Chapitre 10 - Brooke ⛸️

Je jure sur la tête de tout ce que je connais que la prochaine fois que je recroise Asher Kingston, je lui rentre dans le lard ! Mais quel fils de chien celui-là, alors !

Il ne paie rien pour attendre ! Je vais lui faire la peau. Ses sales petits jeux ne doivent pas flouter mon jugement. Pendant un instant, alors que j'étais acculée contre le flanc de la Jeep, j'ai vraiment cru qu'il allait m'embrasser. Il était si près et fixait mes lèvres avec une telle convoitise, que mon cœur menaçait de se barrer en m'échappant par la bouche.

Le ventre noué, comme lors de notre accrochage à la patinoire, je me suis délectée de son odeur musquée. Bon sang, comment un type aussi ignoble peut sentir aussi bon ? Mais quoi qu'il en soit, son arrogance me file de l'urticaire. Qu'est-ce qui m'a pris d'accepter de monter dans sa voiture ? J'aurais dû attendre le prochain bus, comme ça, je ne me serais pas pris le bec avec lui et mes sens n'auraient pas été mis à rude épreuve.

Je comptais passer outre ce qu'il me devait pour la clôture, mais là, il va la sentir passer. Au lieu des deux cents dollars qu'ont coûté les matériaux, je vais lui faire payer le double. Ça lui apprendra à me chercher des noises !

Tout ça parce que j'ai voulu mettre les points sur les « i » ? Je ne sais pas ce qui traverse l'esprit de ce mec, je voulais m'assurer avant tout qu'il ne se faisait pas de fausses idées à mon sujet. J'ai déjà eu affaire à ce genre de situations, je ne veux surtout pas les revivre.

Cela s'est produit il y a quelques mois, tout juste après que la vidéo ait été dévoilée au grand public. Je me baladais non très loin du campus, il a commencé à pleuvoir averses et un étudiant que je connaissais et qui passait en voiture m'a proposé de me ramener. J'avais vécu des journées tellement éprouvantes, qu'à aucun moment je n'aurais imaginé que ce garçon, qui semblait si gentil, me ferait un coup pareil. Au lieu de m'emmener chez moi, comme je lui avais demandé, il a pris une autre route, avant de s'arrêter sur le bas-côté. Voilà pourquoi, quand King s'y est aussi garé, j'ai commencé à flipper. Disons qu'il m'a fait comprendre que si je ne le suçais pas aussi passionnément qu'à Aaron dans cette fichue vidéo, la balade s'arrêterait là.

Le souvenir de cet événement est presque tout aussi tétanisant que celui de la découverte de la sex-tape. Au début, je pensais qu'il s'agissait d'une blague, mais lorsque je l'ai vu baisser sa braguette, j'ai compris qu'il était on ne peut plus sérieux. Il a sorti son membre et a commencé à se masturber devant moi, comme si de rien était. Et comme je ne disais rien, il a cru que j'étais partante. Il m'a agrippée par la nuque pour me pousser vers son entrejambe, c'est à ce moment-là que j'ai réagi et que j'ai réduits ses bijoux de famille en charpie, avant de m'enfuir sous la pluie torrentielle tandis qu'il me traitait de garce et me menaçait de me le faire payer.

Le lendemain, sur le campus, une nouvelle rumeur à mon sujet circulait : j'échangeais des fellations contre des balades en voiture.

Si je n'en avais pas déjà assez avec les conneries qu'avait balancées Aaron, en rajouter une couche n'a pas arrangé ma situation. Ça a foutu mon beau-père dans une colère noire, quant à ma mère, elle n'a rien fait pour m'aider. Je ne faisais que m'enfoncer, tomber de plus en plus profondément dans le trou que l'on avait creusé pour moi, afin que je m'y noie dans les ténèbres.

Voilà pourquoi j'ai voulu mettre les choses au clair avec King, je ne désirais vraiment pas qu'il se méprenne. Je l'ai juste fait afin de me protéger. Et je suis persuadée que ses insinuations n'ont été qu'une vengeance de sa part, qu'il voulait juste m'emmerder.

