Chapitre 13
Le soir venu, quand Jimin sortit, Yoongi se tenait près d'une impressionnante voiture de sport colorée d'un rouge flamboyant et de noir.
« Monsieur Park, bonsoir. Avez-vous une voiture ou dois-je vous conduire ?
- Je n'ai pas de voiture.
- Alors puis-je me permettre de vous offrir de monter avec moi ?
- Avec... plaisir. »
Jimin baissa la tête dans un signe de respect et monta côté passager tandis que Yoongi lui tenait la porte. Ce dernier monta à son tour et démarra. Le trajet parut long en dépit de ses dix misérables minutes, et une tension désagréable planait dans l'habitacle. Quand ils en sortirent, ils se trouvaient devant un magnifique restaurant que des baies vitrées ouvraient sur la rue. La décoration, lumineuse et immaculée, donnait l'impression qu'ils approchaient du paradis, et un voiturier s'occupa du véhicule de Yoongi qui paraissait habitué à de telles attentions.
Ils entrèrent, et après avoir donné son nom, Yoongi fut conduit à un salon où ne se trouvait qu'une demi-douzaine de tables dans un espace si larges qu'e Jimin sut qu'il était réservé à des VIP afin qu'ils puissent bavarder en toute tranquillité. Au centre, une fontaine de pierres blanches crachait de fins filets d'eau claire, et des plantes décoraient les lieux en de nombreux endroits. Ils furent installés l'un face à l'autre. Jimin avait rentré la tête dans les épaules, intimidé par le lieu.
« C'est... tu comprends, tu m'as ramené quelque chose d'inestimable, alors... je voulais t'offrir le meilleur, marmonna Yoongi avec l'impression d'en avoir fait trop – il ne se rendit même pas compte qu'il était passé au tutoiement.
- Oh... oui... Ce n'était pas grand-chose. »
Puis une question le titilla, et parce qu'il craignait que Yoongi ne la lui pose quand il ne serait pas psychologiquement préparé à y répondre, il décida de la lui suggérer lui-même.
« Vous ne me demandez pas comment j'ai su que la pochette vous appartenait sans fouiller dedans ? »
Il avait préparé mille excuses durant tout l'après-midi.
« Est-ce que c'est parce que c'est toi qui me l'as volée ?
- Non, je n'aurais jamais osé ! Et on ne s'était jamais vus quand vous l'avez perdue, n'est-ce pas ?
- En effet. Et toi, dis-moi : tu ne me demandes pas ce qui se trouvait à l'intérieur ?
- Vous ne voudriez pas que je le demande.
- Tu as ta réponse. J'imagine qu'on a tous les deux nos secrets. Et tutoie-moi, s'il te plaît. »
Jimin opina. Ils commandèrent, puis de nouveau le silence les força à communiquer. Il discutèrent de leur travail, de leurs études, et Yoongi s'indigna d'apprendre qu'en dépit de son niveau, Jimin se contentait d'un poste d'assistant.
« C'est une blague ? Avec tout ce que tu sais et tes notes aux examens, chez nous on te proposerait un poste de salarié au sein d'une équipe de commerciaux avec au bout de deux ans la possibilité de devenir manager de ta propre équipe !
- J'imagine que je ne viens pas de la bonne famille...
- Là où je bosse, il y a deux méthodes pour atteindre les sommets : avoir les bons contacts, comme tu le soulignes, mais aussi être le meilleur dans son domaine.
- Or je ne suis pas le meilleur.
- Tu as toutes les connaissances pour le devenir, ne manque que l'expérience.
- Je ne sais pas si j'en serais capable.
- Donc il te manque aussi un soupçon de confiance en toi.
- Ça n'a pas d'importance, de toute façon.
- Pourquoi ça ?
- Parce qu'il n'y a pas de place pour moi dans ton entreprise et que la mienne ne m'offrira pas de possibilité d'évolution. J'imagine que ça t'importe peu, de toute façon. Oui, c'est un peu injuste, j'ai récolté les meilleures notes pour pas grand-chose, mais ça aurait pu être pire. Au moins j'ai un boulot stable, un salaire chaque moi, et mon supérieur direct est un homme bien. »
Jimin admit tout cela avec dépit, résigné. Or une petite voix au fond de lui suppliait Yoongi de le pousser à prendre son envol, de l'aider à trouver sa véritable place – loin de la machine à café.
« Ah, répondit Yoongi, et qu'est-ce qui te dit qu'il n'y a pas de place pour toi dans mon entreprise ? Pour tout dire, ça fait un mois que je cherche un nouveau commercial pour mon équipe mais que je ne trouve personne d'assez compétent. Les ressources humaines ont abandonné, elles me laissent carte blanche pour le choix de mon nouvel employé.
- Q-Quoi ? Attends, tu... enfin tu me proposes... un entretien ?
- J'allais dire un job, mais si tu veux absolument passer un entretien d'embauche, ça me va. Tu travailles dimanche ?
- Non.
- Alors on peut se voir dimanche si tu veux. L'entreprise sera fermée, mais je pourrai aussi bien te le faire passer chez moi. J'ai juste besoin que tu viennes avec un CV, une... ouais, non, rien à foutre de ta lettre de motivation, ça se voit à trois kilomètres que tu crèves d'envie d'avoir un meilleur boulot. Alors viens juste avec ton CV. Je t'enverrai l'adresse par SMS – c'est bien avec ton portable que tu m'avais appelé, hein ?
- Euh... oui. »
Jimin ignorait lui-même s'il venait de répondre à sa question, d'accepter l'entretien, ou bien les deux à la fois. Sans doute les deux à la fois. Un entretien pour un vrai poste, il n'y croyait pas ! Que dirait-il à monsieur Kim ? Ce dernier s'appuyait souvent sur lui, et Jimin culpabilisait déjà à l'idée de s'en aller.
« J'en parlerai à mon chef demain... il compte beaucoup sur moi, je voudrais pas... le mettre dans l'embarras.
- Tu sais que t'as aussi le droit de penser à toi, hein ? répondit Yoongi alors que les premiers plats arrivaient à la table. C'est pas être égoïste que de vouloir ce qu'on mérite – et ce boulot, tu le mérites. »
Jimin frémit au souvenir d'une conversation similaire qui l'avait tant remué une semaine plutôt, avec cette âme si bienveillantes.
« Merci.
- Je t'en prie, c'est normal. »
Ils se régalèrent en abordant des sujets plus légers, et quand le moment de se quitter fut venu, Yoongi paya le restaurant et invita Jimin à remonter dans sa voiture pour le reconduire chez lui. Arrivé en bas de son immeuble, le jeune homme descendit et, après avoir attrapé à deux mains chaque once de courage qui l'habitait, il osa proposer dans un murmure : « Est-ce que tu veux monter boire quelque chose ? »
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