Chapitre 24 - Brooke ⛸️

Voilà une image qui ne m'aurait jamais traversé l'esprit : Asher Kingston assit dans mon salon en train de dévorer les cookies de ma grand-mère. Ça m'a l'air surréaliste.

— Qu'est-ce que tu fiches ici ? bredouillé-je.

Il me prend de court, je ne m'attendais pas à ce que ce soit lui lorsque j'ai entendu la sonnette depuis la salle de bains. J'imaginais qu'il s'agissait d'un voisin, ou peut-être même de la police, pas de l'ailier droit de l'équipe de hockey du campus ! Le mec que j'ai pratiquement sauté en pleine bibliothèque ; le garçon qui m'a fait prendre mon pied à peine cinq jours plus tôt. Et me voici devant lui, pratiquement nue, habillée d'un peignoir qui me couvre à peine jusqu'aux genoux.

Mon cœur bat à une telle vitesse que j'ai l'impression qu'il va se barrer de ma poitrine. Une chaleur atroce plonge chaque partie de mon être dans un état pratiquement second. Heureusement que ma grand-mère est là, sinon, je serais déjà blottie dans ses bras.

Pourtant, en analysant ses traits, j'ai la vague sensation qu'il n'est pas ici par plaisir. Il semble soucieux, tourmenté et contrairement à cet après-midi, il a du mal à garder le contact visuel. Que se passe-t-il ? Est-ce parce que ma grand-mère est présente et qu'il ne souhaite pas déraper?

King se lève. À cause de sa carrure imposante, le salon semble plus petit. Ses cheveux sont encore humides, et ils lui vont si bien. Ça lui donne l'air encore plus sauvage. Ce type me tape sur le système tant il est beau, j'ai la sensation de ne plus être en mesure de lui résister.

J'ai clairement un gros problème d'addiction, là.

— Il faut qu'on parle, répond-il, froidement.

Son comportement me parait suspect, il m'alarme même. Quel est le problème ? Quelqu'un nous a découvert ? Abby est allée le voir ? Son avertissement de cet après-midi ne m'a toujours pas quittée, je n'ai cessé d'y penser.

— Euh, d'accord, reprends-je, perdue.

— En privé, ajoute-t-il, mal à l'aise.

Bon, il commence à me faire légèrement flipper.

Le regard de ma grand-mère vogue entre lui et moi. Un petit sourire en coin se dessine sur ses lèvres. Bernadette Greene est difficile à berner, elle a dû sentir la tension augmenter dans la pièce au moment où je suis entrée.

— Allez dans ta chambre, me conseille-t-elle.

À l'unisson, King et moi écarquillons les yeux. Honnêtement, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. J'ai toujours su qu'elle était moderne, mais on passe un sacré cap.

— Allez ! nous dégage-t-elle du salon en poussant légèrement King dans ma direction.

Il manque de me percuter, cependant, il m'esquive, comme s'il ne voulait pas me toucher. Son comportement est des plus suspects. À croire qu'il ne s'est rien passé entre nous cet après-midi. Il commence sérieusement à m'inquiéter.

Nous échangeons une œillade entendue, et face à l'insistance de ma grand-mère, je lui demande de monter, tout en lui signifiant que j'arrive. Je lui indique où se trouve ma chambre : première porte à droite.

De son air paumé, il pousse un long soupir et hoche la tête, tout en évitant à nouveau le contact visuel.

Un nœud se forme au creux de mon estomac. Je le sens mal, il n'a rien du King que je connais. Toujours près à me taquiner, me titiller. On dirait que quelque chose l'afflige. Je commence à croire de plus en plus que sa venue jusqu'ici est étroitement lié à sa place au sein de l'équipe de hockey. Quelqu'un nous aurait balancé ? S'est-il fait virer ?

— Ma chérie, tu vas bien ?

Face à moi, ma grand-mère m'observe, l'air inquiet.

— Oui, ne t'en fais pas, tenté-je de la rassurer. Je suis juste un peu surprise de sa visite.

À vrai dire, le mot est faible. « Angoissée » serait sans doute beaucoup plus approprié. La boule au creux de mon ventre ne cesse de grandir, j'ai un très mauvais pressentiment. Il ne se serait jamais pointé ici si ce n'était pas urgent, voire vital.

— D'ailleurs, reprend ma mamie. Tu déniches un si beau morceau et tu ne m'en parles pas ?

Je manque de m'étouffer avec ma propre salive, mes joues virent au cramoisi.

— Bernadette Greene !

— Bah quoi ? Je suis peut-être vieille, mais j'ai toujours une très bonne vue.

— Nous sommes... amis.

Oui, je me vois très mal lui confier la nature de notre relation. Moi-même je ne suis pas fixée à ce sujet.

