Chapitre 26 - Brooke ⛸️

Le souffle court, la gorge nouée, mes yeux se brouillent de larmes au moment où le message vocal de King prend fin brusquement.

Le téléphone encore collé à l'oreille, je demeure stoïque pendant de longs instants. Entendre sa voix a réveillé les papillons dans mon estomac, torturant mon cœur tout comme mon esprit.

Ses paroles... j'ignore ce qu'elles viennent de provoquer en moi. Telle une tornade, il a réussi à mettre sens dessus-dessous mes pensées, mes souhaits. Je ne sais plus ce que je veux.

Ces trois derniers jours, je suis restée enfermée dans ma chambre, dans le noir. J'ai prétexté une mystérieuse maladie pour que ma grand-mère me fiche la paix, toutefois, elle n'est pas dupe. Elle est consciente que la visite de Dillinger a chamboulé quelque chose en moi.

J'ai même esquivé les appels et textos de Poppy, Abby et même de Tray. Il faut croire que Poppy l'a contacté pour avoir de mes nouvelles, bien qu'il n'ait pas pu lui donner la réponse qu'elle espérait. Il est passé hier, bien qu'il ne soit pas monté à l'étage. Il a plutôt discuté avec ma grand-mère, soucieux de mon état. Il a même proposé de m'emmener voir un docteur si ça n'allait pas, mais Bernadette Greene lui a assuré de ne pas s'en faire.

Avec le recul, je m'en veux d'avoir repoussé Asher, de m'être braqué comme je l'ai fait. Je repasse en boucle notre conversation, et j'imagine comment cette soirée aurait pu se terminer si je ne m'étais pas refermée comme une huître. Il ne me voulait aucun mal, simplement se montrer honnête vis-à-vis de ce qu'il avait découvert malgré lui.

À présent, j'aurais aimé réagir autrement. La peur me consumait, tout comme la honte. Après tout, comment après le visionnage de cette horreur aurait-il pu me prendre au sérieux ? Les autres mecs ne l'ont pas fait. Non, ils ont profité de la situation pour me faire des propositions déplacées et me harceler. Si seulement le débile qui voulait que je lui taille une pipe pour le remercier de la balade en voiture avait été le seul, j'aurais pu le supporter. Malheureusement, il n'était que le premier d'une longue liste.

Des propos de ce genre, j'en ai supporté pendant de longs mois, avant que ma blessure ne m'envoie à l'hôpital.

Je pensais qu'en débarquant à Oak Ridge et en faisant profil bas, on me ficherait la paix et que personne ne s'intéresserait à moi. Que j'ai été innocente, n'est-ce pas ? Je voulais croire que cette vidéo ne viendrait pas entacher mon avenir, mais une fois sur la toile, il est impossible d'effacer totalement ce genre de contenu.

Savoir que King a eu accès à cette saleté de vidéo me plonge dans un terrible désarroi. En ce qui concerne ce gros porc de Miles, ce n'est pas le fait qu'il l'ait maté qui m'effraie, mais plutôt qu'il l'ait partagé. Après tout, s'il l'a montrée à Asher, qu'est-ce qui l'empêcherait de faire pareil avec ses potes ?

Je m'en veux d'avoir laissé sous-entendre que c'était la faute de King, que s'il ne m'avait pas approché, cette situation n'aurait jamais eue lieu. Je pense qu'à ce moment-là, j'avais juste besoin de me défouler, de faire porter le chapeau à quelqu'un et surtout, de l'éloigner de moi, pour me protéger.

Ouvrir son cœur, se mettre à nu émotionnellement, c'est bien plus compliqué que se désaper devant un inconnu. En dévoilant tes failles, tu t'exposes à la plus cruelle des trahisons. J'ai fait confiance à un homme une fois, et il l'a bafouée de la pire des façons. Il a détruit l'ancienne Brooke, je ne désire pas que la nouvelle termine de la même manière. Sans oublier que ce que King me fait éprouver est à mille lieues de ce que j'ai pu ressentir auprès d'Aaron. Avec du recul, ce n'était que dalle.

