Chapitre 22 : Il ne changera jamais
L'aube pointe déjà le bout de son nez, alors que mes yeux fatigués sont grands ouverts. Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. les pensées tourbillonnent dans mon esprit, encore imprégnées des découvertes de la veille. Les informations sur la couronne perdue et la prophétie concernant les nymphes résonnent encore dans ma tête. J'ignore pour l'instant quoi faire de toutes ces informations.
Je tente une énième fois de me rendormir, mais l'excitation et la curiosité m'en empêchent. Finalement, en entendant mon ventre gargouiller, je décide de me lever pour aller chercher quelque chose à manger dans la salle de réception.
Je me réveille tant bien que mal, me redresse dans mon lit et frotte mes paupières pour faire disparaître les dernières traces de fatigue. Je repousse ma couette sur le côté. Néra et Livia dorment à poing fermé dans leur lit malgré la lumière tamisée qui filtre à travers la fenêtre. Toujours en pyjama, je me glisse hors de mon lit, sur la pointe des pieds.
Avec précaution, j'ouvre la porte de ma chambre et m'aventure dans le couloir silencieux.
Je descends finalement les escaliers en priant pour qu'un petit déjeuner m'attende dans la salle de réception. Toujours pieds nus, je déambule dans le château. Je descends les grands escaliers et traverse l'entrée. Alors que je m'apprête à franchir le seuil de la salle de réception, je me fige. Au loin, près de la grande fenêtre qui donne sur les jardins, je distingue une silhouette familière.
Quand on parle du loup, je pense. Je m'approche rapidement, l'esprit encore rempli des découvertes de la nuit précédente.
- Aaron ! je l'interpelle. Il se retourne lentement, surpris. Lorsqu'il m'aperçoit, son visage n'exprime aucune réaction.
- Oui ? me demande-t-il.
Je prends une profonde inspiration, rassemblant mes pensées.
- Hier soir, j'ai trouvé quelque chose dans la bibliothèque,commençai-je, essayant de trouver les mots justes pour expliquer la situation. Un vieux grimoire caché, contenant des informations sur les nymphes, leurs pouvoirs, et une prophétie concernant une couronne perdue. J'explique à toute vitesse. Le regard d'Aaron s'anime d'intérêt et d'étonnement.
- Une couronne perdue ? répète-t-il en fronçant légèrement les sourcils. Je commence alors à lui expliquer comment j'ai trouvé le vieux grimoire, ce qu'il contenait et ce que nous avons compris avec Nera et Livia. Au fur et à mesure que je parle, les traits du visage d'Aaron se font de plus en plus inquiets. Lorsque je finis de parler, un silence plane, des milliers de choses semblent se bousculer dans la tête du chef d'escouade.
- Je peux voir le livre dont tu parles ? finit-il par me demander.
- Je l'ai laissé dans la chambre, avouais-je. Aaron semble réfléchir un instant, puis hoche la tête.
- Retournons le chercher, décide-t-il. Il est important que je voie ce grimoire de mes propres yeux.
Sans attendre ma réponse, il se dirige vers l'escalier, et je le suis rapidement. Nous montons les marches avec précaution, essayant de ne pas faire de bruit qui pourrait réveiller mes amies. Une fois arrivés devant ma chambre, j'ouvre la porte délicatement. Néra et Livia sont encore profondément endormis, je fait signe à Aaron de rester dans le couloir. Je me faufile discrètement pour ne pas les réveiller et récupère le grimoire où je l'avais laissé : sur ma table de chevet.
Toujours aussi discrètement, je retourne dans le couloir et referme délicatement la porte derrière moi. Face à moi, Aaron scrute l'ouvrage avec attention. Ses yeux parcourent la couverture usée du livre, puis, avant même que j'ai le temps de lui donner, il le prend entre ses mains, le feuilletant avec attention. Son expression devient de plus en plus sérieuse à mesure qu'il parcourt les pages jaunies. Je reste silencieuse, laissant Aaron assimiler les révélations du grimoire. Finalement, il referme le livre et me regarde droit dans les yeux.
- Il faut absolument qu'on en parle à Marcus, finit-il par dire après un long silence.
- Oui, je dis, quand on pourra rentrer.
- Ne t'en fais pas pour ça, le Grand Sage a réussi à m'obtenir un rendez-vous avec des guérisseurs, si tout se passe bien nous pourrons partir dès ce soir, affirme-t-il.