— Oui, amis. Bien sûr, raille-t-elle. Avec ton grand-père, nous étions aussi « amis ». Quoi qu'il en soit, il y a des préservatifs dans l'armoire de la salle de bain, j'en ai acheté pour toi lorsque tu es venue vivre ici, m'informe-t-elle, me laissant coite.

— Euh... je...

— Je t'en prie, Brooke. J'ai aussi été jeune, et on ne peut pas résister bien longtemps à la tentation. Surtout si c'est avec un dieu du hockey avec un minois aussi séduisant, un regard sauvage et un corps d'athlète. Allez, va le rejoindre et amusez-vous !

Elle me sourit de toutes ses dents, lève les pouces et retourne à la cuisine. Pendant ce temps, j'ai l'impression d'halluciner.

Bien évidemment, je ne compte pas coucher avec King. Toutefois, c'est assez rassurant de savoir qu'en cas de dérapage, j'ai une boîte de préservatifs qui m'attend sagement, pas loin. On n'est jamais trop prudents.

Néanmoins, je m'enlève cette idée de l'esprit. Si King est ici, ce n'est en aucun cas pour une rencontre sexuelle. Non, il n'y avait rien de séduisant dans la manière dont il s'est adressé à moi, ou encore la façon dont il a esquivé mon regard.

Le cœur au bord des lèvres, je monte au premier. La porte de ma chambre entrouverte, j'aperçois mon lit depuis le couloir. Une fois à l'intérieur, je ferme le battant derrière moi. L'odeur de King emplit la pièce, je le trouve assis sur le rebord de ma fenêtre, le regard baissé, les mains toujours dans les poches, les jambes étendues et croisées devant lui.

Je m'appuie contre le quadrant, les mains dans mon dos, une lourdeur de plus en plus intense dans la poitrine. Le silence s'installe, il n'y a que le bruit de nos respirations qui vient le briser de temps en temps. King paraît au bout du rouleau, me rendant de plus en plus inquiète.

— Il s'est passé quelque chose de grave ? me jeté-je à l'eau. Liam t'a encore pris la tête ?

Il avale sa salive bruyamment, puis me contemple enfin. Nos regards se croisent pour ne plus se lâcher.

— J'aurais de loin préféré que ce soit ça, soupire le hockeyeur, en détournant à nouveau la vue.

Une vague de soulagement me submerge. S'il n'a pas eu de souci avec cet abruti, c'est déjà ça de pris.

— Alors qu'y a-t-il ? Je ne pense pas que tu sois venu jusqu'à chez moi pour me déclarer ta flamme, plaisanté-je, en vain.

Mon ironie est loin de le faire marrer. D'ailleurs, il ne relève même pas. Il se contente de pousser de longs soupirs, de contracter ses mâchoires et de fixer un point invisible.

— Je ne sais pas par où commencer, Brooke. Je ne veux pas te faire de mal, mais j'ignore comment aborder le sujet. Je ne pense pas qu'il y ait une bonne façon de s'y prendre. Et bordel, je ne suis pas doué pour ça.

Ses paroles me déroutent, je ne vois pas du tout de quoi il veut parler.

Est-ce qu'il est venu me dire que plus jamais il ne me touchera ? Qu'il préfère ne plus me fréquenter à partir de maintenant ? Non, je ne pense pas. Il n'aurait pas pris la peine de venir me voir jusqu'à chez-moi. Si tel était le cas, il m'aurait simplement ignoré, ou tout au plus, j'aurais eu droit à un texto de sa part. Après tout, nous ne nous sommes rien promis. Je ne sais d'ailleurs pas ce qu'il représente pour moi, et vice-versa.

La seule chose dont je suis certaine, c'est que... j'ai encore envie de lui. Pas seulement de son corps, de ses caresses et de ses baisers. Je me rends compte que malgré toutes les barrières que j'ai érigées, je veux plus. En toute honnêteté, je suis totalement paumée. J'ai eu beau me persuader que je voulais me tenir éloignée des hommes, je me retrouve à désirer ardemment King : le représentant de la gent masculine que je devrais fuir comme la peste au lieu de me jeter à corps perdu dans ses bras.

Derechef, le jeune sportif s'emmure dans son mutisme. J'aimerais pouvoir lire dans ses pensées, au moins pour savoir comment je peux lui venir en aide. Doucement, je m'approche de lui, et automatiquement, il relève ses prunelles fauves vers moi.

— Parle-moi, Asher, essayé-je de le persuader. Tu es bien venu ici pour quelque chose de précis, non ? Alors déballe ton sac.

