Lorsque nous avons passé la porte du palais, Néra et Livia nous attendaient. Elles m'ont tout de suite demandé où j'étais parti, je leur ai simplement répondu que j'étais sorti me promener, comme je leur avait dit sur la note que je leur avais laissé. En voyant mon air fatigué, elles ne m'ont pas posé plus de questions.

- Aaron, la voix du Grand Sage résonne dans la pièce. Je me retourne pour faire face au centaure qui se trouve dans l'entrée de la grande salle. Les guérisseurs sont là, explique-t-il calmement. Aaron hoche la tête et le suis dans la grande salle.

Épuisée, j'esquive les questions des filles et monte à l'étage.

Dans ma chambre, je m'effondre sur mon lit, la tête bourdonnante de questions après ma rencontre avec la Pythie. A la fois, je suis soulagée de ne pas être l'élue, mais j'aimerais pouvoir le crier sur les toits, le dire aux reines pour qu'elle me laisse revoir ma mère. Plus le temps passe, plus elle me manque. Cela fait trois mois que j'ai quitté Nymphéa, et des milliers de questions continuent d'affluer dans mon esprit dès que j'ai un moment de répit : est-ce qu'elle va bien ? Est-ce que les reines lui ont fait du mal ?

Je pousse un soupir. Un vide immense m'envahit soudain. Je me rends compte que malgré la présence de mes nouveaux amis, je me sens terriblement seule. Ma mère me manque, le clan des dryades me manque, même la doyenne et Phèdre commence à me manquer. Je sens une larme rouler sur ma joue, je l'essuie d'un geste rageur.

Tout cela à cause d'une malheureuse prophétie.

Je me redresse pour me changer les idées. J'ai besoin de me mettre en mouvement pour éviter de penser à toutes ces choses qui me rendent triste. J'aperçois le grimoire que j'ai trouvé dans la bibliothèque sur ma table de chevet.

Je l'ouvre et lit à nouveau l'énigme qui s'y trouve. Chaque strophe semble mener à un bout de la couronne, mais j'ai beau me concentrer, je ne vois pas où cela est censé mener. Pourquoi est-ce que c'est moi qui dois rassembler la couronne et trouver l'élue ?

La question s'immisce dans mon esprit d'elle-même. Le doute m'envahit. Il est vrai que je n'ai aucune raison de faire ce que l'oracle m'a dit. Certes, les 4 souveraines veulent ma peau, mais il me suffirait de vivre cachée. L'idée me paraît alors tentante. Puis, le visage épuisé de ma mère me vient à l'esprit, elle s'efforce de produire des émeraudes jusqu'à épuisement. Combien de Nymphes sont aujourd'hui dans cet état ? Combien de Nymphes ont vu leur proche préférer s'enlever la vie plutôt que de devenir une thyade ?

Je ne reverrai peut-être jamais ma mère. A cette pensée, mon cœur se sert, et les larmes roulent sur mes joues. Au fond de moi je sais que le règne des 4 souveraines est tyrannique, mais une autre partie de moi espère que quelqu'un d'autre, une nymphes plus entrainée et expérimentée s'en charge.

Alors que les larmes coulent à flot, la porte de la chambre s'ouvre sur Livia.

- Tout va bien ? demande-t-elle. Ces yeux verts, exprimant habituellement de la détermination, sont remplis d'inquiétude.

- Oui, je lui réponds en tentant de cacher mes larmes, honteuse qu'elle m'ait surprise dans un moment de faiblesse. Elle ne réagit pas et s'approche doucement de moi. Elle s'assoit sur mon lit, à mes côtés.

- Tu peux m'en parler tu sais, je sais que ça fait seulement peu de temps qu'on se connaît, mais n'hésite pas. Sa voix est étrangement douce par rapport à son ton habituellement autoritaire.

- C'est toute cette histoire de prophétie, j'avoue, je plonge mon regard dans ses yeux verts, et l'espace d'un instant, la sincérité dans son regard me donne envie de lui avouer ce que l'oracle m'a dit, mais je me ravise au dernier moment, me rappelant les mots d'Aaron. Je pousse un soupir. C'est juste que tout le monde à l'air de penser que c'est moi l'élue, et je ne peux pas m'empêcher de penser que ça pourrait être quelqu'un d'autre, quelqu'un avec plus d'expérience qui serait bien plus habile que moi pour réunir cette fichue couronne. Je lui dit finalement.

