Chapitre 19 : Centaure
-C'était quoi ça ? S'enquit Livia, les yeux écarquillés.
-Il faut confier cette pierre au grand sage, affirme Aaron d'un ton sec.
-Je ne vois pas ce que l'on peut faire d'autre, je confirme. Le chef d'escouade me jette un regard soupçonneux.
-Il pourra peut-être expliquer ce qu'il vient de se passer, confirme-t-il.
- Il faudrait déjà retourner au palais pour ça, fait remarquer Livia avant de se tourner vers Jason. Tu te sens capable de nous faire remonter jusqu'à la forêt avec tes pouvoirs ? lui demande-t-elle.
- Je n'en sais rien, pas tous en même temps c'est sûr... répond-il en se massant nerveusement la nuque, gêné de ne pas pouvoir aider.
-Non Livia, il vaut mieux ne pas prendre de risque, même si Aaron l'a soigné, il a perdu beaucoup de sang, il est encore faible ! s'interpose Néra. Surprise que sa meilleure amie s'indigne de cette façon, elle qui est habituellement si douce, Livia capitule.
- D'accord, dans ce cas nous ferons tout à pied, ça ne doit pas être si long, affirme-t-elle sans grande conviction.
Aaron prend la tête du groupe, et nous longeons la côte rocheuse dans l'espoir de trouver une embouchure vers la forêt.
Nous progressons prudemment, sautant de rocher en rocher sur le rivage accidenté. Les vagues s'écrasent contre les formations rocheuses alors que nous faisons de notre mieux pour ne pas tomber.
Aaron, toujours en tête, finit par repérer une portion où la forêt se rapproche de la plage. Un soulagement momentané s'empare de nous à la perspective d'une traversée plus aisée. Nous nous frayons un chemin à travers les premiers arbres, tandis que le sol humide et meuble absorbe le bruit de nos pas.
L'odeur d'humidité et de terre fraîche de la forêt m'envahit, contrastant avec la brise salée de la mer. Nous suivons Aaron qui semble savoir parfaitement où aller, sans doute grâce à ses pouvoirs alchimiques, nos esprits encore agités par les événements récents.
Alors que nous progressons plus profondément dans la forêt, je laisse mes pensées divaguer sur les évènements qui se sont passés en seulement quelques heures. Je fixe mes mains en repensant à la façon dont j'ai glacé l'eau pour blesser la sirène. Je ne comprends pas d'où ce pouvoir peut venir, je n'ai jamais entendu parler d'une hydriade capable de maîtriser la glace. Qu'est-ce que je suis ?
Un frisson me parcourt. Je dois me rendre à l'évidence, ce pouvoir me terrifie, je ne connais rien de lui et j'ignore pourquoi il m'a choisi.
Soudain, cette sensation de froid revient, comme un serpent glacé qui remonte lentement le long de ma colonne vertébrale. Mon instinct me crie de la laisser s'écouler, de la laisser prendre le dessus, mais je refuse de céder. Je me cramponne à ma propre chaleur intérieure, refoulant la glace en moi, au prix d'une migraine atroce.
Ma tête me lance, comme si des milliers d'aiguilles perçaient mon crâne. Mes paupières se resserrent en une grimace de douleur, mais je m'obstine à ne pas lâcher prise. Peu à peu, la sensation de froid régresse, reculant devant ma détermination.
Sous mes yeux, de nouveaux tatouages pouvoiristique se forment sur le bout de mes doigts, d'un bleu presque blanc et d'une forme complexe, presque géométique. Paniquée, je serre les poings pour que personne ne le remarque. Je me rends compte que les autres sont plus loin devant, je trottine légèrement pour les rattraper en essayant de ne plus penser à ce pouvoir.
Nous marchons pendant plusieurs minutes sans que le paysage ne semble changer. Puis, finalement nous apercevons enfin ce qui semble être une lisière de forêt. Nous nous rapprochons en apercevant la blancheur de l'endroit sur lequel elle donne. C'est étrange, il ne me semble pas avoir reconnu le chemin par lequel nous sommes passés à l'aller.
La lisière de la forêt s'efface peu à peu pour laisser place à un décor urbain qui n'a rien à voir avec le palais. Un quartier tout aussi blanc que le reste des bâtiment de cette île se dresse devant nous.