Une de ses mains quitte ses poches et il la passe sur son visage. Ses jointures sont ouvertes, à croire qu'il a cogné un mur de briques. Elle est rouge, légèrement gonflée. Qu'a-t-il fait ?

— Tu t'es battu ?

— Contre un mur en béton, oui. C'était ça ou tuer Miles.

Ah oui, ce crétin. Il ne m'a plus jamais adressé la parole depuis sa blague débile il y a quelques semaines, mais je n'aime pas la façon dont il me reluque. Ce type est un gros porc.

— Je te crois, c'est un abruti. Pourquoi voulais-tu t'en prendre à lui ?

— À cause de toi, répond-il sans détours.

Instinctivement, je fronce les sourcils. Qu'est-ce que cette enflure a bien pu faire ? Et surtout, pourquoi suis-je concernée de près ?

— Écoute, Brooke, j'ai... il m'a montré une vidéo.

Mon cœur rate un battement.

— Sur un site pour adultes.

Mon sang se glace dans mes veines, tout mon corps se fige. Je cesse de respirer. Mes yeux se remplissent de larmes, je sais ce qui va suivre. Il n'a pas besoin de m'en dire davantage, je vois parfaitement où il veut en venir et je comprends enfin son étrange attitude.

— J'ignore si tu es au courant, mais... tu es dessus.

Un sanglot meurt au fond de ma gorge, les larmes brouillent ma vue et je dois me souvenir de continuer à respirer.

Seigneur, c'est un cauchemar qui ne prendra jamais fin. Peu importe où que j'aille, tout le monde sera au courant tôt ou tard. Mon épée de Damoclès vient de me fendre en deux, et je me sens... humiliée. Terriblement.

— Il a fouillé dans ton passé, il est remonté jusqu'à certains de tes camarades de Lake Point qui lui ont envoyé cette... chose.

Mon ventre noué, je suis prise de terribles nausées. Je ne peux m'empêcher de me souvenir de la façon dont j'ai découvert que j'étais la star principale d'une sex-tape. La même sensation s'insinue dans mes veines, mon cœur et l'envie de vomir mes tripes devient de plus en plus pressante. La honte et la colère s'entremêlent, au point où j'ai l'impression de faire un bond dans le temps. Je suis incapable d'empêcher les larmes de dévaler mes joues, ce sentiment est beaucoup trop familier. Si tout le monde est mis au courant à Oak Ridge, je ne le supporterai pas une deuxième fois.

— Tu l'as vu...

Il ne s'agit pas d'une question, mais d'un constat. Le simple fait que King ait été spectateur de ce qui se déroule dans cette vidéo me file la gerbe.

Il pousse un très long soupir avant d'hocher la tête, l'air honteux.

— Juste quelques secondes. J'ai... bugué en constatant qu'il s'agissait de toi. J'ai même pensé à un deepfake que ce connard de Miles se serait amusé à faire pour me mettre en rogne. Mais j'ai rapidement compris que c'était réel, mais surtout, que tu n'avais pas l'air dans ton assiette. Ou du moins, consciente que tu étais filmée.

Il a raison dans les deux cas. Je n'étais pas moi-même à cent pour cent et j'ignorais que ce salopard enregistrait.

Je sais que cette vidéo a été filmée peu de temps après notre première fois. Ça ne faisait même pas deux mois que nous nous fréquentions. Et il l'a gardée bien au chaud, pour son petit plaisir personnel, afin de s'astiquer le poireau lorsqu'il ne pouvait pas se vider en moi ou dans une autre fille. Et quand j'ai mis un terme à notre relation, il a décidé d'en faire profiter plein de monde.

Je crois que je vais vomir...

— C'est pour cette raison que tu es venue à Oak Ridge ? Afin de fuir les conséquences de cette vidéo ?

Prise de tremblements, je recule d'un pas. Il en sait beaucoup trop à présent, je ne suis même plus capable de le regarder en face. C'est trop humiliant.

Mon silence est suffisamment éloquent pour qu'il obtienne sa réponse.

— Je suis navré, Brooke. Tu n'as pas à te soucier de Miles, il se tiendra à carreau.

Il l'a donc menacé pour qu'il la ferme. Tout ceci ne serait jamais arrivé si lui et moi n'avions pas fricoté depuis un départ. Parce que oui, nos prises de bec constantes étaient déjà un signe. Et s'il nous a vus monter dans la chambre lors de la fête chez les DEZ... Ce mec ignoble a effectué des recherches sur moi pour s'en prendre à King, c'est un fait.

Bon sang, j'aurais dû me tenir éloignée de lui autant que possible. Ma vie était redevenue tranquille, tout ce que je désirais, et à cause de Dillinger, je me retrouve à nouveau sur la corde raide. Mon avenir dépend du bon vouloir d'un mec sans scrupules. Et je suis censée être rassurée ?