Livia pose une main réconfortante sur mon épaule.

- La prophétie n'a jamais dit que tu devais faire tout ça toute seule, me dit-elle simplement. Aaron, Jason, Néra et moi on est avec toi, on ne te laissera pas trouver cette couronne toute seule. Me dit-elle en souriant. Et puis, c'est qu'une prophétie ! Rien ne dit que c'est vraiment toi l'élue ! Mais si je peux t'avouer quelque chose, l'autre prophétie qu'on a trouvé, commence-t-elle en désignant le grimoire que je tiens dans les mains, c'est la clé pour stopper les reines de Nymphéa, et personnellement, je donnerais n'importe quoi pour ça.

- Oui, mais pourquoi ça serait à nous de le faire ? je ne peux m'empêcher de demander

- Regarde autour de toi, le peuple de Nymphéa est asservi, et les peuples des îles d'Agartha perdent peu à peu leur magie et vivent dans la peur des créatures ténébreuses, personnes n'osera faire quoi que ce soit, mais nous on en a le pouvoir ! Me dit-elle en raffermissant sa prise sur mon épaule. Pense ce que tu veux Jihanna, mais personnellement je ne vois pas l'intérêt de vivre si c'est pour vivre comme ça, je préfère faire bouger les choses. finit-elle par dire avant de se lever. Je te laisse te remettre de tes émotions, me dit-elle, mais dépêche toi, d'ici une heure peut-être, les guérisseurs en auront fini avec Aaron et on pourra repartir.

Je hoche la tête pour seule réponse, et elle me sourit avant de quitter la pièce.

Je reste seule avec mes pensées durant quelques minutes. Les mots de Livia résonnent dans mon esprit. Il est vrai qu'il serait égoïste de ma part de simplement abandonner, ne serait-ce que pour ma mère.

Finalement, je finis par redescendre au rez-de-chaussé. Je me dirige vers la grande salle où Néra et Livia discutent avec animation près de la cheminée.

- Jihanna, tu es là, me dit Néra en me voyant arriver. Comment te sens-tu ? Livia m'a dit que tu te sentais un peu barbouillée. Je jette un coup d'œil à Livia, et lui adresse un sourire reconnaissant, auquel elle répond par un hochement de tête entendu.

- Mieux, merci, je réponds. Comment va le bras d'Aaron ? je demande.

- Les guérisseurs ne devraient plus tarder à avoir fini, me répond Néra.

Comme si le Grand Sage avait entendu ses dires, la porte de la grande salle s'ouvre, et le centaure pénètre dans la pièce, suivi par Aaron, soutenu par Jason.

- Comment te sens-tu, Aaron ? demande Néra d'une voix empreinte de sollicitude.

- Mieux, répond Aaron en souriant faiblement. Les guérisseurs ont fait un excellent travail, je ne comprends pas tout de leur magie mais elle est efficace !
Son bras est toujours bandé et immobilisé, mais il semble déjà plus à l'aise qu'auparavant.
- Nous sommes prêts à repartir dès que vous le souhaitez, déclare-t-il d'un ton déterminé

Les visages de Néra et Livia s'illuminent.
- Attendez, commence le Grand Sage de sa voix forte, je vous propose de partager un dernier repas ensemble avant votre départ. Les fées du château ont préparé un festin en votre honneur. Nous dit-il.
- Un dernier repas ensemble avant notre départ ? répète Livia avec un sourire radieux. Cela semble être une excellente idée.
Néra acquiesce vivement, son regard brillant d'anticipation.
Un sourire se dessine également sur mes lèvres, les repas préparés par les fées sont divins, je ne raterai cette occasion pour rien au monde.
- Ne vous embêtez pas à vous apprêter comme lors de votre arrivée, ce sera seulement pour profiter d'un moment ensemble, vous nous avez rendu un fier service en nous débarrassant des sirènes, j'espère d'ailleurs que vous parviendrez à les soigner, je vous en suis extrêmement reconnaissant. Les fées ne devraient pas tarder à peaufiner le repas, prenez donc place, dit-il en accompagnant ses dires d'un geste de la main vers la table qui se trouve à l'autre bout de la Grande salle.
- Merci beaucoup, le remercie Aaron en inclinant légèrement le menton. Puis il se dirige vers la table pour y prendre place, suivi par Jason. Bientôt, les filles et moi les imitons et prenons place autour de l'immense table sur laquelle nous avons pris notre premier repas à Tellos.

