-II- (version améliorée)

~Les enfants de l'île~

Je m'éveille dans une pièce sombre et oppressante, allongée sur un matelas à la texture rêche qui me fait mal au dos. J'essaie de me redresser, mais je suis aussitôt envahie par une vive douleur à la tête, comme si j'avais été assommée.

Je cligne des yeux pour me concentrer sur les quatre coins de la pièce, qui est carrée et a l'air de n'avoir rien de spécial. Mais quelque chose dans cette atmosphère me fait frissonner. L'air y est humide et chargé d'une odeur désagréable qui se colle à mes vêtements. Des murs en bois m'entourent, recouverts de moisissures. Des fissures dans le sol et le plafond se dévoilent sous mes yeux entachés de fatigue.

Tout près de moi se trouvait une commode en bois, semblant très ancienne et couverte de poussière. Sur le dessus, un petit pot de fleur, évidemment fabriqué par un enfant, avait été laissé là.

Les fleurs fanées étaient desséchées, témoignant de l'abandon de cet endroit.

A côté de la commode, une lampe semblait étrangement hors de propos dans cette chambre sinistre. Elle était allumée, même s'il faisait déjà jour, et à l'intérieur, des lucioles tournoyaient, éclairant les alentours d'une lueur incroyable.

Leur vol incessant contrastait avec le silence surréaliste de la pièce, et leur scintillement créait une ambiance à la fois magique et inquiétante.

Je remarquai qu'une lettre avait été déposée sur la commode. Je la pris et commençai à la lire attentivement.

« Bonjour Reeyane, je suis heureux de voir que tu as retrouvé tes esprits. Si tu as besoin de quoi que ce soit, suffit de taper dans tes mains et mes amis viendront t'assister. Pour l'instant, je te propose de rencontrer les habitants de l'île. Ils pourront te parler de notre histoire et te changer les idées. Bisous, Jon. »

Je ne pouvais pas croire à la naïveté de Jon. Comment pouvait-il penser que je pouvais me changer les idées dans cette situation ? Je fronçais les sourcils, exaspérée par cette proposition.

Je pris la décision de quitter cette pièce, déterminée à découvrir la vérité sur cette ile.

J'ouvris la porte et je vis des enfants en train de jouer dans la cour. Ils s'arrêtèrent brusquement, tournèrent leurs regards vers moi, comme s'ils savaient que je ne faisais pas partie de leur univers.

Leur présence m'a rappelé l'innocence et la pureté de l'enfance.

Alors que le vent balayait mes cheveux, mon regard confus s'est posé sur ces marmots qui ne cessaient de sourire.

J'en ai vu huit au total.

Tous chauves. Tous ayant une peau ébène. Tous vêtus en robes de différents animaux : lion, ours, guépard, zèbre, antilope, girafe, éléphant et serpent.

Leurs sourires semblaient innocents, mais il y avait quelque chose d'inquiétant dans leurs yeux pétillants. Je sentais mes tripes se tordre d'appréhension. Quelque chose me disait qu'il y avait bien plus derrière leur apparence enfantine et leur attitude amicale.

C'est à ce moment que Jon est apparu, sortant de sa chambre. Mon cœur a commencé à battre un peu plus vite quand j'ai croisé son regard étrange et intransigeant. Je me sentais mal à l'aise, comme s'il y avait quelque chose de menaçant en lui.

Il a gardé son regard sur moi pendant ce qui m'a semblé une éternité. J'ai détourné le mien, mal à l'aise sous l'intensité du sien.

Je me demandais ce qui se tramait sur cet endroit, et pourquoi Jon me regardait de cette manière.

Un frisson m'a parcouru l'échine alors que je sentais que les réponses à mes questions n'allaient pas être agréables à découvrir.

Le village était un endroit magnifique mais étrange, avec ses maisonnettes en terre cuite soigneusement disposées en cercle autour d'une cour centrale, bordée d'arbres fruitiers.

L'herbe était merveilleusement coupée, et les fleurs poussaient en parfaite symétrie tout autour du village. Les animaux se déplaçaient en toute liberté, sans personne pour les surveiller.

Jon m'a présenté ses amis

– "Reeyane", me dit-il, "Voici, Owhen, Allawhyn, Emhow, Babwhoosemel, Wherdie, Dewhat, Whokim, et Redwhich".

Les quatre premiers noms étaient ceux des garçons et les quatre autres, ceux des filles.

Leurs yeux scintillaient comme des pierres précieuses, et un sourire couronnait leur visage. Ils semblaient accueillants. Je les regardait tout simplement, ne sachant pas comment agir ou quoi dire.

Tout dans le village avait l'air d'avoir été soigneusement planifié et exécuté, jusqu'à la finesse des détails. Mais malgré le charme évident de ce patelin, il y avait quelque chose qui m'inquiétais, quelque chose qui me faisait ressentir une tenace anxiété.

