Chapitre 23 - King 🏒
— Les gars ! gueule le coach en débarquant dans les vestiaires après notre entraînement de la journée.
Aujourd'hui, c'était relativement sympa. On a été performants, on a passé un bon moment... c'est sans doute dû à l'absence de ce connard de Monty. J'ignore qui lui a refilé la crève, mais j'aimerais le ou la remercier personnellement. Perdre de vue ce sac à merde pendant quelques jours ne pourra m'être que bénéfique. Je ne peux vraiment plus supporter sa gueule, ni son sale comportement.
J'espère qu'il restera au fin fond de son lit pendant une longue semaine. Ça fera des vacances à toute l'équipe !
Perdre notre dernier match nous a tous fait chier, cependant, qu'est-ce que j'étais content de voir cet abruti contrarié. Ça valait le coup juste pour qu'il pète un plomb. Heureusement, aucun des gars ne s'est laissé démonter, même s'il nous a traité de bons à rien, de parfaits branleurs et j'en passe. Avec Donnelly, ça ne serait jamais arrivé.
Ce débile s'autosabote, il se met l'équipe à dos avec une telle attitude. Il ne faudra pas qu'il vienne chialer lorsque nous en aurons marre et que l'un de nous l'évincera de son piédestal. Certains ont soif de vengeance, mais surtout, de liberté. Nous nous cassons le cul chaque soir sur le terrain, nous n'avons pas besoin d'avoir un contre-maître qui vienne nous brailler ses putains d'exigences.
Le match de ce week-end est décisif pour le classement de notre conférence, et en plus, nous jouons à domicile. Ça me fait jubiler que Liam le rate. Lors de notre dernière rencontre sportive, il a eu droit à une belle mise en échec de la part d'un défenseur de l'équipe adverse. Je m'en suis donné à cœur joie. Il n'en méritait pas moins après ce qu'il a fait à Wolfy.
D'ailleurs, à chaque fois que j'entre dans ces vestiaires, les souvenirs de notre incartade déboulent dans mon esprit. Et en ce qui concerne ce qui est arrivé plus tôt dans l'après-midi, ce n'était pas du tout prévu. Est-ce que je la cherchais ? Peut-être bien. Ne pas la voir pendant cinq jours me rendait anxieux, j'avais besoin de savoir qu'elle allait bien.
J'ai guetté sa Mustang toute la matinée, sans jamais l'apercevoir sur le parking du bâtiment B. Ian m'a confié l'avoir aperçu entrer en début d'aprèm dans la bibliothèque. J'ai quitté un cours plus tôt que prévu juste pour aller la taquiner un peu. Ça me manquait.
Elle me manquait.
Bordel, je suis conscient d'être dans la merde profonde. Depuis le début de cette troisième année universitaire, ma vie est un vrai foutoir. Les problèmes me collent à la peau, je dois marcher constamment sur des œufs afin que mon avenir ne parte pas se faire foutre. Mais lorsque je suis près d'elle, tout ça n'a plus aucune importance. La preuve, à chaque fois, ça part en vrille. Je veux la toucher constamment, l'embrasser, la humer... la goûter. Elle occupe toutes mes pensées, et honnêtement, ça me fout la trouille.
Cette jolie patineuse, je l'ai dans la peau. Je me sens bien con. Elle me demanderait de sauter d'un pont, je le ferais.
J'ai adoré la serrer dans mes bras dans la bibliothèque, la façon dont elle s'est lovée contre mon torse... je frissonne rien qu'en y songeant.
— Le Doyen Spencer vient de m'appeler, nous annonce le coach Phillips. Bonnes nouvelles ! La patinoire du campus est à nouveau opérationnelle !
— Alléluia ! s'exclame Parker en ouvrant la porte de sa douche, les cheveux plein de shampoing.
— Il était temps ! renchérit Logan.
— Ouais, je commençais à croire qu'on allait continuer à squatter celle de la ville jusqu'à Noël, marmonne Novak, grognon comme à son habitude.
Oui, c'est une bonne chose de reprendre nos anciennes habitudes. À partir de maintenant, nous pourrons à nouveau espacer les entraînements. Cependant... l'occasion de déraper dans ces vestiaires n'aura plus lieu d'être. À moins que je vienne rendre visite à Wolfy exprès... qui sait ?
— Roh, les gars, arrêtez de râler, rigole le coach. Elle nous a bien dépannés pendant ces deux mois. Demain, je vous veux à la première heure sur le campus, vous m'avez bien compris ?