***

Après avoir parcouru les trois miles restants du trajet à pied, j'arrive enfin au campus. J'accélère le pas, sans cesser de cogiter à tout ce qui s'est passé plus tôt avec King. Je me sens presque coupable de m'être montrée aussi infecte à son égard.

Peut-être aurais-je dû formuler la chose d'une autre manière, mais je voulais ôter le pansement au plus vite. De toute façon, tourner autour du pot ne sert strictement à rien.

La balade m'a permis de me calmer, de relativiser, et de voir la situation sous un autre angle. Son comportement exécrable a découlé du mien, c'est un fait. J'ai entendu des rumeurs à son sujet, toutefois, je ne pense pas pour autant qu'il soit un sale type qui obligerait une fille à entretenir des relations sexuelles. C'est peut-être un coureur de jupons, mais il ne m'a pas l'air d'être une sombre merde. En effet, il fait partie de l'équipe de hockey, et même si je ne souhaite pas me frotter à eux plus que nécessaire, je ne dois pas tous les mettre dans le même sac. Ce ne serait pas très juste. Je sais faire la part des choses, néanmoins, cela s'avère compliqué quand tu te trimballes un passé chaotique tel que le mien.

Cette fois, je laisse couler, mais si jamais King ose me draguer, ou refaire des insinuations salaces, mon genou ira rencontrer son service trois pièces. Et je n'hésiterai pas.

Pressée, je regarde l'heure sur mon portable et remarque que j'ai déjà dix minutes de retard au cours de monsieur Stuart. Merde !

J'accélère le pas, et au détour d'un couloir, je rentre dans quelqu'un. Une complainte me parvient tandis que tout un tas de feuilles virevoltent sous mes yeux. Je retrouve rapidement une jeune fille par terre, tout comme ses affaires. Bon sang, il ne manquait plus que ça ! Quelle journée pourrie, sérieusement !

Sans hésiter un seul instant, je m'accroupis afin de l'aider à tout ramasser, et surtout, vérifier que je ne lui ai pas fait mal. Ses lunettes sur le bout de son nez, une mèche blonde barre la moitié de son visage.

— Je suis désolée, je ne t'avais pas vue.

— T'inquiètes, ce n'est pas nouveau, marmonne-t-elle. C'est la deuxième fois de la journée que je me fais bousculer, je suis habitué à être invisible. Mais au moins, toi, tu daignes me donner un coup de main.

Un petit sourire timide s'esquisse sur le coin de ses lèvres. Sa remarque me serre le cœur. Les gens peuvent être réellement cruels, j'en sais quelque chose. Il suffit que tu sois un peu différent, que tu ne rentres pas dans le moule, pour qu'on te fasse la misère.

À sa place, je donnerais tout pour être invisible. Elle n'a aucune idée de l'atout que cela est. Être dans toutes les conversations, surtout pour les mauvaises raisons, il n'y a rien de très glorifiant. Je préfère nettement demeurer seule dans mon coin plutôt que me faire remarquer.

— Pardon, je suis en retard à mon cours de psycho et le prof est une plaie, surtout s'il remarque notre absence. J'espère que tu ne t'es pas fait mal.

— Je vais bien, murmure-t-elle, sans cependant me regarder dans les yeux.

Je me sens vraiment mal de l'avoir heurtée. Si j'avais regardé devant moi au lieu de mon téléphone, cet accident ne se serait pas produit. En cet instant, la plupart des étudiants sont en cours, je ne m'attendais pas à tomber sur quelqu'un.

Sans même le vouloir, son look m'interpelle. Il n'a rien de particulier, si ce n'est qu'elle porte un t-shirt à l'effigie de mon groupe rock préféré, Bad Omens. Cela signifie que nous avons un point en commun : la musique.

— La chanson Like a villain est une tuerie, tenté-je de briser la glace.

Instantanément, elle relève le visage et je discerne enfin ses traits, cachés sous sa tignasse. Dotée de petits yeux, ces derniers sont d'un marron verdâtre qui me rappelle la mousse. Ses joues creuses sont en opposition à ses pommettes plutôt saillantes. Quant à ses lèvres, elles sont fines, celle du bas est à peine plus épaisse que celle du haut.