Aaron n'envahissait pas mes pensées matin, midi et soir. Il ne faisait pas trembler mon corps de désir, il ne stimulait pas mon esprit, au point où j'avais une envie vorace d'en apprendre plus sur lui. Non. Pour être honnête, aujourd'hui, je ne comprends pas pourquoi j'ai accepté de sortir avec lui. Sans doute pour casser ma routine, celle dans laquelle je vivais enfermée depuis ma plus tendre enfance. Je pensais qu'avoir un petit-ami me ferait du bien, que je pourrais plus m'intégrer au sein de l'université et sortir de ma coquille. Notre relation n'a duré que six mois, assez pour me bousiller comme jamais personne auparavant.

Faire confiance à quelqu'un, entreposer ton cœur entre ses mains, est un acte de foi suicidaire. Aaron a eu accès à mon corps, King... à bien plus que ça.

Certes, la semaine dernière, il en a exploré chaque recoin. Il a vu une partie de ma vulnérabilité, il s'est immiscé entre les brèches de ma carapace afin de toucher mon âme. Du bout des doigts, il a caressé mes fêlures, l'air de vouloir me dire que je n'avais rien à craindre avec lui.

Puis-je vraiment lui faire confiance ?

Cette question m'angoisse. Après tout, que sommes-nous ? Devons-nous nous coller une étiquette pour définir notre relation ? Je me prends peut-être trop la tête, mais définir ce qui nous lie s'avère essentiel pour moi. Si je dois me protéger, je préfère être préparée.

Quant à son message vocal, je crois que mon cœur a fondu face à ses paroles un poil maladroites, mais belles malgré tout. Il n'est pas habitué à exprimer ce qu'il éprouve, néanmoins, il a fait des efforts dans le but de me rassurer. Il s'agit d'un geste extrêmement mignon et dont je ne l'aurais jamais cru capable. Sous ses airs détachés se cache une personne bien plus complexe que j'ai de plus en plus envie de découvrir.

Ce match est une trêve pour lui. Il désire me savoir dans les gradins lorsqu'il savourera la victoire avec son équipe, et le fait qu'il puisse penser à moi dans ces moments-là me remplit d'un sentiment étrange, mais loin d'être désagréable.

Fébrile, je prends mon courage à deux mains et compose le numéro de la seule personne qui peut me soutenir en cet instant.

Après deux tonalités, elle décroche.

— Bon sang, Brooke ! s'exclame Poppy. Où étais-tu passé ? Je me faisais du mouron ! J'ai été à deux doigts de débarquer chez toi ! Je commençais à croire que tu t'étais fait enlever par des aliens !

Cette fille a une imagination débordante, et tous les films qu'elle regarde à cause de son boulot d'étudiante n'arrangent rien.

— Tu es libre ce soir ? soupiré-je.

— Oui, je ne bosse pas. Tu veux qu'on se fasse une soirée filles ? Je peux apporter plein de cochonneries à dévorer, tu sais ?

Je ricane, retrouvant peu à peu ma bonne humeur. J'aurais dû lui parler plus tôt, au lieu de m'enfermer sur moi-même.

— Que dirais-tu d'aller à un match de hockey à la place ?

***

Les étudiants d'Oak Ridge se sont donnés rendez-vous à la patinoire du campus afin de supporter leur équipe lors de ce match à domicile. Parait-il qu'il est décisif pour la suite de la compétition. Le but des Blacks Hawkes est de remporter le trophée de leur conférence afin d'avoir une place assurée lors des éliminatoires pour atteindre le Frozen Four. Leur objectif ? Gagner le championnat national.

Des supporters des deux universités se tiennent de chaque côté de la patinoire afin d'éviter tout dérapage. Après tout, dans ce genre de sport, tôt ou tard, ça part en sucette.

— Je suis heureuse qu'ils aient enfin réparé la patinoire ! s'exclame Poppy tandis que nous avançons à travers une marée humaine.

On dirait que les lieux sont bien trop petits pour tout ce beau monde. Je suis certaine qu'il n'y a pas que des élèves, sans doute aussi des habitants d'Oak Ridge férus de hockey.

