Chapitre 11
Yoongi le relâcha. Il baissa les yeux sur la pochette et attrapa les post-it pour les dissimuler dans la chambre, là où il avait laissé tous les autres. Quand il revint auprès de son précieux bien, Jimin avait déjà déverrouillé la porte de l'immeuble et ouvrait la sienne en s'accordant une profonde respiration afin de se détendre. Inefficace. Il resta plus anxieux que jamais, tétanisé à l'idée de se retrouver face à cet homme d'une partie de l'âme de qui il s'était épris.
Il tira le battant, et Yoongi apparut peu après. Le teint hâve, les yeux caves et cernés d'un bleu presque noir, il paraissait... si différent du Yoongi rayonnant qui habitait sa demeure depuis la veille. Ses traits tirés le vieillissaient d'au moins cinq ans, et sa tenue trop stricte, preuve qu'il sortait tout juste du travail, lui donnaient un air bien plus sévère que ce à quoi Jimin s'était attendu. Ce jeune homme l'intimidait au-delà de tout ce qu'il avait connu.
Par réflexe, il s'inclina.
« Bonjour, m-monsieur Min, balbutia-t-il. Est-ce que je peux vous proposer un thé ?
- Bonsoir. Où est ma pochette ?
- Elle, je... e-elle est là, j'arrive. »
Humilié par la froideur taciturne de sa voix et le mépris de son regard, Jimin se rendit dans sa petite cuisine et attrapa la pochette sans adresser un regard au fantôme qui du sien le suppliait de le pardonner pour ce ton insultant. Jimin ne pouvait plus soutenir ces yeux tendres et bienveillants. Ils ne représentaient rien de plus qu'une chimère. Le fantôme d'une relation qui n'aurait jamais pu aboutir.
Il retourna à la porte que Yoongi n'avait pas franchie et ne franchirait plus jamais. Le regard du commercial, dénué de complaisance, se concentra sur ce qu'il tenait entre ses bras et qu'il lui tendit des deux mains, poli.
« Voilà. Elle n'a pas souffert des intempéries, elle est en parfait état. »
Yoongi l'attrapa avec une vivacité telle que Jimin recula, stupéfait par la violence de sa réaction. Il l'ouvrit dans des gestes confus, feuilleta les papiers qu'elle contenait et que Jimin n'osa pas examiner sans sa permission, puis il poussa un soupir de soulagement. À cet instant exact, Jimin crut voir double avant de s'apercevoir que l'âme égarée se tenait aux côtés de son propriétaire qu'elle observait avec affection. Elle jeta ensuite un regard à Jimin et lui adressa un signe de tête reconnaissant avant d'esquisser un pas et de se fondre dans le corps qu'elle avait quitté quelques jours plus tôt.
Une lumière réconfortante irradia autour de la silhouette du jeune homme, lumière que seul Jimin pouvait percevoir, puis Yoongi, comme revenu à lui après un atroce cauchemar, ses prunelles toujours fixées sur sa pochette, échappa un sanglot qui lui secoua les épaules, et serrant son bien le plus précieux contre sa poitrine, il se laissa tomber à genoux tandis que de longs sillons de larmes glissaient soudain le long de ses joues. Il ne retint pas ses émotions, et Jimin se sentit à son tour bouleversé : jamais il n'aurait imaginé voir un homme aussi imposant que Yoongi paraître si fragile et désemparé.
« J-J'avais vraiment cru l'avoir perdue p-pour toujours, avoua-t-il. Je ne pouvais pas croire que vous... que vous l'ayez retrouvée. Merci, monsieur Park, merci pour tout ! »
Il tremblait tant il serrait la pochette contre lui.
Yoongi avait vécu de véritables montagnes russes d'émotions : l'appel de Jimin l'avait d'abord agacé, puis intrigué, et un espoir fou duquel il se méfiait l'avait envahi en apprenant que son trésor avait été retrouvé. Il avait craint d'y croire en vain, comme s'il était impossible que ce Park Jimin lui dise la vérité, comme s'il se moquait de lui. Il savait que cela n'avait aucun sens, mais... il n'avait pas réussi à s'en empêcher. Voilà pourquoi, en arrivant, il s'était presque attendu à ce que le jeune homme lui rie au nez. Pour quelle raison ? Aucune idée : Jimin pourtant lui était apparu comme un employé sur lequel son patron savait pouvoir compter en toute circonstance – Kim Namjoon l'avait couvert d'éloges avait son arrivée précipitée à la réunion –, et seule sa mauvaise humeur avait motivé sa mauvaise impression. Jimin ne méritait ni son mépris, ni sa méfiance.
Oui, Yoongi le savait au fond de lui. Or, ces derniers jours, il s'était senti sombrer, comme si, séparé de sa précieuse pochette, il s'enfonçait dans un océan de ténèbres, incapable de sourire. Ses collègues les plus proches s'étaient beaucoup inquiétés pour lui, à vrai dire. Ils avaient tout de suite remarqué qu'il avait changé. Il avait perdu son entrain et son dynamisme coutumier. Yoongi avait prétendu une lourde fatigue ; il n'arrivait pas à avouer qu'il avait perdu quelque chose de beaucoup plus important à ses yeux que son banal dynamisme.
Enfin il se sentait de nouveau entier ! Son cœur se gonflait d'un bonheur qu'il avait cru égaré à jamais, au point que son pauvre organe était devenu beaucoup trop lourd pour lui, et qu'il avait préféré céder à ses émotions, évacuant son anxiété et sa frustration dans un flot de larmes auquel il fallut plusieurs minutes pour se tarir. Agenouillé face à lui, Jimin avait trouvé le courage de porter une main réconfortante à son épaule.
Yoongi s'essuya les joues dans un soupir épuisé, et il se passa les mains sur le visage en s'accordant une profonde inspiration avant de faire face à Jimin. Ce dernier lui accorda un sourire auquel il répondit avec douceur.
« Je ne vous pensais pas capable de craquer, monsieur Min, affirma-t-il dans un murmure qui lui donnait des airs d'aveu.
- Moi non plus... je crois que ça fait du bien.
- Ça fait toujours du bien de tout évacuer, de se purger des sentiments négatifs qui nous habitent.
- Oui, vous avez raison. Merci, Jimin, mille mercis pour avoir pris soin de ma pochette. Je me suis senti si... si vide, sans elle. Elle... e-elle compte énormément pour moi.
- J'avais cru comprendre. »
Ils se relevèrent puis s'inclinèrent l'un face à l'autre.
« Je ne vais pas vous déranger plus longtemps, encore merci, je vous serai éternellement reconnaissant pour votre aide.
- L'important est que vous ayez retrouvé ce qui vous manquait. »
Yoongi approuva d'un acquiescement qu'accompagnait un sourire détendu, et Jimin crut un instant voir le Yoongi dont il s'était entiché. Il se racla la gorge, souhaita une bonne nuit au jeune homme et ils se séparèrent.
Quand il se retrouva seul chez lui, Jimin poussa un lourd soupir qui traduisait à lui seul l'étendu de son désarroi. Il s'adossa à la porte d'entrée et leva les yeux vers le ciel.
« J'ai fait ce qu'il fallait, murmura-t-il dans l'espoir de s'en convaincre. C'est tout ce qui compte. »
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