— L'album entier est une tuerie, me corrige-t-elle, pourvue d'un sourire lumineux.

— Pas faux. Quelle est ta chanson préférée du groupe ?

Elle semble réfléchir à ma question pendant quelques nanosecondes, avant de répondre :

— Je dirais Careful What You Wish For. Et toi ?

Burning Out, sans hésitation.

— Choix avisé, approuve-t-elle. Tu as de bons goûts musicaux.

Ce n'est pas ce qu'en pensait ma mère, qui me rabâchait qu'écouter du metalcore n'était pas digne d'une jeune fille bien élevée telle que moi. Pendant longtemps, j'ai dû cacher mes préférences musicales. À la maison, il était hors de question que j'écoute du rock, ma génitrice en serait devenue folle. Elle disait qu'il ne s'agissait pas de mélodies, mais de bruit pur et simple.

C'est bon de vivre libre, sans sa présence oppressante ! Plus j'y pense, et plus je me rends compte que je vivais en cage.

— En fait, je suis Brooke, me présenté-je.

— Oui, tu es la fille transférée de Boston, répond-t-elle à ma plus grande surprise.

Automatiquement, je me fige. Comment peut-elle savoir ça ? Il s'agit de la première fois que nous nous rencontrons, en plus, tout le monde dans ce patelin semble se foutre comme de l'an quarante de ma provenance.

— Je bosse au secrétariat de l'université après les cours, m'explique-t-elle. Je m'occupe de classer des données, et donc des dossiers. J'ai vu le tien. Il n'y a pas beaucoup d'élèves qui font un transfert en troisième année de licence, voilà pourquoi je m'en souviens.

Même si sa réponse devrait me calmer, il n'en est rien. J'ai l'impression que l'on vient de me balancer un seau d'eau froide au-dessus de la tête.

— Moi, c'est Abby, chuchote-t-elle en ramassant la dernière feuille avant de la ranger dans sa pochette.

Je n'ai pas le temps de répondre qu'elle se lève et débarrasse le plancher comme si elle avait le Diable aux trousses. Une fille un peu étrange, mais pas pour autant méchante. Cela étant, il se peut que ma réaction n'ait pas été des plus normales. En général, lorsqu'un habitant de cette ville fait référence à Boston, j'ai tendance à imaginer le pire.

Les mains un poil tremblantes, je me remets debout et poursuit mon chemin jusqu'à mon cours de psychologie. J'ai plus de quinze minutes de retard. Je prie pour que monsieur Stuart n'ait pas remarqué mon absence parmi ses plus de cinquante élèves. Avec un peu de chance, je passerai à travers les mailles du filet.

***

À bout, je m'affale sur mon matelas en mode étoile de mer. Quelle journée merdique, sérieusement !

En arrivant à mon cours de psycho, première personne sur qui je tombe ? Mon prof. Impossible d'échapper à sa remontrance. Il m'a tenu un petit discours sur la ponctualité et sur ce que ça révélait des gens. Il m'a psychanalysé, ce con.

Du coup, je me suis fait remonter les bretelles devant une cinquantaine de personnes. Moi qui ne voulais surtout pas me faire remarquer, c'est raté en beauté. À présent, je suis dans le collimateur de monsieur Stuart et il n'hésitera pas à me mener la vie dure si je ne lui démontre pas que son cours est important à mes yeux. Si j'arrive encore en retard, il m'interdira l'accès à la salle.

On peut dire que la semaine commence mal. Très mal même. Sans oublier ces petits garnements de poussins qui m'ont donné du fil à retordre pendant mon heure de cours à la patinoire.

C'est décidé : je ne veux pas d'enfants. L'idée de perpétuer mon ADN ne m'enchantait pas des masses à la base, mais après avoir passé soixante minutes avec ces diablotins, c'est même plus la peine. Y songer me file des sueurs froides.

Une mioche de six ans a failli me faire chialer tant elle s'est montrée insupportable. Je ne suis pas habituée aux enfants, d'ailleurs, ils me font paniquer. Ces petits êtres à peine dotés de conscience sont imprévisibles. Une gamine du nom de Darla s'est donné pour but de me pourrir mon premier cours avec ses questions indiscrètes et sa langue bien pendue. Elle a aussi tyrannisé les autres gosses, accompagnée de deux ouvrières. Oui, j'ai trouvé l'abeille reine de mon cours de patin. Je ne me souvenais pas qu'on pouvait déjà être une sacrée peste à cet âge.