— Oui, coach ! répondons-nous à l'unisson.
— On va remonter, ne vous en faîtes pas. Nous irons jusqu'au Frozen Four, comptez là-dessus ! nous promet-il.
En effet, vu notre niveau lors de cette saison, il y a de fortes chances que nous remportions le championnat national. J'espère que ce rêve deviendra réalité.
Notre entraîneur quitte les vestiaires et nous laisse à notre aise. Il sait à quel point nous faisons les marioles en fin de soirée.
— Eh bien, soupire Logan. C'est un soulagement !
— Vu le temps que ces incapables ont mis à réparer la patinoire, enchaîne Parker en entourant une serviette à sa taille, ils auraient pu en construire une nouvelle.
— Exagère pas, ricane Jamie.
— Pas trop déçu, King ? demande une voix d'un air narquois derrière moi.
En me retournant, je retrouve Miles, appuyé contre son casier. Il me fixe, un soupçon d'amusement dans le regard. Qu'est-ce qu'il a encore ce con ? Si Liam me tape sur le système, j'ignore comment définir ce que cet imbécile me fait éprouver. Du dégoût ? Du mépris ? Je n'en sais rien, mais c'est loin d'être agréable.
— Je ne lis pas tes pensées, branleur. Il va falloir que tu sois plus explicite.
Pas le moins du monde intéressé par lui, je m'assois sur le banc – où j'ai léché Brooke jusqu'à la faire trembler – et retire mon débardeur trempé de sueur.
— Si je te dis « bouclettes », tu vois où je veux en venir ? balance l'autre crétin, suffisamment fort pour que les autres entendent.
Instinctivement, je me fige. Mon sang se glace dans mes veines, mon cœur bat à tout rompre. Soudain, je flippe à l'idée que quelqu'un sache pour notre petit secret. Qu'on nous ait vu, ici ou à la bibliothèque, quelques heures plus tôt. J'aimerais que ça reste entre nous, ça ne regarde personne d'autre. Puis si Liam venait à être au courant... ce serait ma fin. Non seulement j'ai enfreint en quelques sortes son interdiction, mais en plus, je lui ai à nouveau chourré la fille qui lui plaisait. Mine de rien, ça me fait jubiler.
Je pivote vers Miles, tendu et à deux doigts de lui effacer ce sale sourire de son stupide visage. Cet enfoiré se complait à me torturer, surtout après ce qui est arrivé chez les DEZ. Il sait parfaitement que j'avais des vues sur Brooke. Même s'il était torché, tordu qu'il est, je suis persuadé qu'il s'en souvient malgré tout. Et moi, je n'ai pas oublié la trique qu'il se trimballait alors qu'il la matait. Y songer me file des envies de meurtre.
— Alors, King, quel goût détient notre petite patineuse ? poursuit-il, graveleux.
Je me lève tel un ressort, les poings serrés, prêt à lui faire bouffer toutes ses dents d'un simple coup. Il n'a pas intérêt à me chauffer. Il sait ce qui arrive lorsqu'on me titille d'un peu trop près. Il n'a qu'à demander à Aaron Bennett, je crois que sa gueule en mars dernier est un parfait exemple de ce qui risque de lui arriver s'il dépasse les bornes.
— Tu ne vas pas me faire croire qu'il ne s'est rien passé dans cette chambre, ricane-t-il. Tu sais tout autant que moi qu'on ne se refait jamais vraiment. Allez, tu peux le dire, Liam n'est même pas là aujourd'hui.
— Qu'est-ce que tu racontes ? s'agace Parker. T'en as pas marre de parler pour raconter de la merde ?
— J'avoue, à croire que ta bouche a été remplacée par ton cul, le rembarre Logan.
Au lieu de s'en offusquer, Miles rigole à gorge déployée, l'air toujours aussi mauvais. Bordel, mais que cherche ce type ? Il a eu vent de quelque chose... toutefois, de quoi ?
Wolfy et moi avons pris des précautions. Personne n'était dans le coin vendredi dernier lors de nos ébats dans ce vestiaire. Et notre échange de cet après-midi a tout au plus duré cinq minutes, plongés dans l'obscurité des rayons poussiéreux de la bibliothèque. Il n'y avait personne ! Et surtout pas ce sac à merde.