La lumière du soleil perce les arbres, créant des taches de chaleur sur les pavés de marbre qui s'étendent devant nous. Des enfants centaures, agiles et sauvages, galopent en toute liberté, leurs sabots résonnent sur le sol avec une rythmique hypnotique. Leurs rires insouciants se mêlent aux bruits de la nature, créant une symphonie unique.
Un peu plus loin, une sirène gracieuse se tient près d'une fontaine, ses longs cheveux bruns ondulant doucement au gré du vent. Elle tend ses bras vers une jeune muse, et semble lui insuffler de la créativité d'un simple geste.
- On doit traverser ce quartier pour pouvoir atteindre le palais, nous explique Aaron, c'est l'endroit le plus rapide par lequel on peut passer. Remettez correctement vos uniformes, nous intime-t-il avec un geste du menton.
Nous prenons quelques instants pour masquer nos véritables identités, nos tenues dissimulant nos origines nymphiques dans ce quartier animé de la ville. Je prends une grande inspiration, puis je suis les autres en faisant un pas sur le sol de marbre.
À mesure que nous avançons dans ce quartier, l'atmosphère se transforme. Les maisons arborent une architecture douce, aux lignes arrondies, presque organiques, semblant fusionner harmonieusement avec la nature environnante. Les yourtes des centaures, blanches et immaculées, sont agrémentées de pierres de différentes couleurs suspendues à l'extérieur, créant un contraste saisissant avec leur simplicité apparente. Les routes en marbre s'étendent soigneusement entre les arbres, comme si c'étaient eux les maîtres de la ville. Aucune de ces maisons n'est alignée avec les autres, c'est comme si elles avaient choisis de se mettre de façon aléatoire pour ne pas déranger les arbres.
Les habitants du quartier, cependant, réagissent avec une méfiance palpable à notre arrivée à la vue de nos tenues qui nous couvrent complètement. Une maman centaure, dont nous avons observé le petit jouer joyeusement, le cache derrière elle comme pour le protéger. Les volets de certaines maisons se ferment brusquement, isolant leurs occupants du monde extérieur. L'atmosphère, une fois chaleureuse et accueillante, se glace en un instant.
Je jette un coup d'œil aux autres, eux aussi semblent mal à l'aise, Jason se frotte la nuque et Néra triture ses doigts, mais ils continuent d'avancer.
Nous nous efforçons de paraître aussi neutres que possible, mais nos tenues de combat sèment la peur et le doute parmi les habitants. Les regards furtifs et les murmures inquiets nous suivent alors que nous poursuivons notre chemin dans cette étrange enclave urbaine.
J'essaye de me concentrer sur l'architecture de cet endroit pour tenter de les ignorer. Les bâtiments ressemblent à ceux qu'il y avait à Nymphéa, les batisses ressemblent davantage à des chaumières qu'à des maisons, mais elle sont peinte en blanc, sans aucune tâche ou trâce de veillissement.
Je regarde partout autour de moi au point de m'en faire mal à la nuque, émerveillée par ce quartier. Je relève la tête et reste bouche bée face à ce qui se dresse devant moi. En plein cœur du village, un immense arbre centenaire se dresse majestueusement. Il s'élève à une dizaine de mètres de hauteur, et pourtant, il ne possède aucune feuille, comme s'il était figé dans le temps depuis des décennies.
Mais ce qui attire immédiatement mon regard, c'est la couleur de l'arbre. Il n'est pas vert comme on pourrait s'y attendre, mais doré, d'un doré éclatant qui brille sous les rayons du soleil. Ses branches étendues, sans aucune feuillaison, semblent s'élever vers le ciel telles des bras d'or tendus vers l'infini.
- Wow, lâche Néra, je me tourne vers elle et voit qu'elle semble aussi subjuguée que moi.
- Qu'est ce que c'est que cet arbre à votre avis ? s'enquit Livia
- Allons voir de plus près, propose Jason
À mesure que nous nous en rapprochons, je peux discerner davantage de détails.