Tout était trop parfait, trop organisé, trop étrange.

Les enfants me regardaient avec insistance, attendant une réponse de ma part, mais j'étais pétrifié, ne sachant pas comment réagir.

— Hé ! Tu tombes à pic Riane, dit Whokim s'approchant et me tenant par la main ensuite.

Je ne pouvais m'empêcher de ressentir un vague malaise en présence de ces enfants.

Je gardais ma préoccupation pour moi, me répétant que je m'inquiétais pour rien. Après tout, ils n'étaient que des enfants - des mioches -, et cela devait être ma propre imagination qui me jouait des tours.

Malgré mes efforts pour me rassurer, quelque chose à l'intérieur de moi refusait de se calmer et je me sentais toujours mal à l'aise en leur présence.

''Il me faut juste trouver leurs parents pour me barrer d'ici'', pensais-je en essayant de garder un faux sourire persuasif sur mon visage.

J'avais l'impression que ces enfants me jaugeaient comme si j'étais un animal étrange dans leur village parfait.

Mon cœur battait à toute vitesse, je me sentais tendu, comme si j'étais sous le microscope d'un scientifique fou.

J'essayais de repérer des signes de l'endroit où pourraient être les parents des enfants tout en cherchant désespérément une échappatoire de cet endroit qui devenait de plus en plus étouffant.

Cela me faisait frémir d'émotion à chaque muscle que j'avais dans le corps. Je devais partir d'ici, trouver un moyen de m'échapper de ce lieu.

— On va t'faire visiter l'village, compléta Dewhat toute contente.

Elle avait des boucles d'oreilles en forme de coquillage, qui pendaient à ses oreilles. Des perles recouvraient son cou délicat, créant un effet presque hypnotique sous les rayons du soleil

— Cool, c'est quoi son nom ? questionnai-je en faisant référence à ce lieu bien plus animé par les animaux que les humains.

— Oblivion, me répondit Wherdie qui tournoyait sur elle-même.

Le nom "Oblivion" sonnait d'une manière étrange à mes oreilles.

C'était la première fois que j'entendais parler de ce nom, néanmoins je ne ressentais pas particulièrement la curiosité de vouloir en savoir plus sur ce village.

Mais je savais que je devrais avoir plus de renseignement à son propos si je voulais partir d'ici et retrouver un semblant de normalité

— Mais tu connais déjà Oblivion nan ? Lança Babwhoosemel en s'écurant sa narine droite.

— Je ne crois pas non, laissais-je échapper en hésitant.

Tous se sont tût. Seul Owhen.

— Grand-Frère m'a dit ke je dois te raconter notre histoire, déclara-t-il en me fixant longuement.

— Tu parles de qui ? interrogeai-je le seul enfant debout à présent.

Les autres enfants s'assirent en silence, leur regard scrutant chacun de mes mouvements.

On aurait dit que chacun attendait avec impatience quelque chose d'important à venir. Toutefois, l'atmosphère était bizarrement paisible, et je me suis dit que je préférerais que ce calme règne jusqu'à mon départ.

Car j'avais remarqué à quel point ils pouvaient être bruyants quand je m'étais endormi dans la chambre qu'ils avaient mise à ma disposition. Cela m'avait réveillé plusieurs fois au cours de la nuit.

J'étais maintenant fatiguée et anxieuse à l'idée que cela puisse se reproduire.

Soudain mon esprit s'était rempli d'un désir inébranlable de savoir où se trouvaient ceux qui devraient les surveiller

— Je parle de Jon, dit-il en s'asseyant à son tour, viens poser ton popotin ici on va te raconter l'histoire de l'île ! s'emballa Owhen sous mes yeux à moitié ouvert.

— Ah d'accord, mais je voudrais d'abord voir vos parents, proclamais-je, déjà troublée par tout ce petit monde.

— Nos papounets et mamounettes font dodo, dit Allawhyn.

— Tous ? demandais-je surprise par sa réponse.

Voui-oui, dit Wherdie, tu veux des bonbons en attendant ? ajouta-t-elle en ouvrant sa main remplie de friandises.

Avait-elle ça depuis le début ? Me demandai-je avant de répliquer tout en restant polie.

— Non merci, vous avez quel âge d'ailleurs ? demandais-je en me courbant légèrement vers eux, mes mains s'appuyant sur mes genoux.

— Nous tous on aura neuvan bientôt, dit Redwhich.

C'est à ce moment que j'aperçus Jon s'en aller sans plus dire un mot. Il était toujours là depuis, il nous observait sans parler. Il marchait les mains croisées sur son dos, il semblait noyé dans des réflexions.

