduire dans les lieux, c'était sous une simple pulsion. Je n'avais en réalité aucun but en tête. J'avais pu constater que Kalidas passait énormément de temps en ce lieu et j'avais voulu découvrir pourquoi et ce que ce lieu refermait. Je n'étais pas curieuse et je ne rentrais pas ce genre d'acte dans cette catégorie. Simplement, j'aimais tout connaître des personnes m'entourant. Pas que leur vie m'intéressait, ce serait plutôt le contraire ; mais ça me permettait d'avoir des cartes en main pour tout contrôler. J'aimais avoir le contrôle sur tout ce qui m'entourait et quoi de mieux que de connaître tous les secrets des êtres m'entourant pour me servir de mes connaissances sur eux à ma guise ?

Sur Terre, j'avais presque toujours procédé ainsi. Bien que souvent, je n'en avais pas besoin, je récoltais les informations sur ceux autour de moi pour les tenir en grippe. Ainsi la peur de voir ce que je savais sur eux influencer leur existence en éclatant au grand jour les rendait vulnérables.

Mais il fallait avouer que souvent, seul mon charisme suffisait pour leur faire courber l'échine. Je savais me montrer redoutable. Personne n'avait jamais osé contrer ma volonté... Du moins, avant l'apparition de Circé, la fille aux ailes d'aigle. Je ne savais pas comment elle avait fait son tour, mais je comptais bien tout remettre dans l'ordre.

Mais pour le moment, l'important était de me dépêcher de dénicher le maximum d'informations avant l'arrivée de Kalidas. Il savait se téléporter, ce qui ne jouait pas en ma faveur. Mais le bon point, c'est qu'il ignorait l'origine du vacarme et devrait donc trouver la provenance de ces bruits avant de me dénicher.

La pièce était de taille moyenne et assez sombre, au mur était accroché des lanternes éteintes. Malheureusement, je n'avais rien pour les faire fonctionner.

Sur ma droite, se trouvait une grande étagère emplie de livres et d'objets étranges. Au centre de la pièce se trouvait un bureau de forme ovale et un carton était posé dessus. Je me dirigeai vers l'objet et l'ouvris sans une once d'hésitation. Je n'en avais que faire du jardin secret d'autrui.

Fronçant les sourcils, je vidai le contenu sur le bureau. Le carton contenait le livre le plus épais qu'il m'est été donné de voir, ainsi que diverses autres babioles. Prenant le livre entre mes mains, je fus surprise par son poids. La couverture de cuir brun était ornée de symboles dorés incompréhensibles. Un fermoir en or gardait le livre fermé. Impossible de l'ouvrir. Le fermoir ne possédait même pas de serrure, comment pouvait-on l'ouvrir ?

Agacée, je posai le livre sur la table et m'emparai des autres objets. Je pris entre mes doigts un médaillon relié à une chaîne. Le médaillon de forme ronde et de couleur de bronze portait des gravures. Sur le revers, je pus y lire "incandescence" suivis du mot ''Phénix''. Je ne savais pas ce que représentait exactement ce médaillon, mais je comptais bien le garder en ma possession jusqu'à le découvrir. Rapidement, je rangeai le médaillon dans ma poche.

Je m'apprêtais à continuer mes recherches lorsque sur un meuble, des photos aux couleurs vieillottes attira mon attention. Je me dirigeai vers la direction. Sur l'une d'elles, j'avais reconnu Circé. Kalidas m'avait expliqué qu'autrefois, ils étaient voisins et même amis, mais que ce temps était révolu.

Sur la photo, Circé paraissait plus jeune, entrant à peine dans l'adolescence. Elle semblait cuisiner. Mais elle n'était pas seule sur la photo. Je reconnus Kalidas qui avait lui aussi perdu quelques années et un enfant possédant des cornes.

- Qu'est-ce que tu fais là ? lança une voix derrière moi. Je sursautai de surprise et me tournai pour découvrir Kalidas qui venait de se téléporter. Il avait l'air sacrément contrarié.

- Je visite, répondis-je d'un ton désinvolte.

- Ce lieu est privé ! Je sais que tu as pour habitude de ne rien respecter, mais je te rappelle que tu es ici chez moi parce que tu n'as nulle part où aller et j'aimerais un minimum que tu respectes mon intimité.