Avant de partir, Patty est venue me rassurer en voyant l'état de désolation dans lequel j'étais. Elles ont toutes foutu un bordel pas possible, sans oublier que ces trois petites pestes ont pris pour cible le seul élève masculin de mon cours. Qu'est-ce que les parents apprennent à leurs enfants de nos jours ? Visiblement pas le respect, il en va de soi.

Étais-je aussi infecte à leur âge ?

Selon Patty, elles ont voulu tester mes limites et elle m'a conseillée de me montrer plus dure avec mes élèves. Afin de pouvoir pratiquer ce sport, il faut avant tout de la discipline, et ce, dès la plus tendre enfance. Elle m'a assuré que le prochain cours se déroulerait beaucoup mieux, que mes capacités en tant qu'enseignante n'étaient pas remises en doute. À la fin, certaines mères sont venues me trouver pour me demander si leurs rejetons avaient le talent requis pour briller sur la glace. J'ai été à deux doigts d'éclater de rire, heureusement, je suis une pro du bluff. Je leur ai gentiment expliqué qu'il me faudrait plus d'une séance pour déterminer si leur progéniture avait ce qu'il fallait dans le ventre. Certains ont froncé le nez, d'autres ont ri, se rendant compte de l'évidence.

— Dure journée ?

La voix de ma grand-mère me fait pratiquement sursauter, trop plongée dans mes pensées.

— Étrangement longue, la corrigé-je.

J'ai vraiment cru qu'elle ne se terminerait jamais. Mes cours à l'université, plus celui des poussins, m'ont semblé interminables. Je n'avais qu'une hâte : rentrer chez moi. Côté positif ? J'ai été tellement occupée que je n'ai pas eu le temps de penser à Dillinger. Et c'est d'autant mieux !

— Les gosses, ce n'est pas ton fort, je me trompe ? ricane-t-elle en pénétrant dans ma chambre.

Aussitôt, elle s'assoit sur le rebord de mon lit, je me laisse à nouveau retomber sur le matelas, en poids mort. J'aimerais avoir déjà pris ma douche, dîné et être sur le point de m'offrir une bonne nuit de sommeil. Au lieu de quoi, je dois faire un travail de psycho que j'ai intérêt à rendre en temps et en heure, si je ne souhaite pas que mon prof me pulvérise.

— C'est normal, va, tente ma mamie de m'encourager. Les gamins peuvent être crevants, mais tu t'habitueras à eux.

Oui, j'imagine, même si pour le moment, ça me semble impossible. J'espère que les prochaines leçons se dérouleront mieux, parce que celle d'aujourd'hui a été une véritable catastrophe. Tout était déstructuré, j'ignorais comment les gérer.

— Qu'est-ce qui te ferait plaisir pour le dîner ? continue-t-elle en me caressant tendrement les cheveux. Des pâtes à la carbonara ? À la crème, comme tu les aimes ?

Sans même le vouloir, un sourire vient s'esquisser sur le coin de mes lèvres. Elle me connaît bien. Oui, je sais que la « vraie » carbonara n'a pas de crème, mais ma grand-mère est française, pas italienne. Elle m'a habituée à les manger ainsi depuis ma plus tendre enfance, je ne veux surtout pas que ça change.

— Je te prépare ça, s'amuse-t-elle en me gratifiant d'un clin d'œil. Va prendre une douche, ça t'aidera à te détendre.

— Merci, mamie.

Elle se penche sur moi, puis m'embrasse le front. Elle ignore à quel point son amour compte pour moi. Elle arrive à combler le vide qui grandit en mon sein depuis tant d'années, délaissée par une mère trop obnubilée par sa propre réussite pour se soucier du bien-être de son unique enfant. Le manque affectif, je sais ce que c'est, je ne connais que ça depuis bien avant la mort de mon père. Il était le seul, sans compter mes grands-parents, à m'avoir apporté cette chaleur dont j'avais tant besoin pour m'épanouir en tant qu'enfant.

