Chapitre 50 - Brooke ⛸️

Trois mois plus tard

— C'est bien les filles, continuez ! encouragé-je mes élèves.

Ces dernières ont bien évolué au cours de ces derniers mois. Je suis heureuse d'avoir pu leur transmettre mes connaissances et les aider à les mettre en pratique. Celui qui galère un peu plus, c'est Jaxon, le seul garçon du groupe. Néanmoins, il a une force de volonté admirable. Je suis persuadée que ce petit ira loin malgré ses difficultés. Dans le monde du patinage artistique, ce n'est pas seulement une question de talent, mais de travail acharné. Il est décidé à devenir pro, et je pense sincèrement qu'il a ce qu'il faut pour percer. Je suis persuadée qu'il se donnera les moyens de réussir.

Contrairement à ses camarades, il ne se plaint jamais et il est extrêmement têtu. S'il continue dans cet état d'esprit, il réussira. De ce fait, je pense que dès l'année prochaine, ses parents devraient engager un coach rien que pour lui afin d'avoir toutes les chances de son côté.

Assis sur les gradins, Jaxon fixe ses patins, les sourcils froncés. On dirait qu'il est contrarié. Je suis habituée à voir son front plissé et un éclat de colère dans ses prunelles. Depuis des mois, les filles ne lui rendent pas la tâche facile. Étant le seul garçon, elles n'hésitent jamais à le lui rappeler, ou à se moquer de lui. J'ai beau leur remonter les bretelles tous les quatre matins, ça leur rentre par une oreille et ça leur ressort par l'autre. Surtout à cette petite peste de Darla : l'abeille reine.

Ces gosses m'épuisent. Je ne suis pas près d'avoir les miens, c'est certain.

— Qu'y a-t-il, Jaxon ? Tu devrais être sur la glace, non ? lui demandé-je en m'approchant de lui.

Marcher sur mes lames s'avère toujours aussi inconfortable, peu importe les années d'expérience.

Le petit, renfrogné, ne semble pas disposé à s'épancher. Il n'en a pas besoin, j'imagine que Darla lui a encore fait une remarque désobligeante. C'est dingue qu'avec son minois d'ange, elle soit en réalité un véritable démon. J'ai rarement vu une gamine aussi envieuse et méchante. Cependant, je comprends sans mal pourquoi elle s'en prend à lui : la jalousie.

Délicatement, je m'assois à côté de lui. Il est tellement petit, mais si chou. Il regarde les autres s'amuser sur la glace, l'air abattu.

— Je peux te confier un secret ?

Intrigué, le gosse me jauge de ses yeux larmoyants. Le voir dans cet état me fend le cœur. Je vais tenter de le consoler du mieux que je le peux, et surtout, lui insuffler cette confiance qui semble se résister à lui.

— Un jour, elle s'en mordra les doigts et voudra devenir ton amie, lui assuré-je.

Son petit nez retroussé se fronce.

— Tu crois ? me demande-t-il de sa voix fluette.

— J'en suis persuadée.

J'arrive à lui arracher un petit sourire et je lui ébouriffe ses cheveux bruns. Il rit, puis repart sur la glace auprès des autres. De loin, je les observe, fière de leurs progrès.

La fin du cours sonné, leurs parents débarquent pile à l'heure pour les accompagner dans les vestiaires afin de les aider à se changer. Je parle avec certains, dont la mère de Jaxon qui semble un peu inquiète. Je m'évertue à la rassurer et lui confie mes pensées vis-à-vis de son petit. Surprise que je lui conseille un coach personnel l'année prochaine, elle me demande si je voudrais bien m'occuper de lui. D'après elle, Jaxon est un enfant très timide, replié sur lui-même – ce que j'avais déjà remarqué – et qu'il lui avait confié plus d'une fois m'apprécier énormément.

Sa proposition me touche, néanmoins, je ne me sens pas à la hauteur pour former de manière professionnelle un enfant. Je préfère de loin continuer ces petits cours trois fois par semaine. Il y a moins de pression, je peux faire ce qui me plaît tout en continuant mes études à côté. Pour moi, le patinage artistique n'est désormais plus qu'une passion. Je ne compte pas en faire mon métier. Ce temps-là est révolu, et il ne me manque pas.

Elle me remercie pour ma sincérité et ma bienveillance, puis se dépêche de rejoindre son fils dans les vestiaires.

Je range le matériel utilisé pendant la séance, et peu à peu, mes élèves quittent la patinoire. Non sans me souhaiter un bon week-end.

Une fois seule dans les lieux, je remets mes patins et retourne sur la piste de glace. Je glisse tranquillement afin de me détendre, les spots en plein visage. J'étire mes muscles, fais craquer mon cou et pousse un long soupir rempli de soulagement. À chaque fin de cours, j'ai pris l'habitude de m'exercer un peu, sans trop en faire. Je crains toujours les figures trop compliquées. La dernière chose que je veuille, c'est me blesser à nouveau. Pourtant, j'aime toujours autant la sensation que me procure patiner. Rien n'a changé. Et lorsque je me laisse aller, je me rappelle chaque compétition que j'ai remportée ; des cris des spectateurs qui m'encourageaient ; des encouragements d'Alec, mon coach ; puis de la solitude que je ressentais à chaque fois que je retournais dans ma loge. Aucun trophée ou médaille ne remplissait le vide que je ressentais au fond de moi. Et malgré ma détresse, je me contentais de sourire, de faire bonne figure pour la presse et de ravaler mes véritables sentiments.