Je regardais ce dernier s'en aller, un élan de compassion me traversait mais il fût déjà loin, j'ai retourné mon regard vers les autres enfants.

Mes yeux se posèrent à nouveau sur les autres enfants alors qu'ils semblaient regarder avec intérêt Jon s'en aller.

Je pouvais voir qu'ils étaient tous intrigués par sa réaction, car Jon avait été l'un des plus silencieux depuis mon arrivée ici. Il nous avait simplement observés de loin, sans dire un mot, comme s'il était perdu dans ses propres pensées. Mais maintenant, alors qu'il s'éloignait, je pouvais sentir un élan de compassion pour lui.

Je me suis demandée ce qui avait pu se passer pour le faire partir ainsi, marchant les mains croisées sur son dos. Il semblait tellement différent des autres, plus mature et réfléchi, peut-être même plus conscient de la situation dans laquelle j'étais.

Je me suis demandée s'il avait des informations, des indices sur la manière de s'enfuir de ce lieu étrange. Malheureusement, il était déjà trop loin pour que je puisse lui poser des questions.

Alors, je me suis tournée vers les autres enfants, essayant de lire sur leur visage s'ils avaient des informations à partager, mais ils semblaient tout aussi perdus que moi.

— D'accord je t'écoute Owhen, parle-moi de Mendana, finissai-je par m'asseoir après avoir lancée ces paroles que je trouverai aussi débiles si j'étais en face de moi-même.

Je le regardais avec une grande attention alors qu'il rassemblait ses pensées. Son visage est rond et juvénile, ses yeux brillants et expressifs, il a un sourire charmant qui illumine son visage lorsqu'il se met à parler.

Owhen finalement parvint à racler sa gorge avant de toussoter et d'ouvrir grand ses yeux. Il se frotta les mains avant de lever ses petits bras dans le ciel, comme s'il allait entamer une danse rituelle.

Il me raconta que Mendana est une île magnifique, pleine de beautés et de merveilles naturelles. Il me parla des plages cristallines, des forêts denses et de la biodiversité unique aux montagnes majestueuses.

Mais tout en vantant la beauté de l'île, Owhen me parle de légendes sur des créatures étranges rôdant dans les profondeurs de l'océan, de mystères enfouis dans les forêts denses et de cavernes étranges cachées dans les montagnes.

Il parle aussi de rumeurs sur des sectes mystérieuses invoquant des esprits maléfiques.

Je reste captivé par ses paroles, mais un élan de compassion me traverse en pensant à Jon qui est parti sans un mot, et j'en oublie l'histoire de Mendana.

Owhen reprend ensuite la parole pour m'expliquer que tous les enfants sont nés sur l'île et que Jon est leur Grand-Frère, qui les protège des sorcières qui se trouvent au nord de l'île - la foret Ogatha, ils disent-, selon Owhen, Jon leur a raconté comment elles mangent les enfants désobéissants et comment son ami Adma a été mangé par l'une d'elles.

Jon leur aurait demandé de rester dans le paisible village et de profiter des aventures et des jeux avec lui.

Owhen et les autres enfants apprécient particulièrement de passer du temps avec lui, qui les chouchoute comme ses propres enfants.

Owhen me dit aussi que les parents, dorment la plupart du temps et il ne faut jamais les réveiller, sous peine de s'attirer leurs foudres de colère.

Malheureusement, ces temps-ci, Jon est très triste et ne veut pas en parler.

Owhen et les autres enfants ne savent pas exactement à quoi il réfléchit, mais ils sont heureux quand une nouvelle personne vient sur l'île, car cela le rend un peu plus joyeux.

Ils me demandent alors de rester avec eux pour leur apporter de nouvelles perspectives et espèrent que ma présence pourra aider Jon à retrouver sa bonne humeur.

Owhen finit son histoire avec un sourire lumineux et fier, illuminant son visage jusqu'à ses grands yeux perçants. Tous les autres enfants sont subjugués et applaudissent en chœur.

Leur joie est contagieuse, mais malgré cela, je ressens un pincement au cœur en pensant à ma mère, et à la douleur de notre dernière dispute. Je serais enchantée d'être acceptée par cette communauté qui -finalement- est chaleureuse et accueillante, mais je ne peux me permettre cela.

— Je suis impressionnée par ton talent pour raconter une histoire Owhen mais je ne peux rester avec vous.

Je tourne instinctivement mon visage vers le ciel, espérant y découvrir quelque chose de spécial. Mes yeux parcourent le bleu clair de l'air, en quête de ce je-ne-sais-quoi qui a piqué ma curiosité. Mes pensées errent vers l'inconnu, cherchant à donner un sens à l'expérience d'arriver sur cette île désolée. Mon regard finit par converger sur l'horizon lointain, je sens mon cœur battre plus vite, rempli d'espoir et d'incertitude.