La simple idée que cet enfoiré puisse être au courant de quelque chose me fait vriller. Les mâchoires contractées, je tente de garder mon calme le plus possible. Les autres regardent, je n'ai pas envie qu'ils me voient perdre les pédales. C'est trop risqué. Il ne faut surtout pas que je tombe dans le piège de Miles, ce serait beaucoup trop évident.
Ce crétin se rapproche de moi, me tapote l'épaule et se penche près de mon oreille.
— Crois-moi, cette fille sait y faire. Elle taille des pipes comme pas permis.
Mon sang bouillonne dans mes veines, et mon envie de lui éclater la tronche devient de plus en plus pressante. Je tiens bon. Pour canaliser cette colère, je me mords l'intérieur de la joue jusqu'à sentir un goût de sel et de rouille se déverser dans ma bouche.
Miles attrape ses affaires avant de se tirer, fier de lui.
Cependant, ses paroles me titillent plus qu'elles ne le devraient. Pourquoi dirait-il une chose pareille ? Que sait-il ? Pourquoi a-t-il aussi insinué la dernière fois que Brooke n'était rien d'autre qu'une « chaudasse » qui voulait faire profil bas ? Il semble au courant d'éléments qui me dépassent, mais surtout, qui risquent de mettre Wolfy à mal.
— King ! me hèle Jamie au moment où je sors des vestiaires, à moitié à poil.
Non, ce fils de chien va me dire ce qu'il sait parce que je ne suis pas disposé à jouer son sale petit jeu vicieux.
À pas de géant, je fonce sur cette ordure. Miles m'entend arriver et se retourne, comme s'il attendait ma venue imminente. Il ne m'a pas provoqué en vain. Je tombe peut-être dans son piège, mais en cet instant, je m'en contrefiche. On parle de Wolfy, là.
Avant même que je lui dise quoi que ce soit, cette enflure sort son téléphone de sa poche, pianote sur son écran tactile et le fout sous mes yeux avant que je ne puisse proférer un seul son.
Je m'arrête à un pas de lui, le souffle court en constatant que la fille agenouillée devant un homme en train de le sucer activement n'est autre que...
Non, ce n'est pas possible. Il doit s'agir d'un deepfake que ce malade a réalisé juste pour me foutre en rogne.
Le souffle court, les globes oculaires écarquillés, un froid intense me submerge de la tête aux pieds. J'ai l'impression d'avoir gelé sur place, à un point où j'ai même du mal à réfléchir. Je fixe ces images en mouvement sans vraiment les voir.
Ça semble beaucoup trop réaliste pour être un montage... et ce fils de pute n'est pas assez doué pour ça. Il ne sait même pas pisser sans en mettre partout sur la cuvette.
Mon estomac se noue, une colère sourde gronde en moi, et elle s'apprête à prendre le dessus sur la situation. Un courant électrique me parcourt la colonne vertébrale, signe incontestable que j'atteins mes limites.
— C'est sur le net, m'informe Miles. Il suffit de taper « petite patineuse tapineuse » et le tour est joué.
Mon cœur s'étreint. Et par rapport à l'angle de la caméra, je comprends que cette vidéo a été tournée à l'insu de Brooke. Puis, de toute façon, je ne l'imagine pas donner son consentement pour un truc pareil. Enfin... je ne la connais pas tant que ça, mais mon instinct me hurle qu'on lui a tendu un piège. Ou du moins, elle n'aurait jamais accepté de finir sur le net, sur des sites pour adultes où des milliers de personnes à travers le monde pourraient tomber sur cette sex-tape.
Ça me file la gerbe.
— Pour tout te dire, c'est sa réaction lors de ma petite blague il y a quelques semaines qui a suscité ma curiosité, se vante-t-il. J'ai appris certaines choses à son sujet, comme par exemple qu'elle a été transférée de Lake Point. J'ai peaufiné mes recherches et j'ai trouvé que son petit copain n'était nul autre qu'Aaron Bennett.
Quoi ? Lake Point ? Aaron Bennett ? Elle était la copine du connard à qui j'ai éclaté la gueule quelques mois plus tôt sur la glace ? Celui qui a eu l'audace de parler de mon père pour me foutre en rogne ? Il a vraiment osé faire un truc aussi ignoble ? Mais honnêtement, ça ne m'étonne pas. Ce type est une sombre merde !
— Puis j'ai contacté un mec de l'équipe de hockey de Lake Point et il m'a gentiment envoyé le lien de la vidéo. C'est cadeau, tu vas pouvoir te branler en t'imaginant à la place de ce mec. Cette chienne est juste...