Je suis heureuse que tout ceci ait pris fin. À cause d'une maudite vidéo, toute ma vie a été chamboulée, mais... étrangement, j'aime croire que ce crétin d'Aaron m'a fait une faveur. J'ai touché le fond pour ne remonter que plus forte, et sûre de ce que je voulais.

Après tout, sans tous ces événements, jamais je ne serais venue m'installer à Oak Ridge. Jamais je n'aurais rencontré King.

Aujourd'hui, je n'imagine pas ma vie sans lui. Malgré toutes nos prises de bec, il est la personne qui me rend heureuse, qui me fait sentir vivante.

Ces derniers temps, nous n'avons pas eu l'occasion d'être ensemble. Il nous arrive d'être pendant plus d'une semaine sans nous voir, même si le soir, nous nous envoyons plein de textos pour nous raconter nos journées respectives.

Il est à fond dans son rôle de capitaine et il fait tout ce qui est en son pouvoir pour mener son équipe à la victoire. Leur place aux éliminatoires qui les conduiront au Frozen Four est assurée puisqu'ils vont remporter le championnat de leur conférence. Les Black Hawkes sont les premiers de leur classement. Cependant, ils ne se reposent pas pour autant sur leurs lauriers. Ils ont un but précis en tête : gagner le championnat national. Leur objectif n'a jamais été autre.

Je suis ravie de dire qu'Asher est un excellent capitaine, et qu'après tous les pépins du début, les gars de l'équipe le reconnaissent formellement comme leur leader. Même Liam et Miles. Qui l'aurait cru, pas vrai ?

J'aime croire que tout est rentré dans l'ordre et que les choses à partir de maintenant ne pourront aller que pour le mieux.

Oh ! D'ailleurs, ma grand-mère s'est dégoté un prétendant. Rien de sérieux pour le moment, mais un paroissien récemment arrivé en ville, lui aussi veuf, lui fait la cour depuis de longues semaines. C'est drôle de la voir râler lorsqu'il lui envoie des bouquets de fleurs, et à la fois de constater que cela la ravie.

En ce qui concerne ma mère, je n'ai plus eu de nouvelles de sa part. Ni visites à l'improviste, ni appels incendiaires... rien. Je sais juste que son cher et tendre a remporté les élections municipales. Du coup, j'imagine qu'elle n'a plus besoin de moi. Et c'est d'autant mieux ainsi. Nos vies ne seront que meilleures si nous nous croisons le moins possible, j'en suis persuadée.

J'entreprends de tournoyer sur moi-même à une vitesse contrôlée, quand soudain, mes yeux se fixent sur une silhouette imposante près de l'entrée de la piste. Le cœur au bord des lèvres, je m'arrête net pour découvrir King, qui m'admire, un petit sourire en coin.

Estomaquée par sa présence, je penche la tête sur le côté.

— Tu ne devrais pas être en route pour Pittsburg ? demandé-je, perdue.

Le match qui aura lieu demain est décisif, j'espère qu'il n'a pas fait une bêtise qui pénalisera toute l'équipe. La ville tout entière compte sur eux pour gagner le championnat.

Face à ma question et mes sourcils froncés, il lâche un ricanement. Comme à son habitude, ce simple bruit me procure un intense chatouillement au creux de mon ventre.

— Notre départ a été repoussé d'une heure, m'explique-t-il sans cesser de me dévorer des yeux. Et tu me manquais. J'imaginais que tu serais encore ici, en train de patiner.

— Tu connais trop bien ma routine, espèce de stalker.

Il n'empêche que mon petit cœur de fille fleur bleu tressaute comme un fou dans ma poitrine. Cette semaine, nous nous sommes à peine croisés. Moi aussi j'étais impatiente de le retrouver.

Derechef, il rit et, pour me surprendre davantage, il monte sur la glace, paré de ses patins de hockey. Qu'est-ce qu'il compte faire ? Les mains dans les poches, il avance vers moi, le regard pétillant et taquin.

— J'avais envie de patiner un peu avec toi, m'avoue-t-il à quelques millimètres de mes lèvres. Je me suis rendu compte qu'on ne l'avait jamais fait.

Le souffle court, je tente de me reprendre, tandis que mes neurones grillent les unes à la suite des autres.

— Tu... tu sais que tes patins ne sont pas faits pour le patinage artistique, dis-moi.

Ceux de hockey sont conçus pour offrir stabilité et protection, tandis que les miens mettent l'accent sur la mobilité et la grâce pour permettre des performances artistiques élégantes et techniques.

— Je sais bouger sur la glace, pas faire des pirouettes, plaisante-t-il. Je ne veux pas me casser la gueule et être dans l'incapacité de jouer mon match demain. J'avais autre chose en tête.

