Chapitre 5

Rafael

Jo nous a tous convoqués pour une réunion d'urgence et j'espère qu'il a une bonne raison puisque j'ai appelé ma mère qui était au travail pour qu'elle garde mes frères. Il nous arrive parfois de se réunir tous ensembles si l'un de nous à un problème quelconque et s'aider en le résolvant ensemble mais ça reste assez rare, l'histoire d'une fois tous les trois mois voire même moins souvent.

Assis d'une manière nonchalante sur le rebord de sa fenêtre qui donne sur le jardin, Jo tient dans ses mains un livre ancien et affiche une expression préoccupée et je sens que ce qui va suivre risque fortement de ne pas me plaire. Le silence ayant pris place dans la chambre, nous attendons patiemment sur son canapé-lit qu'il nous explique la raison de cette réunion.

- Je suis allé à la bibliothèque hier soir pour essayer de comprendre ce qui nous arrive en ce moment.

- Euh... pardon ? Je t'arrête tout de suite il n'y a rien qui nous arrive en ce moment. Il faut arrêter de...

- Je n'ai pas fini. Fait-il d'un ton catégorique.

Jo ne prend la parole que très rarement et que lorsque c'est utile donc généralement, lorsqu'il parle on l'écoute attentivement jusqu'au bout. Alors bien que cette histoire commence à fortement m'énerver, je décide de me taire et de l'écoute jusqu'au bout avant de péter un câble.

- J'ai senti une force intérieure me mener à deux livres, dont celui-ci. Dit-il en nous tendant le livre en question qui se retrouve sur les genoux de Mina qui est entre Maxence et moi.

- J'y ai trouvé une légende sur la première page et peu de temps après, je crois que j'ai vu la Déesse Terra. Je ne sais pas si c'était réel mais je l'ai senti et elle m'a dit que nous étions les clés contre le chaos. Je n'ai pas tout bien compris.

Mina ouvre la première page du livre et nous nous mettons tous les trois à lire les quelques lignes inscrites sur le livre.

Déesse Terra, l'une des plus puissantes de notre galaxie fut-elle autrefois. Mais à l'ère où l'être humain fut amené sur Terre, les vents ont tourné et apparu pour elle, un point de non retour. Accompagnée de ses acolytes, la Déesse Terra espérera a jamais sa Réparation autant qu'elle eut espérée sa Réapparition.

Je sais que Jo adore tout ce qui est mystères, recherches et livres anciens mais personnellement, j'ai autre chose à faire que de courir après des conneries pareilles. J'ai passé l'âge de jouer à la chasse au trésor en revanche, ce n'est pas le cas de mes petits frères qui attendaient que je m'occupe d'eux à la place de ma mère aujourd'hui. Je regarde Mina et Maxence qui semblent, eux, particulièrement intéressés par toute cette histoire. Je souffle et je prends la porte. Au lieu de rentrer chez moi, je décide de marcher un peu, de toute façon ma mère à dû rentrer de l'hôpital donc mes frères ne sont plus seuls. Elle avait besoin de moi il y a une heure, maintenant ce n'est plus trop la peine.

Il faut qu'ils arrêtent de rêver, la vie n'est pas rose et j'ai arrêté de jouer à ces jeux stupides depuis déjà un bon moment. Mes rêves à moi ont arrêtés de s'élever depuis le jour où mon père est parti sans plus jamais laisser de trace. Bien sûr que je suis bien entouré, j'ai une famille et des amis qui m'aiment et me soutiennent comme ils peuvent. Mais dans la réalité, j'ai juste dû prendre cette place d'adulte qui n'était pas la mienne beaucoup trop tôt afin d'aider ma mère comme je peux. Je sais bien qu'il arrivera un moment où je devrais lâcher mes études pour prendre un boulot à temps plein. Pour l'instant, on s'en sort mais je ne peux pas me permettre de rajouter une facture de plus à celles déjà beaucoup trop encombrantes qui attendent sur la table du salon.

