3 : Une parfaite servante

La jeune femme astiquait les vases de porcelaine ou en céramique qui semblaient attirer à eux toute la poussière du palais. Elle avait le grand privilège d'être tenue responsable de la propreté des couloirs qui menaient aux chambres royales.

Les membres de la famille royale traversaient fréquemment ces lieux, ce qui ne rendait pas la tâche aisée. Les servantes avaient pour objectif de ne pas se faire remarquer, ni même croiser quiconque de la royauté ou même de la noblesse. Du moins, pas dans les pièces qui leurs étaient réservées. Une servante devait savoir demeurer invisible.

Nyx étudiait de près le déplacement du Roi, de la Reine et de leurs deux fils afin de pouvoir ranger et nettoyer sans se faire surprendre.

Quand elle y pensait, cela la faisait sourire. Bien que ce fut l'activité qui lui était assignée, elle devait l'exercer telle une voleuse : avec intelligence et furtivité.

Si elle y réfléchissait plus en profondeur, elle savait que c'était ce point précis qui lui faisait aimer son quotidien.

Occupée à sécher un miroir à la surface immaculée, elle s'observait à la dérobée. Elle aimait ses petits moments bien à elle où elle pouvait sans crainte se regarder et redécouvrir ainsi ses traits, son teint et ses imperfections.

Dans le miroir, une jeune femme souriait. Son teint un peu trop clair trahissait son habitude à rester enfermer dans le palais et ses joues rougies celle du travail bien effectué.

Ses chignons délibérément lâches et un peu décoiffés par ses activités n'avait rien d'inhabituel, elle appréciait le désordre de sa chevelure.

- Vous semblez apprécier ce que vous voyez, annonça une voix grave, juste dans son dos.

Elle se retourna pour voir le Prince cadet puis recula jusqu'au mur afin de s'effacer au maximum, par habitude. Les rebords dorés du miroir lui cinglaient les omoplates mais elle lança tout de même avec une voix claire et polie :

- Je vous souhaite le bonjour, votre Altesse.

Tenant la révérence, elle détourna élégamment la tête, dans un souci de politesse.

Une servante n'avait nul de besoin de regarder ses interlocuteurs en face. De plus, il lui fallait parfaire sa capacité à se rendre le plus invisible possible.

Talent que Nyx avait acquit depuis fort longtemps et sûrement la raison de son affectation comme servante au Palais Royal. Mais plus qu'un talent, au Palais, c'était un devoir.

- Je déteste quand vous faites cela, soupira-t-il d'une voix lasse.

Elle le questionna muettement, se contentant de lever un sourcil. Elle lui avait jeté un regard, elle le savait, mais elle détournait beaucoup de règles pour le Prince Lysander.

- Quand vous jouez à la parfaite servante.

- Je suis une servante. La meilleure du Palais, même. Ce qui fait de moi la meilleure du Royaume.

Elle haussa les épaules d'un air détaché dans une fausse modestie. Elle savait bien que cela était vrai, exception faite quand elle se trouvait en tête à tête avec Lysander. A présent, elle s'était redressée de toute sa hauteur pour se rendre plus imposante.

- Ne vous étonnez pas que mon comportement soit celui d'une servante, c'est ce que je suis.

- Un métier ne nous définit pas. Je suis Prince par devoir. Quand je vous parle, c'est comme un ami. Vous ne vous comportez certainement pas de la même manière au sein de votre famille !

- Je n'ai aucune famille, rétorqua-t-elle.

Lysander détourna le regard avant de l'observer du coin de l'œil. Il l'interrogea du regard sans souffler un mot.

Bien évidemment, lors de leurs nombreuses entrevues, il avait appris à mieux connaître la jeune femme. Forte en apparence, il ne négligeait pas les épreuves qu'elle avait dû traverser.

Mais il en savait bien peu sur elle. Malgré la tentation de faire appel aux informateurs du Palais qui auraient pu lui décrire sa vie de sa naissance au jour présent, il ne voulait pas l'apprendre de cette manière si indigne de lui, un Prince et un homme de surcroît.

Alors, devant elle, il eut peur de la brusquer en ayant l'air de la forcer à se confier. Côtoyant les Kerivoula depuis toujours, il avait pour habitude d'éviter de poser directement des questions à ses interlocuteurs.

La jeune femme l'observa un instant. Contrairement à lui, elle pouvait éviter de lui répondre ou même mentir. Mais elle ne voulait pas gâcher la seule amitié plaisante qu'elle s'était construite jusque là.

Ainsi, elle réfléchit à ses mots, prit son courage à demain et décida de lui raconter une partie de son histoire.

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