Main dans la main, mon amie me guide.

Ce que j'aime chez elle ? C'est qu'elle n'a pas remis en question mon choix. Elle aurait pu tenter de me tirer les vers du nez, chercher à comprendre pourquoi cette soudaine lubie de vouloir me rendre à un match de l'équipe. Toutefois, je crois qu'elle sait déjà. Poppy est loin d'être dupe, surtout en sachant que King lui a demandé de mes nouvelles.

Elle doit forcément se douter de ce qui se trame. Néanmoins, elle ne fait aucun commentaire. Elle se contente de m'épauler. À vrai dire, je ne sais toujours pas ce que je suis en train de faire et vers où cette soirée nous conduira, King et moi. Avant tout, je veux avoir le cœur net. Et je dois l'avouer, je suis curieuse de le découvrir dans son élément. Même si je ne doute pas à quel point il est doué. Depuis que j'ai débarqué ici, on n'a cessé de me vendre ses mérites.

Soudain, alors que mon amie et moi observons les gradins afin de trouver une place, quelqu'un se glisse entre nous et passe ses bras sur nos épaules.

— Je me disais bien que c'était vous, raille Ian, tout sourire.

Heureuse de le voir, je lui souris à mon tour. Sans hésitation, il dépose un baiser contre ma tempe.

Derrière nous, j'aperçois Knight, l'air mal-luné, comme à son habitude. J'ai rarement vu sourire ce garçon, même si je ne doute en aucun cas de sa gentillesse. Il est bourru, mais pas méchant pour autant.

Quoi qu'il en soit, je remarque qu'il fixe Poppy avec une certaine insistance. Quant à cette dernière ? Elle l'ignore royalement. Je crois que son intervention lors de la fête chez les DEZ a encore du mal à passer. Je ne sais pas ce qui se trame entre ces deux-là, mais je les soupçonne d'avoir un passé commun. De quel genre ? Je l'ignore. Peut-être que je suis à côté de la plaque, néanmoins, je dirais que Cassidy a des vues sur Poppy. Je ne suis peut-être pas une experte en la matière, cependant, je ne suis pas aveugle. Et il y a une tension à chaque fois que leurs regards se croisent, c'est indéniable !

— Ça vous dit de vous joindre à nous ? me propose Ian.

— Si vous arrivez à trouver des places, nous sommes à vous, répond Poppy pour nous deux.

Elle n'aurait pas mieux dit. Pour le moment, je vois très mal où nous pourrions nous poser pour observer le match tranquillement. Enfin, je veux surtout que King puisse me voir s'il scrute les gradins. Pourra-t-il me retrouver parmi cette foule en effervescence ?

Le match a commencé depuis vingt minutes maintenant, la première période est écoulée et les joueurs ont droit à une quinzaine de minutes de repos, pour se regrouper et discuter stratégie avec leur coach. D'après le tableau d'affichage, les deux équipes ont un score relativement serré pour le moment. À voir dans quelle direction va pencher la balance. J'espère de tout cœur qu'ils vont remporter cette rencontre.

Tous les quatre, nous montons les marches des gradins tandis que Cassidy ne se gêne pas un seul instant pour pousser ceux qui se trouvent sur son chemin. Personne n'ose lui tenir tête, ce type sait qu'il a droit à certains privilèges. Il fait partie de l'élite sportive et il en profite un max. Je remarque que Poppy soupire, excédée par le comportement du baseballeur. En ce qui me concerne, ça m'amuse.

Ian ne me lâche pas d'un poil, il ferme la marche, ses mains posées sur mes hanches comme si nous nous apprêtions à danser la conga.

Au bout de quelques minutes, nous atteignons le haut des gradins. Knight force les spectateurs à se décaler afin de nous faire de la place. Il n'y en a que deux de libres, les garçons nous les laissent. Ils s'assoient sur la marche en béton, froide et un peu crade, mais ça ne semble pas les gêner le moins du monde.