L'écorce de l'arbre est d'un doré resplendissant, mais elle n'est pas lisse. Au contraire, elle est parcourue de motifs complexes, presque comme des runes ou des symboles anciens. Chacun de ces motifs brille de sa propre lumière, créant un jeu de lumières et d'ombres qui confère à l'arbre une aura encore plus magique.
Les racines de l'arbre semblent s'étendre profondément dans le sol, et il repose sur un cercle de pierres étrangement disposées. Ces pierres sont incrustées de gemmes scintillantes, chacune émettant une lueur douce et apaisante.
- C'est incroyable, murmure Jason, les yeux fixés sur l'arbre doré.
- On dirait un arbre magique, ajoute Livia, visiblement émerveillée.
Aaron observe l'arbre avec un mélange de curiosité et de prudence, peut-être conscient que son expertise en alchimie pourrait être nécessaire pour comprendre ce phénomène.
- C'est l'arbre sacré de Telos, une voix enfantine nous fait sursauter. Surprise, je me retourne pour voir qui a parlé. Le jeune centaure qui jouait près de nous lorsque nous sommes sortis de la forêt a échappé à la vigilance de sa mère. Je lève les yeux et l'aperçois quelques mètres plus loin, la mine horrifiée et les bras tendus comme pour empêcher son fils de nous adresser la parole. Je reporte mon attention sur le jeune homme.
- L'arbre sacré de Telos ? Je lui demande, curieuse. Il me regarde avec de grands yeux, à la fois curieux et effrayé, puis voyant que je ne lui veut aucun mal, il semble se calmer.
- Oui, on dit que c'est de cet arbre que Telos tient sa magie, c'est lui qui alimente toutes les pierres de l'île, on dit aussi que c'est grâce à lui si les habitants sont aussi connectés à la nature, explique-t-il.
- Tu t'appelle comment ? Lui demande Néra d'une voix maternelle, en se penchant à sa hauteur.
- Orion, répond le jeune centaure. Il ne doit pas avoir plus de 12 ans.
- Eh bien Orion, tu dois te douter que nous venons de très loin, ces informations nous sont très utiles, merci beaucoup, le remercie Néra avec la même voix.
- C'est vous les invités du Grand Sage ? Nous demande Orion avec un regard emplein de curiosité. Nous échangeons un regard, ignorant si nous pouvons nous prononcer.
- Et elles ont vraiment des pouvoirs ces pierres ? Je ne peux m'empêcher de lui demander afin de détourner son attention. Orion fait les gros yeux, outré.
- Bien sûr qu'elles ont vraiment des pouvoirs ! s'indigne-t-il. Il y a la labradorite qui soulage les maux physiques, le cristal de roche qui a des propriétés purifiantes, le lapis-lazuli qui a un effet équilibrant sur le mental et l'esprit, commence-t-il à énumérer en comptant sur ses doigts.
- Et d'où viennent-elles? lui demande Jason. Vous avez des mines sur l'île ?
- Pas du tout ! C'est l'arbre sacré qui les produit, regardez ! nous dit-il en désignant les gemmes incrustées dans les racines. A chaque fois que nous retirons une des pierres lorsque nous en avons besoin, une nouvelle apparaît exactement au même endroit, nous explique Orion.
- C'est incroyable, murmure Néra, visiblement subjuguée.
- Orion ! Je me retourne pour apercevoir la mère de notre nouvel ami le presser de la rejoindre.
- Oh oh... Ma mère n'est pas contente, affirme le principal concerné en voyant l'air énervé de sa génitrice. Je dois vous laisser ! Si vous repasser en ville dites-le moi ! nous crie-t-il en galopant vers sa mère. Nous lui faisons un signe de la main en guise d'au revoir.
- Bon, maintenant il faut qu'on rejoigne le palais, il n'est plus très loin. Aaron nous ramène à la réalité avec sa douceur habituelle.
Comme à son habitude, il commence à prendre la tête du groupe en marchant d'une façon presque militaire. La façon qu'il a de donner des ordres m'exaspère au plus haut point, il a beau être le chef d'escouade, il n'est pas exempté de politesse. Je fixe Aaron avec un mélange de dédain et d'exaspération. Chacun de ses gestes, chaque mot qu'il prononce ne fait que renforcer mon aversion pour lui. Alors qu'il reprend le rôle de meneur avec son air habituellement imperturbable, cela me met encore plus en rogne. Je ne peux m'empêcher de penser à la manière dont il m'a crié dessus lors du combat avec la sirène. Je n'avais certe pas pour ordre d'intervenir, mais je ne suis pas certaine que sans mon intervention ils s'en soient aussi bien sortis.
