Chapitre 23 : Oracle

Les graviers crissent sous mes bottes. Le jour est maintenant complètement levé tandis que nous continuons notre ascension dans la forêt. Aaron et moi n'avons pas parlé du chemin, nous contentant d'avancer en silence. Une fois que nous avons quitté la ville, nous nous sommes retrouvés à nouveau entourés d'arbres; il semble que mis à part la capitale et les quelques villages alentours, l'île de Tellos soit entièrement recouverte par la forêt.

- Nous arrivons bientôt, m'indique Aaron, imperturbable. C'est les premiers mots qu'il m'adresse depuis ses confessions de tout à l'heure. Je lui glisse un regard, son visage n'exprime aucune émotion; il est profondément absorbé par la carte et la boussole qu'il tient dans ses mains.

- D'accord, je lui réponds simplement, frustrée qu'il soit redevenu froid et arrogant.

Il s'arrête tout à coup. Je me retourne pour le voir froncer les sourcils en regardant la carte.

- Il devrait y avoir des ruines juste ici, m'indique-t-il en faisant un large geste devant lui.

- Elles se trouvent peut-être un peu plus loin, je suggère. Sans même prendre la peine de me répondre, Aaron passe devant moi et poursuit sa route. Je pousse un soupir avant de lui emboîter le pas. Alors qu'il écarte les feuillage à l'aide de son épée, les arbres disparaissent petit à petit pour laisser place à petite clairière. Je m'apprête à y pénétrer, mais Aaron pose sa main sur mon thorax pour m'empêcher d'avancer plus loin. Incrédule, je lui lance un regard interrogateur.

- Il y a quelque chose d'étrange avec cette clairière, m'explique-t-il, je ressens une forme d'alchimie très ancienne. Prudemment, il lève son épée face à lui, et pénètre lentement dans la clairière, aux aguets. Mais alors qu'il a seulement fait deux pas, il disparaît. Un hoquet de surprise m'échappe.

- Aaron ? J'appelle. Personne ne me répond, mon estomac se serre d'angoisse. Je serre et desserre les poings, et prend une grande inspiration.

Lentement, je sors mon épée de son fourreau et la place face à moi, prête à me défendre. J'avance d'un pas, et sors complètement de la forêt. Je ferme les yeux, prête à sentir la chose qui a fait disparaître Aaron sur moi, mais rien ne semble se passer. Je rouvre les yeux et mon cœur rate un battement. La moitié de mon épée semble s'être évaporée dans l'air. Prudemment, je la tire vers moi, et un hoquet de surprise m'échappe lorsqu'elle réapparaît.

Incrédule, je laisse la pointe de la lame pendre à mes pieds. Je tends la main devant moi, une sensation de picotement la parcourt et elle disparaît comme la lame de mon épée.

Surprise, je la retire. C'est sûrement de l'autre côté de cette illusion que se trouve Aaron.

Je prends mon courage à deux mains et fais un bond en avant.

Mon estomac se soulève et des picotements parcourent tout mon corps, je ne peux m'empêcher de penser que cette sensation est semblable à celle que j'ai ressentis en passant dans un cercle de transmutation.

Je rouvre les yeux, désorientée.

Je reste bouche bée face au spectacle qui prend place devant moi. Là où la clairière était vide se trouve un immense bâtiment en marbre. Toute la partie Est s'est effondrée sur elle-même, et la nature à repris ses droits. Du lier s'enroule autour des colombages d'un blanc ternis par le temps. Le toit de forme triangulaire semble miraculeusement tenir, et les moulages qui s'y trouvent sont largement dégradés : les jeunes femmes représentées sont à peine reconnaissables.

- Les ruines étaient protégées par un dôme alchimique protecteur, la voix d'Aaron me sort de ma contemplation. Il se trouvait à quelques mètres de moi, mais trop absorbée dans mon observation je ne l'avais pas remarqué.

- C'est ici que se trouve l'oracle ? Je demande

- Oui, me répond-il, il faut qu'on entre à l'intérieur. Nous nous dirigeons alors vers l'entrée du temple.

Alors que nos bottes claquent sur l'escalier en marbre, nous ne pouvons que constater que l'entrée a été emmurée.