Le grand sage s'installe également à la place qui lui est destinée. Peu de temps après, les fées du château entrent dans la salle, portant des assiettes et des couverts qu'elles déposent avec grâce devant nous. D'autres fées les suivent, portant des plateaux généreusement fournis de légumes rôtis, de champignons sautés et de sauces au fumet exquis. Le festin préparé par les fées est aussi somptueux que le tout premier qu'elles nous ont préparé.
Les plats continuent d'arriver, tous avec des odeurs plus enivrantes les unes que les autres. Je salive rien qu'à l'idée du goût que ces plats peuvent avoir. Comme si mon estomac était du même avis, il se met à gargouiller.
Lorsque les fées installent leur petite table sur le buffet et commencent à se servir, je fais de même.
Nous commençons tous à manger avec appétit, discutant et riant gaiement. Le Grand Sage finit par prendre la parole.
- Mes amis, je voulais vous remercier pour votre bravoure et votre détermination, nous dit-il d'une voix chaleureuse. Vous avez accompli des exploits remarquables, et je suis certain que vous continuerez à briller où que votre voyage vous mène. Même si c'est ici que nos chemins se séparent, n'oubliez pas que vous serez toujours les bienvenue à Tellos !
- Merci infiniment, Grand Sage, répond Néra avec gratitude. Nous sommes honorés d'avoir pu vous aider et de partager ce moment avec vous et les habitants de Tellos.
Les autres acquiescent en signe d'approbation, leurs visages rayonnant de reconnaissance.

Nous continuons de festoyer gaiement. L'espace d'un instant, cela me permet d'oublier la responsabilité qui pèse sur mes épaules, et les dangers qui m'attendront probablement lors des prochains mois.

Finalement, le dessert arrive. Puis le repas se termine doucement. Nous savons qu'il est temps de partir.

- Bon, je pense qu'il est l'heure pour vous de plier bagage, finit par dire le Grand Sage, exprimant à voix haute ce que tout le monde pensait.

- Ce fut un plaisir d'être aussi bien reçus et d'avoir pu vous aider, dit Aaron.

Peu de temps après nous sommes montés pour faire nos sacs, en veillant à ne rien oublier. J'ai pris le grimoire avec moi, après tout, personne n'en connaissait l'existence avant que je ne le trouve. Nous sommes près à partir. Aaron est en train de tracer le cercle de transmutation à l'aide d'une craie. À côté, Mélusine dit adieu à Néra.
- Promets-moi que tu reviendras, pleure la jeune fée.

- Je te le promet, lui réponds Néra. Allons, sèche tes larmes, nous nous reverrons c'est promis ! lui dit-elle d'un ton réconfortant.

- Tout est prêt, finit par dire Aaron en se redressant. Il place alors ses mains au-dessus du cercle et récite son incantation. Une lueur verte commence à s'en échapper, comme lorsqu'il a créé le cercle qui nous a amené à Tellos. Allez-y ! Nous ordonne-t-il.
Jason est le premier à se lancer, il adresse un dernier hochement de tête en guise d'adieu au Grand Sage et aux fées, avant de sauter dans le cercle et de disparaître dans un faisceau de lumière. Puis, Livia se décide également à y aller.

- Au Revoir, à bientôt ! dit-elle

- Au revoir, leur répondent-ils en cœur

Elle leur adresse un dernier sourire avant de sauter à son tour dans le cercle et de disparaître. Voyant que Néra à du mal à dire au revoir à Mélusine, je décide d'y aller avant elle. Je m'approche du cercle, toujours aussi anxieuse que lors de mon premier passage.

- Au revoir ! je dis au Grand Sage et aux fées. Puis, prenant mon courage à deux mains, je saute à l'intérieur du cercle. Cette sensation maintenant familière dans mon estomac apparait, et j'entends à peine les occupants du palais me répondre avant que tout ne devienne noir.