Avant qu'il ne termine sa phrase, mon poing s'abat sur sa bouche. Rien à foutre, il a dépassé les bornes !
Il geint, surpris par mon attaque. Je le pousse violement contre le mur en béton, ma main emprisonnant son cou. Par la même occasion, j'ai éclaté son téléphone par terre. Il se retrouve en mille morceaux, tout comme lui s'il ne ferme pas sa putain de gueule.
— Bordel, King, t'as craqué !
Je ne l'écoute pas, je veux juste qu'il la boucle !
Je vois rouge, je crois que j'ai rarement été autant en colère. La dernière fois remonte à cet été où j'ai pété un câble à l'encontre de mon beau-père. Et en ce moment, l'idée même que d'autres personnes puissent voir cette vidéo me dégoûte, me prend aux tripes. Que ces images si intimes circulent librement sur internet me déchire entièrement. Est-ce que Brooke est ne serait-ce qu'au courant ?
Je dois en avoir le cœur net, je serais incapable de la regarder en face si je lui cache ce que ce débile vient de me montrer. Elle... elle ne mérite pas ça. Personne ne le mérite.
— Écoute-moi bien, sac à merde, parce que je ne me répéterai pas.
Miles tente de se défendre, de se dégager, mais je serre ma poigne encore plus fort. Rien à battre s'il s'étrangle, il va comprendre sa douleur s'il continue sur cette voie. Il veut me faire chier ? Parfait. Cependant, Brooke est off-limits. Intouchable. Elle n'a pas à souffrir parce que lui et Liam cherchent à me pourrir. Et je vais m'assurer que ce crétin comprenne le message.
— Ose l'approcher, lui parler ou ne serait-ce que la regarder, et je te tue.
Les yeux écarquillés, il se fige, avale sa salive avec difficulté. Je suis on ne peut plus sérieux, il sait de quoi je suis capable lorsque je pète un plomb. Il a intérêt à ne pas tenter le sort, parce que je ne le raterai pas.
— Arrête, c'était une blague.
— Une blague ? grogné-je. Non, une blague, ce serait que je te pende par les couilles du pont Lincoln. On se marrerait bien, tu ne trouves pas ?
— T'es vraiment dingue, geint-il.
— Dingue ? Tu n'as encore rien vu.
Mon regard sauvage le fait frémir. Avant d'aggraver mon cas, et de vriller pour de bon, je le relâche à dures peines. Il mérite que je le fracasse jusqu'à ce qu'il apprenne les bonnes manières. Cependant, la menace est tout aussi efficace qu'une bonne râclée. Pire encore, elle est cent fois plus stressante, angoissante. Le doute est là, tel une épée de Damoclès. Tu ne sais jamais quand ton heure arrivera.
— Si jamais j'entends des rumeurs circuler à son sujet, je te jure que tu prieras pour n'avoir jamais vu la lumière du jour. Je vais tellement te tabasser que même ta mère sera incapable de te reconnaître. Ai-je été suffisamment clair, Miles ?
— Comme de l'eau de roche, marmonne-t-il en s'essuyant la lèvre.
— Si tu as envoyé cette vidéo à quelqu'un, prie pour que je ne l'apprenne pas. Parce que, crois-moi, je vais me faire un plaisir de te tailler en pièces.
Cet abruti reprend de sa contenance, mais la lueur dans son regard me signifie qu'il est mort de trouille. Il sait que je ne bluffe pas, que je n'hésiterai pas à lui faire la peau.
Miles attrape son sac par terre et se barre tandis que je le suis des yeux, sur les nerfs. Il y a une telle colère retenue en moi, que j'ai l'impression que je vais exploser. Énervé comme jamais, mon poing s'abat sur le mur en béton afin de faire baisser la pression. La douleur qui se répand sur mon poignet puis sur mon bras me ramène petit à petit à la raison. Je remarque que j'ai éraflé mes jointures, mais j'en ai que faire.
Perdu, je fixe la cloison sans vraiment la voir, enfouit dans mes pensées. Et la seule qui revient en boucle : en parler le plus tôt possible à Brooke. Je ne peux pas faire comme si je n'étais au courant de rien. Elle a le droit de savoir. Peut-être même qu'elle est déjà au courant, voilà pourquoi elle est venue vivre chez sa grand-mère. Ce serait logique. Une telle vidéo réduit la réputation à néant.