- Pourquoi vouloir murer l'entrée d'une ruine ? Je demande, incrédule.

- S'il y a quelque chose à cacher, me répond Aaron. Lentement, il ferme les yeux et passe sa main juste au-dessus des pierres qui recouvrent l'entrée, sans pour autant les toucher. C'est encore de l'alchimie, dit-il finalement, c'est un sort basique, je devrais pouvoir le défaire sans que ça n'aggrave ma blessure.

Sans plus attendre, il récupère un petit caillou blanc sur le sol. D'un geste habile, il se met à genoux et commence à former un cercle de transmutation. Je le regarde faire avec une certaine admiration. Il place alors ses mains au-dessus et commence à réciter une incantation dans ce même langage alchimique aux ton rudes et incompréhensibles. Une lueur jaunâtre s'échappe alors du cercle, signe que le sortilège est en train de fonctionner. Le sol commence à gronder et mon cœur rate un battement. Soudain, cette même lumière jaune commence à filtrer à travers les pierres qui recouvrent l'entrée du temple.

- Aaron ? Je demande. Mais il ne me répond pas, trop absorbé par le sort qu'il est en train de jeter. Puis soudain, tout s'arrête; la voix d'Aaron et le tremblement de terre. Aaron reste agenouillé au sol, et mon regard ne cesse de passer de lui, au mur qui bouche l'entrée, incrédule.

Puis, aussi soudainement qu'il s'était arrêté, le grondement repris, et les pierres parfaitement alignées qui rebouchaient la porte de la ruine commencent à tomber vers l'intérieur. Les gravats tombent bruyamment dans un nuage de poussière, révélant peu à peu l'obscurité de l'entrée du temple. Aaron reste immobile, concentré, alors que je reste figée, le souffle coupé par ce spectacle. Une fois le tumulte calmé, Aaron se relève lentement, essuyant la sueur de son front.
- Allons-y, déclare-t-il d'une voix calme.
Sans un mot de plus, nous pénétrons dans l'obscurité de la ruine, escaladant les pierres qui se trouvent sur notre chemin. Nos pas résonnent dans le silence. Une lumière faible filtre à travers les crevasses des murs, illuminant partiellement notre chemin. Je déglutis, tandis que mon cœur bat plus fort dans ma poitrine.
La pénombre est telle que nous ne pouvons pas voir ce qui se trouve au bout du couloir. D'un geste vif du poignet, Aaron fait apparaître une flamme dans le creux de sa paume pour éclairer le passage.
Au bout du corridor se trouve une immense porte en bois vernis que le temps semble avoir préservé. Alors que nous nous approchons, je remarque une plaque dorée fixée sur la porte. Je plisse les yeux, et parvient à lire ce qui est écrit.

- "La Pythie", je lis à voix haute.

- C'est le nom que l'on donne à l'oracle, m'explique Aaron avant même que je n'ai pu poser la question. Le Grand Sage me l'a expliqué avant de partir.

Lorsque nous arrivons à hauteur de la porte, Aaron se stoppe.

- Qu'est ce qu'il y a ? Je demande.

- Tu dois entrer seule, m'explique-t-il, sinon l'oracle ne pourra pas énoncer de prophétie, il ne peut se concentrer que sur une personne à la fois.

- Ah, je dis. L'angoisse de me retrouver face à un oracle me prend alors aux tripes. Je prend une grande inspiration et essuie mes mains moites sur mon pantalon.

Lentement, je tourne la poignée et pousse la porte aussi fort que possible. Cette dernière peine à s'ouvrir. Les gonds sont sans doute rouillés depuis le temps. Aaron me donne un coup de main, et finalement la porte s'ouvre en grinçant. Je pénètre à l'intérieur de la pièce et mon compagnon referme la porte derrière moi après m'avoir lancé un regard entendu.

La pièce dans laquelle je me trouve est richement décorée. Plusieurs pierres précieuses incrustent les murs de marbre blanc. Des offrandes comportant des coupes en or ainsi que des sacs de ce qui semble être de vieilles provisions jonchent le sol. Au centre de la pièce trône un hôtel. La première chose qui me vient à l'esprit est que c'est sans doute ici que les gens venaient prier. C'est alors que je remarque le trône qui se trouve au fond de la salle. que mon cœur rate un battement lorsque je me rends compte qu'une vieille femme s'y trouve. elle est d'une maigreur effrayante, la peau de ses joues point sur ses os, sa tête est baissée vers le sol deux points elle semble s'endormir. De son sort, je me précipite vers elle.

