Chapitre 13

Le chemin vers le purgatoire n'était pas sans obstacle. De la terre, de la roche pointue comme des épines, Clive devait faire attention à tout ce qui l'entourait. Ici, aucune lumière ne filtrait pour dévoiler le terrain. Clive utilisait la lampe du bracelet du garde pour se frayer un chemin le long de cette descente interminable. Heureusement, plus loin, il était possible de s'y engouffrer via un ascenseur, qui se trouvait malheureusement très bien gardé.

Grâce à son nouveau déguisement, personne ne lui demande quoi que ce soit. Son bracelet activa la machine et ses portes s'ouvrirent dans un grincement mécanique. Du sang séché sur les parois, il réprima un dégout en entrant. Il appuya sur le bouton pour descendre, et lentement, la cabine descendit vers le purgatoire dans un grincement métallique.

Plus il s'engouffrait dans les profondeurs, et plus le froid lui donna la chair de poule. Il reconnaissait très bien cette sensation. Plusieurs mois dans cet enfer l'avaient transformé. Ici, peu de nourriture circulait, et les maisons étaient fabriquées avec les déchets que voulaient bien leur laisser les sbires d'Hadès.

Lorsqu'il ouvrit la porte, Clive se retrouva face à un bidonville. Les petites maisons étaient construites avec de la ferraille et de la tôle qui était balancée depuis les hauteurs. Pour s'offrir un peu de chaleur, les habitants du purgatoire faisaient quelques feux ci et là. Leurs vêtements sales et défraichis marquaient la pauvreté de ce peuple. Des regards haineux se braquèrent sur Clive, qui tenait la photo du frère de Rika dans sa main.

Personne n'osait s'attaquer à lui. Les prisonniers savaient qu'au moindre contacte, les sphères rouges qui lévitaient au-dessus de leur tête pouvaient tirer des décharges électriques capables de les mettre au sol d'un seul coup. Après tout, le but d'Hadès avec le purgatoire était de garder les gens vivants, tel était le contrat signer.

Après plusieurs essais, Clive ne dénicha personne ressemblant à la photo. Il voulait éviter tout contact avec les autochtones, au risque de se faire démasquer. Aussi discret que possible, il entra dans une maison improvisée en tirant le rideau de l'entrée. L'intérieur était tout aussi vétuste que le reste. Les habitants nageaient dans le désespoir.

Il sentit son cœur se serrer en voyant un couple en train de préparer une bouillie pour se nourrir. Lui aussi, autrefois, se trouvait dans la même situation. Le désespoir envahissait la moindre pensée des personnes enfermées ici, et chaque jour était un supplice. L'idée de mettre fin à ses jours venait s'engouffrer dans l'esprit des pensionnaires, mais les méthodes de soins d'Hadès lui permettaient de ramener une personne à la vie, sans vraiment savoir comment. Une technologie qu'il gardait secrètement au fin fond de son palais.

Après plusieurs maisons, Clive tomba sur l'homme qu'il était venu chercher. Allongé sur un lit de fortune, il attendait au coin d'un feu. Il se redressa en voyant le bourreau.

— Jinto Himiko ? demanda Clive avec la voix trafiquée de son casque.

L'homme bondit de sa couche pour se plaquer contre le mur de tôles. Les yeux écarquillés, il fut presque pris de folie quand il entendit son nom. Clive retira son masque.

— Chut ! Ne dites rien, chuchota-t-il. Je suis un ami de Rika, je suis venu vous chercher.

Jinto hésita un instant. Les membres tremblants, il osait à peine faire un pas vers le mercenaire. Du même âge que Rika, le pauvre homme n'avait que la peau sur les os.

— Écoute, je ne suis pas une hallucination, rassura le mercenaire. Si tu veux partir d'ici, il faut venir avec moi tout de suite.

Jinto ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son ne sortit. Il fit un premier pas, puis un autre, pour finir par enlacer Clive tout en sanglotant. Le mercenaire soupira et lui tapota le dos. Néanmoins, son nez fut agressé par une odeur nauséabonde qui émanait du prisonnier.

— Aller, on y va, ordonna-t-il à Jinto.

Il acquiesça d'un hochement de tête, et ensemble, ils firent marche arrière. Pour l'instant, tout se déroulait bien. Personne ne semblait se préoccuper de son sort. Clive se déplaçait dans les coins les plus sombres pour éviter d'être repéré. Mais après quelques mètres, trois hommes lui barrèrent la route derrière une maison de fortune.

— Tu vas où, toi ? grinça l'un d'eux. T'es pas comme tous les autres bourreaux de merde !

Clive soupira. Voilà encore un obstacle qui se dressait sur sa route.

— Et pourquoi t'emmènes le gamin ? Hein ? demanda un autre.

Clive n'avait pas de temps à perdre. Comme tout allait forcément mal finir, Clive attaqua le premier. Un coup bien placé à la gorge le fit tomber lourdement. Le deuxième tenta de l'avoir d'une droite bien placé, mais Clive esquiva et le frappa d'un genou dans l'estomac. Le souffle coupé, il l'assomma pour en terminer avec lui. Le troisième pensait s'enfuir, mais Clive le rattrapa et lui fit un croche-patte. Il se ramassa le sol dans un cri de douleur, jusqu'à ce que le coup de botte du mercenaire lui fasse perdre connaissance.