Les mains tremblantes, je souffle dessus tout en dirigeant mon regard vers le terrain tout fait de glace. L'équipe d'Oak Ridge porte un maillot blanc et bleu, quant à celle de nos adversaires – les Saints de l'université de Long Island –, il est entièrement rouge.

Malgré la distance, il y a un écran de diffusion en direct qui me permet de ne pas en rater une miette. D'ailleurs, à présent, la caméra est braquée sur King, le numéro 13. Ça me fait tout drôle, puisqu'il s'agit de mon numéro fétiche.

Mon cœur palpite dans ma gorge, j'ai l'impression qu'il va se barrer par ma bouche d'une minute à l'autre.

Les minutes s'égrènent, filent à la vitesse de l'éclair. La violence lors des mises en échec me fait grincer des dents. Les Saints ne font pas de quartier, ils sont venus pour gagner et il est hors de question de rendre la tâche facile aux Black Hawkes. Ces derniers, en mode guerriers, ne laissent pas tombent. Ils tentent mille et une tactique afin de marquer.

Le plus acharné ? L'ailier droit : King. Même si certains de ses camarades sont changés au cours du jeu, ce n'est pas son cas. Son coach le garde sur la glace, tout comme le gardien de but qui n'est pas remplacé.

Ian m'explique qu'en général King joue deux périodes, avant de laisser sa place. Selon lui, tout le monde participe. Néanmoins, aujourd'hui, il semblerait qu'il soit parti pour jouer le match du début à la fin.

Les quinze prochaines minutes de pause sont annoncées et tous les joueurs quittent la glace. J'aperçois King, super concentré sur sa tâche, les sourcils froncés et l'air un poil frustré. On dirait que les choses ne se déroulent pas selon son bon vouloir.

— Tu pourrais aller le voir, tu sais ? m'incite Poppy, un petit sourire en coin. Je suis sûre que ça lui ferait plaisir.

— Je ne veux pas le déconcentrer, marmonné-je, le regard toujours tourné vers le hockeyeur.

— Ouais, mais avoue que tu as envie de descendre ces marches, de lui sauter au cou et de lui rouler un patin jusqu'à en perdre haleine, lance Ian.

Figée par cette remarque, je tourne doucement mon regard dans sa direction. Le joueur de Lacrosse est sur le point de se fendre la poire. Finalement, face à mon air hébété, il se bidonne sur place.

— Oh, je t'en prie, Brookie ! On n'est pas aveugles et on connaît King comme notre poche ! Vous vous cherchez trop pour qu'il ne se passe rien entre vous.

— Notre pote n'aime pas perdre son temps. En règle générale, la parade amoureuse, tout ça tout ça, ce n'est pas son truc, soupire Cassidy, le regard tourné vers l'écran de son téléphone.

Visiblement, il joue à Candy Crush pendant la pause. Ça ne l'empêche pas de participer activement à la conversation. En fond sonore retentit en boucle Can't Stop me Now de The Score, d'après ce que j'ai cru comprendre c'est la chanson officielle de l'équipe qui est jouée lors des matchs à domicile. Un genre d'hymne quoi.

— À croire qu'il parle d'une autruche qui tenterait de te séduire pour s'accoupler, marmonne Poppy, blasée.

— N'écoute pas ce crétin, pouffe Ian. King a été d'une humeur exécrable ces derniers jours, pire qu'un ours mal léché. Et dernièrement, j'ai remarqué que lorsqu'il était dans cet état, c'était de près ou de loin relié à toi.

Oui, je me doute que ça n'a pas dû être aisé pour lui depuis... notre discussion. Je le revois encore quitter ma chambre, l'air peiné, meurtri par mon rejet. J'imagine qu'il n'est pas dans ses habitudes de s'attacher, encore moins de s'épancher sur ses sentiments. Je ne lui ai pas rendu la tâche facile, c'est un fait.

— Sache qu'aucune fille n'a jamais eu suffisamment d'emprise sur ce débile pour lui provoquer des changements d'humeur, m'avoue Knight en relevant le regard de son écran. Alors, félicitations, tu as réussi à faire succomber Asher Kingston, et à le dompter par la même occasion.

