Deux
Désemparé par la nouvelle, le pauvre malheureux fixait la femme, impuissant.
-..Alors c'est ça, mourir. J'osais espérer tout au fond de moi que je ne l'avais pas fait. J'osais espérer que cela n'était qu'un mauvais rêve, une mauvaise passe, que..que je reviendrais et..que la vie reprendrait.
La femme soupira.
-Le déni.
-Vous voyez, lorsque l'on rêve, il y a des fois où l'on a comme l'impression de..tomber dans le vide. Et puis finalement, on se réveille en sursaut. Je me tuais à croire que c'était cela. Je..il m'était impossible d'admettre que j'étais mort !
L'homme fondit une nouvelle fois en sanglots.
-N'ayez crainte, et cessez de larmoyer vous-
- Cessez de larmoyer..bien sur que oui je larmoie ! je chiale ! J'ai peur ! J'ai délaissé le peu d'amis que me soutenaient..et qui par dessus tout m'aimaient pour ce que j'étais. Mais je n'étais plus qu'un fardeau, sûrement. Je dérangeais, j'affirmais tous les jours mon mal être...Je déviais. Comme un point noir dans une société où le sourire était la norme, même factice.
La femme leva subitement sa main en face du malheureux.
-Cessez maintenant.
La main toujours levée, elle laissa planer un long silence. Elle reprit ensuite.
-Ne voyez-vous pas ?
Elle balaya le paysage ténébreux d'un mouvement de bras, comme pour montrer ce qui se passait autour d'eux.
-Tout devient si sombre..il fait noir..il fait noir partout, et il fait si froid tout d'un coup. Que se passe t-il ?
-C'est la fin de Tout. De l'existence, du monde tel que vous le connaissez. Regardez à quelle vitesse tout disparaît, regardez à quel point tout laisse place au néant.
Un vent glacial se leva. L'homme , en se frottant frénétiquement les épaules, grelottait.
-La fin..
La jeune candide fixa le vide un moment, semblant réfléchir encore.
-..Cette femme de votre entourage..elle vous aimait. Vous le saviez ? Cette personne que vous pensiez être une amie, pleure désormais votre mort comme jamais elle ne l'aurait fait.
L'homme eut un moment de recul, comme surpris par cette nouvelle annonce.
-..Comment ?
-Ce froid. C'est elle, sa peine, sa tristesse. Vivant, vous ne voyiez rien de tout cela. Maintenant que vous n'êtes plus, elle pleure, et son chagrin, son amour, transcende les mondes. Et également les Limbes.
L'homme cacha son visage entre ses mains, et s'agenouilla une nouvelle fois au sol. Il resta dans cette position quelques secondes. Enragé, il releva la tête face à la femme.
-Arrêtez. Je ne veux plus rien savoir, je m'en veux déjà assez vous ne savez pas à quel point ! En quoi croyez vous que cela m'aide ? J'ai trop souffert ! Je ne fais que pleurer !
-Mais je-
-Ne suis-je pas ici pour mourir ? Ou pour me lamenter indéfiniment ?
-Elle vous aime et..
-Je m'en fous ! C'est terminé ! je ne veux plus de toute cette douleur ! Je me suis donné la mort et je veux l'être ! Je ne veux plus rien savoir !
Les yeux de la femme devinrent luisants. Elle déglutit.
-Alors vous acceptez votre sort maintenant.
-Oui je l'accepte.
Elle s'approcha de lui, et toucha son bras pâle.
-Pourtant vous grelottez toujours.
Il y eut un instant de silence. L'obscurité était désormais complète. Un mince halo de lumière persistait tout autour du corps de la femme.
-De toute manière je ne pouvais plus vivre, et je ne pourrais pas. C'est égoïste je l'admets mais..j'ai fait ce choix là. C'est ainsi, où que son cœur aille. Et où que le mien aille aussi.
-Soit. Rapprochez vous de moi à présent.
L'homme acquiesça nerveusement de la tête avant de se rapprocher.
-Il fait si froid..lui ai-je fait autant de mal ?..Elle souffre autant ?
-Laissez, à présent.
L'Ange l'étreignit tendrement. L'homme, après quelques secondes de silence et d'hésitation, enroula ses bras autour d'elle, et ferma les yeux.
-C'est..chaud.
La jeune femme restait silencieuse.
-Êtes vous un ange ?
Le silence persistait.
-Gardez votre calme. Cessez de grelotter, c'est bientôt fini.
-Je..je n'ai jamais cru en Dieu..vous pensez que-
-Non. Je ne ne le pense pas. Quoi qu'il se passe ne vous reprochez rien.
Elle inspira une fois.
-..Pas même votre mort.
La femme renforça son étreinte, tandis que l'homme commençait à disparaître, en s'illuminant dans l'obscurité.
-..Oh..
-Restez calme. Je disparaîtrai après vous.
-Je n'aurais jamais su qui vous êtes..
-Vous n'avez pas besoin de le savoir.
L'homme, entièrement illuminé, quittait peu à peu l'étreinte de son partenaire, et s'envolait.
-Vous êtes un ange. Désolé pour tout . Adieu !
Il s'abandonnait lentement aux cieux et, dans un sourire reconnaissant, disparut sous ses yeux. La tête toujours levée vers le ciel, l'Ange regardait les derniers éclats de lumière s'estomper dans les ténèbres. À la lueur de ces éclats, quelques larmes scintillaient sur ses joues.
-Adieu, Léo.
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