- C'est super ! je m'exclame. Pendant un instant, je crois déceler un brin d'amusement dans le regard d'Aaron, mais finalement, il coule à nouveau son regard sur la prophétie. De nouveau, un silence plâne.
- Mais avant, je pense qu'il est important de profiter du fait qu'on soit encore à Telos. m'explique-t-il. Cette prophétie a été faite par un oracle, je pense qu'il faut en rencontrer un...
- Il y en a à Telos ? je demande.
- D'après les rumeurs, c'est même un des derniers oracles, si c'est toi l'élue, c'est lui qui pourra te le dire.
- Tu sais où le trouver ? Je demande.
- Non, avoue Aaron, il faudra demander au Grand Sage.
- On a qu'à y aller maintenant, il n'y a pas de temps à perdre ! J'affirme avec aplomb. Aaron me dévisage avec surprise.
- d'accord... commence-t-il, il faut qu'on attende que les autres soient réveillés, puis nous demanderons au grand sage où se trouve l'oracle.
- je pense qu'il faut partir maintenant, je dis, mais cela ce n'est plus comme un ordre que comme une suggestion, je tente de me justifier. il y a peut-être plusieurs heures de marche avant d'y parvenir et puis ce n'est pas nécessaire que tous les autres viennent, il vaut mieux les laisser se reposer, ces derniers jours ont été durs.
Aaron semble réfléchir un instant à ma proposition, puis comme s'il se rendait compte que le bien-être de l'escouade lui était plus important, il finit par dire :
- Très bien, prépare-toi alors, je vais de ce pas me renseigner auprès du grand sage, on se retrouve dans la grande salle, dicte-t-il à la manière d'un général.
***
Je réajuste le masque de ma tenue de combat afin d'être sûre qu'aucune partie de mon visage n'est visible. Mon épée pend dans son fourreau accroché à ma ceinture et mon arc est solidement fixé dans mon dos. Je pousse un soupir, et tape nerveusement du pied en attendant Aaron. Je vérifie une dernière fois mon sac à dos : de l'eau, une boussole, une lampe torche et quelques biscuits volés dans la cuisine au cas où. Tout semble en ordre. Les secondes s'écoulent lentement alors que j'attends Aaron dans la grande salle.
Finalement, j'entends des pas résonner dans le couloir. Aaron apparaît, le visage grave mais déterminé. Il me lance un regard approbateur en voyant ma tenue de combat.
-Tout est prêt ? me demande-t-il, vérifiant rapidement son propre équipement.
- Oui, je réponds d'un ton assuré. Alors ? Que t'as dit le Grand sage ? je demande
- Il m'a donné les moindres détails de l'itinéraire à suivre et une carte, annonce-t-il vaguement
- D'accord, je réponds, prête à agir. Vers où doit-on aller ?
- Nous devons nous diriger vers l'est, explique-t-il en sortant une carte de sa poche qu'il déplie. L'oracle réside dans une région reculée, mais nous devrions pouvoir y arriver en quelques heures si nous partons rapidement.
Je jette un coup d'œil à la carte, mémorisant les détails de notre itinéraire. Tout semble clair.
- Bien, affirme-je, prête à partir. Nous devrions nous mettre en route sans plus tarder, j'ai laissé un mot dans la chambre des filles pour les prévenir, tout est prêt.
- Parfait, dit Aaron en hochant la tête. Nous n'avons pas de temps à perdre.
Nous nous engageons dans le couloir, nos pas résonnent sur les dalles de pierre. L'idée de rencontrer un oracle me remplit d'une excitation mêlée d'appréhension.
Nous atteignons rapidement l'entrée du château, où la lumière du soleil matinal baigne déjà les jardins. L'air est frais et emplit mes poumons. Devant nous s'étend le vaste paysage de Telos, avec ses collines verdoyantes et ses forêts luxuriantes.
Aaron consulte une dernière fois la carte pour s'assurer que nous prenons la bonne direction, puis nous nous mettons en marche vers l'est.
Le chemin s'étend devant nous, et mes pensées se bousculent dans ma tête. Je suis à la fois nerveuse et excitée à l'idée de voir l'oracle, mais une part de moi prie pour qu'il me dise que je ne suis pas l'élue. Le poids de cette responsabilité est écrasant, les gens attendent de moi quelque chose que je ne peux pas leur donner.
