Chapitre 7

Oula, pas le temps ! >.<

« Ah ? Tu travailles beaucoup ? »

Je fais partie des cadres les plus haut placés de l'entreprise (j'ai possiblement eu le job parce qu'elle appartient à mon oncle), on compte beaucoup sur moi, je n'ai pas le droit de me relâcher. Les jours où je travaille moins de dix heures sont rares, mais mon boulot me passionne.

« Bah putain... et t'es pas frustré de ne pas pouvoir bosser, d'être ici avec moi, et coincé depuis des jours à cet arrêt de bus ? » demanda Jimin qui s'inquiétait pour cette âme – la plus consciente qu'il ait jamais rencontrée.

Je ne m'étais au contraire jamais senti aussi libre et moi-même, alors j'en profite ! ^^

« C'est vrai ? Tant mieux, j'imagine. Mais le peu de ton âme resté dans ton corps me semble éreinté. Tu avais l'air si... abattu, si vide. Cette pochette compte de toute évidence énormément pour toi. »

Oui, c'est l'objet le plus précieux qui soit. Quand elle est tombée de mon sac et que mon corps s'est levé pour poursuivre son chemin... je n'ai pas pu l'abandonner sans surveillance, il fallait que j'attende le retour de l'autre Yoongi, que je garde la seule chose capable de le rendre vraiment heureux...

« Tu n'es pas heureux dans ta vie professionnelle ? Ton boulot te passionne pourtant, non ? »

Oui, bien sûr ! Mais il est aussi un fardeau. Alors que cette pochette est mon seul moyen d'évasion. Je ne ressens pas la même chose quand je travaille. J'ai beaucoup d'argent, mais...

Yoongi hésita, la suite se fit attendre quelques secondes.

J'ai beaucoup d'argent, mais ce que je m'achète, je n'y tiens pas vraiment, pour moi ce sont des consommables, des choses remplaçables. Cette pochette et ce qu'elle renferme, c'est différent.

Et peu à peu, Jimin comprenait pourquoi Yoongi paraissait ne plus posséder d'âme, pourquoi la tangibilité de son corps s'émoussait à ses yeux : il avait perdu l'unique objet capable de le rendre heureux, le seul au monde auquel il tenait vraiment. Son univers s'était effondré quand sa joie de vivre avait décidé de rester auprès de ce trésor pour y veiller en attendant qu'il le retrouve.

La mine penaude de l'esprit lui perça le cœur.

« Yoongi, c'est... je suis tellement désolé pour toi. »

Ne le sois pas. Grâce à toi et ton don, je vais bientôt pouvoir retrouver mon corps, et Yoongi sera de nouveau heureux ! \^.^/

Jimin rit à l'espoir et à la joie sincère contenus dans ce message. Une partie de lui s'inquiétait à l'idée que, surmené, Yoongi ne pouvait se raccrocher qu'à cette pochette pour sourire, mais il n'ignorait pas que la société fonctionnait de cette manière : le travail avant tout, même avant la santé mentale.

« Je l'espère, souffla Jimin. Il le mérite. »

L'âme le toisa un instant, perplexe, et alors que Jimin croyait la conversation close, un nouveau post-it lui fut tendu.

Et toi, tu as quelqu'un dans ta vie ?

« Oh, j-je... non, moi aussi, enfin, je travaille beaucoup aussi, tu sais ? Je passe mes journées au bureau et le reste de mon temps à chercher des objets égarés. »

Tu m'as souri chaque fois que tu me voyais, et tu as même rougi ce matin. :3

« J'ai pas rougi ! se défendit Jimin en s'empourprant à l'idée qu'il avait espéré que Yoongi le remarque et, surtout, soit du même bord que lui. C'est le froid du matin, ça me fait toujours ça. »

Ah, parce que j'étais persuadé que t'avais rougi. Tu t'intéresses aux hommes ou aux femmes – ou aux deux ?

« Ni l'un ni l'autre, je travaille. »

Menteur. ^^

« Dis pas n'importe quoi... enfin, écris pas n'importe quoi. Bon, assez discuté, je vais aller me coucher. »

T'as pas dîné... '-'

« J'ai pas faim ! » clama Jimin en s'enfuyant dans la salle de bains pour se changer et se brosser les dents.