Puis, c'est ainsi que certaines de ses réactions passées recouvrent un sens. Son insinuation lors de la balade en voiture, ou encore sa réaction quand Liam l'a embrassé... cela pourrait-il être lié à cette sex-tape ?
Je dois en avoir le cœur net.
***
Le cœur démoli et le cerveau en vrac, j'avance avec empressement dans les rues d'Oak Ridge avant de débarquer dans le quartier de Brooke. C'est ici que nous nous sommes rencontrés, il y a tout juste deux mois. À ce moment-là, j'ignorais que cette fille ferait partie de ma vie. Et aujourd'hui, je m'apprête à me rendre chez-elle, sans avoir été invité au préalable, pour lui parler d'un sujet loin d'être plaisant.
Au bout de quelques minutes supplémentaires de marche, j'arrive devant sa maison. Debout face à la porte principale, je freeze sur place. Comment suis-je censé amener la conversation ? Était-ce une bonne idée de venir jusqu'ici ? Plein de doutes m'assaillent, j'ai l'impression d'être un putain de lâche.
Les paupières closes, je prends une grande inspiration et décide de porter mes couilles en appuyant sur la sonnette. Un chien aboie. Merde, je l'avais oublié, celui-là.
Il est près de vingt-et-une heures, j'espère que personne ne dort. Aurais-je dû lui envoyer un message ? Je n'y ai pas songé. À vrai dire, je ne pense qu'à elle et cette foutue vidéo depuis que Miles me l'a mis sous le nez.
Au bout de quelques instants, une femme d'un certain âge aux cheveux argentés et au regard curieux ouvre la porte. Elle me reluque d'un air aimable.
— En quoi puis-je t'aider, jeune homme ? me demande-t-elle, gentiment.
Son accent particulier m'interpelle. Elle n'est pas américaine. Française, peut-être ? J'ignorais que Brooke avait des origines francophones.
On ne peut pas dire que tu saches grand-chose d'elle, se moque ma conscience, qui pour une fois a bien raison.
— Bonsoir, madame. Excusez-moi de vous déranger, mais est-ce que Brooke est là ?
— Tu es un ami de ma petite-fille ?
— Euh...
J'en perds mes mots. Comment définir notre relation ? Nous ne sommes pas amis, nous ne sortons pas ensemble non plus... Je me sens bête tout à coup, je n'ai pas à détailler ce que nous sommes.
— Oui. Oui, nous sommes amis.
La femme soulève un sourcil, dubitative, sans cesser de me reluquer. À croire qu'elle me scanne tel Superman.
— Elle est sous la douche, m'informe-t-elle. Tu veux entrer ? Tu pourras la voir lorsqu'elle aura terminé.
Ma gorge devient sèche, je ne peux m'empêcher de l'imaginer sous le jet d'eau, nue. Cette nudité que j'ai admirée, vénérée... Bordel, elle me rend dingue à son insu.
— Je ne souhaite pas vous déranger, madame. Je peux attendre dehors.
— Sottises, voyons !
Elle ouvre grand le battant et m'invite à pénétrer à l'intérieur. Hésitant, je finis par accepter. Je nous vois très mal avoir cette conversation sous le porche, il vaut mieux le faire dans un lieu plus discret. J'espère simplement que sa grand-mère ne sera pas là à nous tenir la chandelle tout du long, sinon, ça va être compliqué d'avoir une discussion.
— Comment t'appelles-tu, mon garçon ? poursuit Mme Greene après avoir fermé la porte derrière moi.
Putain, mais où sont mes manières ? J'ai vraiment l'esprit ailleurs.
— Pardon. Je m'appelle Asher Kingston, madame.
— Appelle-moi Bernadette, m'exige-t-elle.
Je ne saurais lui donner un âge exact. Je dirais qu'elle a entre soixante-cinq et soixante-quinze ans.
— Viens, allons au salon, me propose-t-elle en partant devant.
Debout dans le vestibule, je la suis, les mains fourrées dans les poches. Je ne tiens pas spécialement à ce qu'elle voit mes jointures bousillées. En général, ça fait flipper les gens, et ça ne renvoie pas une superbe image.
Une fois arrivé dans la pièce, j'entends un grognement provenir de ma droite. Le chihuahua se tient dans un coin, il me fixe et me montre ses crocs. On dirait qu'il m'a reconnu, ce petit enfoiré.
— Milo, tiens-toi ! lui exige sa maîtresse.
