11. Divergence d'opinion.

Je sentis le dragon se poser à terre et j'ouvris enfin les yeux. Kalidas nous rendit visibles et je pus enfin descendre de notre monture.

Nous étions au milieu d'une ferme qui se trouvait entre des géants murs de pierre, tels des falaises camouflant les lieux de leur grandeur.

- Je vais trouver un endroit sympa pour le dragon, m'informa Kalidas en tirant sur une corde attachée au cou de la bête, afin qu'elle le suive.

Je regardai autour de moi afin de me familiariser avec les lieux. C'était immense. La maison principale était faite de pierres rouges sombres et les extrémités de la bâtisse était arrondies. La porte en marbre noir semblait aussi solide qu'un énorme bloc de béton. Hormis l'immense maison à plusieurs étages, il y avait également un bon nombre de bâtiments indépendants, probablement des sortes d'étable d'Obscuratium. Le terrain vert semblait infini et l'horizon se colorait d'arbre en tout genre et de toutes couleurs.

Je m'approchai de la maison qui ressemblait plus à un petit château de part sa taille et tenta d'ouvrir la porte. Il n'y avait même pas de poignée, rien.

- Attends, me retint Kalidas en revenant, tu ne peux pas l'ouvrir de l'extérieur. Je le regardai, interloquée.

- Comment tu fais pour rentrer chez toi ?

- Je me téléporte. Avec ce seul moyen pour entrer chez moi, je suis sûr de ne pas avoir d'intrusion, expliqua-t-il avant de disparaître. Il s'était probablement introduit à l'intérieur. C'est vrai que c'était pratique, la téléportation était le pouvoir individuel de Kalidas, personne d'autre ne possédait le même. Il était donc le seul à pouvoir rentrer chez lui aussi aisément.

La porte s'ouvrit et le Rôdeur me fit signe d'entrer.

- Tu veux peut-être manger quelque chose ? me demanda-t-il alors en me guidant vers une grande cuisine. Je sentis mon ventre gargouiller à cette proposition. Je n'avais rien mangé depuis que le clown Circé m'avait tirée de mon quotidien.

- Oui, répondis-je en retenant un nouveau cri de protestation de mon estomac. Kalidas se mit à fouiller dans ce qui semblait être un frigo.

- Je n'ai plus grand chose, il y a un moment que je n'ai pas été au marché, m'apprit-il en sortant un papier emballage avant de le déplier pour en faire voir le contenu. Il semblait s'agir de bâtonnets de viande séchée. Il m'en tendit un et je croquai un morceau en abordant une mine soupçonneuse.

- Qu'est-ce que c'est ? demandai-je, la bouche pleine.

- Du chien.

À ces mots, je recrachai le contenu de ma bouche, sentant une nausée creuser mon ventre.

- Mais c'est dégueulasse ! criai-je. Kalidas éclata de rire.

- Je plaisantais, c'est du pigrin, l'équivalent d'un porc dans votre monde. D'ailleurs, il n'y a pas de chien ici, leur équivalent sont les lupas, m'expliqua-t-il. Je lui balançai les bâtonnets de viande à la figure.

- Abruti ! lui criai-je. Je n'en veux pas de ta sale nourriture, j'ai jamais été fan de viande de toute façon. Tu n'as rien de meilleur en réserve ? Genre du pain, du fromage, des céréales... ? Kalidas leva les mains au ciel.

- Je te l'ai dit, je n'ai pas été au marché depuis un moment. Puis t'attends pas à trouver le même genre de nourriture que tu as l'habitude de manger sur Terre, tu n'en trouveras pas. Il faudra te contenter de ce que tu as.

- Autant mourir de faim, grommelai-je en me laissant tomber sur une chaise.

- Tu veux peut-être un verre de lait ? me demanda alors Kalidas. Je le regardai avec méfiance.

- Du lait de quoi ?

- De jument. Enfin, c'est une licorne ailée, mais ça revient au même que vos chevaux, expliqua-t-il.

- J'ai pour habitude de boire du lait de vache, l'informai-je.

- Il n'y a pas de vaches ici, même pas d'équivalent. Je vais te chercher du lait de ma jument, tu peux toujours goûter. Sur ce, Kalidas disparu, me laissant seule dans la cuisine. J'ouvris ce qui semblait être un frigo. Il n'y avait pratiquement rien. Kalidas n'avait pas menti, il n'avait pas rempli ses armoires depuis un bout de temps. Le peu de nourriture que je trouvai semblait peu ragoûtant. Je poussai un soupir las et me rassis sur la chaise.

Kalidas réapparut avec un bol de lait et un sac. Il posa le sac sur la table et me tendit le bol de lait. Je le pris entre mes mains et trempai mes lèvres avant de repousser le bol. Savoir que j'étais en train de boire du lait de licorne était au-dessus de mes forces. Ces créatures n'étaient même pas censées exister.

- Je t'ai pris aussi des pommes, m'apprit-il en désignant le sac. Les fruits et les légumes doivent être les rares aliments à être semblables sur Terre, commenta-t-il.