Yoongi éclata d'un rire silencieux. Il rassembla les post-it utilisés et s'apprêtait à les jeter à la poubelle quand il changea soudain d'avis. Il retourna à la chambre dont il ouvrit puis referma la porte, et il lia les papiers à l'aide d'un trombone avant de les ranger dans un des tiroirs du bureau de son ami – car il voulait considérer Jimin comme son ami, il s'amusait bien avec lui. Il partit ensuite s'asseoir sur le lit où il l'attendit, patient.

Croyant sans doute que le fantôme s'était installé au salon pour s'occuper avec sa pochette, Jimin resta figé dans le chambranle en arrivant à sa chambre. À quand remontait dernière fois qu'il avait trouvé un homme dans son lit ? Son ex et lui avaient rompu deux ans plus tôt et il n'avait même pas profité de l'ombre d'une aventure depuis, à part avec sa main droite et quelques jouets destinés aux adultes.

Alors Yoongi, Yoongi qu'il trouvait si beau, si attendrissant, si vif et passionné... sur son lit...

Jimin prit retourna à la cuisine, il avait besoin d'un verre d'eau, un grand verre d'eau bien froide.

« Yoongi, tu viens dans la salle à manger s'il te plaît ? Je vais aller dormir, » l'appela-t-il.

Il considérait le petit coin où reposaient sa table et une télévision comme une pièce à part entière incrustée dans sa cuisine. Yoongi l'y rejoignit d'un pas léger, un sourire désormais coutumier aux lèvres. Il tenait un post-it qu'il lui tendit.

C'est obligé ? J'aimerais dormir avec toi.

Jimin déglutit. Il leva les yeux sur l'esprit à qui il s'apprêtait à refuser cette faveur quand il croisa son regard empli d'un innocent espoir. C'était sincère, candide, si lumineux... pouvait-on refuser quoi que ce soit à une personne qui vous regardait de cette façon ?

« Si tu veux. »

Aïe, mauvaise réponse, mais il ne réussirait jamais à décevoir un visage qui le suppliait de cette façon. Yoongi trépigna de bonheur à cette réponse et lui attrapa l'avant-bras pour le tirer à la chambre. Pas encore habitué à sa corporalité, Jimin fut surpris par son geste et manqua de s'écraser sur le sol de sa petite cuisine. Ils traversèrent le couloir en deux enjambées et Yoongi le relâcha pour filer s'installer sous les couvertures.

Vêtu d'un short et un t-shirt de sport à manches longues, Jimin s'avança avec davantage de retenue, cette même retenue dont il témoigna en soulevant les draps d'une manière ridiculement précautionneuse. Il se glissa dessous, dos à son invité, tout au bord du matelas, et ferma les paupières. Il suffit de deux minutes pour qu'il comprenne qu'il ne réussirait jamais à s'assoupir de cette manière. D'une part, il avait pour habitude de dormir sur le ventre, tout autre position le dérangeait, et d'autre part la présence à ses côtés, même immatérielle, demeurait tangible, car dès lors qu'il bougeait, Yoongi tirait un peu les couvertures ou du moins les faisait remuer. Voilà bien longtemps que Jimin passait ses nuits seul, il ne réussirait pas à ignorer ces mouvements.

Malgré tout, incapable de chasser l'âme à ses côtés, il força son immobilité et tenta de calmer sa respiration anxieuse. Une heure passa – il vérifia sur son smartphone posé en mode avion sur sa table de chevet. Jimin se tourna. Étendu sur le dos, un léger sourire aux lèvres, Yoongi semblait dormir. Le bruit provoqué par Jimin le tira de ses pensées et il lui jeta un regard. Du fait de l'obscurité, le jeune homme ne fut pas en mesure de comprendre ce qu'il cherchait à lui transmettre, aussi répondit-il à la question qu'il avait le plus de chances de se poser.

« J'arrive pas à dormir, admit-il d'un ton penaud. Je crois que j'ai perdu l'habitude d'avoir quelqu'un à côté de moi pendant la nuit... »

Yoongi acquiesça et se redressa. Il quitta le lit, lui adressa un au revoir de la main et traversa la porte de la chambre, sans doute pour regagner la cuisine où se trouvait sa pochette. Une désagréable culpabilité envahit Jimin qui toutefois, harassé, ne trouva pas la force de se lever pour au moins présenter des excuses au fantôme à qui il avait implicitement demandé de déguerpir. Il s'endormit aussitôt allongé sur le ventre.

Quelle journée interminable...

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