Pourtant, je sais que, en tant que chef d'escouade, Aaron a un rôle à jouer et des responsabilités à assumer. Mais cela ne m'empêche pas de le détester un peu plus à chaque instant. Je marche derrière lui en serrant les poings, espérant que cette mission se termine rapidement pour que je puisse m'éloigner de lui.
A peine avons-nous contourné l'arbre sacré que nous apercevons déjà le palais. Il est toujours aussi éblouissant avec ses longs colombages d'un blanc immaculé, presque nacré et son immense dome qui s'élève vers le ciel. J'ai beau l'avoir déjà vu, il me coupe encore une fois le souffle.
Quelques minutes plus tard, nous arrivons devant les immenses portes en bois massif qui nous avaient accueillies à notre arrivée. Aaron s'apprête à frapper, mais à peine s'est-il approché que les portes s'ouvrent en trombe.
- Vous avez réussi ? Tout va bien ? Le Grand Sage nous accueille avec son sourire habituel, étonnement, après le combat éprouvant que nous venons de vivre, ce sourire me réchauffe le cœur.
- Oui, lui répond Aaron, mais il n'y avait pas qu'une sirène, nous avons pu en capturer quatres, l'informe-t-il. Le sourire du centaure se fane légèrement de surprise.
- Quatre ? Grand Dieu cela à dû vous prendre beaucoup de temps pour toutes les attraper ! Je suis vraiment navré, j'ignorais qu'il y en avait autant. Bien sûr je vous récompenserai plus grâcieusement encore ! Affirme-t-il avec gentillesse. Mais entrez, vous devez être épuisés ! Nous dit-il, Il semble s'apercevoir de l'état de nos uniformes et de notre fatigue car il s'écarte pour nous laisser entrer.
- Merci infiniment, le remercie Aaron. Nous pénétrons dans le palais, et directement, l'atmosphère qui y règne m'apaise. Peut-être que ces pierres ont réellement des effets. Je lâche un soupir de fatigue et me frotte un instant les yeux.
- Alors, racontez-moi ce qu'il s'est passé, nous intime le Grand Sage.
- Avant toute chose, commence Aaron, nous avons une question à vous poser. Le vieux ceinture hoche la tête pour l'encourager à poursuivre. Lorsque nous les combattait, les sirènes semblaient vouloir protéger quelque chose, et nous nous sommes rendu compte qu'il s'agissait d'une grotte.
- Hum hum... continuez, le prie le Grand Sage.
- Au fond de cette grotte, Livia et Jihanna ont trouvé ça, lui explique Aaron en sortant l'étrange pierre violette de sa poche. Le sourire du centaure disparaît et il fronce les sourcils, intrigué.
- Ca alors... commence-t-il. je n'ai jamais vu une telle pierre de ma vie, je peux ? demande-t-il à Aaron en tendant la main, ce dernier la lui remet en s'inclinant légèrement. A peine l'a-t-il posé dans la paume du Grand Sage que ce dernier ferme les yeux comme s'il tentait de communiquer avec la pierre. Comme lorsque je l'ai touchée, elle émet une lueur, mais bien plus faible que lorsque c'était moi qui la touchait.
- Vous savez de quelle pierre il s'agit ? lui demande Jason, en brisant le silence de concentration qui s'était instauré. Le Grand Sage rouvre les yeux d'un coup, surpris.
- Ca alors... répète-t-il en ignorant complètement mon ami.
- Qu'est-ce qu'il y a ? lui demande Aaron, complètement perdu.
- La pierre m'a parlé, commence le centaure, elle m'a dit que je devais vous la confier. Il ajoute cette dernière phrase d'une voix ferme, en se tournant vers moi. Mon cœur rate un battement. Qu'est-ce que c'est que cette pierre ?
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NDA :
(désoler pour le retard de ce chapitre, j'ai été un peu plus occupée que d'habitude)
Alors, à votre avis, à quoi sert cette pierre ?
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