Mes étés passés à Oak Ridge sont sans doute les meilleurs de ma vie, je n'en garde que de bons souvenirs. À chaque fois que j'y repense, c'est avec le sourire. Heureusement que je pouvais venir ici pendant les vacances, échappant ainsi à mon quotidien à Boston, auprès de ma génitrice intransigeante et de mon pédant de beau-père.

Je décide de couper court à mes élucubrations mentales. Elles ne me feront aucun bien. Je vais suivre les consignes de ma grand-mère et aller prendre une douche avant d'aller dîner.

D'un bond, je me lève de mon lit et vais chercher des vêtements de rechange, en l'occurrence, mon pyjama de Snoopi à manches courtes, ainsi que mes affaires de toilette.

Alors que je m'apprête à franchir le pas de la porte de ma chambre, mon téléphone - resté sur mon matelas - vibre en continu, m'annonçant ainsi un appel en cours. Je dépose mes habits sur ma commode et décroche en voyant qu'il s'agit de Tray.

— Salut, mon beau mécano, plaisanté-je.

— Ouais, je sais que je suis canon, crane-t-il.

Nous éclatons de rire à l'unisson, tels deux abrutis. J'aime énormément ma relation avec ce mec, il est l'un des rares à qui je pourrais faire aveuglément confiance.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Je te manque trop ? le provoqué-je.

— Comment as-tu deviné ? C'est totalement ça, Brooke, je ne peux vivre séparé de toi plus de 48 heures !

— Arrête, si Keysha t'entend, elle sera super jalouse.

— Heureusement qu'elle se trouve à l'autre bout du pays, se marre-t-il. Non, plus sérieusement, je dois t'annoncer quelque chose. C'est important.

— Balance !

— Ce n'est pas quelque chose que je peux dire au téléphone. Tu peux venir au garage ?

— Maintenant ? m'étonné-je.

Je regarde mon pyjama, puis mon lit, tandis que l'odeur de la carbonara commence à chatouiller mes narines. La dernière chose dont j'ai envie, c'est de sortir de la maison.

— C'est vraiment important ? soupiré-je, dubitative.

— Très. Fais-moi confiance.

— D'accord, cédé-je. Je suis là dans dix minutes.

J'ai la flemme, mais si mon ami a besoin de moi, j'accours sans y réfléchir deux fois. La douche devra attendre. Je dirais à ma grand-mère de me garder une assiette de pâtes au micro-ondes.

Après avoir raccroché et poussé un long soupir, je descends l'escalier avant d'avertir ma granny. Néanmoins, à peine ai-je franchi la porte de la maison, qu'une fois sur le porche je vois Tray, sagement appuyé contre le capot d'une Mustang Fastback flambant neuve noire et bleue.

Tétanisée sur place, je porte une main à ma bouche, ayant du mal à réaliser.

— Alors ? me nargue-t-il. Elle est belle, hein ?

Aussitôt, je sautille sur place avant de lâcher un cri remplit de joie. J'ignorais à quoi ressemblait la vieille voiture de mon père, mais ce saligaud a fait un travail hors pair. Elle n'a plus rien à voir avec le tas de ferraille que j'ai retrouvé quelques mois plus tôt dans le garage, sous une housse.

— Oublie les transports en commun, ma jolie. Tu vas dorénavant te pavaner au volant de cette beauté.

— T'es incroyable ! halluciné-je, en descendant les marches. Tu m'avais dit que tu l'aurais pour la fin de la semaine !

— Surprise ! Avoue que tu m'aimes en cet instant.

Si seulement il savait ! S'il n'avait pas une copine, je crois que je lui roulerais un patin rien que pour lui montrer l'ampleur de ma gratitude. Au lieu de quoi, je lui saute dans les bras et le serre de toutes mes forces. Il ignore à quel point j'avais besoin de cette surprise.

— On dirait que quelqu'un a passé une rude journée, devine-t-il en déposant son menton sur le haut de mon crâne.