Leur entendre dire ça, à eux qui sont les meilleurs amis de Dillinger depuis un bail, me fait l'effet d'une douche froide... suivi par une chaleur étouffante. Je sens mes joues virer au cramoisi. Alors... il ne joue pas ? Il ne l'a jamais fait ?

Le match reprend tandis que je demeure enfouie dans mes pensées, focalisée sur ce que Knight vient de me confier.

— Surtout ne fait pas attention à ce qu'il vient de dire, murmure Poppy à mon oreille. Il n'y a que King qui peut parler pour King. Ses meilleurs potes, même s'ils le connaissent très bien, ne sont pas dans sa tête.

Oui, elle a tout à fait raison. Puis, parfois, les hommes sont tellement compliqués ! Lorsqu'on pense qu'ils vont agir d'une telle manière, ils font l'exact opposé.

— Ne t'en fais pas, je compte bien avoir une conversation avec lui, la rassuré-je.

Elle a été la première à me pousser dans les bras du hockeyeur, surtout depuis la fête chez les DEZ. Néanmoins, à présent, je la sens réticente. A-t-elle peur pour moi ? Honnêtement, je me répète, mais je ne sais pas ce que je fous. Je tâtonne, totalement à l'aveuglette. J'ai l'impression de me jeter dans la gueule du loup et de carrément lui supplier de bien vouloir me croquer.

Le tableau d'affichage marque à présent qu'il y a égalité : 2-2. Et les Black Hawkes n'ont plus que vingt minutes devant eux pour renverser la tendance et ressortir vainqueurs de cette rencontre sportive.

Les poings serrés, j'observe les joueurs se mouvoir sur la glace à toute vitesse. Ils ne font pas de quartier, la violence de ce jeu est encore quelque chose qui m'étonne. Il s'agit d'un sport de contact, néanmoins, certains n'y vont pas de main morte. À croire qu'ils prennent plaisir à voir leurs adversaires gémir de douleur. Ce n'est pas étonnant que parfois, ça parte en cacahuète. Et de ce que je sais, contrairement au hockey professionnel, les bagarres sont formellement interdites sur la glace... ou même en-dehors. Néanmoins, les provocations sont toujours de mise afin de nuire l'équipe adverse. Il y en aura bien un qui craquera après tout, non ? De ce que je sais, certains membres sont spécialisés dans le but de détecter les failles, et lorsqu'ils trouvent une brèche, ils n'hésitent pas à appuyer là où ça fait mal afin d'avoir l'avantage. Il s'agit d'une tactique plutôt fourbe, j'en conviens, toutefois, elle est acceptable... et dure de prouver si l'adversaire perd les pédales.

Les yeux rivés sur King, il est concentré sur sa tactique de jeu, quand soudain, son regard vogue sur les gradins, comme s'il cherchait quelque chose. Ou plutôt quelqu'un. Il pense sans doute que j'ai refusé son offre et que je suis restée enfermée dans ma chambre, comme les trois derniers jours. J'espère de tout cœur qu'il me trouvera et que cela suffira à lui prouver que j'ai jeté les armes.

Mais il a trop de monde et les spots qui éclairent la glace ne l'aident pas à avoir une bonne visibilité. Il reprend contenance et se concentre. Il esquive une mise en échec de justesse, s'empare du palet avec agilité et fonce jusqu'au but, où il n'hésite pas à marquer. Le projectile entre dans la cage et Oak Ridge remonte son score.

Les spectateurs se lèvent, applaudissent, sifflent. Les gradins tremblent sous le coup de leurs pas. Ian et Cass encouragent l'équipe, même Poppy s'est prise au jeu. Elle demande au numéro 9 des Black Hawkes de défoncer « le petit enfoiré » de numéro de 2 des Saints.

Aussi étrange que cela puisse paraître, je me laisse submerger par l'ambiance et je hurle à King de faire attention à sa droite lorsqu'un adversaire s'apprête à foncer sur lui. Je sais qu'il ne peut pas m'entendre, mais m'impliquer me donne l'impression d'être un peu plus proche de lui.