Je m'assois près d'un arbre mais pas n'importe lequel. Mes pieds m'ont mené près d'un arbre qui se trouve à une heure de chez moi à pied. C'est un arbre, tout ce qu'il y a de plus normal mais pour moi, c'est un endroit important. Je venais souvent ici, avant. Je m'asseyais avec parfois seulement mon rubikub et ça me calmait. Ca me permettait de respirer et de faire le vide des problèmes quotidiens à la maison. Je restais souvent tard le soir, de quoi inquiéter ma mère mais c'était le moment de me donner plus de liberté. Elle était assez débordée comme ça, elle devait s'occuper de Lucas, préparer l'arrivée des jumeaux et travailler en même temps. Ma mère et moi savions que je devrais l'aider après son congé maternité alors elle essayait de me laisser un peu de répit avant la naissance des jumeaux. D'ailleurs, ils étaient synchronisés, lorsque le premier criait, l'autre suivait et c'était pour tout, que ce soit pour qu'ils dorment, pour qu'ils mangent, parce qu'ils s'étaient fait mal ou même parce qu'ils avaient la couche sale. Ma mère et moi avions de quoi péter un câble, surtout elle, le soir. Je m'occupais d'eux une bonne partie du temps mais pas le soir. Le gamin que j'étais était beaucoup trop crevé pour entendre quoi que ce soit la nuit. J'ai dû m'occuper de mes petits frères alors je venais à peine d'entrer dans l'adolescence et encore aujourd'hui c'est parfois compliqué.

Je ne suis pas revenu ici après l'accouchement de ma mère. J'ai essayé d'accepter le départ de mon père autant que possible mais j'ai dû prendre ses responsabilités qu'il a laissées lorsqu'il est parti. J'essaie de ne pas trop penser à lui mais c'est parfois difficile quand ma vie ressemble plus à une vie parentale qu'à une vie d'adolescent. Je sors quand même quelques fois avec Maxence, Jo et Mina mais c'est souvent compliqué puisque ma mère fait parfois des heures supplémentaires la nuit.

Cet endroit me calme et m'apaise et c'est exactement ce dont j'ai besoin actuellement. Une dizaine de minutes plus tard, je repense à Jo et ses paroles. C'est insensé, c'est inimaginable, c'est incompréhensible, et par-dessus tout, c'est irréaliste. Pourtant, au fond de moi, j'aimerai tellement que tout ça soit possible et que ma vie soit différente de celle qu'on m'a forcé à avoir. J'aimerai tellement replonger dans le monde des enfants juste un instant. Je ferme alors mes yeux et sans trop savoir comment, je sens cette force s'installer doucement en moi et prendre de plus en plus de place et de puissance au fur et à mesure que je la sens mouvoir en moi.

Doucement, je sens un petit air frais me caresser le visage. C'est de l'air pur que je sens s'abattre sur mon visage, ce qui change de la pollution habituelle de la région parisienne où je suis actuellement. Pour la première fois depuis des années, je suis serein, je suis simplement Rafael, le gamin sans tout ces problèmes quotidien. Et petit à petit, je sens cette puissance s'emparer de mon corps et grandir à tel point que ce n'est plus un petit air frais mais de grandes bourrasques de vent qui se font soudainement ressentir.

Lorsque je me décide enfin à rouvrir les yeux, je me rends compte que ce n'est pas seulement ce que je ressens mais ce qu'il se passe. Le ciel est noir et le vent me frappe violemment de plein fouet. Je regarde autour de moi et le parc est entièrement vide. Abasourdi par ce qui vient de se passer, je comprends très vite que je suis sûrement à l'origine de ce phénomène incompréhensible, une fois encore. Ne sachant pas très bien ce que je suis sensé faire et comprenant que je ne contrôle plus rien, je décide de prendre la fuite et de me réfugier chez Jo. J'espère sincèrement que la réunion d'urgence n'est pas terminée...

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