Pour éviter de se faire repérer trop rapidement, Clive déplaça les corps dans un coin pour laisser penser à une bagarre. C'était monnaie courante dans cet environnement toxique. Personne ne soupçonnerait une évasion de cette manière. Après ça, ils purent prendre l'ascenseur pour remonter vers le manoir de la luxure.

Sur le chemin, Clive trouvait sa mission beaucoup plus facile qu'il ne le pensait. Le frère de Rika restait silencieux, espérant que tout ce qu'il vivait n'était pas un rêve. Ce que Clive redoutait, c'était de voir ses amis se faire prendre dans le manoir. Il fallait absolument que Rika joue son rôle afin de ne pas éveiller les soupçons.

— Ma sœur m'a vraiment envoyé quelqu'un ? demanda finalement Jinto.

— Oui, avoua Clive. Elle t'attend dans le manoir de la luxure.

Une grimace déforma le visage de Jinto.

— Ne te fais pas d'idée, s'empressa de répondre Clive, elle ne risque rien. Elle fait semblant. Une fois qu'on est remonté, on file vers le dépôt de marchandises, à l'est du palais.

Jinto s'arrêta. Clive observa les alentours, le cœur battant. Ils ne pouvaient pas se permettre de se faire remarquer dans cet endroit. Le manoir n'était qu'à quelques mètres et n'importe qui pouvait les voir.

— Qu'est-ce que tu fous ? Avance ! se plaignit Clive en lui agrippant le bras.

— Je ne pars nulle part !

Clive écarquilla les yeux.

— Qu'est-ce que tu racontes, abrutis ? Si on reste là on va se faire repérer !

Il l'obligea à marcher à ses côtés.

— Il faut aller libérer une jeune femme ! Elle m'a beaucoup aidé dans cet endroit de merde.

— J'en ai rien à foutre, clama Clive. Tu veux vraiment faire foirer toute l'opération pour une femme ?

Jinto repoussa sa poigne.

— J'irai tout seul alors ! Je n'ai pas besoin de toi.

Le prisonnier marchait à peine correctement, que comptait-il faire pour sauver cette amie ? Clive grogna, puis le poussa à avancer.

— Elle est où ? demanda-t-il.

Voilà une question qui sortit de ses lèvres sans prévenir, alors qu'il réfléchissait au moyen de l'assommer pour le ramener. Mais s'il se débattait, il risquait de les faire tous prendre. Hors de question pour Clive de finir aux Enfers.

— Ils l'ont emmené il y a quelques heures dans la prison des éléments. Elle s'appelle Irène, elle a de longs cheveux noirs et des yeux verts. Tu la reconnaîtras avec le tee-shirt rouge qu'elle porte, il y a le nombre 39 derrière.

La description qu'il lui donnait pouvait lui permettre de la retrouver.

— Tu fais chier, s'énerva Clive. Si tout foire, ta sœur va se faire enfermer dans le manoir de la luxure, ça te va comme finalité ?

Ils arrivèrent en bas du manoir, là où Clive était descendu en rappel.

— C'est mon amie, expliqua Jinto. Sans elle, je n'aurais pas tenu dans cet endroit. Je ne peux pas l'abandonner ici !

Une détermination sans faille brillait dans ses yeux. Clive comprenait ce qu'il ressentait, après tout, il avait vécu la même chose que lui auparavant.

— Remonte voir ta sœur et dis-lui que vous devez partir vers la zone d'extraction, expliqua Clive. Je m'occupe d'Irène.

À contrecœur, Clive fit demi-tour. Il contourna le manoir, en espérant ne pas se faire repérer. Heureusement que la lumière était assez rare dans les entrailles de ce monde. Il rejoignit les couloirs pour se rendre jusqu'à la prison des éléments. Grâce à son bracelet et son déguisement, Clive afficha une carte holographique des Enfers qui montrait sa position. La prison des éléments se trouvait non loin du manoir, aussi, Clive n'avait que peu de marche à faire.

Par contre, il n'arrêtait de croiser des gardes lourdement armés. Sans parler des canons automatiques au plafond qui attendaient d'être mis en service pour abattre le premier intrus qui passait par là. Les prisonniers qu'ils croisaient étaient dans des états lamentables. Certains devenaient fous à force de se faire torturer. D'autres tentaient de s'échapper comme il pouvait, même s'ils se faisaient rattraper en l'espace de quelques secondes. Des infirmeries, installées à intervalles réguliers, permettaient de les soigner un minimum avant de reprendre les séances.

Un panneau holographique marquait le début du couloir menant aux prisons des éléments. Les lumières oscillaient entre l'orange, le bleu et le violet, marquant le feu, la glace et l'électricité. Des portes vitrées montraient les prisonniers recroquevillés dans leur cellule. Mal en point, ils sanglotaient sans rien dire, seule face au désespoir.