- Madame ? je l'appelle.

- Arrête-toi mon enfant, la voix de la vieille dame est rauque et tremblante.

- mais... je commence.

- tu ne peux plus rien pour moi, mon état est celui d'Agartha, je dépéri tout comme ton monde.

Ignorant quoi faire pour venir en aide à la pauvre créature, la seule chose que je trouve à faire est de poser ma main sur la sienne dans un geste qui se veut réconfortant. soudain, la vieille femme saisit avec violence ma main. Elle ouvre d'un coup les yeux. J'ai un mouvement de recul en voyant ses pupilles laiteuses. Prise de panique je tente de me dégager, mais elle ressert encore sa prise avec une force surprenante compte tenu de sa fragilité apparente. C'est elle l'oracle. Je refoule la peur qui me tenaille l'estomac et prend mon courage à deux mains pour lui poser la question qui me tourmente.

- Est-ce que je suis l'élue ? Je lui demande.

La voix rauque de l'oracle résonne alors dans la pièce.

Née de l'union de l'eau et de la terre,

Naîtra une Nymphe à la puissance solaire,

Dans sa quête noble, elle retrouvera la couronne perdue,

et celle qui détrônera les quatre reines tyrans déchus

Dans les temps obscurs, résonna la prophétie,

Les clans enfin réunis, sous une aura bénie,

Les ténèbres reculeront, impuissantes,

Et la lumière, enfin, elle ramènera, triomphante

- Qu'est-ce que ça signifie ? je lui demande, incrédule. Cela ressemble à la prophétie que Marcus m'a fait lire, mais quelques passages sont différents.

- Que l'élue tu n'es pas, mais que tu trouveras celle qui le sera, tu ressembleras la couronne perdue, qui te guidera jusqu'à la reine tant attendue.

- Je ne suis pas l'élue ? Je demande sans pouvoir dissimuler une pointe d'espoir. Mais avant que l'oracle ne puisse me répondre, la veille femme ferme à ouveau les yexu et lâche ma main.

- Désolé mon enfant, je suis épuisée, je ne peux pas t'aider davantage. Me dit-elle.

- Mais si je ne suis pas l'élue, ça signifie que je ne devrais plus courir de danger ? Je dis, presque excitée.

- J'ignore ce que j'ai pu te dire, mais tu dois savoir que les prophéties qui te concernent toi sont parfois instables, tu ne devrais pas le répéter, me dit-elle simplement.

- Mais... je commence, pouvez-vous au moins m'expliquer cette prophétie ? Je demande en sortant le bout de parchemin retrouvé dans le grimoire de ma poche. La vieille dame prend le papier de sa main tremblante.

- C'est bien une véritable prophétie, me confirme-t-elle. En revanche je crains de ne pas pouvoir te donner davantage d'informations, je suis capable de divination, mais je ne peux pas expliquer une prophétie.

- Mais... je poursuis, mais je me tais en voyant que sa tête est à nouveau retombée et que sa respiration se fait plus régulière. Elle est de nouveau tombée dans un sommeil profond. Je calle délicatement sa tête contre le dossier du siège pour qu'elle ne souffre pas. Je pousse un soupir et me relève.

Lorsque j'ouvre la porte, Aaron m'attend de pied ferme. Alors que je m'apprête à ouvrir la bouche, il me coupe

- Ne me dit rien, la Pythie t'auras dit ce que tu avais besoin d'entendre, ça ne me concerne pas. Dit-il avec un geste de la main. Il vaut mieux que tu ne le répète à personne tant que la prophétie ne s'est pas entièrement réalisée, j'ai lu quelque part que lorsqu'elles nous concernent, les prophéties peuvent changer si on en parle.

- D'accord, je dis simplement.

- Bien, rentrons au palais, dit Aaron en faisant volte face pour sortir du temple. Toujours secouée par ma rencontre avec la Pythie, je lui emboite le pas.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top