Je m'amuse. Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas laissée emporter par la fièvre du sport, et ça me fait un bien fou.

Finalement, la troisième période se termine et les Black Hawkes ressortent vainqueurs de cette rencontre. Le score ? 3-2. Ils ont de quoi être fiers, le match n'était pas facile. Les Saints de Long Island leur ont donné du fil à retordre.

Les gars se réunissent au centre du terrain pour fêter leur victoire, tandis que les perdants quittent la glace, blasés. Certains félicitent leurs homonymes, d'autres les regardent avec mépris avant de foutre le camp aux vestiaires.

Peu à peu, les gradins se vident et nous finissons Poppy, Ian, Cassidy et moi par quitter également le stade. Au moment de descendre, je ne vois plus King parmi les membres de son équipe. Il a disparu. Je le cherche du regard, mais rien à faire. À croire qu'il s'est évaporé.

De toute façon, qu'aurais-je fait ? Lui sauter au cou devant tous les autres ? Non, ça serait trop indiscret. Je ne dois pas oublier la menace de Liam qui plane au-dessus de sa tête telle une épée de Damoclès.

L'euphorie du moment quitte peu à peu mes veines, je me sens tout à coup angoissée. Et s'il était parti en ne me voyant pas dans les gradins ?

— T'inquiète pas, s'amuse Ian en posant un bras par-dessus mes épaules pour me ramener contre lui. Il est parti se changer, d'accord ? On le retrouvera après.

Il tapote mon nez du bout de son index, m'entraîne avec lui vers la sortie et je me laisse guider.

***

Plus de trente minutes s'écoulent.

En-dehors de la patinoire, j'assiste à la prise de bec entre Knight et Poppy. Tous deux se sont lancés dans un débat à la vie à la mort sur les derniers films de Star Wars. Le baseballeur les trouve nuls à chier, il dit d'ailleurs qu'ils ne sont rien d'autre qu'une insulte à l'univers qu'a créé Georges Lucas tandis que Poppy campe sur ses positions : la séquelle met en avant le féminisme, ce qui fait que les films sont plus ancrés sur notre génération. Après tout, selon elle, plein de petites filles ont pu s'identifier au personnage de Rey.

— Je t'en prie, on en reparle de cet émo-fragile de Kylo Ren ? En quoi ce mec est un méchant ? Oh, craignez-moi, je suis mystérieux, mon âme est damnée, mon papi c'est Dark Vador et je veux suivre ses traces... Mais espèce de bouffon ! Avant de clamser, il a tourné le dos au côté obscur, alors qu'est-ce que tu me racontes ? Sans oublier son putain de casque qui n'a aucune relevance!

— Je suis d'accord sur ce coup, le soutient Ian. On est loin du charisme de Dark Vador. Kylo Ren c'est juste un mec qui n'a pas fini de traverser sa crise d'ado et qui cherche à se rebeller.

— Puis les combats au sabre laser, on en reparle ? reprend Cassidy, à fond sur le sujet. On a eu droit lors des préquelles à des chorégraphies époustouflantes et là, ce crétin de Kylo, il se fait défoncer en moins de deux par une meuf qui n'a jamais touché un sabre de son existence ? Le foutage de gueule, ça va deux minutes.

J'observe la scène sur le point de m'esclaffer. En tout cas, ils me divertissent. Surtout Knight et Poppy. J'ai l'impression qu'elle réplique juste pour l'embêter, parce qu'elle ne veut pas qu'il ait raison.

— Elle est censé être l'élue, alors...

— Anakin était l'élu et il s'est fait couper un bras par Maître Dooku alors qu'il avait des années d'entraînement à son actif. Alors ton excuse du « elle est censée être l'élue », tu peux te la garder!

Mon amie tente de garder son sérieux, chose qui s'avère de plus en plus difficile. À croire qu'on vient d'insulter l'un de ses ancêtres tant il prend tout ceci à cœur. Au moins, il est passionnel, on ne pourra pas dire le contraire.

— J'avoue, c'est trop flagrant, soupire Poppy. J'avais juste envie de te faire chier.