Il sort son portable de sa poche et lance une chanson qui ne m'est pas inconnue. Instinctivement, je souris comme une idiote. La mélodie commence par des accords de clavier doux et un air de guitare acoustique qui établit une ambiance calme et apaisante.

— J'ignorais que tu aimais la BO de Dirty Dancing, le taquiné-je.

— Te moque pas, vilaine. Juste cette chanson. Et ça reste entre nous.

— Oui, tu as une réputation à préserver, continué-je à plaisanter.

— Tout à fait, et si jamais tu en parles à quelqu'un, je serai obligé de te punir. Très salement, murmure-t-il à mon oreille, avant d'en saisir le lobe et de le mordiller.

Une vague de bien-être me submerge, je me laisse aller contre son corps, sans même me rendre compte que nous nous mouvons au son de She's like the wind. Plus qu'un enchaînement de patinage, il s'agit d'une danse sur la glace. Nos corps collés l'un contre l'autre, mon regard happé par le sien, nos lèvres légèrement entrouvertes, attendant le moment propice pour avaler le souffle de l'autre.

La voix de Patrick Swayze me submerge, m'emporte loin, et je ne vois que King. Ses mains posées sur mes hanches, je suis épatée par sa façon élégante de bouger. Ça change radicalement de quand je le vois jouer. Doucement, il m'attrape la main et me fait tourner sur moi-même, avant de coller son torse à mon dos. Il passe un bras sur mon ventre pour me serrer contre lui. J'entends son souffle saccadé contre mon oreille qui caresse sensuellement mon cou. J'entends son cœur cogner fort contre mes omoplates, me renvoyant au rythme frénétique du mien.

Les notes de piano se succèdent, pour laisser place au solo de guitare qui intensifie le morceau. Nous parcourons le terrain glacé avec grâce et sensualité.

J'espère que Patty a quitté les lieux, sinon elle doit s'en donner à cœur-joie. Extérieurement, j'ignore ce que cela peut donner, mais je suis tellement amoureuse de cet hockeyeur de malheur, que je suis certaine que c'est une pure merveille.

Soudain, King me retourne à nouveau et le sourire aux lèvres, il place ses mains sous mes aisselles avant de me surélever dans les airs. Surprise et amusée, je n'hésite pas à passer mes jambes autour de ses hanches, en faisant très attention de ne pas poignarder ses fesses avec mes lames. Ce serait dommage de meurtrir un si joli petit cul.

Mes bras autour de son cou, je ne peux m'empêcher de fixer sa bouche gourmande, ainsi que d'avoir des idées très impures. Je ressens tout ce qui se passe sous sa ceinture, il ne me leurre pas. Il est tout aussi excité que moi.

Ses iris fauves me déstabilisent, me font oublier le temps qui passe, jusqu'à l'endroit où nous nous trouvons. Son fichu regard est une œuvre d'art. Il m'arrive de vouloir devenir artiste juste pour pouvoir coucher sur une toile les nuances de ses prunelles fascinantes. Ce garçon qui me tient contre lui avec concupiscence est à moi, je ne cesse de le réaliser tous les jours.

Ses mains au creux de mes reins, il exerce une légère pression, et je comprends où il veut en venir. Au moment où la voix féminine prend plus d'ampleur, je me penche en arrière en lui faisant totalement confiance avant qu'il nous fasse tournoyer. Cela ne dure que quelques secondes, mais c'est tellement beau, intense, que je découvre une nouvelle façon de patiner. Il y a tant de sentiments dans nos mouvements, de passion, que je suis certaine de vouloir recommencer à l'avenir. Il est un partenaire parfait, que ce soit dans la glace ou en-dehors.

King me redresse et à peine accrochée à ses épaules, ma bouche s'écrase sur la sienne tandis que les dernières notes de la chanson résonnent dans la patinoire. Mon cœur bat comme un dingue. Il me semble que mon amour pour lui n'a jamais été aussi grand.

Mon copain s'arrête de patiner, ses doigts s'enfoncent dans mes hanches pour me tenir fermement contre lui. Sa langue joueuse se fraie un chemin afin d'atteindre la mienne. J'avale sa respiration, me délecte de son goût exquis, ainsi que de la douceur de ses lèvres. Je le dévore, me repais de lui telle une affamée, comme s'il s'agissait de la dernière fois. À chaque fois, c'est comme ça entre nous. Nous nous embrassons comme s'il n'y avait pas de lendemain. Nous connaissons la volubilité de la vie, tout ce qui peut nous être arraché en un claquement de doigts. Alors nous avons décidé de vivre notre histoire ainsi : sans regrets.

Je n'échangerais ce que nous avons contre rien au monde. Entre les bras d'Asher Kingston, je me sens véritablement chez moi, là où je dois vraiment être. J'ai enfin trouvé ma place.

À ses côtés.  

🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒

Je ne pouvais pas cloturer leur histoire sans avoir un moment entre eux sur la glace 🙈

Demain, c'est le grand jour. 

Demain se terminent les aventures de King et Brooke. 

On se retrouve à 18h pour la publication de l'épilogue. 💞

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