— Je n'ai pas besoin de ta pitié, ou que tu me protèges, réponds-je, acerbe. Mais tes petits jeux ont attiré l'attention sur nous... sur moi.

Ma gorge se noue de plus en plus, mon cœur s'étreint comme jamais auparavant.

Je savais que King compliquerait mon existence. Le panneau « danger » n'a cessé de clignoter avec intensité au fur et à mesure de ces dernières semaines... et j'ai ignoré mon instinct, portée par mes envies, mes désirs. Je me suis laissé submerger par la luxure, au point où j'ai suivi Asher dans une pente très glissante.

— Wolfy, chuchote-t-il. Je...

— Arrête, m'étranglé-je. Tu es venu jusqu'ici pour vider ton sac, très bien. C'est chose faite, tu peux partir.

— Brooke, je ne l'ai pas fait pour ça. Je voulais être honnête avec toi ! Je n'aurais pas pu te regarder en face après avoir vu cette vidéo et feindre l'ignorance. Je m'inquiète pour toi !

— Et pourquoi le fais-tu, hein ? Tu aurais dû me laisser en-dehors de tes embrouilles, contrattaqué-je, le menton tremblant. Si Miles s'est intéressé de plus près à moi, ce n'est pas sans raison ! Tu n'es pas aussi discret que tu le crois !

— Tu es injuste, grogne-t-il. Je ne suis pas ton ennemi, Brooke ! Je suis...

— Qu'es-tu donc ? ironisé-je. Tu sèmes le chaos sur ton passage, tu ne prends aucune responsabilité...

— Je suis là, non ? explose-t-il. Si je suis ici, c'est bien parce que tu comptes pour moi !

Les mains tremblantes, il avance rapidement vers moi et prends mon visage en coupe avant de plaquer ses lèvres sur les miennes. Surprise par cet élan de tendresse alors que nous nous disputions quelques secondes plus tôt, je savoure le goût aigre-doux de cette étreinte maladroite. Il n'arrive pas à trouver les mots, à s'exprimer convenablement sur ce qu'il ressent. Alors, le contact physique est pour lui une façon plus simple de me délivrer ses pensées.

— Ce ne sont pas des paroles en l'air, Wolfy, souffle-t-il en appuyant son front contre le mien.

Il essuie mes larmes à l'aide de ses pouces. Mon cœur se déchire face à la décision que je suis forcée de prendre.

— Je te promets que cet imbécile n'osera pas diffuser la vidéo ou en parler à qui que ce soit. Je t'en fais le serment. Toi et moi...

— Il n'y a pas de « toi et moi ». Alors, s'il te plaît, laisse-moi tranquille, le supplié-je, même si cette demande me coûte un bout de mon âme.

King cesse de respirer, se tend de tous ses muscles, pour finalement, me relâcher et reculer d'un pas. Le souffle court, il serre les poings avant de se diriger vers la porte. Sur le point de sortir, et alors que je lui tourne le dos, il lance :

— Je suis navré de t'avoir causé du tort. Jamais je n'aurais imaginé que cette situation pourrait se produire. Et même si, pour nous, ça s'arrête là, je te promets que tu n'as rien à craindre.

Le cœur plus lourd que jamais, je me retourne au bout de quelques instants de silence pour constater qu'il est parti. En jetant un œil à travers ma fenêtre, je le vois trottiner jusqu'à l'autre bout de la rue, puis disparaître dans la noirceur de la nuit.

Mes jambes se dérobent sous mon poids, une crise de nerfs imminente pointe le bout de son nez. Et je me sens défaillir, tomber dans un énorme trou noir duquel je suis incapable de m'extirper.

Je pensais que tout ceci était derrière moi, qu'à présent, je pouvais être tranquille. Que j'ai été naïve ! Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi peu en sécurité. King a beau dire ce qu'il veut, si l'autre crétin veut nous faire du mal, il n'en aura rien à foutre de ses menaces.

Les salauds s'en fichent des conséquences de leurs actes, ils savent que le karma ne leur retombera jamais dessus.

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😔😔😔😔😔

C'était inévitable. Se prendre cette nouvelle dans la tronche alors qu'elle pensait être en sécurité, c'est un sacré coup de massue pour Brooke. Et même si King cherche à la rassurer, ça ne fonctionne pas miraculeusement. Elle a besoin de temps, d'espace. 

Vous pensez que King s'y est pris de la bonne manière ? Qu'il aurait pu se montrer moins... direct? Mais après tout, ne vaut-il mieux pas enlever le pansement d'un coup?

N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ça fait toujours plaisir ^^

On se retrouve demain pour le chapitre 25 à 20h 💕

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