- Vous êtes à l'antenne dans dix secondes. Prêt ?
- Tout à fait.
- Neuf, huit, sept, six, cinq, quatre, c'est parti.
Le journaliste prit son inspiration avant de commencer :
- Donc nous avons aujourd'hui la chance d'accueillir David Bowie, interprète de la chanson à succès "Space Oddity", sortie il y a quelques années...
En vérité, si quiconque aujourd'hui se souvenait de Major Tom et de ses aventures, il avait un fameux mérite. Le tube, après avoir été utilisé par la télé pour servir de fond musical aux missions Apollo de 1969, était tombé dans l'oubli. Et David se rendait compte qu'il s'était lourdement trompé en croyant qu'il suffirait d'un bon titre pour assurer sa carrière.
Qu'importe, il apprenait vite. Son domaine, c'était la musique. Son rôle, divertir les gens. Comme les missions Apollo, en fin de compte. Nous étions au début des années 70, et l'Angleterre s'ennuyait. L'Angleterre était grise, morne, elle voulait du nouveau. Elle voulait de l'original. Elle voulait de la couleur. Et David était prêt à lui en donner.
Mais pour cela, il fallait que l'on soit disposés à l'écouter, et à le retenir. Parce que le citoyen, avant de devenir le plus fidèle des fans, était un client des plus difficiles à convaincre.
Et la première phase du processus consistait à attirer l'attention. Tant mieux, il était doué pour ça. Presqu'aussi doué que pour la musique. Mais elle, elle viendrait après. Il devait commencer par préparer le terrain.
Au départ, l'interview porta sur Space Oddity, puis sur les disques sans réel impact qui étaient sortis par après. Très vite, et sans même que le journaliste ne semble s'en rendre compte, la conversation partit sur des sujets un peu plus délicats.
La dernière question, en revanche, ne le fut pas :
- Êtes vous gay ?
Allez. Il tenait sa chance. Il était temps pour l'Angleterre de s'adapter.
- Oui, je suis gay.
David sut que là commençait seulement sa véritable carrière.