Les regards tristes des enfants me hantent, mais je ne peux pas m'empêcher de penser à ma mère et à la nécessité de la retrouver. Mes émotions sont en conflit, partagées entre l'admiration de ces enfants pour moi et mon désir de quitter cette île le plus vite possible.

Les larmes d'Emhow me brisent le cœur et me rappellent étrangement ma propre mère. Je serre les poings en pensant à nos menaces mutuelles d'abandon, des moments de notre passé que je préfère oublier. Mais maintenant que je suis ici, je ne peux plus abandonner, pas encore.

Je dois trouver une solution, mais mes pensées sont brouillées, se mêlant aux cris de la nature qui gronde en écho à mes angoisses. Les animaux rentrés, je pars en courant, perdue, égarée et à la recherche de mon salut. Jon me vient en tête, un visage familier dans un monde inconnu.

Mais où cela me mènera-t-il ? Je suis folle de m'en remettre à lui, mais je ne sais plus quoi faire.

Pendant ma course dénuée de raison, je me heurte à Allawhyn et il s'affale sous mon regard inquiet. Je lui tends la main pour l'aider à se relever, et il saisit mon geste avec reconnaissance.

Mais la pluie qui commence à tomber m'oblige à me presser.

"Nous devons rentrer dans les chambres !" m'écriai-je en le serrant dans mes bras.

On court ensemble dans ma chambre, et je fais signe aux autres de nous suivre.

Une fois à l'intérieur, ils s'asseyent tous par terre, les yeux brillants d'impatience, et me demandent une histoire.

Je ne suis jamais à l'aise en public, petits auditoires inclus, mais il faut bien les occuper.

"Bon, d'accord, d'accord, je vais vous raconter une histoire", dis-je en espérant éviter de bafouiller.

La foule des enfants s'exclame avec joie, et je respire un peu plus facilement en entamant mon récit.

"Je vais vous parler de l'endroit que je connais le mieux : chez moi".

Leurs "oh" admiratifs m'encouragent à poursuivre

"Est-ce qu'il y a un endroit en dehors de Mendana ?" demande Wherdie en levant la main.

L'atmosphère de la pièce devient subitement silencieuse et studieuse. Tout le monde prête attention, et je sais que je dois répondre avec sérieux à cette question.

"Oui, bien sûr qu'il y en a un," je réponds, fronçant les sourcils pour accentuer l'importance de ma réponse.

"Mais c'est dangereux ?" demande Redwhich, levant également sa main, l'air affolé.

"Oui, c'est plus ou moins dangereux," j'affirme sans trop de fierté.

Soudainement, tout le monde se met à crier, sauf Owhen qui se lève et sort en remarquant la fin de la pluie. Je sors après lui, encore sous le coup de l'émotion.

"Wow, il n'a pas plu pendant longtemps on dirait !" m'écriais-je en levant la main pour chercher des gouttes d'eau.

"Oui, c'est parce que Grand-Frère a fini de pleurer," me dit Owhen, l'air songeur, en fixant le ciel.

Choquée par sa réponse, mes pensées se bousculent dans ma tête.

La révélation me frappe de plein fouet et je sens un tremblement intérieur m'envahir. Je commence à saisir la gravité de mes découvertes et toutes les certitudes que j'avais jusqu'ici volent en éclats.

Mon esprit est envahi de questions, je ne sais plus quoi penser. Mes doutes ont laissé la place à un mélange de colère et de tristesse qui m'étreint le cœur. Je suis confuse et je n'arrive plus à distinguer le vrai du faux.

Les enfants partis, je retourne dans ma chambre et m'allonge sur mon lit, en tentant de digérer toutes les informations que j'ai reçues aujourd'hui. Mes pensées sont agitées et je me demande comment tout cela a pu se produire.

Je décide de m'endormir pour avoir une chance d'y voir plus clair demain, car je sens que la journée qui s'annonce sera complexe.

Le marchand de sable vient bientôt me sauver des cauchemars de la réalité que je suis en train de découvrir à Oblivion.

Je me suis assoupie.

***

Ma mère est si belle, disait-elle en observant sa silhouette couchée. J'ai l'impression de la revoir, oui ! C'est bien elle, c'est maman ! Mais alors, pourquoi ne me répond-elle pas ? Pourquoi ne me regarde-t-elle pas ?

Ces questions résonnaient dans ma tête, alors que je gesticulais sur mon lit, le front recouvert de sueur. Mon esprit tourbillonnait à mille à l'heure, quelque chose n'allait pas, quelque chose clochait.

Pourquoi maman ne me répond pas ? Pourquoi est-elle là sans être là ? Quel ce nom quel chuchote sans arrêt ?

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