Dissociation
David frappa trois coups à la porte de la chambre.
- Terry ?
N'obtenant qu'un court silence en guise de réponse, il recommença.
- Terry, Terry !
Il remit une volée de coups. Toujours rien.
- Tant pis si tu te branles, j'entre.
Il attendit encore quelques secondes, peut-être parce qu'au fond, il savait que son frère n'était pas en train de se masturber.
Il entra. La porte n'était pas fermée à clé. Elle ne l'était jamais.
Terry Burns était allongé sur son lit, dos à la porte. Après avoir jeté un rapide coup d'œil aux posters de groupes musicaux qui ornaient les murs de la pièce, David se dirigea vers lui.
- Terry, Frangin.
C'est seulement lorsqu'il fut à moins d'un mètre de son aîné qu'il vit le sang, une tache écarlate, presque noire, qui s'étalait sur près d'un mètre autour de la silhouette inerte.
David ne hurla pas comme sa mère, la première fois qu'elle avait découvert son fils dans cet état. Le souffle coupé, il demeura quelques secondes figé, dans une expression proche du choc traumatique, avant de récupérer ses capacités intellectuelles. C'est seulement alors qu'il fit volte-face pour foncer vers le téléphone, et appeler les urgences.
Il était près d'onze heures du soir, et l'état de Terry était stable. Silencieux comme des tombes, David Jones et sa mère restaient assis, attendaient qu'on les autorise à passer au chevet du blessé.
Margaret Jones passa un bras autour des épaules de son fils - les circonstances exigeaient, car ils étaient plutôt distants en général, sans que leur relation soit mauvaise.
- Ne te fais pas de soucis.
David eut un sourire amer.
- Tu as raison, la vie est belle.
- Je sais ce que tu penses.
- ...
- Ça ne t'arrivera pas.
- Qu'est-ce que tu en sais ? Il n'y a que des schizos dans cette famille.
- Je ne le suis pas, moi.
- Tu as de la chance.
- Et tu ne le seras pas non plus. Tu es plus fort que ton frère.
David se tourna vers elle, lui lança un regard révolté.
- Comment tu peux dire ça ?
- Vous êtes mes enfants, je peux le dire objectivement. Il n'y a pas de jugement.
- Oh que si. Tu sais ce qu'il subit tous les jours ? Tu sais quel enfer il vit ?!
Margaret eut les larmes aux yeux.
- C'est mon fils, qu'est-ce que tu crois ?? Que ça ne me fais rien ?? Mais j'ai besoin de savoir que tu ne finiras pas comme lui.
Cette fois, le jeune homme était furieux.
- Que je ne finirai pas comme lui ?? Donc tu le condamnes ??! Après réflexion, tu déclares qu'il est foutu, bon à abattre ?!?!
- Tu te calmes, siffla-t-elle. Je ne le lâcherai jamais, et toi non plus je ne te laisserai pas. Mais si tu te persuades qu'un jour ou l'autre cette saloperie finira par te tomber dessus, alors tu deviendras forcément fou. Hors de question que je te laisse faire ça, c'est clair ?!
David hocha la tête d'un air sombre. Margaret se radoucit.
- Je vais t'appeler un taxi, tu vas rentrer à la maison. Tu as école demain.
David secoua la tête pour s'éclaircir les idées. Ah oui, l'école. La maison. Sa demi sœur, son père. Retour à la bonne vieille réalité. Il ne s'y habituerait jamais.
Les deux Jones sortirent de l'hôpital. La nuit était sombre, les étoiles invisibles. À cet instant, il aurait été aisé de croire que l'on était seul au monde, et dans l'univers. Cette pensée fit frissonner l'adolescent. Doucement, il se mit à chantonner, tandis que sa mère appelait un taxi.
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