Knight écarquille des yeux en découvrant qu'elle s'est fichue de lui tout du long. Mon amie rigole de plus belle face à son air bourru. C'est intéressant de savoir que Cassidy Knightley est un fan invétéré de Star Wars.

— À présent, la curiosité me démange, reprend-elle en se rapprochant dangereusement de lui. Est-ce que tu baises tes conquêtes dans des draps à l'effigie de Dark Vador ?

Ian s'esclaffe à gorge déployée, je pouffe à mon tour. Ces deux-là, des étincelles jaillissent de leurs échanges. C'est électrique, presque tout autant qu'entre King et moi. La provocation, ça me connaît et je peux dire qu'ils vont soit finir par s'étrangler, soit par se sauter dessus. Je penche plus pour la deuxième option.

Knight la gratifie d'un regard mauvais, suivi d'un doigt d'honneur lorsqu'elle s'éloigne pour se poser près de moi. En tout cas, elle a l'air ravie de lui avoir cloué le bec.

— Oh, vous êtes là ! tonne la voix de King en me ramenant à l'instant présent.

Il marche dans notre direction, mais appuyée contre le mur derrière moi, il ne me remarque pas.

— Sacré match, mon salaud ! le félicite Ian en lui donnant une tape virile sur l'épaule.

— Merci, répond-il, loin d'être très emballé.

— Bah alors, c'est quoi cette tête ? Vous avez gagné, il faut fêter ça, non ?

— Oui, c'est chouette, soupire le beau brun.

— Mec, vu ta tronche, on dirait qu'on vient d'écraser ton chien, lance Knight.

À mes côtés, Poppy retient un rire. Je dois avouer que ça me fait mal au cœur de le voir aussi apathique, morose. Il devrait être heureux, alors que là... Est-ce lié à moi ? Parce qu'il pense que je l'ai rejeté une seconde fois ?

— Merci, Cass, tu sais toujours comment me réconforter, ironise Dillinger.

D'autres membres de l'équipe quittent la patinoire et invitent les gars à les rejoindre chez les DEZ pour fêter la victoire. Apparemment, une soirée d'Halloween est organisée par la fraternité.

King leur répond tout simplement par un mouvement de tête, tandis qu'Ian et Cass promettent d'y passer faire un tour.

Il semble à bout, fatigué, mais pas physiquement. Je me rends compte en le voyant que ces derniers jours n'ont pas dû être aisés pour lui non plus.

— Félicitations, décidé-je de sortir de mon mutisme.

King se raidit de la tête aux pieds, surpris par ma voix. Doucement, il tourne la tête dans ma direction. Une fois qu'il m'aperçoit, il avale si intensément sa salive qu'il ne m'est pas difficile de voir sa pomme d'Adam monter et descendre, un mouvement innocent qui me fait pratiquement perdre la raison tant je le trouve irrésistible.

— Tu... tu es venue ? bafouille-t-il, le regard brillant.

Amusée, je me contente de hocher la tête.

— Elle n'en a pas raté une miette. Enfin... presque, nous sommes arrivés lors de la deuxième période, avoue Ian.

Cependant, King ne semble plus l'écouter, bien trop focalisé sur moi. On dirait qu'il réalise petit à petit que je me trouve devant lui, qu'il ne s'agit pas d'une illusion. Mes mains me démangent, mes lèvres me font mal tant j'ai envie d'aller vers lui et de l'embrasser. Ce désir qui s'immisce dans mes veines me brûle tout entière.

— Bon et bien, je crois que nous allons vous laisser, annonce Poppy en rejoignant les amis de King.

— Tu es venue avec moi, lui rappelé-je.

— Nous la ramenons chez elle, décrète Knight. Ne t'en fais pas.

— Eh ! Je veux aller à la fête ! réplique-t-elle.

— Même pas en rêve, lui interdit Cassidy, le regard noir.

Je ne comprends pas pourquoi il veut toujours l'éloigner des soirées. La dernière fois, il lui a clairement fait savoir qu'elle n'avait rien à faire là, et il lui a confisqué son verre d'alcool. Est-ce qu'il prend soin d'elle ou est-ce qu'au contraire il ne la veut pas dans les parages parce qu'il ne peut pas la saquer ?