Je me blottis contre son torse, il s'agit d'un endroit familier où je m'y sens en sécurité. J'adore cette relation que nous avons, où il y a zéro ambigüité entre nous. Pouvoir l'étreindre sans avoir peur qu'il interprète mal mes gestes est d'un soulagement sans nom.

Au bout de quelques secondes, après que sa chaleur corporelle m'a enveloppée tout entière, je recule tout en me rendant compte qu'une larme roule sur ma joue. La journée n'a pas été simple, mais j'ai déjà vécu bien pire. Tellement pire.

— Elle est magnifique, murmuré-je en contemplant le bolide.

La Mustang ressemble à celle de mon père, sans vraiment l'être. À présent, elle est mienne et Tray a tout changé afin qu'elle m'appartienne pleinement.

La carrosserie étincelle, il n'y a pas un brin de poussière. Il en a pris soin, et j'en ferai de même. En ce qui concerne l'intérieur, je monte sans me faire prier derrière le volant, puis sens à plein poumons le cuir des sièges. Il a tout remplacé, tout retapé. Ce mec est un faiseur de rêves.

— Alors ? Ça te plait ? me demande-t-il en se penchant à travers la vitre ouverte.

— C'est... je ne sais pas quoi dire, avoué-je. C'est parfait, Tray. Elle est sensationnelle.

— À l'instar de sa propriétaire, me complimente-t-il.

— Tu as travaillé comme un dingue.

— On peut dire que cette petite merveille était un véritable challenge. C'est la première bagnole que je retape de A à Z, sans l'aide de mon papounet chéri, plaisante-t-il.

— Je t'ai douillé.

Je suis consciente d'avoir sous-payé la main d'œuvre et qu'il a tout fait pour me trouver des pièces à bas prix. Grâce à lui, je n'ai eu à investir que sept mille dollars, alors que chez quelqu'un d'autre, ça m'aurait coûté deux, voire trois, fois plus.

— Ça m'a fait plaisir. En plus, ça m'a permis de me surpasser. J'ai démontré à ce vieux André que son fiston n'était pas un incapable.

— Dis pas ça ! le grondé-je. Tu as du talent, Tray. Ton père est fier de toi, j'en suis persuadée.

Il me sourit tendrement, avant de me gratifier d'une pichenette en plein front.

— Tu vas en faire des jaloux sur le campus, crois-moi. Tu pourras partir te balader avec de beaux mecs.

Je frémis, dégoûtée à cette idée.

— Tu veux aller faire un tour ? me propose-t-il.

— Pourquoi pas. Mais ça te dit de dîner avant ? Je meurs de faim, avoué-je au même moment où mon estomac gronde.

Il s'esclaffe, puis hoche la tête.

— Bien évidemment. Qu'a donc préparé Bernie ?

— Des pâtes à la carbonara, mon ami.

Je quitte l'enceinte du véhicule, puis nous nous dirigeons vers la maison. Je ne peux m'empêcher de penser au temps où nous étions gamins et où nous mangions l'un chez l'autre constamment. Avant de fermer la porte derrière moi, je jette un coup d'œil à celle qui est désormais ma voiture et pendant un instant, je revois mon père assis derrière le volant. Il me sourit, heureux comme à son habitude, tandis qu'une petite gamine aux boucles brunes déguisée en fée Clochette se tient à ses côtés.

Mon cœur s'étreint, puis le mirage disparaît. La gorge serrée, je referme le battant derrière moi avant de rejoindre Tray et ma grand-mère dans la cuisine afin de partager un succulent repas en agréable compagnie.

🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒🏒

Petit à petit, on plonge dans le passé de Brooke qui se compose de plusieurs ombres, traumatismes. On en apprend plus sur elle, sur son caractère. Malgré le fait d'être un peu grande gueule sur les bords, elle sait admettre quand elle a tort ou qu'elle a dépassé les bornes. Et à cause de son passé, ce que King remue en elle la fait paniquer.

Nous découvrons également l'amour que Brooke portait à son père et le trou béant qu'il a laissé en elle en disparaissant.

Bref, j'espère que vous avez kiffé ce chapitre et que vous avez hâte de lire la suite ! 👀

N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ça fait toujours plaisir ^^

On se retrouve demain pour le chapitre 11 à 20h 💕

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top