- Je ne vois pas en quoi ce lieu est personnel, il n'y a rien de compromettant. Tu t'enflammes pour rien. Dis-moi ce qu'il y a d'intime ici, répondis-je, n'en ayant que faire que mon comportement ait finis par l'énerver.

- Ce sont des objets personnels ! Et je n'ai même pas à me justifier, je suis ici chez moi et tu n'as pas à fouiller tous les recoins de ma maison, s'énerva-t-il. D'ailleurs, je peux savoir comment tu as réussi à briser la vitre et à entrer dans la pièce ? Je le regardai, penaude.

- J'ai utilisé un pégase, ils ont de la force dans les sabots.

- Quoi ? Tu entends quoi par-là ? demanda-t-il, semblant déjà redouter le pire.

- J'ai utilisé ses pattes pour briser la vitre, mais bon s'il l'a fait, c'est qu'il était consentant. Kalidas ouvrit de grands yeux d'horreur.

- Mais... Est-ce que tu t'entends parler ! s'écria-t-il. Tu te rends au moins compte que ce que tu as fait est immonde ? Comment peux-tu penser à faire souffrir un être vivant pour ton simple profit ?

- Ne viens pas me faire la morale, ça m'ennuie, dis-je en faignant un bâillement. Kalidas me foudroya du regard, mais comprit que je n'écouterais rien de plus. Il préféra s'emparer d'une planche de l'étagère pour la clouer à la fenêtre brisée.

- Sors d'ici, maintenant, m'ordonna-t-il d'une voix sèche. Visiblement, j'avais atteint ses limites. Ce qui m'envoya ravie. Kalidas était trop cool avec moi, je ne voulais pas qu'il m'accorde de la sympathie ou toutes autres choses de ce style. Je détestais ça.

Au lieu de partir comme il me l'avait demandé, je pris la photo de lui et de Circé, posé dans l'étagère. Je la mis dans le champ de vision de Kalidas.

- Tu ne m'avais pas menti, vous vous côtoyez belle et bien autrefois, constatai-je avant de froncer les sourcils. Dommage que maintenant, elle se comporte avec toi comme si tu n'étais qu'un simple inconnu. Dis-moi, tu ne te sens pas seul, ici ? Visiblement, tu n'as personne dans ton entourage, à croire que tu es répulsif. Kalidas me regarda avec intensité. Il contracta la mâchoire.

- Tu ne sais pas de quoi tu parles, et je t'ai demandé de sortir, railla-t-il. Je voulais qu'il me haïsse, qu'il sorte de ses gongs. J'en avais marre qu'il prenne soin de moi. Il ne me connaissait même pas, je l'avais dénoncé lorsqu'il voulait s'évader et lui m'accueillait chez lui, me nourrissait, faisait attention à moi et m'aidait même après m'être évanouie face à l'Obscurium. Je ne comprenais pas pourquoi il s'obstinait à être aussi patient avec moi face à mon sale caractère, mais je voulais que ça change. Je ne voulais pas qu'il commence à sympathiser. Je ne voulais pas le faire entrer dans ma vie.

- Je ne sortirais pas, je n'en ai pas envie, dis-je en agitant la photo. Tu ne m'as d'ailleurs toujours pas répondu... Qu'est-ce que ça fait de vivre seul et sans personne ?

- C'est un choix, grinça-t-il en finissant de bloquer l'accès par la fenêtre. Je me mis à rire.

- Si tu le dis... Mais je suis sûre que Circé devait avoir une bonne raison pour partir... Quoi que, vue le genre de personne, c'est plutôt une chance pour toi qu'elle ne te calcule même plus.

- Le genre de personne ? Tu ne l'as vu que pendant deux, trois jours et tu penses déjà pouvoir prétendre savoir qui elle est ? se moqua aigrement Kalidas. Je croisai mes bras contre ma poitrine.

- Elle a ligué mes amis contre moi, elle m'a retiré de force de mon quotidien, elle m'a ridiculisée, elle a voulu me forcer à te tuer jusqu'à ce que je pète un plomb et, elle et ta charmante reine, prévoyaient de se débarrasser de moi lorsque je ne leur serais plus d'aucune utilité. Alors oui, je pense que l'image que j'en ai est assez réaliste face à la garce qu'elle est.

