Deux êtres se tenaient face à face dans l'obscurité. L'un est un homme, l'autre est une femme.

-Bienvenue à vous. Selon vous, pourquoi êtes-vous là ?

L'homme, atterré et déboussolé, s'effondre sur le sol noir.

-Pourquoi pleurez vous ?

-Où suis-je ? Je vous en supplie répondez moi, où suis-je par pitié ?!

-Là où les suppliques et la pitié ne vous seront d'aucune aide. A présent répondez moi.

-Non ! Et puis qui êtes vous ? Qu'est ce que vous faites ici vous aussi hein ? Pourquoi JE devrais vous répondre ? Et vous alors  ? Je ne sais même pas où je suis !

-Vous avez pris une décision. Et cette décision vous a amené ici. 

Le vent soufflait. Le naufragé resta muet.

-Répondez moi. Pourquoi êtes vous là.

L'homme expulsa un long râle de douleur et de désespoir. Il se redressa  en tailleur, haletant.

-Je..je suis désolé.

-Ce n'est rien.

L'homme se releva, faisait les cent pas, tandis que la femme, impassible, le regardait.

-Est-ce là ma récompense ? Ou ma sentence, pour avoir voulu vivre au rythme de mes propres passions, en ignorant les contraintes et les diktats imposés ? Ais-je été trop fou, inconscient ou naïf ?

La femme restait de marbre.

-Je..je voulais juste être..moi. Profiter indéfiniment de ce que la vie pouvait m'offrir. Me délecter à chaque instant de ces moments de bonheur. Je voulais courir le plus loin et le plus longtemps possible, et admirer chacune des perles de ce monde. Je cherchais à brûler du feu ardent de l'Amour, et sentir la douce flamme de l'être aimé. Ou bien rêver. Rêver devant un ciel illuminé d'astres lointains et majestueux. J'étais en quête de ça. Je voulais être-

-Heureux.

Un silence glacial plana.

-Vous..vous avez conn-

-Continuez.

- Je voulais l'être, oui. Mais j'étais le seul. La Vie elle même a tourné le dos à ma volonté, et sur moi s'est abattu le poids de la souffrance et de l'injustice. Je me suis laissé plonger dans la noirceur éclatante de la lumière pour n'y rencontrer qu'un mur obscur. Mes parents, ma famille, n'avaient que pour seul désir de me façonner à leur image, ignorant alors tout de ma propre personnalité..TOUT !

Une violente quinte de toux s'empara de l'homme. La femme scrutait le ciel grisâtre et brumeux.

-..Ils m'ont imposés une vision des choses qui n'était pas la mienne. Au total opposé. Ils m'ont brisé. Je n'était plus rien d'autre qu'un corps vidé de toute personnalité propre, dont la fleur de l'âme avait été sauvagement arrachée. Et cela leur suffisait, du temps que j'incarnais leur souhait de l'enfant rêvé. Je les aimais. Mais ils me faisaient mal.

-Vous avez enduré. En voulez vous à la Vie ?

-Oui j'en veux à la Vie. D'un calme flot de murmures paisibles à un torrent rouge de complaintes stridentes. Voici mon histoire. On m'a infligé la vie et je n'ai fait que souffrir !! Je n'ai fait que renier tout ce en quoi je croyais ! À mes valeurs ! À quoi bon continuer je vous le demande !

La femme réorienta ses yeux vers l'homme.

-À présent vous savez ce que vous avez fait.

Le lieu s'effaçait progressivement sous l'obscurité.

-Je..non..je n'ai quand même pas pu..

-Par l'ouverture d'une fenêtre, vous avez cédé à l'appel des cieux.

L'homme ne sut dire un mot. Un silence pesant régnait.

-Vous êtes dans les limbes.