- Moi et les fruits et légumes, on n'a jamais partagé une grande histoire d'amour, annonçai-je en prenant une pomme avec peu d'enthousiasme. Kalidas soupira et s'installa sur une chaise voisine.

- La question cruciale, c'est ; qu'est-ce que tu aimes ? Je le regardai en haussant les épaules.

- Les frites, les céréales, le chocolat, les pizzas, les burgers, les nuggets, les gâteaux, les viennoiseries... Tout ce genre de choses.

- Je vois, tous les aliments industriels de votre monde, emplis de gras ou de sucre, siffla Kalidas. Je levai les yeux au ciel et croquai dans la pomme. Kalidas me regardait manger en silence.

- Arrête de me regarder manger, je n'aime pas ça, dis-je. Le Rôdeur laissa un faible rire franchir sa bouche et se détourna.

- Au fait, lança subitement le voleur, il serait peut-être temps de me rendre ma veste, me fit-il remarquer en désignant la veste à écailles noires que je portai toujours.

- Non, je l'aime bien, répondis-je en croquant une nouvelle fois dans ma pomme. Kalidas fronça les sourcils.

- C'est étonnant, je ne pensais pas que cela faisait parti de ton vocabulaire, se moqua-t-il. Mais j'aimerais tout de même la récupérer, elle m'appartient.

- Non, elle est cool, je la garde.

- Tu es sérieuse ? lança le jeune homme en me contemplant avec des yeux écarquillés.

- Oui, elle est confortable. Et pendant que j'y pense, comment cela se fait-il que tu connaisses autant de choses sur la Terre ? demandai-je avant tout pour faire dévier la conversation sur un autre sujet. Kalidas n'était pas dupe, mais rentra tout de même dans mon jeu.

- La Terre me fascine, expliqua-t-il, je me suis beaucoup renseigné à ce sujet.

- Tu y es déjà allé ? le questionnai-je, me demandant subitement si sans le savoir, nous croisions des Obscuras sans même nous en rendre compte. Enfin... C'était peu probable... Ils avaient un physique délirant, on les aurait forcément remarqués.

- Une seule fois, il y a longtemps. La Terre est difficile d'accès.

- Difficile ?

- Pour s'y rendre, nous devons utiliser des pierres de téléportation et seule la reine en a en sa possession.

- Mais... tu ne peux pas te téléporter toi-même ? m'étonnai-je.

- Non, pas sur Terre. Je ne peux pas me téléporter à trop longue distance, j'ai des limites.

- Et lorsque j'allais t'enfoncer ma lance, tu avais une limite ? demandai-je en levant un sourcil. Kalidas lâcha un rire qui tenait plus du soupir et passa une main dans sa chevelure noire, si noire qu'elle semblait être d'un noir sans fond.

- J'ai fait confiance à Circé, avoua-t-il. Elle n'est pas du genre à tuer quelqu'un, ni même à se comporter comme elle l'a fait. J'écarquillai les yeux. Il fallait être fou pour mettre sa vie entre les mains d'une personne alors qu'on avait les moyens de s'éclipser et de sortir soi-même de cette situation ! Il fallait être fou tout court pour avoir confiance en quelqu'un. Le monde n'était fait que de traître et d'hypocrite.

- Peut-être que tu ne la connais pas si bien que ça, fis-je remarquer. Elle n'est pas du genre à se comporter comme elle l'a fait ? Peut-être que tu t'es simplement trompé sur son compte. Kalidas sembla amusé par ma remarque.

- Oui, ce n'était pas son genre, mais je suis sûr qu'elle avait une bonne raison de le faire.

- Et comment peux-tu en être aussi certain ? lâchai-je d'un ton sec.

- Je la connais depuis tout petit, nous étions voisins autrefois.

- Et ? C'est tout ? me moquai-je. Excuse-moi de te le dire, mais elle te regarde comme si tu n'étais qu'un parfait inconnu. Kalidas haussa les épaules.

- On s'est perdu de vu, expliqua-t-il, nous ne sommes plus amis. Mais je sais que jamais elle ne tuerait quelqu'un, sauf s'il n'y a aucune alternative possible. J'éclatai de rire.

- Mais qu'est-ce que tu peux être naïf ! me moquai-je. Le temps passe les gens changent, elle n'est plus celle que tu as connu. Et encore, les gens ne sont jamais comme on le pense. Le monde est tout simplement emplis d'hypocrites, de traîtres... On ne peut se fier à personne. On finit toujours avec un couteau enfoncé dans le dos. Kalidas sembla choqué par ma façon de voir les choses.

- Tu as une vision de la vie bien sombre, lança-t-il, stupéfait. Mais on ne peut pas mettre tout le monde dans le même panier Eudora. Oui, je te l'accorde, accorder sa confiance peut-être risqué. Tu te verras forcément un jour trahit par une personne en qui tu tenais. Oui, ça sera douloureux. Mais devons-nous arrêter de croire en l'être humain pour cela ? Ils ne sont pas tous pareils, certains te trahiront, mais d'autre seront une bouée de sauvetage sans même que tu ne t'en rendes compte. Au fond, le pire ce n'est pas d'être trahis, mais d'empêcher ton entourage de rentrer dans ta vie par peur de souffrir.