- Tu fais des conclusions hâtives, me contredit Kalidas. Tu ne vois les choses que sous ton point de vu sans jamais te demander ce qui l'a poussé à faire ça. Mais sache que Circé n'a rien à voir avec l'image que tu en fais. Nous vivons dans un monde chaotique où aucun lendemain n'est sûr. Tu es le dernier espoir pour sortir de tout ça et vaincre le mal. Evilash a semé beaucoup de drame autour d'elle, beaucoup de destin se sont vu brisé, beaucoup de vie ont été supprimées... Circé comme tant d'autres a enduré d'horrible chose, des choses qui ne devraient pas être vécu. Alors quand tu vois que le seul espoir de l'humanité est prêt à voir les mondes pourrir sur place et pire encore, semble vouloir n'en faire qu'à sa tête et faire souffrir les personnes qui l'entourent ; les moyens pour y remédier ne sont pas forcément doux. Mais elle essaye simplement de sauver notre monde comme elle peut. Elle t'a privé de ton quotidien ? Elle n'avait au fond pas le choix. Elle a voulu que tu mettes fin à mes jours ? Elle te testait, mais ne t'aurait jamais laissé aller jusqu'au bout. Tu penses qu'elle et la reine ont prévu de se débarrasser de toi ? Tu as dû prendre leurs propos de travers. Circé est quelqu'un de bien qui rêve simplement de voir son monde retrouver sa sûreté d'antan.

Je lui lançai un regard indéchiffrable avant de reposer la photo là où je l'avais trouvé. S'il croyait qu'il allait me faire changer d'avis sur ce clown avec ses beaux discours, il se foutait le doigt dans l'œil jusqu'au coude.

- Si tu le dis, dis-je en prenant un ton ironique avant de finalement sortir de la pièce. Fort heureusement, il était peut-être impossible d'entrer dans la pièce sans se téléporter, mais on pouvait en sortir en empruntant la porte.

- Attends, m'arrêta Kalidas. Tu as touché au Livre des Brumes ? me demanda-t-il, semblant peu à l'aise. Je me retournai et vis qu'il avait la main posée sur le livre que j'avais déniché.

- Il ne s'ouvre même pas, ce truc, répliquai-je en levant les yeux au ciel. Sur ce, je partis une bonne fois pour toute hors de la pièce. Je n'en avais que faire de son livre et de ce que ça pouvait être. Je ne voulais pas me l'avouer, mais son discours m'avait tout de même secoué. Il se prenait pour qui à me faire la morale ? "Tu ne vois les choses que sous ton point de vu." Cette phrase tournait dans ma tête. Oui. Je n'en avais que faire de l'avis des autres. Je ne voyais pas pourquoi je devais m'en soucier. Leur ressentis, leur vécu... Rien ne m'importait. Même pas ce qu'il pouvait bien penser de moi. Je n'en avais rien à faire de personne. Et Kalidas n'échappait pas à la règle. Pourtant, cette phrase sonna faux et ce constat ne fit que m'épouvanter. Non, je me faisais des idées, j'étais stupide. J'étais Eudora, la fille la plus égoïste qui soit, sans cœur et ne pensant qu'à son nombril. Je ne m'attachais à personne. Jamais.

***

NDA : Hey me voilà avec deux jours de retard (ça va c'est un retard raisonnable), mais j'avoue avoir manqué de motivation xD

Un avis sur ce chapitre ?

Questions :

- Que pensez-vous du fait qu'Eudora ait blessé un animal pour son simple profit ?

- La colère de Kalidas est-elle justifiée ?

- Eudora vous a-t-elle énervé ?

- Que peut bien être ce médaillon d'après vous ? Et ce Livre qui ne s'ouvre pas ?

- Une photo de Kalidas, Circé et un garçon aux cornes, intriguant ?

- Vous aimez les questions ?

Bon ok j'arrête là xD sinon autant y passer des heures xD en tout cas merci à ceux qui y répondront 💜 et merci à ceux qui sont toujours là 💜

À ce week-end pour un nouveau chapitre (j'essayerais d'être ponctuel cette fois ci xD)

Kissy kissy 💜 #Nakijo.

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