— T'es vraiment insupportable ! râle la jeune comédienne.

— Et toi, une drama queen, renchérit-il, amusé de l'avoir énervée.

Néanmoins, au lieu de répliquer, elle se renfrogne et part devant, telle une petite fille boudeuse. Knight lève les yeux au ciel, puis la suit de près dans la noirceur de la nuit.

— Amusez-vous, les tourtereaux ! nous souhaite Ian en nous gratifiant d'un clin d'œil avant de décamper.

Je les observe tous les trois s'éloigner à un pas modéré tandis que King et moi ne bougeons pas d'un iota. Nous nous observons, l'air de vouloir déterminer si nous pouvons nous rapprocher sans danger.

Il fait le premier pas, je m'éloigne de la cloison contre laquelle je repose depuis tout à l'heure. En face l'un de l'autre, nous imposons tout de même une certaine distance.

Un sourire fend les lèvres de Dillinger lorsque ses yeux voguent sur ma tenue. On dirait que mon choix vestimentaire est à son goût.

— Joli sweat-shirt, Wolfy, me complimente-t-il. « Les Black Hawkes d'Oak Ridge ».

Cette lueur pétillante, taquine, dans son regard balaie les ombres d'un peu plus tôt. Mon cœur bat la chamade, mes joues me brûlent d'une manière atroce. Mon corps s'embrase à sa simple présence. Pourquoi me fait-il un tel effet ? Je n'arrive pas à en déterminer la raison. Mais après tout, est-elle ne serait-ce qu'importante ? Près de lui, je me sens vivante. C'est l'essentiel.

— C'est pour soutenir l'équipe de Lacrosse, pas vrai ?

Je pouffe, tremblante.

— Oui, mais aujourd'hui, j'ai décidé de faire une petite exception. Et sache que tu portes mon numéro fétiche sur ton maillot.

— C'est également le mien, avoue-t-il d'un timbre envoûtant. Nous voilà un autre point en commun, Brooke Greene.

Doucement, il lève sa main et hésite à me toucher. Mon regard plongé dans ses prunelles sauvages à peine éclairées par la lueur de la lune, je consens. Je le supplie même par la pensée de ne pas s'arrêter.

King coince une de mes mèches derrière mon oreille, ses doigts s'y attardent, glissant le long de ma nuque et ma peau prend feu.

Et sans préambules, il me prend dans ses bras. Asher enfonce son visage dans mes cheveux, les hume avant d'embrasser le sommet de ma tête avec une tendresse et une dévotion qui m'ébranlent de la plus belles des manières. 

— Désolée de m'être braquée et de m'en être pris à toi, murmuré-je, le visage lové contre son torse. Je n'aurais pas...

— Ça ne fait rien, Wolfy, m'interrompt-il en m'enlaçant davantage. Tu n'as pas à t'excuser, tu n'as rien fait de mal. 

Mon cœur s'étreint, une folle envie de pleurer me prend, alors je le serre contre moi comme si ma vie en dépendait. J'inspire son odeur alléchante afin de me repaître d'elle. La chaleur de son corps irradie le mien, réchauffant par la même occasion mon âme. J'entends les battements frénétiques de son palpitant, une telle mélodie ne peut pas être feinte. Le cœur ne peut mentir.

Je sais alors que j'ai pris la bonne décision et que je me trouve à ma place : auprès de King. 

🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒

🥹🥹🥹🥹🥹🥹🥹

Pour ce chapitre, je ne voulais pas de baiser, mais un beau câlin 🥰 

Ici, tous les deux rendent les armes et affrontent la situation, surtout Brooke. Le message de King l'a touchée au plus profond de son âme, et elle était consciente d'avoir dépassé les bornes. À présent, vont-ils parler ou simplement demeurer dans le silence comme l'a proposé King ?

Puis... Knight et Poppy, on en parle ? 🤣🤣🤣

N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ça fait toujours plaisir ^^

On se retrouve demain pour le chapitre 27 à 20h 💕

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