- C'est dingue à quel point tu peux être crédule. Si j'ai bien compris, ton monde court à sa perte, tout est à feu et à sang, c'est le chaos. Mais toi, tu t'obstines à vouloir croire que le monde a du bon ? Mais la vie est un second enfer ! Soit tu te montres cruel, soit tu te fais manger tout cru. On ne peut pas se laisser guider par la fragilité. Si tu montres la moindre faiblesse, ça se retournera forcément contre toi. Et ne va pas me faire croire que l'ensemble des habitants d'Obscuratium est bon et empli de bonne attention. Ça serait oublier qu'une certaine Evilash sème le chaos derrière elle ! Oh, tu me diras, elle est seule et on ne peut pas prendre son comportement en exemple, mais justement non. Je ne peux pas croire qu'elle soit le seul problème. Une seule personne ne peut pas réussir à elle seule à mettre en péril deux mondes entiers ! Il y a plusieurs coupables et cela englobe la majorité d'entre vous ! Il y a ceux qui se sont donné à sa cause, ceux par crainte qui ont préféré se plier à ses désirs, il y a ceux qui ne font rien et qui par ce fait, sont tout aussi coupable que s'ils avaient commis les mêmes crimes que les autres. Je suis sûre qu'il y a également des traîtres, des espions et tout un tas d'autres styles de personnes à son service. Je trouve quand même grave que vous deviez demander l'aide d'une Terrienne qui n'a rien à voir avec vos problèmes parce que vous n'avez pas été foutu de les régler vous-même et de vous allier pour combattre le mal. Le monde est un foutu bordel peuplé de démons en tout genre. Quoi que tu fasses, tu ne pourras jamais vivre en paix si tu ne montres pas les crocs avant ton voisin. Alors non, on ne peut faire confiance en personne.

Kalidas me contempla dans le plus grand des silences. Ma longue tirade avait semblé lui avoir coupé les cordes vocales. Il finit par froncer les sourcils.

- Tu penses qu'Evilash n'est pas seule ? demanda-t-il. Ce fut à mon tour de froncer les sourcils.

- Il serait étonnant qu'une personne à elle seule puisse engendrer autant de chaos. Après, j'avoue que si j'en savais plus sur elle et ses actions, ça m'aiderait peut-être dans mes suppositions. Mais elle doit forcément avoir des personnes sous son contrôle. J'étais frustrée que Kalidas n'est retenu que ça de mon discours. C'était bien la première fois que je parlais autant avec quelqu'un...

- J'aimerais t'apprendre tout ce que tu veux savoir sur cette Evilash, mais justement, le problème, c'est qu'on ne sait rien d'elle, m'apprit Kalidas. Il y a cinq ans, elle a surgi de nulle part et à tout détruit sur son passage. Personne ne connaît son prénom, ni même un détail personnel sur sa vie. Personne ne la connaissait avant. Evilash est un vrai mystère.

- Ce n'est pas vraiment pratique tout ça, dit moi... râlai-je. Et après cela, on me demande de venir vous aider pour éliminer la menace en me désignant comme une arme secrète... Ça serait plutôt me demander de me jeter dans la gueule du loup. De toute façon, il est hors de question que je vous vienne en aide... Je n'ai pas envie de risquer ma vie pour un monde aussi absurde. En fait, j'en ai rien à faire de tout ça.

- Si le monde part en hécatombe, ça ne te touche même pas ? me lança-t-il, semblant se demander si c'était possible d'être aussi insensible.

- Non, ils l'auraient tous bien cherchés. Les humains sont des erreurs de la nature.

- Des erreurs de la nature, rien que ça ? lâcha Kalidas d'un ton amusé, contrastant avec son air grave. Il semblait surtout pris au dépourvu face à de tels propos.

- Je n'ai confiance en personne, je ne porte personne dans mon cœur, dis-je d'une voix sans timbre. Pour moi, l'être humain n'aurait jamais dû exister. Il n'est voué qu'à la guerre et à la destruction.

Kalidas me contempla en silence, le visage reflétant toute sorte d'expressions différentes les unes des autres. Passant de l'effarement, à la stupéfaction, à la confusion... pour finir par un regard peiné.

- Mais... que t'est-il arrivé pour que tu te mettes à penser de cette manière ? demanda-t-il, me contemplant avec intensité. Sa remarque me piqua au vif. Je me relevai d'un mouvement sec et parti prendre l'air sans lui fournir la moindre réponse.

Je claquai la porte derrière moi.

***

NDA : Hey ! :3

J'avais zappé qu'on était le week-end 🤦🏼... Vous avez passé de bonnes vacances ? :)

Comment avez-vous trouvé ce chapitre ?

Questions :

- Que pensez-vous de la demeure de Kalidas ?

- Une réaction face à la façon de penser d'Eudora ?

Kissy kissy et à la semaine prochaine ❤️

#Nakijo.

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