Aussitôt dit, aussitôt fait. L'animal retourne se coucher dans son panier et se détend presque instantanément.
Bernadette m'invite à m'asseoir, puis me demande si je souhaite boire et manger quelque chose. J'ai beau refuser en posant mes fesses sur le sofa, la grand-mère de Brooke revient quelques instants après avec un grand verre de lait frais et une assiette de cookies aux pépites de chocolat qui ont l'air succulentes.
— Mange, tu as l'air d'en avoir besoin.
Un poil intimidé par sa prestance, je m'exécute sans rechigner. Avant que je ne m'en rende compte, je mordille l'un de ses biscuits sous son regard attentif. Elle me détaille, elle ne se gêne pas le moins du monde. Pourtant, elle ne me pose aucune question. Elle se contente de m'observer manger en silence, et moi, de mettre mon esprit en veilleuse pendant quelques instants. Mon cerveau carbure à une vitesse monstrueuse. Ces images de Brooke me hantent, me rendent mal à l'aise. Le besoin de lui en parler devient de plus en plus intense.
— Tu es à l'université d'Oak Ridge, en déduit sa grand-mère.
— En effet.
— Mais tu ne suis pas le même cursus que Brooke, continue-t-elle.
J'ignore comment elle a deviné, mais en effet, elle a raison. D'ailleurs, je me rends compte que j'ignore encore une fois ce qu'elle étudie. Je suis vraiment une merde. Je m'en rends parfaitement compte.
— C'est ça.
— Et comment êtes-vous devenus amis ?
Comment lui expliquer que tout a débuté dans son jardin ? Je doute beaucoup que Brooke lui ait raconté que celui à l'origine de l'incident de la clôture, c'est moi.
— Par hasard, me montré-je bref.
Ne la voyant pas spécialement satisfaite de ma réponse, je décide d'inventer un peu sans être totalement dans le faux.
— Nous fréquentons tous les deux la patinoire. Elle donne des cours et je m'y entraîne avec mon équipe de hockey tous les jours.
— Ah oui, elle m'a parlé du souci technique qu'il y a eu après cette terrible tempête d'il y a deux mois. Alors, comme ça, tu es un hockeyeur ? Vous avez l'amour de la glace en commun.
— Je... suppose.
Mis à part cette attirance que nous partageons, oui, j'imagine que c'est un autre point commun. Y en a-t-il d'autres ? Je l'ignore. Il s'agit de la première fois que je me pose de telles questions vis-à-vis d'une femme, et pire encore : que j'ai vraiment envie d'en découvrir davantage sur elle.
D'ailleurs, je n'avais jamais rencontré un membre de la famille d'une de mes « conquêtes ». Mais puis-je considérer Brooke comme tel ? Non, je ne crois pas. Elle est plus que ça. Et bon sang, c'est flippant.
— C'est une gamine merveilleuse, me confie Bernadette.
Oui, elle est... je ne saurais comment la décrire. Et la simple idée que quelqu'un lui veuille du mal me retourne l'estomac, fait vriller chaque atome de mon corps. Cet instinct protecteur m'est étranger, j'ignore comment le gérer.
— Les cookies te plaisent ? change-t-elle totalement de sujet.
— Oui, beaucoup. Ils sont délicieux.
— Le secret, c'est le saindoux, me confie-t-elle en me gratifiant d'un clin d'œil complice.
Je ne sais même pas de quoi il est question, mais si elle le dit...
— King ?
La voix de Wolfy s'élève dans le salon et je tourne mon regard vers elle. Pourvue d'une serviette, elle essore ses cheveux mouillés. Elle ne porte rien d'autre qu'un peignoir gris qui cache son beau corps, mais qui laisse énormément de place à l'imagination. Même tout droit sortie de la douche, elle est sublime.
Hébétée de me retrouver chez-elle, elle bredouille :
— Qu'est-ce que tu fiches ici ?
🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒
Les insultes pour Miles, c'est par ici que ça se passe.
Voilà... tôt ou tard, le passé nous rattrape, et il semblerait qu'il ne veuille pas lâcher Brooke. Un obstacle sur leur chemin... Pensez-vous que c'est une bonne idée que King se montre honnête avec elle et lui en parle? Ou vaudrait-il mieux qu'il garde sa découverte pour lui?
N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ça fait toujours plaisir ^^
On se retrouve demain pour le chapitre 24 à 20h 💕
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