Nous marchons en silence, absorbés par nos pensées, seulement rythmés par le bruit de nos pas sur le sol. Après un long silence pesant, je décide de briser la glace, ne tenant plus d'être seule avec mes pensées.
- Quand est-ce que tu es arrivé au camp ? demandé-je à Aaron, espérant détourner mes pensées de l'oracle.
Il semble surpris par ma question, mais finit par répondre d'une voix calme :
- J'avais une dizaine d'années, et Livia était un an plus jeune. J'ai dû prendre soin d'elle après le décès de ses parents.
Son ton est distant, mais je sens une certaine tristesse dans ses mots.
- Je suis désolée, dis-je sincèrement à Aaron.
Il incline légèrement la tête en signe d'acceptation de mes excuses.
- À quoi ressemble le clan des Lampades ? demandé-je, piquée par une curiosité soudaine.
Aaron semble réfléchir un instant avant de répondre, comme s'il essayait de trouver les mots justes pour décrire leur habitat.
- Les Lampades vivent principalement sous terre. Seul le feu sacré est visible à la surface, mais il puise l'énergie des arbres qui l'entourent, les rendant stériles et morts. De l'extérieur, cela peut être intimidant, mais sous terre, ce n'est pas si mal. Me dit-il comme s'il m'exposait simplement une de ses technique de combat.
- Et à quoi ça ressemble sous terre ? je demande, intéressé.
- C'est très organisé là-bas. Il y a un endroit pour chaque chose. Nous avons notre village, que les anciens appellent l'aphostèle. Ensuite, il y a le lieu où nous produisons les rubis, ce que nous appelons le tartare. Et enfin, en haut d'une colline, se trouve le château de la reine des Lampades. Elle y réside parfois.
- C'est fascinant, je souffle. Ca n'a du être facile de devoir t'occuper de ta sœur à seulement 10 ans, je dis.
- En vérité, j'ai dû m'en occuper dès mes 7 ans. Avoue-t-il, il a beau faire comme si tout cela lui était indifférent, je perçois tout de même de l'émotion dans sa voix.
- Pourquoi ? je ne peux m'empêcher de demander, je pourrais me gifler pour avoir dit ça; quel manque de tact.
- Nos parents sont morts sous nos yeux, m'explique-t-il. Ils n'avaient pas prévu d'avoir deux enfants, et encore moins avec seulement un an d'écart. Ils étaient épuisés, et un jour ils n'ont pas réussi à fournir leur quotas. On allait les transformer en thyades, alors mon père a pris peur, il a voulu fuir, la dame d'honneur a demandé à une de ses thyades de le tuer. Ma mère a hurlé et s'est ruée sur la thyade qui s'est défendue comme elle a pu. Elle est morte aussi. Livia n'a pas vu l'horreur, je lui avais caché les yeux, mais il y avait du sang partout.
Aaron parvient à garder son expression neutre alors qu'il partage ce récit difficile avec moi, mais je sens que sa carapace se fissure. Il essaie de camoufler ses émotions derrière un masque d'indifférence, mais ses mots trahissent la profondeur de sa douleur.
Je suis frappée par la révélation de son passé. J'avais toujours cru qu'Aaron était sans cœur, un chef d'escouade strict et imperturbable, mais maintenant, je vois qu'il porte en lui des cicatrices profondes. Mon cœur se serre d'empathie pour lui, et je ressens un mélange de tristesse et de compassion.
-Je suis tellement désolée, dis-je, me sentant presque coupable d'avoir pensé qu'Aaron était insensible. Ça a dû être terrible pour toi et ta sœur.
Il hoche simplement la tête, son regard se perdant dans le lointain.
- Je préfère ne plus en discuter," déclare Aaron d'une voix calme mais résolue. "Revenons plutôt à notre mission. Son visage retrouve son impassibilité, dissimulant habilement les émotions qui venaient de se manifester. Une vague de déception m'envahit. Malgré la révélation de son passé douloureux, j'avais l'impression d'avoir réussi à briser les barrières entre nous. Mais maintenant, avec son retour à la froideur habituelle, je me sens repoussée, comme si j'avais été trop intrusive dans sa vie privée. Une pointe de frustration s'ajoute à ma déception. Il ne changera jamais.
Nous reprenons notre chemin, plongés dans un silence seulement interrompu par le son de nos pas résonnant sur les chemins de Telos.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top