2 : La journée d'un Prince

Point de vue de Lysander

Le Prince Lysander s'éveillait dans son lit à baldaquin, il s'assit avant de frotter ses yeux ensommeillés. Sa nuit avait été peuplée de rêves ensorceleurs. Il agita ses ailes pour les défroisser, déployant toute leur envergure.

Ainsi étendues elles mesuraient le double de sa taille. Lysander comprenait aisément pourquoi les Kerivoula avaient besoin d'un lit immense.

Le jeune Prince plaça quelques braises chaudes dans le chauffe-bain en cuivre avant de le placer dans la baignoire pour réchauffer l'eau tiède. Les domestiques avaient dû lui préparer quand il dormait encore. Il ne pouvait se résigner à les appeler pour leur redonner davantage de tâches.

Pendant que l'eau se réchauffait, il alla choisir ses vêtements dans le dressing immense qui occupait presque une salle complète de ses quartiers.

Il choisit la tenue traditionnelle des nobles de Panmah, une longue robe au col croisé pourvu d'une ceinture à la taille, le Han. La succession de couches paraissait tenir chaud mais il prit un Han d'été, composé de tissus fluides et légers, il laissait entrer l'air.

Il retourna dans les sanitaires et retira le chauffe-bain de l'eau.

- Votre Altesse, vous avez recommencé ! À quoi bon sers-je si je ne puis vous servir humblement ?

Lysander secoua la tête.

- Je ne voulais vous importuner. Je suis tout à fait capable de me préparer seul le matin.

Sa servante personnelle secoua la tête avec dépit. S'il refusait d'être servi, elle allait se faire renvoyer !

- Je ne veux point perdre mon travail, Votre Altesse.

- Je suis navré, Mianalla, je n'y avais point songé. Pourriez-vous me faire monter mon petit-déjeuner, pendant que je me prépare ?

- Bien. Merci, Votre Altesse !

Lysander la regardait filer. Il aimerait tant pouvoir se passer d'être assisté. Mais à chaque initiative, il semblait mettre le personnel en de mauvaises postures.

Il se glissa dans son bain et vit que Mianalla avait profité de sa conversation pour ajouter lait et essences parfumées dans le bassin.

Le Prince se détendait quelques instants avant de se laver. Il voulait calmer ses nerfs avant d'affronter sa journée.

Enroulé dans un peignoir en soie, il démêla sa chevelure rousse qui bouclait sur ses tempes et sa nuque. Puis Lysander enfila son Han indigo et noir, aux couleurs de la haute noblesse de Panmah. Le plus compliqué pour s'habiller était de l'enfiler autour de ses ailes de son dos. Heureusement, les couturiers royaux débordaient d'une véritable ingéniosité.

Il lui suffisait d'enfiler la robe par le bas et de l'accrocher grâce à des fermetures dissimulées dans le col du vêtement, au niveau de la nuque du Kerivoula. Lysander mettait souvent plusieurs minutes à parvenir à l'enfiler mais ce système permettait au moins de camoufler sa musculature. Auparavant, il se contentait de demeurer torse-nu.

Il rabattit le tissu du côté droit en le croisant contre sa poitrine, fermant le vêtement à l'aide d'un fermoir ouvragé. Lysander repensait au passé, quand il avait découvert à son adolescence les vives réactions qui pouvaient être créées par sa non-pudeur en public. Ce moment n'avait guère été amusant.

Une ceinture en cuir noir tenait les pans de la robe, y laissant pendre quelques breloques dorées. Il était fin près pour démarrer une nouvelle journée de solitude et d'ennuis incessants.

Il prit son petit-déjeuner rapidement, voulant se promener aux abords du palais. Il était tôt, les monarques n'auraient pas le temps de lui interdire de s'improviser aventureux.

- Prince Lysander, les reconnurent les soldats en faction devant la porte extérieure du palais.

- Vous ne m'avez pas vu sortir, lui confia-t-il, avant de lui jeter quelques pièces d'or, à lui et son collègue.

- Vu qui ? demanda-t-il d'un ton amusé.

Lysander sortir du palais, emmitouflé dans une cape de voyage d'un blanc crème qui camouflait sa véritable tenue. Il ne voulait pas se faire remarquer.

Les portes du palais franchies, il se glissa parmi les gens de la ville qui évoluaient dans les rues. La poussière du sable volait partout, s'accrochant dans ses cheveux et ses cils.

Il vira à gauche, pour atteindre la porte de l'Est par-delà laquelle s'étendait marécages, trous d'eau et végétation humide. Il avait toujours rêvé de voir cela en vrai mais n'y était jamais parvenu. Ces endroits étaient considérés trop dangereux et indignes d'un noble tel que lui.

Tout, mis à part le palais, semblait indigne de sa famille. Mais si cela semblait convenir à tout le monde, ce n'était pas le cas de Lysander. Pour sortir de la ville, il devait passer les gardes à l'extérieur des murs de l'enceinte de la ville, qui eux, ne se laisseraient pas acheter.

Lysander décidait donc de passer outre et se faufila au milieu du petit parc naturel qui bordait les hauts murs de protection de la ville. Il défit sa cape et déplia ses ailes volumineuses pour s'envoler par dessus l'obstacle.

Il s'accroupit sur le rebord, jetant des coups d'œil anxieux au sol. Des tours de garde étaient effectués sans arrêt autour des murs, il ne devait pas se faire prendre. Il sauta jusqu'en bas, faisant s'envoler du sable autour de ses jambes. Puis il se dépêcha de revêtir sa cape blanche, qui dissimulait ses ailes et ses vêtements royaux.

Paré pour l'observation, Lysander fonça droit devant lui, jusqu'à arriver à une vaste falaise qu'il dominait. En bas, à perte de vue, s'étendait de grandes flaques d'eau boueuses, serpentant au milieu d'une végétation basse en friche. Ce paysage lui semblait magnifique. Si différent des jardins luxurieux et dominés par l'homme que l'on voyait aux abords du palais. Ici, la nature était son propre maître, avait ses propres lois.

- Prince Lysander ? demanda une voix grave, aux intonations amusées.

- Sentinelle Fléy. Cela n'aura pas été bien long avant que l'on me retrouve.

- Voyons, Votre Altesse, vous me rendez la tâche difficile.

Lysander observait une dernière fois l'étendue humide au bas de l'à-pic, avant de tourner les talons au milieu du sable clair.

- Rentrons, ordonna-t-il au guetteur.

Lysander avait l'habitude de paraître conciliant. Il savait que les Sentinelles ne faisaient que leur travail, après tout. S'ils laissaient filer un membre de la famille royale, ce sont probablement eux qui auraient les plus gros problèmes. Cela était en partie la raison pour laquelle Lysander ne passait pas toutes ses journées à quitter le palais. Il voulait voir le monde, certes, mais n'allait jamais trop loin.

Secrètement, il espérait que les monarques le laisseraient gagner en liberté au fil des années. Jusque là, son plan n'avait pas très bien réussit...

Tête basse, Lysander retournait au Palais. A cette heure-ci, les monarques écoutaient les doléances du peuple et son frère aîné, destiné à régner à son tour, devait les y accompagner.

Le jeune Prince cherchait une distraction qui lui permettrait de fuir sa vie misérablement vide de sens. Dépité, il décida de simplement rester dans sa chambre. Il lirait peut-être un peu, avant le déjeuner familial, qui exigerait de lui convenances et bienséances.

Son quotidien commençait sérieusement à pourrir son existence.

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