Défi image | Enracinné

          Une main rampait sur sa couette.

          Elle se redressa vivement sur ses coudes, ouvrit les yeux, le cœur battant encore à lui fendre les côtes après ce terrible cauchemar. Sa peau agrippait les draps tant elle était maculée de sueur, et quand Camille se retourna pour quitter la chaleur moite de son lit, elle resta coincée entre ses tentacules.

          L'effroi enserra son cœur dans un étau si étroit qu'il la fit frémir. Bien qu'elle soit maintenant totalement éveillée, elle sentait encore la peur qui l'avait étreinte dans son sommeil la coller de près et bousculer sa respiration. Elle avait la désagréable impression que quelque chose l'observait, dissimulé dans un des recoins sombres de sa chambre.

          Un long frisson remonta le long de son dos, et elle s'empressa d'allumer sa lampe de chevet d'une main tremblante. Pourquoi n'arrivait-elle donc pas à se calmer ? Elle n'avait jamais fait de rêve lucide, cela ne pouvait pas lui arriver maintenant, elle était forcément réveillée. Alors pourquoi sa raison ne reprenait-elle pas le dessus ?

          Elle se retourna d'un bond, s'emmêla encore un peau dans son drap, et scruta la pénombre qui, lui semblait-il, la cernait. Sa lampe n'était pas assez puissante pour illuminer toutes les zones où les ténèbres se lovaient, et elle sentit une nouvelle attaque de la peur lui retourner le ventre. Elle haletait maintenant, bien loin de se calmer, et se tourna de l'autre côté, sonda chaque recoin qui échappait au faisceau vacillant. Elle sentait les battements de son cœur s'emballer, elle le sentait caracoler dans sa poitrine, comme s'il voulait fuir, lui aussi. Mais elle avait bien trop peur d'affronter la nuit totale du couloir, dans lequel l'ampoule du lustre était morte.

           Alors, elle resta dans son lit, coincée au creux de ses couvertures qui la tenaient fermement, et elle s'appliqua à fouiller la pièce du regard en tournant la tête à intervalle régulier, pour être sûre de ne rien oublier.

          Une main rampait sur sa couette. Une main s'accrochait à ses jambes, grattait sa peau, enfonçait ses ongles dans sa chair.

          Elle sursauta si violemment qu'elle entendit un craquement en provenance de son sommier. Des spasmes de terreur pure la traversaient si violemment que son hoquet affolé se coinça dans sa gorge et l'étouffa à moitié. Incapable de reprendre son souffle, elle tendit à nouveau la main pour allumer la lumière.

          Rien ne se passa.

          Elle ne se souvenait même pas l'avoir éteinte et s'être rendormie.

          L'horreur se distilla dans son sang comme un poison, et la panique s'empara de ses membres, tandis qu'elle scrutait les ténèbres qui l'entouraient, qui l'attiraient dans leur noirceur insondable, qui l'étouffaient lentement. L'atmosphère était électrique, et elle avait presque envie de fermer les yeux pour fuir l'obscurité si profonde qu'elle lui donnait la chair de poule.

          Tout à coup, elle sentit une présence malsaine dans son dos. Elle se redressa d'un bond, ses draps entravèrent son mouvement de biche apeurée, ils la plaquèrent sur le lit. Elle percevait toujours un souffle malveillant derrière elle, bien qu'il n'y ait rien d'autre que le mur. Son cœur battait si vite et si fort qu'elle n'entendait que lui, et rien d'autre, ce qui fit exploser l'angoisse qui couvait déjà dans ses entrailles. Elle était sourde et aveugle, incapable de bouger.

           Une main rampa sur sa couette.

           Son hurlement de terreur resta coincé au fond de sa gorge, tant elle était serrée, et elle s'étouffa en tentant d'inspirer. L'air était bloqué dans ses poumons, et rien ne pouvait y entrer ni en sortir.

           Une main s'accrocha à ses jambes.

            Elle les ramena vers son buste dans un mouvement erratique, la panique la glaçait maintenant des pieds à la tête, et elle se sentait peu à peu sombrer dans les limbes d'une horreur terrible. Elle tenta de donner des coups de pieds vers le bout de son lit, mais elle ne pouvait pas beaucoup bouger, et elle ne tarda pas à s'épuiser.

           Une main gratta la peau de sa cheville.

          Elle n'avait plus aucune force, toute occupée qu'elle était à trembler, trembler, trembler encore et encore, sans jamais pouvoir s'arrêter.

          Une main enfonça ses ongles dans la chair de sa cuisse.

           Son propre hurlement lui déchira les tympans.

           Elle sentit des larmes de terreur absolue brûler ses joues.

           La main la démangeait tandis qu'elle remontait lentement le long de son corps, toujours profondément enfoui dans sa couverture. Pourtant, elle la sentait avec autant de précision que si elle avait été directement sur sa peau. Elle sentait ses doigts bien trop longs et bien trop maigres pour appartenir à une main humaine.

           Proche de la crise d'hystérie, elle tenta encore une fois de se débattre, ses hurlements écorchaient sa gorge, et la main l'égratignait toujours. Elle se sentait comme un lapin pris dans les phares d'une voiture : elle savait sa fin proche, parce qu'elle se savait près de basculer dans le gouffre de l'épouvante, et elle la voyait arriver vers elle à toute vitesse.

           Soudain, la lumière s'alluma dans un grésillement qu'elle aurait trouvé inquiétant si elle n'était pas déjà perdue dans l'horreur.

            Baissant les yeux vers son corps entortillé dans la couette, elle crut s'évanouir.

            Une main squelettique était accrochée à elle, sa peau partait en lambeaux et maculait ses draps d'une chair marron et presque liquide, tout en laissant une trainée de sang sombre et épais qui marquait sa progression. Elle apercevait les os de cette main, des os grisâtres et maigres, recroquevillé sur ses jambes. À l'endroit où cette main avait été sectionnée, un liquide visqueux et noir s'écoulait et semblait presque... s'éveiller, car lui aussi coulait dans sa direction. Elle percevait les tendons qui la reliait autrefois à un bras s'étendre derrière elle et pendre, comme autant de fils de sang sur ses draps blancs.

           Elle poussa un nouveau hurlement qui lacéra sa gorge, et parvint enfin à se libérer de ses draps. Elle s'éloigna d'un bond de son lit, trépigna d'horreur, tentant de chasser la sensation de fourmillement qui glissait encore sur ses jambes. Elle saisit la première chose qu'elle trouva, un livre en provenance de sa bibliothèque, et asséna un grand coup à la main qui se tordait sur ses draps, qui prenaient lentement une teinte rouge sombre.

            Lorsqu'elle éloigna le livre, le sang avait disparu. Il ne restait plus qu'un squelette inerte, qui ressemblait vaguement aux modèles qui trônaient en salle de svt, au collège. Elle sentit sa respiration s'apaiser, incertaine de croire ce qu'elle voyait, pensant encore à tous les fluides qu'elle avait vu maculer son lit et qui s'étaient évaporés.

            Elle la ramassa d'une main encore tremblante pour s'en débarrasser.

           Les doigts décharnés se refermèrent sur les siens.

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