Clive sentit un pincement au cœur pour toutes ces personnes qui souffraient le martyre. Il ne comprenait pas comment la Fédération Galactique pouvait laisser cette institution œuvrer comme bon leur semblait. Mais Clive le savait bien, la Fédération l'utilisait aussi pour obtenir des informations, c'était le meilleur moyen de le faire légalement. De ce fait, Hadès possédait suffisamment de preuve pour dévoiler les actions de la Fédération à toute la population, qui perdrait automatiquement confiance en leur institution.

C'était maintenant que tout se jouait. Après toutes les prisons, Clive entra dans le domaine de la torture. Un vaste silo sur toute la hauteur. Les hurlements des prisonniers résonnaient de plus belle. Du magma stagnait dans les étages inférieurs, répandant une forte chaleur dans cet endroit maudit.

Sur sa gauche, chaque pièce abritait un prisonnier dont le bourreau s'amusait à électrifier son corps nu. Ils avaient beau hurler, aucun ne parvenait à pousser leur tortionnaire à s'arrêter. Sur sa droite, un filet de brume tombait des hauteurs, et de la glace se formait sur les barreaux des cellules et sur le sol. Cette fois, les prisonniers étaient arrosés d'eau de temps en temps alors que le froid mordant s'attaquait à leur peau. Un supplice que Clive ne préférait même pas imaginer la douleur qu'ils subissaient.

Maintenant, il lui fallait trouver Irène sans visiter chaque cellule. Cela le ferait paraître suspect. Pour éviter de rester sans rien faire, il suivit le chemin vers la fosse magmatique. Avec un peu de chance, peut-être qu'il la trouverait ici. Il croisa deux bourreaux qui buvaient de l'eau, ensemble, ricanant comme des ânes.

— Alors le tiens, il a parlé ? demanda le premier.

— Non, apparemment ça ne le dérange pas que je lui brûle les couilles tous les jours. Et toi ? C'est une gamine, non ?

— Ouais. Elle a passé le temps demandé au purgatoire et elle n'a pas changé d'avis sur je ne sais quoi. Je m'en fous en fait. Je la fais cuire un peu aujourd'hui, demain elle aura à faire avec un cyborg d'Hadès.

— Merde, la pauvre...

Cette fois, c'était une piste sérieuse que Clive pouvait suivre. Avec cette chaleur étouffante, de la sueur coula le long de son visage couvert par sa capuche. Il jeta un œil à chaque prison, puis il tomba enfin sur la jeune femme en question. Impossible de se tromper. De longs cheveux noirs, un tee-shirt rouge avec le numéro 39, Clive était sûr d'avoir retrouvé Irène. Dans la cellule, le mur du fond rougeoyait tellement il émettait une puissante chaleur. Les poignets attachés par des entraves mécaniques, Irène pendait au plafond. Sa peau rougissait par endroit, et Clive savait que les liens en métal allaient la brûler.

— Qu'est-ce que tu fous là ? demanda son tortionnaire qui revenait de sa pause.

Clive se retourna vers lui.

— C'est ma prisonnière, déclara-t-il d'un ton brusque. T'es nouveau ?

— Oui, répondit le mercenaire.

L'homme ricana et lui tapota le torse.

— Ah je vois, tu veux voir comment on torture une p'tite poulette comme ça ? Allez, viens. Je vais te montrer.

Il ouvrit la porte avec son bracelet. La jeune femme avait dû mal à respirer.

— Bon, as-tu changé d'avis sur je ne sais quoi ? demanda le tortionnaire en se postant en face d'elle.

La pauvre suffoquait et transpirait à grosses gouttes. Les lèvres gercées par le manque d'eau, le bourreau s'amusa à lui montrer la bouteille qu'il avait dans la main et à boire goulument. Elle se mordit les lèvres d'envie. Face à ce comportement, Clive sentit la colère poindre. Il attrapa l'homme par le cou et l'étrangla avec force. Le souffle coupé, il laissa tomber la bouteille et essaya de se défaire de son étreinte. Mais la puissance de Clive l'empêcha de faire quoi que ce soit, et ses muscles se raidirent quand la vie quitta son corps. Le mercenaire prit le soin de planquer le corps derrière une armoire métallique, et se dirigea jusqu'à une tablette murale. Grâce à elle, il fit descendre Irène et ordonna l'ouverture de ses liens. Une fois libre, elle se rua sur la bouteille d'eau et la vida d'un seul trait.

Clive l'aida à se relever. Elle était faible et amaigrie par son séjour au purgatoire.

— Vous êtes qui ? demanda-t-elle d'une faible voix.

— Je m'appelle Clive, je suis là pour te sortir d'ici. Tu peux marcher ?

— Je vais essayer... Merci.

— Tu remercieras Jinto.

Irène lui jeta un regard intrigué. Mais ce n'était pas le moment de parler de ça. Il fallait qu'ils sortent d'ici au plus vite. Clive retira la cape et le casque de l'homme pour les donner à la jeune femme. Elle enfila le tout pour se dissimuler derrière un bourreau, puis ils empruntèrent la même route qu'à l'aller.


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